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Le pape François dramatise les tensions dans l’Eglise catholique en évoquant l’hypothèse d’un « schisme »

Dans l’avion qui le ramenait de son voyage en Afrique, le chef de l’Eglise catholique a répondu vertement aux cercles conservateurs qui le critiquent.

Par  (Rome, envoyée spéciale)

Publié le 10 septembre 2019 à 21h01, modifié le 11 septembre 2019 à 09h35

Temps de Lecture 5 min.

Le pape François lors du voyage de retour après son passage dans trois pays africains de l’océan Indien, mardi 10 septembre.

Le pape François contre-attaque, et contre-attaque fort. Lors de la conférence de presse qu’il a tenue dans l’avion qui le ramenait de son voyage dans trois pays africains de l’océan Indien, mardi 10 septembre, le chef de l’Eglise catholique a répondu vertement aux cercles conservateurs qui le critiquent de manière de plus en plus bruyante, au point, pour certains, de mettre en cause sa légitimité pontificale. « Je n’ai pas peur », leur a-t-il opposé.

Durant le vol aller, le 4 septembre, il avait lancé : « C’est un honneur que les Américains m’attaquent », à propos du livre de Nicolas Senèze, Comment l’Amérique veut changer de pape (Bayard), qui décrit les efforts de cénacles catholiques conservateurs américains pour « changer de pape », notamment en raison de désaccords sur son discours économique et ses critiques contre la mondialisation.

Interrogé mardi sur cette confrontation, il a évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’un « schisme » (la question lui avait été posée à propos de l’Eglise américaine). Il a accusé ses adversaires d’introduire de « l’idéologie » dans la doctrine de l’Eglise. « Et quand la doctrine ruisselle d’idéologie, il y a la possibilité d’un schisme », a-t-il affirmé.

Il a pris pour exemple ceux qui l’accusent d’être « trop communiste » et a expliqué qu’il suivait simplement les traces et les enseignements de ses prédécesseurs, à la suite du concile Vatican II (concile qui, de 1962 à 1965, a actualisé la place et le discours de l’Eglise dans la société contemporaine). « Par exemple, les choses sociales que je dis, c’est la même chose que ce qu’avait dit Jean-Paul II. La même chose ! Je le copie ! » La référence ne manque pas de malice, Jean-Paul II étant une référence absolue pour les courants conservateurs.

« Je n’ai pas peur des schismes »

Le pape François s’est attardé sur l’histoire des schismes, nombreux dans l’histoire du christianisme et du catholicisme. De ce survol, il a tiré une conclusion : « Les schismatiques, systématiquement, se coupent du peuple, de la foi du peuple. » Selon lui, « le chemin du schisme n’est pas chrétien ». Mais, a-t-il répété sans se lasser : « Moi, je n’ai pas peur des schismes. » Cependant, il dit « prier pour qu’il n’y en ait pas », par sollicitude pour la santé spirituelle de ceux qui seraient tentés d’en provoquer un. « Je prie pour qu’il n’y ait pas de schisme, mais je n’ai pas peur », a-t-il résumé.

Cette offensive du pape est d’autant plus remarquable qu’il a pour règle, justement, de ne pas répondre aux attaques. Cette stratégie avait connu une application spectaculaire en août 2018. L’archevêque Carlo Maria Vigano, ancien nonce aux Etats-Unis, venait de publier une lettre ouverte accusant François d’avoir protégé le cardinal américain Theodore McCarrick, contre qui existent des accusations de violences sexuelles (qu’il nie). Ce prélat a été défroqué depuis. Mgr Vigano allait jusqu’à demander la démission du pontife argentin. Cet épisode est décrit dans le livre du journaliste Nicolas Senèze comme une « tentative de putsch ».

Or, dans l’avion qui le ramenait d’Irlande, deux jours plus tard, le pape avait répondu aux journalistes qu’il ne dirait « pas un mot » de cette charge portée contre lui. Il leur avait juste recommandé de faire leur travail d’enquête pour se faire une opinion sur la véracité des accusations de l’ancien nonce. Peu après, il avait ordonné une investigation au Vatican sur ces mêmes accusations. On ne sait ni si elle est achevée ni quelles en sont les conclusions.

Un automne qui s’annonce chargé et mouvementé

Parler aujourd’hui, aussi longuement et avec autant d’insistance, de l’hypothèse d’un schisme a, pour le pontife jésuite, une triple fonction. D’abord, cela dramatise les attaques portées contre lui, tant le concept de schisme est teinté de connotations négatives et graves, et cela réaffirme sa volonté de maintenir son cap en dépit des pressions.

En second lieu, cela place ses adversaires dans une position de dissidents, de minoritaires, en délicatesse avec l’institution et sa doxa. Or ceux-ci n’ont de cesse d’accuser le pape d’avoir lui-même introduit la rupture dans la doctrine de l’Eglise, de l’avoir subvertie par le sommet et d’imposer des conceptions hétérodoxes – certains vont jusqu’à employer le mot hérétique.

Enfin, peut-être est-ce aussi un acte d’autorité à l’orée d’un automne qui promet d’être chargé et mouvementé au Vatican. En octobre, un synode des évêques sur l’Amazonie devrait aborder la question de l’ordination d’hommes mariés pour palier le manque de prêtres et améliorer la prise en charge pastorale de cette immense région. A une date encore inconnue, devrait en outre être enfin publiée la nouvelle Constitution vaticane, qui pourrait impulser d’autres changements substantiels dans le fonctionnement de l’Eglise et qui a déjà suscité des remous à l’intérieur de la curie romaine.

Des critiques « d’un peu partout, y compris de la curie »

Le pape a d’ailleurs expliqué, mardi, que les critiques à son encontre « ne viennent pas seulement des Américains » mais « d’un peu partout, y compris de la curie » romaine. Il a assuré qu’il était disposé à entendre toute critique « loyale » faite ouvertement. « Quelques fois, cela me fâche », a-t-il concédé, mais « je tire toujours un avantage des critiques, toujours ».

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En revanche, il a montré son aversion pour les critiques faites « sous la table », par « ceux qui te font des sourires et après te poignardent dans le dos ». Il y voit la signature de « petits groupes fermés qui ne veulent pas entendre la réponse à la critique » et qui « lancent la pierre en se cachant la main ». « Faire une critique sans vouloir entendre la réponse ni vouloir dialoguer, a-t-il insisté, ce n’est pas vouloir du bien à l’Eglise et c’est suivre une idée fixe, non ? Comme changer de pape, changer de style, faire un schisme. »

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Pour faire bonne mesure, François s’en est pris au contenu des critiques qui lui sont faites par ces cercles conservateurs. Il leur a reproché d’avoir une « idéologie ascétique » consistant à donner « le primat d’une morale ascétique sur la morale du peuple de Dieu ». Comme souvent, il les a qualifiés de « rigides ». « Aujourd’hui, a-t-il ajouté, nous avons tellement d’écoles de rigidité dans l’Eglise, qui ne sont pas des schismes mais qui sont des chemins chrétiens de type schismatique. Et, à la fin, ils finiront mal. »

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