Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -34-

La refonte de l’Académie Pontificale pour la Vie

De 1978 au règne de Benoît XVI, les personnes engagées dans la défense de l’éthique catholique traditionnelle se sont habituées à considérer le Vatican comme un rempart de soutien à leur cause, en particulier dans la lutte contre l’avortement. La combinaison de Jean-Paul II, le « pape pro-vie », et du Cardinal Ratzinger qui le soutient dans la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a donné au Vatican le dernier mot sur une foule de questions morales d’importance critique en politique. Cette autorité morale a été respectée même par les conservateurs non catholiques qui ont suivi l’exemple du Vatican sur des questions complexes comme les nouvelles technologies de reproduction, le clonage et la recherche sur les cellules souches. Bien que la CDF ait joué un rôle crucial dans le développement de la position pro-vie, l’un des principaux organes de la pensée catholique sur ces questions a été l’organisme créé en 1994, l’Académie Pontificale pour la Vie, consacrée à l’étude « des principaux problèmes de la bio-médecine et du droit, relatifs à la promotion et à la défense de la vie, surtout dans le rapport direct qu’ils ont avec la morale chrétienne et les directives du Magistère de l’Église ».

Fondée par Jean-Paul II et le célèbre médecin et généticien pro-vie Jérôme Lejeune (137), l’Académie Pontificale pour la Vie (PAV) compte parmi les plus grands cerveaux catholiques d’Europe, parmi lesquels les philosophes Michel Schooyans et Joseph Seifert et le bioéthicien Elio Sgreccia. Tous les membres n’étaient pas aussi connus, mais tous les membres à vie devaient prêter le « serment des Serviteurs de la Vie », ce qui les obligeait à soutenir l’enseignement catholique sur le caractère sacré de la vie humaine à toutes ses étapes.

Même avant la démission du Pape Benoît XVI, des fissures commencèrent à apparaître dans l’Académie. Les signes d’un changement ont commencé en 2008 avec la nomination comme président de l’Archevêque Rino Fisichella, un fonctionnaire du Vatican à la carrière en pleine ascension avec un attachement moins que complet à l’enseignement catholique sur les questions de la vie. En 2009, Fisichella a critiqué un évêque brésilien pour avoir publiquement confirmé l’excommunication de médecins qui avaient fait avorter des jumeaux portés par une enfant de neuf ans victime de viol. Selon le droit ecclésiastique, l’avortement fait partie des « graviora delicta », délits si graves qu’ils entraînent automatiquement l’excommunication, sans qu’une déclaration officielle soit nécessaire. Fisichella écrivit cependant que les médecins avaient été justifiés parce que, selon lui, ils avaient agi pour sauver la vie de la jeune fille.

Mgr Cardoso Sobrinho, évêque de Recife, a précisé plus tard (138) que l’enfant et sa famille avaient été sous la garde de médecins qui étaient prêts à sauver la vie des jumeaux par césarienne sans faire de mal à la fillette, mais qu’il avait été contraint, après l’enlèvement de cette dernière, d’émettre un avertissement public sur les conséquences canoniques de l’avortement. L’incident fut une affaire célèbre au Brésil et l’évêque avait mené une bataille acharnée contre la presse séculière et les militants pour l’avortement. L’article de Fisichella a donc été pris comme un signe que le Vatican était partie prenante dans l’affaire contre l’évêque du lieu et la doctrine, et comme Fisichella a récidivé en attaquant ses détracteurs, cette impression a été renforcée.

L’article a provoqué un tumulte immédiat dans la presse laïque, qui l’a salué comme un signal que l’Église catholique allait bientôt modifier son intransigeance. Mais les membres de l’Académie Pontificale pour la Vie devaient décider de ce qu’il fallait faire au sujet d’un président qui tolérait publiquement l’avortement. Cinq membres ont répondu publiquement contre l’article, mais, comme c’est souvent le cas au Vatican moderne, la carrière de Fisichella a été dynamisée par le scandale (139). Après deux ans d’une bataille de mots entre les membres pro-vie et Fisichella, il a été démis de ses fonctions en 2010, mais il a été placé dans sa position actuelle de chef du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Évangélisation – un poste qui, sous François, est difficile de ne pas voir comme une récompense, impliquant une grande visibilité publique et une association étroite avec le Pape.

Au cours des années qui ont suivi, l’Académie a continué à susciter des inquiétudes pour les défenseurs pro-vie sur une variété de sujets, y compris son approbation de l’éducation sexuelle explicite pour les enfants, développée par le Conseil Pontifical pour la Famille et publiée lors des Journées Mondiales de la Jeunesse en Pologne. En 2012, Joseph Seifert écrivit une lettre ouverte au remplaçant de Fisichella, Mgr Ignacio Carrasco de Paula, avertissant que l’Académie risquait de trahir son but fondateur après que la 18ème Assemblée Générale de l’organisation eut semblé approuver la fécondation in vitro, un processus condamné par les documents de la CDF Donum Vitae (1987) et Dignitas Personae (2008).

La doyenne américaine des activistes pro-vie, Judie Brown de l’American Life League, était une autre des membres correspondants initiaux de l’Académie qui s’était opposée à l’approbation de l’avortement par Fisichella. Elle a commenté en février 2017 que le Pape François a « déconstruit » l’Académie avec ses nouveaux statuts et nominations, disant que c’est « l’un des événements les plus déchirants que j’ai vus de mon vivant. Mais étant donné la politique du Vatican, ce n’est pas surprenant. »

« Était-ce [l’affaire de Recife] le début de la fin ? Plusieurs événements ultérieurs, y compris par le président actuel de l’Académie, l’Archevêque Vincenzo Paglia, en faveur de la conception du Vatican sur l’éducation sexuelle, ne sont pas de bon augure pour l’Académie et son avenir », a déclaré Brown.

---
(137) Jérôme Lejeune, (décédé en 1994) était un généticien et pédiatre catholique fervent et membre de l’Académie Pontificale des Sciences qui a découvert l’origine génétique du syndrome de Down et d’autres troubles génétiques. Il a passé le reste de sa carrière à faire campagne contre l’utilisation de ces connaissances pour cibler ces bébés en vue de l’avortement. Sa cause de canonisation a été formellement ouverte.

(138) L’éclaircissement de Mgr Cardoso Sobrinho est paru dans une lettre que L’Osservatore Romano, contrôlé par les amis de Fisichella à la Secrétairerie d’État, refusa d’imprimer.

(139) La question n’a finalement été résolue qu’après qu’un dossier complet sur les faits ait été envoyé directement au Pape Benoît XVI. Le Cardinal Levada, chef de la CDF, a publié une déclaration officielle dans laquelle il réitère l’enseignement catholique sur tous ses points concernant le caractère sacré de la vie humaine.


(traduit de l'anglais : The Dictator Pope (Marcantonio Colonna) )

>>> Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -33-
>>> Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -35-

* * * * * * * * * * * * *
Album ACTU
GChevalier partage ceci
16
ACTU.
ActualitéPlus
ACTU.

Actualité
AJPM et 1 autre utilisateur citent cette publication