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Hommage à Elisabeth de Buffieres, Succieu, le Samedi 22 août 2015 Discours prononcé par Patrick BARRUEL-BRUSSIN, Président du Comité Bataillon Rémy HOMMAGE A ELISABETH DE BUFFIERES SUCCIEU, LE SAMEDI …Plus
Hommage à Elisabeth de Buffieres, Succieu, le Samedi 22 août 2015

Discours prononcé par Patrick BARRUEL-BRUSSIN, Président du Comité Bataillon Rémy

HOMMAGE A ELISABETH DE BUFFIERES

SUCCIEU, LE SAMEDI 22 AOUT 2015


Madame,

Il y a 71 ans jour pour jour, vous accédiez au rang du martyre, victime innocente de la folie meurtrière qui animait une meute sauvage dont le cœur n’avait rien d’humain et rempli d’une haine sans raison ni motivation, mais née de l’ignorance, de la bêtise, d’une rage presque ancestrale, aux relents nauséabonds, nous ramenant quelques 150 ans en arrière, quelque part dans le sang des victimes des massacres de Nantes ou de la tuerie de Cholet.

Dans une vision prémonitoire, vous écriviez, le matin même de ce 22 Aout 1944, dans votre livre de prières : « Aimer, c’est donner jusqu’au sacrifice ».

Cet amour flamboyant et donné, c’est d’abord celui éprouvé pour votre époux Jacques, que vous aviez supplié, quelques jours avant le drame, de quitter le Château de Milliassière puisque recherché par la gestapo. C’est aussi, et surtout, l’amour lumineux voué à ce divin auquel vous offrîtes votre vie, rejoignant la cohorte immortelle et sacrée des saints et des martyrs de la Foi.

Vous avez été, Madame, la victime innocente et sacrifiée de cette période trouble et terrible où les valeurs sacrées de la Résistance française ont été souillées par des lâches et des petits, qui profitèrent de la confusion d’une libération douloureuse de la barbarie nazie, pour laisser libre cours à leurs instincts les plus vils, illustrant avec horreur ce propos du Colonel Rémy : « ce sont des bandits de droit commun qui, sur les arrières d’un ennemi qu’ils n’avaient jamais contribué à mettre en fuite, ont fait tout ce qu’il fallait pour le déshonorer, en le souillant de leurs crimes, le beau visage de la vraie Résistance ».

La famille de Buffières, à travers votre assassinat, comme avec ceux de Philibert de Buffières, votre beau-frère, son épouse Marcelle et leur enfant de 8 ans, Michel, le 16 Aout 1944 au château de Dolomieu d’abord et dans les bois du châtelard, à Montagnieu, ensuite, a été la cible toute désignée de ces exactions qui faillirent mener notre pays à la guerre civile, dans un contexte quasi d’anarchie où l’on confondit l’épuration avec d’obscurs règlements de compte qui firent entre 8000 et 10 000 victimes.

Pourtant, Madame, comment a-t-on pu, l’ombre d’un instant, voir en vous l’objet d’une quelconque vengeance ou l’exutoire d’une quelconque folie meurtrière ? Vous, Elisabeth, dont la vie fut un exemple d’amour, de charité évangélique, de compassion, de générosité.

Vous, Madame, dont la plus belle des vertus fut l’humilité et la plus grande des noblesses, celle du cœur !

Aujourd’hui, autour de votre demeure d’éternité, quelques unes et quelques uns se rappellent, avec émotion et un infini respect, de la bonne dame de Succieu qui leur faisait le catéchisme, les portait sur les fonds baptismaux, leur offrant le saint parrainage de la vraie foi et le visage doux et lumineux d’une femme de cœur et d’humilité.

D’autres nous contaient, il y a peu, vos déplacements quotidiens, dans la froideur d’un hiver de guerre, sur la route menant à Grenoble où, vous distribuiez à ceux que l’exode avaient jeté sur les routes menant vers un hypothétique sud salvateur, la soupe du réconfort et le pain du partage.

Le seul souvenir, Madame, que vous avez laissé dans tous les cœurs des gens de Succieu et des villages d’alentour , est celui de la bonté, de la simplicité et de ce sourire rayonnant que vous offriez, en permanence, à ceux qui n’avaient rien ou si peu…

Peu vous importait qui pensait quoi et votre générosité s’adressait à tous, sans distinction de classe ou de religion, précédant en actes ce que le poète Aragon écrivit : « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas, l’alouette et l’hirondelle, la rose et le réséda. »

Votre vie de femme eut ses deuils et ses désespoirs et vous avez su, avec pudeur et une grandeur d’âme peu commune, accepter l’absence des joies maternelles, joies que vous avez, alors, données, avec un bonheur indescriptible, à Claude, à Marie, à Elisabeth, à Christian, à ceux, qui dans votre cœur, étaient, quelque part, vos enfants…

Au hasard d’une photo, nous avons pu comprendre ce sourire d’amour offert à la petite Claude, illustrant ce vers d’Hugo : « Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies ».

Votre sourire, plus de 70 ans après votre départ, reste le symbole de ce qu’a été votre vie, celle d’une femme de cœur, de foi et de bonté, que nul drame n’altéra, tant votre certitude d’un monde meilleur habitait votre âme et rayonnait tout autour de vous, comme le halo de cette sainteté que votre martyre appelle et justifie.

Aujourd’hui, avec la simplicité des mots, mais le cœur rempli de reconnaissance, nous voulons vous dire, gommant nos différences idéologiques et philosophiques, et mariant nos sentiments dans un même élan d’affectueuse admiration, à quel point vous êtes l’exemple de ce que l’être humain a de meilleur en lui.

Vous nous avez montré le chemin, difficile mais rédempteur, du parcours d’une vie sans faille, sans faiblesse, sans mensonge ni tromperie.

Madame, vous accordâtes à vos bourreaux le pardon du martyre , ultime geste de foi qui vous élève au stade de la Grâce et de la sainteté.

Permettez-moi de déposer à vos pieds ce vers de Verlaine : « Votre âme est un paysage choisi ».

Madame, acceptez nos hommages les plus respectueux et émus.

Patrick Barruel-Brussin
Catholique et Français
Mon Dieu, faites que je garde bien présents à l'esprit de tels exemples de beauté morale et d'héroïsme si je vis un jour des évènements semblables (et au vu de ce qui monte...) ! La "Libération" et l'"Epuration", ce fut aussi cela, ne l'oublions pas ! Un moyen facile de liquider, ni vu ni connu, ses adversaires politiques accusés de tout et de faire place nette pour un monde nouveau ! Ces horreurs …Plus
Mon Dieu, faites que je garde bien présents à l'esprit de tels exemples de beauté morale et d'héroïsme si je vis un jour des évènements semblables (et au vu de ce qui monte...) ! La "Libération" et l'"Epuration", ce fut aussi cela, ne l'oublions pas ! Un moyen facile de liquider, ni vu ni connu, ses adversaires politiques accusés de tout et de faire place nette pour un monde nouveau ! Ces horreurs furent également très fréquentes dans d'autres régions, particulièrement dans le Périgord et le Limousin. A Paris, le R.P. Panici osa élever la voix contre les crimes de l’"épuration"; lors de son sermon de Carême à Notre-Dame, le 25 mars 1945, il prononça ces paroles : «Hélas ! Que de disciples les Allemands ont-ils trouvé ! Nous attendions avec ferveur notre Libération des Allemands, et quelle joie l’accompagna. Hélas ! Notre joie d’être délivrés des Allemands fut vite en partie gâchée par l’évidence que nous restions loin d’être affranchis en entier des procédés et des cruautés à l’allemande… Quel horrible avenir appellent sur nous ces sadiques, ces hommes de sang et de mort, ces tigres à face humaine : des années d’assassinats légaux ou privés, de tortures et de haine; un régime d’abattoir. Oui, un avenir effroyable, oui, un régime d’abattoir, car, ici encore, les témoignages abondent, la contagion existe; le mal se propage, des gens deviennent sanguinaires.» (Le Christ et la Révolution, Spes, tiré à part du 25 mars 1945, p. 9). François de Menthon, le Garde des Sceaux, pourtant jugé trop mou par les Socialistes et les Communistes, fit savoir au Cardinal Suhard que le R. P. Panici "coucherait le soir même sur la paille d’un cachot de Fresnes". Le Cardinal défendit le prédicateur : «Cette mesure sera plus préjudiciable au Ministre qu’au prédicateur. J’ai entendu le discours dont on prétend lui faire crime. Ce qu’il affirme est malheureusement exact.»