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Hommage à Daniel Cordier, soldat «amoureux d’une France sans chaînes»

Hommage national rendu à Daniel Cordier par le Président de la République, Emmanuel Macron, jeudi, aux Invalides. Jean-Christophe Marmara/JC MARMARA / LE FIGARO

Six jours après son décès à l’âge de 100 ans, la mémoire du résistant a été saluée aux Invalides.

Soixante-dix-sept ans après son «patron», Jean Moulin, Daniel Cordier a rejoint ses frères dans l’ordre de la Nuit. Dans la Cour d’honneur des Invalides, la nation lui a rendu jeudi l’hommage dû à un soldat, dont le cercueil fut porté, sous les yeux du dernier Compagnon de la Libération survivant, Hubert Germain, par des élèves officiers de Saint-Cyr Coëtquidan. Et le symbole était important pour le dernier adieu à un homme qui regrettait de ne pas avoir combattu et qui, en 2009, affirmait dans ses Mémoires: «Si c’était à refaire, je ne le referais pas. Je m’étais engagé pour “tuer du Boche”. Hélas, je n’en ai tué aucun. Je n’ai pas fait la vraie guerre.»

C’est pourtant bien à un combattant, soldat de l’ombre au rôle important et longtemps méconnu, que le chef de l’État a rendu hommage jeudi. En s’inclinant d’abord devant le drapeau du 44e régiment d’infanterie. L’unité à laquelle sont rattachés les personnels militaires affectés à la DGSE, héritière des traditions du service de renseignement et d’actions clandestines de la France libre au sein duquel a servi Daniel Cordier de 1941 à 1946.

Un «historien magistral»

Dans un discours sobre mais aux accents très personnels, Emmanuel Macron, visiblement ému, a d’abord tenu à évoquer «la lumineuse légèreté» du défunt, son «élégante pudeur quand les honneurs lui étaient rendus». «À nous voir ici réunis, Daniel Cordier aurait sans doute souri, il nous aurait regardés avec ce sourire d’éternel enfant, aurait prononcé quelques mots dans un souffle et aurait pris congé sans doute en riant, simplement.» Pourtant, rappelle le président de la République, cet homme, «à 20 ans, en 1940, fit partie des résistants de la première heure, de ceux qui restèrent debout quand tout s’effondrait, prêts à tous les sacrifices pour que la France restât la France». Alors «nationaliste antirépublicain», Cordier préfère «mourir pour la France que de risquer une vie sans elle». À Londres, au contact «de certains, comme Raymond Aron ou Stéphane Hessel, (ses) convictions changent, l’homme se transforme».

«À 100 ans, en cette année 2020, précise Emmanuel Macron sous le regard du centenaire Germain en béret vert, flanqué d’un “cyrard” et d’un légionnaire,(Cordier) fit partie de ce dernier carré de la Garde, soldats des forces françaises libres, agents de la République des catacombes». Parachuté en France en 1942 et devenu le «bras droit de Rex» pendant près d’un an, Cordier «crée autour de Jean Moulin un véritable état-major clandestin, assure les liaisons radio entre Lyon et Londres, rédige les télégrammes, les encrypte et les décrypte, distribue l’argent aux différents mouvements de résistance». Dans un univers de «suspicion permanente de tout et de tous», «où la trahison et la délation rôdent», une «guerre à huis clos dans des appartements à rideaux tirés, guerre que l’on vit seul et dans le secret».

Sous un soleil de novembre, les mots du chef de l’État ont aussi rappelé que Daniel Cordier fut, après le soldat de l’ombre, un soldat du souvenir, un «historien magistral», une «mémoire vivante», l’auteur d’un «Tombeau de la Résistance». Par son travail sans concession sur celle-ci, dans toute sa diversité politique et sociale, loin du pathos, des belles formules et d’un romantisme de pacotille. Il convient d’ailleurs, en ces temps de louanges œcuméniques, de rappeler la férocité des débats auxquels il prit part et les accusations et calomnies auxquelles il fit face et qui ressurgiront peut-être demain. Soldat de la mémoire, Cordier le fut enfin également par son engagement au sein de l’Ordre de la Libération et jeudi, l’on se souvenait d’une autre cérémonie de novembre dans cette même Cour des Invalides. Il y a huit ans presque jour pour jour, dans un froid glacial et avec ses camarades survivants, il avait passé ce jour-là le flambeau de la mémoire aux communes Compagnon de la Libération (Vassieux-en-Vercors, Sein, Nantes, Grenoble et Paris).

On pensait aussi à Moulin

Enfin, si l’heure n’était pas à la politique, Emmanuel Macron a salué un homme «amoureux d’une France sans chaînes» et lui a lancé: «Cher Daniel, cette flamme que vous avez allumée avec vos compagnons, ne s’éteindra pas, j’y veillerai et elle continuera à en inspirer bien d’autres.» À l’heure de l’adieu aux armes, l’on se souvenait que Daniel Cordier a pris position publiquement une seule et unique fois. Le 30 avril 2017, une semaine avant le second tour de l’élection présidentielle, il n’avait pas mâché ses mots: «Quand j’imagine Marine Le Pen représenter la France, je trouve cela monstrueux. (Elle) représente la négation de tout ce pour quoi nous nous sommes battus. C’est la France de la réaction, c’est la France de Maurras qui continue.»

Au-delà de la mort, ce message, celui d’un vieil homme rappelant à un vieux pays de guerres civiles que ses blessures sont toujours à vif, résonnait encore jeudi à l’ombre du dôme des Invalides. Comme une ultime preuve de fidélité à son «patron», préfet de la République. Car l’on pensait aussi à Moulin, encore et toujours, en regardant le cercueil de Cordier, drapé dans un drapeau tricolore et salué jeudi par la sonnerie aux morts, la Marseillaise et le Chant des partisans. Moulin dont le général de Gaulle écrivait dans ses Mémoires de guerre: «Affreusement torturé par un ennemi sans honneur, (il) mourait pour la France comme tant de bons soldats qui, sous le soleil ou dans l’ombre, sacrifièrent un long soir vide pour mieux “remplir leur matin”.»

Hommage à Daniel Cordier, soldat «amoureux d’une France sans chaînes»

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21 commentaires
  • VENDEE22

    le

    Article digne de Libe ou l'humanité. Le pen en héritière de Mauras ? Pathétique si ce n'était ridicules. Et déclaration qui n'a rien a voir avec le sujet de l'article... ah si la résistance, vichy, le pen en épigones du maréchal. Ca a eu marché, messieurs les propagandiste mais ca ne marche plus.

  • Yoda

    le

    Macron est devenu le grand maître des cérémonies. Il court de l'un à l'autre avec sa reine mère. L'homme est vraiment à plaindre.

  • Ulrik Von Lichtenstein

    le

    Un bien bel hommage : seul contre tous, mais avec l’aide de Dieu, il a écouté les voies intérieures de la Résistance. Il se battait pour les petites gens, les exclus et les opprimés et a fini par vaincre ce qui a été probablement la plus ignoble figure politique du 20ème siècle, dont le nom finit par "er", vous l’aurez deviné : Maggie Thatcher. Gloire à toi Diego d’avoir puni l’Angleterre comme il se devait après la barbarie des Malouines, les martyres catholiques nord-irlandais ou la répression contre les grévistes de Liverpool, tu resteras à jamais comme le plus grand, et à défaut de pouvoir être fier de supporter leur équipe nationale, les patriotes de France admirent le Napoli et l’Argentine des années 80.

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