Lettre de Mgr Zola, évêque d'Urgente, puis de Lecce

 à propos du Secret de Mélanie

Il importe de couper court à toute équivoque et (…) de l'autorité des princes de l'Eglise qui ont joué un grand rôle dans la publication du Secret de Mélanie.

 Voici ce que Mgr Zola, évêque d'Urgente, puis de Lecce, écrivait en 1880, à M. Amédée Nicolas, avocat à Marseille, et chargé plus tard, par Léon XIII même, de donner une explication du Secret :

SAUVEUR-LOUIS, Evêque de Lecce.

Le 5 janvier 1880.

«C'est en 1873 que M. l'abbé Bliard publia à Naples le Secret de la Salette suivi d'une série de lettres sur le même sujet. Cette brochure parut, en ce temps-là, avec la permission et l'imprimatur de la curie de son Eminence le Cardinal Xiste Riario Sforza, Archevêque de Naples, dont la sainteté et la sagesse sont bien connues, même en France.

«Ledit Secret, en 1851, fut présenté, dans son original, au Souverain-Pontife Pie IX, de sainte mémoire, et à plusieurs Evêques et Cardinaux ; et, dernièrement, il a été soumis à une très respectable et digne personne de grande autorité (et qu'il n'est pas bien à propos de vous nommer ici) et, selon ce que je sais très bien, il n'a été pas du tout blâmé ni censuré. Après tout cela, je n'aurais refusé que bien à tort ma licence de l'imprimer à l'éditeur qui me demandait de publier le même Secret en 1879. L'éditeur était dans son droit; et moi-même, c'est-à-dire ma curie épiscopale, en cette occasion, n'avait qu'à se conformer aux règles et aux prescriptions données par l'Eglise ; en fait, par la Constitution de Pie IV, Dominici gregis, l'évêque ne doit s'opposer qu'à la publication des livres suspects ou entachés d'hérésie, nuisibles aux mœurs ou à la piété. Or, vous ne pourriez rencontrer ni reprocher rien de cela dans l'écrit de Mélanie. Vous vous persuaderez plutôt qu'il est destiné et qu'il est en mesure de faire du bien, d'ébranler les cœurs endurcis, de ramener les méchants sur la bonne voie, et de raffermir la foi dans les âmes tièdes, et chancelantes, au bruit des terribles châtiments dont un Dieu vengeur menace notre Société prévaricatrice.

«En ferait-on, peut-être, une question de prudence et d'opportunité ? Mais cette question, qui avait bien sa raison d'être posée lorsqu'il s'agissait de publier pour la première fois le Secret, n'a pas lieu d'exister, tandis que le même Secret est déjà, depuis longtemps, dans le domaine public, sans que ni le Saint-Siège, ni les Evêques ne l'aient nullement réprouvé ni incriminé. Et l'on aurait cru faire vraiment un hors-d'œuvre que de s'adresser au Souverain-Pontife, avant que ma curie eût délivré sa licence d'imprimer, tandis que ce livre, en faisant sa première entrée dans le public, y parut plusieurs années avant, avec l'approbation de la curie d'un des princes de l'Eglise, le Cardinal Riario Sforza.

«A l'appui de ces raisons, qui auraient suffi toutes seules pour justifier la démarche de ma curie épiscopale, il me plaît d'ajouter quelques observations qui me sont personnelles: Je connais bien de près la pieuse bergère de la Saiette, qui fut confiée à mes soins spirituels dès 1868, quand j'étais l'abbé des Chanoines réguliers de Latran, à Sainte-Marie-de-Pie-di-Grotta, à Naples. Depuis cette époque, j'eus l'occasion de parler et de traiter de Mélanie et de son Secret avec des Prélats et des Cardinaux qui, dans l'Eglise, étaient en grande vénération par leurs vertus et leur prudence dans le gouvernement du troupeau, autant que par leur sagesse dans le discernement des esprits. Eh bien! Je puis vous assurer, sur ma conscience, que le jugement de pasteurs aussi respectables n'a été toujours que très favorable à la bonne bergère. J'omets les noms de plusieurs et vous cite seulement quelques noms qui seront votre connaissance, savoir : le Cardinal Xiste Riario Sforza, Archevêque de Naples, le Cardinal Guidi, Mgr François-Xavier Petagna, Evêque de Castellamare di Stabia, Mgr Mariano Ricciardi, Archevêque de Sorrente. Le témoignage si grave de ces illustres Prélats m'a confirmé toujours dans mes sentiments d'estime envers Mélanie, dont j'admirais les vertus autant que son jugement sûr et réfléchi, qu'on ne rencontre que bien rarement dans les femmes.

«En outre, ayant entre les mains le manuscrit du Secret depuis bien de temps, je suis témoin de l'accomplissement des prédictions qu'il renferme ; et je puis l'attester maintenant devant Dieu. Donc, je suis convaincu de l'authenticité de la révélation par les vertus de l'heureuse bergère, par le sentiment concordant de plusieurs Evêques, et surtout par l'accomplissement des prédictions. Etant ainsi persuadé, j'aurais dû lutter contre ma conscience pour m'opposer à la publication du Secret. Pendant que la Très-Sainte-Vierge manifestait à Mélanie sa volonté et déclarait qu'elle pouvait le publier en 1858, je ne pouvais dire : «Je vous défends de le publier !»

«Je ne puis terminer cette lettre sans vous dire encore un mot au sujet de la vertueuse Mélanie, cette âme privilégiée qu'en France l'on méprise et que l'on accuse d'invention, d'extravagance et de folie. Ces Messieurs, qui ont coutume de tout juger et de blâmer tout à la légère, ne connaissent peut-être que bien peu ce qui la regarde. Or, ainsi qu'elle fut honorée sur la montagne par la Mère de Dieu, elle a été aussi honorée par le Vicaire de Jésus-Christ, Léon XIII qui, bien loin de la mépriser ou de la condamner, voulut l'écouter personnellement l'année dernière et lui accorda une audience privée. A cette occasion, elle demeura à Rome pendant cinq mois dans le couvent des Salésianes (la Visitation), et c'est en ce temps-là qu'elle a été mieux connue et plus estimée, surtout par ces bonnes religieuses qui l'environnaient et qui ont été bien édifiées par ses vertus et par sa sagesse. J'en ai reçu des attestations bien sûres de personnes de grande autorité, pendant que j'étais à Rome, en septembre dernier...

«Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération très distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre très humble serviteur.