Les expériences de mort imminente (EMI)

Dans cet article, on considère d’un point de vue chrétien, la question de l’Expérience de Mort Imminente (EMI), encore appelée en anglais Near-Death Experience (NDE).

Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur leur définition, selon Greyson les EMI sont des événements psychologiques profonds, avec des éléments mystiques et transcendantaux, apparaissant typiquement chez les individus proches de la mort ou dans des situations de danger psychologique ou émotionnel.[1]

Dans la plupart des cas, il semblerait que l’esprit de la personne sujette à une EMI, quitte momentanément son corps. Dans cet état hors du corps, l’esprit serait à même d’évoluer dans le monde spirituel.

Il semble que l’on puisse trouver de tels témoignages d’EMI tout au long de l’histoire. Un récit de Platon (428 – 348 av. J.-C.), Le mythe d’Er, est souvent cité comme étant la plus ancienne description d’une EMI attribuée à un auteur clairement identifié.[2] Ces expériences paraissent d’ailleurs d’autant plus universelles que l’on peut retrouver des récits similaires à différentes époques.

Par contre, comme on le verra au travers d’exemples, les témoignages d’EMI présentent parfois des différences importantes, jusqu’à être contradictoires en ce qui concerne le message qu’elles portent. D’autre part, on peut remarquer que beaucoup de rapports d’EMI s’opposent sur des points théologiques aux interprétations classiques de la Bible. D’un point de vue chrétien, pour le moins, un tel constat peut paraître troublant à première vue, d’où l’intérêt de cette étude qui essayera d’y apporter une réponse.

On tentera premièrement d’approcher les EMI d’un point de vue de l’eschatologie biblique. On proposera ensuite une explication du phénomène des EMI qui se trouvent en désaccord avec la Bible. A la lumière de ces considérations, on continuera par une mise en vis à vis du message de différents types d’EMI paraissant critiquables. Lorsque jugé nécessaire, on montrera en quoi ces visions sont en opposition avec une interprétation de la Bible qui sera prise comme référence. Enfin on conclura sur les précautions à prendre vis à vis des témoignages d’EMI.

Une approche des EMI d’un point de vue chrétien

La spécificité principale de l’EMI par rapport aux visions plus classiques réside essentiellement dans la situation particulière de la personne au moment ou se produit son expérience. Bien que l’imminence de la mort ne soit plus considérée aujourd’hui comme l’événement déclencheur exclusif d’une EMI, une réelle proximité de la mort, cependant, reste déterminante pour qu’advienne une NDE caractérisée.[3] De ce fait, on considère dans cette étude les EMI comme des expériences spirituelles de type vision ou extase ayant la spécificité plus ou moins marquée de l’imminence de la mort.

Pour commencer, il paraît donc nécessaire de faire un court rappel de ce que serait une perspective chrétienne de l’après-vie.

Les écrits de la Bible donnent à comprendre, dans le cadre d’une interprétation futuriste, que Dieu a prévu un jour de jugement définitif sur tous les hommes. Les versets ci-dessous décrivent un jugement aux conséquences éternelles, qui se fera en présence de tous les hommes, alors que la terre et le ciel auront disparu, ce qui indique que ce jugement reste encore à venir :

Je vis alors un grand trône blanc et celui qui y était assis. La terre et le ciel s’enfuirent loin de lui, et l’on ne trouva plus de place pour eux. Je vis les morts, les grands et les petits, debout devant le trône. Des livres furent ouverts. Un autre livre fut aussi ouvert: le livre de vie. Les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d’après ce qui était écrit dans ces livres. La mer rendit les morts qu’elle contenait, la mort et le séjour des morts rendirent aussi leurs morts, et chacun fut jugé selon ses oeuvres. Puis la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. L’étang de feu, c’est la seconde mort. Tous ceux qui ne furent pas trouvés inscrits dans le livre de vie furent jetés dans l’étang de feu. (Apocalypse 20:11-15)[4]

Dans le cadre de ce jugement seulement deux issues sont possibles : d’une part la félicité éternelle, d’autre part, la perdition éternelle. Ce sera l’occasion où les œuvres de tous les hommes seront révélées et évaluées :

[Les païens] montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leur coeur, car leur conscience en rend témoignage et leurs pensées les accusent ou les défendent tour à tour. C’est ce qui paraîtra le jour où, selon mon Evangile, Dieu jugera par Jésus-Christ le comportement secret des hommes. (Romains 2:15-16)[5]

D’un autre coté, la Bible indique que certaines personnes après la mort, vont directement au «paradis» (cf. le malfaiteur en Luc 23:43), ou dans le «sein d’Abraham» (cf. Lazare en Luc 16:23), qui sont des lieux spirituels présumés agréables. On apprend d’autre part que certaines personnes mortes sont dites être tourmentées dans le «séjour des morts» (cf. le riche en Luc 16:23). Il faut noter que dans les passages de Luc 16:23 et Apocalypse 20:13-14, c’est le même mot Grec «Hadès» qui est employé. Celui-ci est parfois traduit par «séjour des morts» ou «enfer».

D’après ce que l’on a vu, ces situations qui suivent la mort ne peuvent être comprises que comme étant temporaires. Néanmoins, bien qu’étant temporaires, elles résultent manifestement d’une certaine forme de jugement.

Il ne peut s’agir là du jugement de Dieu sur les œuvres des hommes ainsi que de leur rétribution dont il est dit plus haut qu’il arrivera à un moment donné futur. Il s’agit ici plutôt d’une mise à part de ceux qui appartiennent à Dieu au moment de leur mort. Cette appartenance peut être vue comme équivalente au fait que leurs noms soient inscrits dans le «livre de vie», ce qui est présenté comme étant la condition pour éviter la perdition éternelle lors du jugement dernier.

Ainsi, si cette interprétation de la Bible est correcte, on ne devrait s’attendre qu’à deux situations directement après la mort : soit on est inscrit dans le «livre de vie» et l’on va temporairement dans un lieu agréable que l’on peut appeler «paradis», soit on ne l’est pas et on va en dehors de ce lieu. De plus, d’après la Bible, il semblerait qu’il soit impossible après la mort d’entrer dans le lieu réservé à ceux inscrits dans le «livre de vie» :

Dans le séjour des morts, en proie à une grande souffrance il [l’homme riche] leva les yeux et vit de loin Abraham, avec Lazare à ses côtés. Il s’écria: ‘Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau afin de me rafraîchir la langue, car je souffre cruellement dans cette flamme.’ Abraham répondit: ‘Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a connu les maux pendant la sienne; maintenant, ici il est consolé, et toi, tu souffres. De plus, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de chez vous vers nous, ne puissent pas le faire.’ (Luc 16:23-26)[6]

Plusieurs visions d’origines diverses mentionnent une évaluation divine explicite qui semblerait intervenir systématiquement à la fin de la vie. Toutefois compte tenu de ce que nous venons de dire, une telle évaluation ne peut être confondue avec le jugement définitif de Dieu sur l’homme qui reste à venir. Ainsi, d’un point de vue biblique, on ne peut considérer cette évaluation que dans le sens d’un avertissement ou d’un enseignement à l’attention des témoins directs et indirects. On peut d’ailleurs trouver dans la Bible différents exemples de visions ayant cet objectif pédagogique (cf. Ézéchiel 8 à 11, Zacharie 3, Apocalypse 1 à 3). Il est donc bibliquement acceptable qu’une vision soit donnée dans un tel but.

Par contre dans l’autre cas, on peut se poser des questions. Jésus n’a aucunement besoin d’évaluer explicitement la vie d’une personne au moment de sa mort, puisqu’il sait pertinemment qui lui appartient ou non. En effet, c’est lui qui écrit ou efface (Apocalypse 22:19) le nom des hommes du « livre de vie » :

Le vainqueur sera habillé de vêtements blancs; je [Jésus-Christ] n’effacerai pas son nom du livre de vie, et je le reconnaîtrai devant mon Père et devant ses anges. (Apocalypse 3:5)[7]

Proposition d’explication des EMI non-bibliques

On va maintenant, émettre une hypothèse sur l’origine d’une EMI lorsque celle-ci n’est pas en accord avec les écritures.

On peut remarquer premièrement que la Bible assimile la sagesse humaine à la sagesse démoniaque et l’oppose à celle qui vient «d’en haut», c’est à dire à celle de Dieu (cf. Jacques 3:15). Ainsi donc, la Bible semble établir une certaine démarcation entre le niveau spirituel supérieur habité par Dieu et ses serviteurs et un niveau inférieur dédié aux hommes et aux démons.

La Bible parle en particulier du troisième ciel (2Corinthiens 12:2;4). Elle permet de comprendre que le troisième ciel est celui où se trouve le trône de Dieu ainsi que ses serviteurs (voir Apocalypse 4), et vraisemblablement aussi le paradis promis aux hommes (cf. Luc 23:43).

D’un autre coté, la Bible affirme que les lieux célestes sont aussi occupés par les esprits apostats, les démons. De ces lieux, ils peuvent exercer une influence diabolique sur la terre et ses occupants :

En effet, ce n’est pas contre des ennemis de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les puissances, contre les autorités, contre les souverains de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. (Éphésiens 6:12)[8]

Ce qu’il est important de savoir de l’activité des démons, c’est qu’ils tentent continuellement d’exercer leur influence sur l’ensemble des hommes (2Timothée 2:26). Par dessus tout, ce travail de manipulation s’opère sans que les hommes, pour la plupart en soient conscient (Actes 26:18). Or, c’est là le but de ces esprits que de diriger la destinée de l’homme tout en restant cachés, et leur ambition est bien de le rester :

Quant à vous, vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés, que vous pratiquiez autrefois selon la façon de vivre de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui est actuellement à l’oeuvre parmi les hommes rebelles. (Éphésiens 2:1-2)[9]

Si donc un esprit d’homme s’aventurait sur le territoire des démons, dans le monde spirituel, il n’y aurait alors pas plus de raisons pour que les démons veuillent bien se montrer ou du moins se présenter tels qu’ils sont. Dans une telle situation, ils en profiteraient pour tromper cet homme plus encore ! En effet, les démons, n’ont certainement pas intérêt à ce que le commun des mortels puisse se faire une idée objective de ce qui arrive à l’esprit lorsque celui-ci quitte son corps, que ce soit d’ailleurs dans le cas de l’imminence de la mort ou non.

Dans le domaine de l’occultisme, de nombreux ex-sorciers ayant collaboré avec les démons ont parlé du contrôle que ceux-ci exercent sur ceux qui pénètrent dans le monde spirituel. C’est le cas de Samuel Vagalas Kanco, qui fut un puissant sorcier pendant 12 ans avant sa conversion à Jésus-Christ. Celui-ci affirme que le simple fait de sortir en esprit de son corps volontairement (Les voyages astraux), implique l’intervention des démons :

Evidement, toute personne qui pratique les voyages astraux est sérieusement possédée. Un esprit démoniaque occupe le corps pour garder le corps humain en vie tout au long de cette pratique occulte. […] Ne vous y trompez pas : Ce monde spirituel est le monde surnaturel des démons. Etant dans cette dimension, l’esprit de la personne peut être complètement trompé par les hordes démoniaques. Etant sous le contrôle hypnotique des démons, des expériences trompeuses sont communiquées [par exemple] à des enfants qui se sentiront réellement bénis et très gratifiés. Néanmoins toute l’expérience aura eu lieu dans le royaume surnaturel démoniaque.[10]

On comprend d’après ce témoignage que les démons agissent temporairement sur le corps pour permettre le retour de l’esprit après une expérience hors du corps. Ils peuvent donc anticiper et contrôler le déroulement de cette expérience. Si d’après ce témoignage les démons interviennent lors d’une expérience hors du corps volontaire (due par exemple à une méditation ou des invocations), on pourrait se douter qu’ils aient le pouvoir de le faire dans des circonstances involontaires comme cela peut être le cas dans une situation de mort imminente. Ceci ne serait pas étonnant dans la mesure où la Bible affirme qu’ils sont à l’affut constant de la moindre occasion de faire du mal aux hommes. (cf. 1Pierre 5:8).

D’autre part, les démons sont des êtres spirituels bien supérieurs, capables de subjuguer la perception spirituelle des hommes. En effet la Bible, indique qu’ils peuvent parfaitement se présenter tels qu’ils ne sont pas, c’est à dire comme des êtres de lumière, de paix et d’amour :

Ces hommes-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs déguisés en apôtres de Christ. Et ce n’est pas étonnant, puisque Satan lui-même se déguise en ange de lumière. (2Corinthiens 11:13-14)[11]

D’après ce qui précède, les démons sont en mesure d’inspirer des pensées et des sentiments afin de séduire les hommes dans le monde spirituel. Mais on comprend aussi qu’ils peuvent à leur gré, générer toutes sortes de choses dans le monde spirituel. Ils pourraient donc y planter des décors réalistes, contrefaire divers personnages et amener les gens à des convictions extrêmement intenses. Ainsi, compte tenu de toutes les possibilités que l’on vient d’énumérer, les démons sont en mesure de générer entièrement le cadre d’une EMI, telle que définie.

Par leurs similarités, beaucoup de récits d’EMI de différentes époques s’accréditent les uns les autres. De ce fait on est moins amené à soupçonner une contrefaçon des EMI à priori.

Mais il ne faut pas oublier que d’après la Bible, les démons sont plus vieux que l’humanité. Il est donc possible pour eux de reproduire à travers les âges et au fil des générations certains évènements donnés dans les circonstances particulières de l’imminence de la mort. Tout cela dans le but de faire penser aux hommes que l’expérience spirituelle résultante serait quelque peu universelle.

Ce qui semble susciter un intérêt particulier pour ces visions spéciales que sont les EMI, est l’association de deux éléments : tout d’abord des ressemblances entre certains rapports d’expérience et ensuite les conditions particulières de l’imminence de la mort. En effet, on peut être facilement tenté de penser que certains rapports d’EMI feraient état du processus de la mort réelle qui aurait été simplement interrompu.

Les démons pourraient ainsi profiter d’une EMI pour faire passer un enseignement mensonger par le biais d’une vision. Cet enseignement pourra être d’ailleurs une accréditation de poids à des doctrines existantes. En fait, la réalité est telle que les EMI supportent des doctrines qui s’opposent l’une l’autre, comme on le verra plus loin.

On va maintenant passer en revue le contenu de certaines EMI qui ne paraissent pas correspondre à la pensée biblique. On se limitera ici à 3 types d’EMI : celles de type «nouvel-âge», celles mêlant christianisme et nouvel-âge et enfin celles de type chrétien.

L’objectif de cette mise en vis-à-vis est de montrer que le message de ces différents types d’EMI se contredit alors que l’on pourrait s’attendre à ce qu’il soit le plus identique possible. D’autre part, il s’agit aussi de montrer que quel que soit le type d’EMI considéré, on peut y trouver la plupart du temps des éléments qui ne sont pas en phase avec une interprétation biblique classique.

Les EMI de type nouvel-âge

De nombreux rapports d’EMI véhiculent les idées du mouvement du nouvel-âge. Le nouvel-âge est un courant spirituel syncrétique, qui s’est développé dans la seconde moitié du XXe siècle. Il emprunte plusieurs concepts notamment à la théosophie, pour la plupart issus eux-mêmes de l’hindouisme ou du bouddhisme. On va passer ici en revue certains éléments typiques de rapports d’EMI supportant les idées du nouvel-âge. On se référera essentiellement pour cela à une EMI relatée par Mellen-Thomas Benedict datant de 1982, mort pour plus d’une heure, à la suite d’une longue agonie due à un cancer en phase terminale.

Le rapport de vision de cet homme enseigne que Dieu est une force ou une intelligence impersonnelle et que tout l’univers est Dieu et participe à sa divinité. Ceci est en fait une forme de panthéisme :

La lumière est quelque chose de vivant. Tout est fait de lumière, même les pierres. Donc, tout est vivant. Tout est fait de la Lumière de Dieu ; tout est très intelligent.[12]

Le récit enseigne que l’accomplissement véritable de l’humanité se trouve dans un état de réalisation de soi. C’est à dire qu’il faut réaliser que les hommes sont Dieu. Il s’agit là d’un enseignement de l’hindouisme :

Ainsi, la Lumière me montrait la matrice du Moi Supérieur. Il m’est apparu très clairement que tous les Mois Supérieurs sont connectés en un seul être, tous les humains sont connectés en un seul être, nous sommes en fait un seul et même être, différents aspects du même être. Ce n’est pas lié à une religion spécifique.[13]

J’étais dans le Vide et j’avais conscience de chaque chose ayant jamais été créée. C’était comme si je regardais avec les yeux de Dieu. J’étais devenu Dieu. Soudain, je n’étais plus moi. […] Les hommes sont tellement occupés à essayer de devenir Dieu alors qu’ils devraient se rendre compte qu’ils sont déjà Dieu et que Dieu devient eux. C’est de cela qu’il s’agit réellement.[14]

Le rapport d’EMI nie de toute évidence l’état de péché de l’homme décrit par la Bible, ainsi que celui du moyen de salut institué par Dieu en Jésus. (cf. Romains 3:23-24) Dans ces conditions, le salut n’a aucun sens, seul l’épanouissement compte. Il s’agit d’un épanouissement spécifique, par le moyen de l’apprentissage de connaissances et de l’amour de l’autre :

La réponse a été qu’aucune âme n’est intrinsèquement mauvaise. Les choses terribles qui sont arrivées aux hommes peuvent leur faire faire des choses mauvaises, mais leur âme n’est pas mauvaise. La Lumière m’a dit que ce que tous les hommes recherchent, ce qui les soutient, c’est l’amour. Ce qui fausse l’homme, c’est le manque d’amour.[15]

La théorie de l’évolutionnisme a été élaborée au XIXe siècle par Charles Darwin. D’après sa théorie, les diverses formes de vie se sont créées et transformées de façon naturelle. Depuis, on en est venu à penser que l’univers lui-même aurait pu se construire seul à partir d’un «Big Bang». C’est ce genre d’idées qui sont sous-entendues dans le rapport d’expérience :

J’étais dans la pré-création, avant le Big Bang. […] Quand je dis que je pouvais voir ou percevoir éternellement, cela signifie que je pouvais faire l’expérience de toute la création se générant elle-même. C’était sans commencement ni fin.[16]

L’EMI étudiée enseigne que toutes les religions contiennent des vérités communes qui transcendent toutes les différences. Ceci est un des principes de la théosophie qui enseigne que la sagesse divine est omniprésente dans l’univers et dans l’homme; elle s’apparente d’ailleurs en cela au panthéisme :

Ma requête a donc été acceptée et j’ai pu converser avec la Lumière. Elle ne cessait de prendre différentes formes telles que : Jésus, Bouddha, Krishna, des mandalas, des images archétypales et des symboles.[17]

J’ai demandé à Dieu : « Quelle est la meilleure religion sur la planète ? Laquelle a raison ? » et la Divinité a répondu avec un grand amour : « Cela ne m’intéresse pas. ». […] La Divinité Ultime de toutes les étoiles nous dit : « La religion que vous pratiquez n’importe pas. » Elles vont et elles viennent, elles changent. Le Bouddhisme n’a pas toujours existé, le Catholicisme n’a pas toujours existé et toutes vont être plus éclairées. Plus de lumière arrive actuellement dans tous les systèmes.[18]

La réincarnation est elle aussi une doctrine enseignée dans le rapport d’EMI. Dans l’hindouisme celle-ci consiste pour l’homme en un cycle d’incarnations incessant duquel il n’échappe que par l’accès à un état de non-existence. C’est ce que l’on comprend des propos suivants :

La Lumière m’a expliqué que la mort n’existe pas ; nous sommes des êtres immortels. Nous avons déjà été vivant depuis toujours ! Je me suis rendu compte que nous faisons partie d’un système vivant naturel qui se recycle sans fin. On ne m’a jamais dit que je devais revenir [dans le monde spirituel]. Je savais tout simplement que ce serait le cas.[19]

Voici un deuxième exemple d’EMI, où l’on montre à la personne la vue panoramique de ses soi-disant vies antérieures :

Elle eut alors une vision panoramique de vies antérieures, mais pas de cette vie-ci. Elle constata combien certaines de ses morts avaient causé de peines à ses familles et accepta alors de revenir pour ne pas les infliger de nouveau à présent. Elle renonça à résister, fit tout le chemin inverse aspirée par l’arrière et revint brusquement dans son corps, par la tête. (Patricia)[20]

En ce qui concerne la réincarnation, diverses vues existent dans le nouvel-âge. Parfois, l’idée est que la personne peut choisir librement les modalités de sa réincarnation. Les propos ci-dessous provenant d’une troisième EMI, sous-entendent manifestement le choix antérieur de la personne de s’incarner :

Ensuite, je me souviens de m’être retrouvée en présence de l’être de lumière rencontré en premier; celui-ci me disait que je devais retourner. J’ai répondu : « C’est hors de question, je ne le ferai pas! » […] On me dit que mon heure n’était pas venue, qu’on m’avait permis une petite visite chez moi, mais que je devais réaliser mon but sur terre et accomplir la tâche que j’avais choisie. L’être de lumière me rappela que mon but était de développer l’amour et la compassion et de les exprimer sur terre, et que mon travail consistait à aider les autres de toutes les façons possibles. J’avais choisi cela de moi-même. (Lisa M.)[21]

Enfin, le témoignage d’EMI de Mellen-Thomas Benedict sous-entend que les facultés médiates sont désirables et doivent être développées. Dans les EMI, ces facultés apparaissent très fréquemment chez leurs sujets. En effet, ceux-ci reviennent souvent de leurs expériences nantis de dons tels ceux de télépathie, de télékinésie, de contact avec les morts, de sortie du corps, de guérison, de divination…[22] en d’autres termes avec une puissance démoniaque leur allouant ces dons.[23] Or plusieurs de ces pratiques sont spécifiquement condamnées par la Bible (Deutéronome 18:10-12). Le témoignage en fait état, prétendant que cela serait une chose naturelle voulue par Dieu :

Depuis mon retour, j’ai fait spontanément l’expérience de la Lumière, j’ai appris comment aller dans cet espace pratiquement n’importe quand, en méditant. Chacun d’entre vous peut le faire. Vous n’avez pas à mourir pour faire cela. Cela fait partie de votre équipement, vous êtes déjà câblés. Le corps est l’être de Lumière le plus magnifique qui existe. Le corps est un univers d’une Lumière incroyable. L’esprit ne nous pousse pas à dissoudre ce corps. Ce n’est pas ce qui se passe. Cessez d’essayer de devenir Dieu ; Dieu est en train de devenir vous. Ici.[24]

On vient de rappeler les principes qui émanent des EMI supportant les enseignements du nouvel-âge, au travers de quelques extraits de récits. Il ne semble pas nécessaire d’expliquer plus en détail en quoi ces enseignements du nouvel-âge ne sont pas conformes à la pensée biblique. On va maintenant parler des EMI, qui font état à la fois d’enseignements du nouvel-âge et de certains éléments chrétiens.

Les EMI mêlant nouvel-âge et christianisme

On considèrera principalement à titre d’illustration le témoignage du docteur George Ritchie (1943), mort temporairement d’un arrêt cardiaque suite des complications d’une pneumonie. Un des premiers éléments de son EMI est la rencontre avec la lumière. La lumière se présente à lui par suggestion, comme étant le Fils de Dieu :

Il était trop brillant pour qu’on puisse le regarder en face. Je voyais alors que ce n’était pas de la lumière mais […] un homme fait de lumière […]. Je me mis sur mes pieds et, pendant que je me levais, me vint cette prodigieuse certitude : «Tu es en présence du Fils de Dieu».[25]

Comme on l’a vu précédemment, la personne de lumière est tout à fait capable de s’identifier au «Fils de Dieu», mais aussi à d’autres divinités telles «Bouddha et Krishna».

Advient ensuite un passage en revue panoramique de la vie :

Qu’as-tu fais de ta vie que tu puisses me montrer?, […]. La question, comme tout ce qui venait de Lui, avait trait à l’amour : combien as-tu aimé au cours de ta vie ? As-tu aimé les autres comme je t’aime ? Totalement ? Inconditionnellement ? […] Mais, quelqu’un aurait dû me le dire, pensai-je avec indignation ! […] Je te l’ai dit par la vie que j’ai vécue. Je te l’ai dit par la mort que j’ai subie. Si tu me regardes, tu en verras plus.[26]

Or, on a vu plus haut que lorsque l’être de lumière prêche le nouvel-âge, son intérêt pour l’amour est le même que dans ce cas, par contre, le péché est complètement ignoré. On pourrait croire que dans le cas présent l’être de lumière qui est le «Fils de Dieu», ignore le péché parce qu’il est effacé par l’œuvre expiatoire de la croix. Mais dans ce cas, cela n’est pas explicite. C’est seulement implicite pour un lecteur à sensibilité chrétienne, pas pour les autres.

D’autre part, d’un point de vue chrétien, on pourrait s’attendre à ce que ce Jésus s’intéresse aussi à la foi que manifeste le disciple (cf. 1Timothée 1:5). En d’autres termes, on pourrait s’attendre à ce que Jésus s’intéresse aussi à la manière avec laquelle le disciple de Christ obéit à l’Esprit du Christ en lui, par exemple d’après le sens du verset suivant :

J’ai été crucifié avec Christ; ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi; et ce que je vis maintenant dans mon corps, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi. (Galates 2:20)[27]

Cette EMI révèle donc un Jésus dont le fond du discours est sensiblement le même que celui du personnage de lumière de l’EMI nouvel-âge vue précédemment.

Reprenons le fil de l’expérience de George Ritchie. Il dit être emmené par Jésus pour voir divers spectacles mettant en scène des êtres désincarnés côtoyant les vivants sans être vu d’eux. En particulier, il découvre quelque part sur la terre, la scène d’une rixe impliquant des milliers d’êtres désincarnés animés par des sentiments de haine. George Ritchie prend cette scène pour l’enfer :

Cette plaine était peuplée et même envahie par des hordes d’êtres désincarnés comme des fantômes. […] partout des gens paraissaient engagés dans des combats mortels, se tordant, se frappant, s’étreignant. […] Si j’avais supposé que c’était ça l’enfer, maintenant j’en étais sûr. […] Ces créatures paraissaient seulement prisonnières d’habitudes de pensées et d’émotions : haine, convoitise, destruction.[28]

Les enseignements du nouvel-âge au sujet de l’après vie se calquent souvent sur le schéma du Bouddhisme tibétain. Les esprits des morts sont libres d’évoluer entre différentes sphères spirituelles en fonction de la compatibilité de leur propre niveau spirituel avec celles-ci : Les sphères basses seraient réservées aux esprits malheureux. La réincarnation correspondrait à un niveau intermédiaire. Les sphères hautes seraient réservées aux esprits accomplis s’étant libérés des préoccupations terrestres.

En particulier, le nouvel-âge enseigne la possibilité qu’après la mort, l’esprit puisse évoluer d’une «basse sphère» vers une «haute sphère» spirituelle.

Cette conception de l’après vie entre vraisemblablement en contradiction avec l’enseignement de la Bible. En effet, comme on l’a vu plus haut, la seule «haute sphère» qui assure l’incorruptibilité éternelle s’appelle dans la Bible le paradis. On y entrerait directement après la mort, et non, suite à une évolution dans le monde spirituel.

Dans la scène considérée la possibilité d’évolution telle qu’on l’a présentée, n’est pas explicitement exprimée, par contre elle l’est implicitement.

En effet, on y retrouve une idée du nouvel-âge, savoir que même dans un «bas niveau», les esprits plongés dans le malheur seraient assistés par des esprits supérieurs. Leur présence faciliterait une émancipation de l’état des esprits en souffrance, si, sans que le libre arbitre de ceux-ci ne soit forcé, ils en viennent à désirer un état meilleur.

Peut-être n’était-ce pas Jésus qui les avait abandonnés ici, mais eux qui avaient fui la Lumière où leur obscurité était découverte ? Ou… étaient-ils aussi solitaires qu’il y paraissait tout d’abord ? Je me rendis compte petit à petit qu’il y avait quelque chose d’autre dans cette plaine, avec ces corps en lutte. […] Cette plaine désolée était survolée par des êtres apparemment faits de lumière. C’était leur taille même et leur lumière aveuglante qui m’avaient tout d’abord empêché de les situer. […] aucune de ces créatures querelleuses n’était abandonnée : on s’en occupait. Il était tout aussi évident qu’aucune d’entre elles ne le savait.[29]

Il faut noter que la ressemblance de ces esprits de lumière avec les anges bibliques n’est pas anodine. En effet, elle ne peut que renforcer l’idée que le Dieu biblique aurait à coeur de manifester, d’une certaine manière sa grâce aux esprits des morts en dehors du paradis. C’est du moins ce que pense George Ritchie :

Jésus avait été là, dans ces scènes de Shéol. C’était dans Sa lumière, dans Sa compassion que j’avais vu le terrible spectacle, et cela jetait un rayon d’espoir, même en enfer.[30]

Un peu plus loin, le récit mentionne clairement une sphère spirituelle plus élevée que la précédente. Cette sphère accueille semble-t-il des êtres plus évolués spirituellement, mais encore attachés en partie aux choses terrestres :

Maintenant, derrière nous, au-delà de nous, partout, je commençais à percevoir un royaume entièrement nouveau ! D’immenses immeubles se dressaient dans un joli parc ensoleillé, et il y avait un lien entre les différentes constructions, un modèle d’après lequel ils étaient disposés, ce qui me faisait penser à une université bien organisée. […] C’était plutôt un gigantesque centre d’étude, bourdonnant de l’excitation de grandes découvertes. […] Dans plusieurs de ces salles, des silhouettes encapuchonnées se penchaient sur des cartes et diagrammes compliqués ou s’asseyaient aux commandes de consoles très fournies scintillantes de lumière […] Nous allâmes ensuite dans une bibliothèque qui avait la taille de l’université de Richmond. […] «Nous nous trouvons au coeur de la pensée terrestre.» […] – Lorsque ces personnes étaient sur terre, ont-elles évolué au-delà des désirs égoïstes ? – Elles ont évolué et elles ont continué à évoluer.[31]

D’après le texte, il parait évident que les êtres qui habitent cette sphère sont dans un état d’évolution spirituel intermédiaire.

Directement après, le récit mentionne une nouvelle sphère spirituelle, qui s’apparente manifestement au paradis biblique :

Même ce que j’avais pensé d’un «plan élevé», de pensées profondes, de connaissance, n’était pas très éloigné du plan physique où les êtres désincarnés étaient encore attachés au monde palpable. Maintenant, pourtant, nous paraissions avoir laissé la terre derrière nous […] Et je vis alors […] une ville éclatante […] Sa clarté semblait émaner des murs, des rues, des êtres que je voyais maintenant se mouvoir. […] Ces brillantes créatures n’étaient-elles pas celles qui avaient mis Jésus au centre de leur vie ?[32]

Pour résumer, le récit parle d’abord des basses sphères des prisonniers, puis d’une sphère intermédiaire, enfin de la sphère supérieure du paradis. On y retrouve certes les notions bibliques d’enfer et de paradis. Mais dans une certaine mesure, on y retrouve aussi cette gradation en niveaux spirituels que l’on peut trouver dans le bouddhisme tibétain ou dans le spiritisme par exemple.

Les EMI de type chrétien

A chaque époque de l’ère chrétienne, on trouve des fausses doctrines naissantes ou existantes qui sont confirmées par des visions de la même époque. Certaines d’entre elles font état de l’imminence de la mort et peuvent donc être considérées comme des EMI. On essayera de se focaliser le plus possible sur les aspects eschatologiques qui se dégagent de ces EMI. Pour commencer on parlera d’EMI attestant plus spécifiquement les doctrines catholiques romaines. Puis on passera à d’autres EMI promouvant des éléments moins caractéristiques d’un courant théologique particulier.

La plus ancienne description d’un «purgatoire», sans qu’il soit nommé ainsi, se trouve semble-t-il dans la vision de Drythelm[33], mise par écrit en 731. Drythelm, un homme bon, tomba un jour malade et sembla mourir. Son esprit quitta son corps et fut mené par un guide anonyme qui lui fit découvrir l’au-delà. Voici le commentaire de son guide spirituel à propos des lieux visités :

Cette vallée que tu as aperçue, horrible avec ses flammes bouillonnantes et ses terribles froidures, est le lieu même où sont éprouvées et châtiées les âmes de ceux qui, ayant différé de confesser et corriger les crimes qu’ils commirent, ne se réfugient dans la pénitence qu’à l’article même de la mort et quittent ainsi leur corps; cependant ceux-ci, parce qu’ils se confessèrent et firent pénitence au moment de la mort, parviennent tous au Royaume des Cieux au jour du Jugement. Mais les prières des vivants, les aumônes, le jeûne et, surtout, la célébration des messes les aident à être libérés avant le jour du Jugement. Par contre, ce lieu fleuri dans lequel tu as vu resplendir et se réjouir cette très belle jeunesse est celui même où sont reçues les âmes de ceux qui sortent de leur corps avec, du moins, de bonnes œuvres;[34]

L’idée qui est exprimée est que le salut des morts peut se gagner par des souffrances voire des pratiques religieuses spécifiques effectuées par les vivants. Pour continuer, on peut citer aussi la vision de Tondal, un homme de guerre, écrite quelques siècles plus tard, en 1149. Celui-ci fut brusquement frappé de paralysie, s’écroula, aucun signe de vie ne restèrent en lui sauf une faible chaleur, au côté gauche de sa poitrine. Un ange le guida alors à la visite du ciel et de l’enfer et le soumit à des tortures de sorte qu’il rachète ses fautes par le biais de la souffrance :

Tondal, pâle de terreur, se retourna pour se rapprocher de son ange. Mais sans doute l’esprit qui le guidait devait lui donner une leçon; car le pauvre homme de guerre se vit seul; l’ange avait disparu. En ce moment une meute de démons, qui étaient les pourvoyeurs du monstre, se précipita avidement sur le délaissé, […] Il reçut là des coups de dents, des coups de trique, des horions de toute sorte; il subit à la fois les rigueurs d’un vent glacé et les vapeurs puantes du soufre. Son ange revint enfin et le retira de cette bauge abominable, en lui disant : — Tu viens d’expier là tes péchés d’habitude.[35]

Dans ce registre, on peut enfin se référer à l’EMI plus récente du père catholique José Maniyangat. Son expérience, datant de 1985, débute après un accident de la route, où il meurt temporairement. Une fois désincarné, son ange gardien lui apparaît et lui fait visiter successivement l’enfer, le purgatoire et le paradis :

Après la visite en Enfer, mon Ange gardien m’a escorté au Purgatoire. Là aussi, il y a sept degrés de souffrances et un feu inextinguible. Mais c’est beaucoup moins intense qu’en Enfer et il n’y avait pas non plus de querelles et de combats. […] J’ai eu la chance de communiquer avec les âmes du Purgatoire. Elles m’ont demandé de prier pour elles et de dire aussi aux gens de prier pour qu’elles puissent aller au Ciel rapidement. […] Par la suite, mon Ange m’a escorté au Ciel en passant à travers un grand et éblouissant tunnel blanc. […] J’ai vu tous les Saints, spécialement la Sainte Mère et Saint Joseph et plusieurs évêques et prêtres consacrés saints qui brillaient comme des étoiles.[36]

A l’image de la sphère intermédiaire mentionnée dans le chapitre précédent, on trouve dans ces récits un lieu ou état qui se distingue du «paradis» mais que les habitants peuvent quitter pour le paradis au bout d’un certain temps. Toutefois dans ce cas, il s’agit d’un lieu de purification duquel les esprits peuvent sortir principalement après avoir enduré un certain quota de souffrance.

Ces EMI enseignent en particulier que des gens qui ne sont pas inscrits dans le «livre de vie» à leur mort, puissent l’être malgré tout après la mort. Pour se référer à ce qui a été vu au premier chapitre, ce principe s’oppose à l’interprétation biblique selon laquelle une telle évolution est impossible après la mort. (cf. Luc 16:23-26). De même, ces EMI suggèrent qu’il y ait un jugement divin explicite et systématique à la fin de la vie. On a déjà vu que Jésus n’a pas besoin d’une telle évaluation, puisqu’il sait en permanence qui lui appartient, c’est-à-dire qui est écrit ou non dans son livre de vie (Apocalypse 3.5).

On continue par l’exemple de la vision du moine Barontus qui, tombant gravement malade quitta son corps, pour revenir à la vie un peu plus tard. Voici quelques extraits résumés de sa vision (écrite en 678 ou 679). Celui-ci, au seuil de la mort est assailli par des démons qui veulent son âme à cause d’un péché spécifique. Un ange intervient et c’est au jugement de Dieu qu’il en est appelé. Dans ce cas, c’est Saint Pierre qui assure l’intérim pour ce jugement :

[…] des démons hideux lui apparurent qui cherchaient à l’étrangler et à l’engloutir avec leurs dents féroces. Il fut furieusement malmené jusqu’à la troisième heure où l’archange Raphaël vint à son secours et se heurta aux démons qui revendiquaient l’âme. On convint de s’en remettre au jugement de Dieu. Raphaël touche la gorge de Barontus et celui-ci sent son âme arrachée de son corps. […] Barontus avec son escorte angélique et démoniaque visite alors les trois premiers Paradis. […] Raphaël envoie alors un des anges chercher saint Pierre […] [Celui-ci] les chasse en les menaçant avec les trois clés qu’il tient en main. Il se tourne alors vers Barontus pour lui prescrire de se racheter. En effet, au moment de sa conversion, il a omis de donner 12 sous. Il convient qu’il s’en acquitte en versant un sou par mois à partir des calendes d’avril, pour les pauvres. Ce sera là l’impôt de son rachat pour la patrie céleste. […] Parvenu en Enfer, Barontus d’abord ne voit rien, à cause de la noirceur des ténèbres et de l’épaisseur de la fumée. Puis Dieu lui permet d’apercevoir les prisons où sont gardées ligotées des multitudes d’hommes.[37]

Suite à cet épisode de jugement, l’esprit de Barontus est renvoyé dans son corps. On note que cette vision soutient que le salut peut se gagner par des pratiques religieuses spécifiques.

On cite maintenant un témoignage qui se trouve à la limite du principe de l’expérience de mort imminente. Il s’agit du témoignage d’une chrétienne rétrograde nommée Olga (1996). Un ange lui apparaît, lui annonçant que ce jour est son dernier. Son esprit sort de son corps et l’ange l’accompagne vers le rebord de l’enfer. Elle passe alors en jugement devant Jésus et le diable. Ce dernier l’accuse alors :

Je me tenais devant Jésus en pantalon, pas en robe, et je ne pouvais pas le regarder en face. […] J’ai regardé une nouvelle fois Satan et ai vu beaucoup de choses sur son corps. Vous savez comment les Américains se font beaucoup de trous dans les oreilles, parfois huit? C’est ainsi que Satan avait l’air; beaucoup de boucles d’oreilles. Il avait beaucoup de bijoux, de maquillage et de colliers sur lui. J’avais ce genre de choses aussi. […] J’ai dépensé des centaines de dollars pour cela, et je voyais Satan avoir cela aussi. Je ne pense pas que le Seigneur aurait de la miséricorde pour moi à cause de cela. J’ai pensé, ‘ma fin, c’est l’enfer.’ […] Satan ouvrit sa bouche et dit, «La parole de Dieu dit : toutes sortes d’habits d’homme sur une femme est une abomination pour Dieu»[38]

Un peu plus tard, Olga retourna dans son corps, contrairement d’ailleurs à ce que l’ange avait dit. Une nouvelle fois, on peut se demander quelle est l’utilité de cette évaluation si elle est sensée précéder la mort réelle. On peut ressentir aussi dans ce genre de témoignage un encouragement implicite au légalisme.

En 2012, Emmanuel Senayon, fut atteint de tuberculose. Alors qu’il était alité, son esprit quitta son corps pour se retrouver en présence de Jésus. Celui-ci l’emmena voir le jugement de Dieu et les endroits ou se rendent les esprits à son issue : l’enfer puis le paradis, pour retourner finalement dans son corps :

[Jésus] pris ma main et m’entraina hors de la salle, devant un grand trône. Je vis Dieu sur le trône, mais je ne pouvais pas voir son visage car il rayonnait puissamment de gloire et son corps était comme un feu ardent. J’ai vu un groupe d’anges en robe blanche devant le trône, ils étaient glorieux, ces anges avaient des livres à la main. Et j’ai vu des gens innombrables devant le trône (Apocalypse 20:11) et ils allaient l’un après l’autre recevoir leur jugement, et chaque fois que l’un d’entre eux se tenait devant le trône, les anges ouvraient les livres dans leurs mains et immédiatement Dieu jugeait la personne. Mais ce que je remarquais, c’est qu’à beaucoup des personnes qui se trouvaient là, Dieu disait «retires-toi de moi» […] quiconque avait agit avec iniquité était emporté par un vent puissant vers la punition éternelle […][39]

Dans ce témoignage on a une évaluation des esprits des hommes à la mort qui semble être systématique. Dans ce cas précis, cette évaluation est clairement assimilée au jugement devant le trône de Dieu d’Apocalypse 20:11-15. Ceci n’est tout simplement pas possible, puisqu’on a déjà montré qu’il ne peut s’agir que d’un événement à venir. Lors du voyage en enfer, on note les critères de ce jugement au sujet de l’apparence extérieure des femmes :

Alors Jésus me pris loin de cet endroit, vers le feu de l’enfer. Sur notre chemin vers l’enfer, nous traversâmes un tunnel et quand nous sortîmes du tunnel nous arrivâmes tout à coup dans un endroit de pure obscurité, ce lieu ressemblait à un pays, mais il était rempli de profondes ténèbres, d’une grande terreur et de bruits de pleurs terrifiants. […] Celles qui s’habillent pour plaire à la chair, comme une femme qui met un pantalon, des boucles d’oreilles, des chaînes, des colliers, des bagues, du maquillage, et tout autre robe mondaine, elles étaient dans le département des prostituées dans le feu de l’enfer (Esaïe 3:16-24) toutes étaient tourmentées […][40]

Il n’est pas fait mention ici du fait que les bijoux et produits de beauté en question aient été sous le coup d’une malédiction spécifique susceptible d’affecter leur possesseur. En l’absence de ce genre d’informations, on est en droit d’être dubitatif devant la superficialité des critères de jugement rapportés, malgré le fait qu’ils aient une base scripturaire (1 Timothée 2:9).

Les EMI de type chrétien que nous avons vues font donc souvent la promotion de pratiques religieuses spécifiques comme moyen du salut. Elles encouragent entre autre les attitudes légalistes, ce qui entre en contradiction avec un comportement plus équilibré, sensible à la direction du Saint-Esprit. (cf. 1Corinthiens 2:14-15)

D’autre part, les EMI que l’on vient de passer en revue mentionnent une évaluation des œuvres. Bien qu’on puisse parfois comprendre cela comme un message d’avertissement, les circonstances même de ces EMI tendent souvent à faire penser qu’il s’agirait d’un processus universel à la mort. Cette ambigüité est préjudiciable à une compréhension claire du schéma de l’après vie. Dans certain cas, ce schéma s’oppose plus directement à l’interprétation biblique classique d’un jugement divin futur et unique. De tels récits ont donc le potentiel d’influencer l’approche que l’on peut avoir de l’eschatologie biblique et doivent être considérés pour cette raison avec prudence.

Conclusion

Les EMI sont des visions qui font l’objet d’un intérêt spécial du fait de leurs circonstances particulières.

Dans cet article on a considéré plusieurs schémas d’EMI différents, en partant de celles qui promeuvent plutôt des concepts du nouvel-âge pour arriver à celles qui font plutôt état des concepts chrétiens. On a ainsi passé en revue une diversité de schémas sur l’après vie, diversité qui en elle-même est fort douteuse, vu que l’on s’attendrait plutôt à un schéma unique.

On a aussi tenté de mettre en exergue des désaccords entre le message que ces EMI amenaient avec certaines interprétations bibliques prises comme référence.

On a vu que les EMI de type «nouvel-âge» promeuvent essentiellement une fausse spiritualité panthéiste.

Quant aux EMI de type «chrétien» considérées, celles-ci supportent diverses fausses doctrines comme parfois la purification des péchés par le biais de diverses pratiques religieuses. Très souvent elles encouragent une attitude légaliste. On peut reconnaître ici des formes de perfectionnisme qui, à l’instar des EMI «nouvel-âge», tendent elles-aussi à conférer à l’homme des attributs divins.

Plus généralement les EMI peuvent présenter un schéma eschatologique erroné pouvant induire une approche biaisée des textes bibliques de nature eschatologique.

Pour expliquer la diversité de schémas dans les rapports d’EMI ainsi que les désaccords, on a émis d’entrée l’hypothèse que les EMI non bibliques seraient en fait le résultat d’une contrefaçon démoniaque. Toutefois, il n’est pas possible de prouver que toutes les EMI sont trompeuses d’un point de vue biblique. On ne peut donc pas exclure que certains témoignages d’EMI soient véridiques. Par contre, compte tenu de l’échantillon d’EMI critiquables considéré dans cette étude, on a vu que bon nombre d’entre elles peuvent être contrefaites.

On peut se douter que le fait de juger les EMI sur une base doctrinale puisse être limité dans certains cas, faute d’éléments à évaluer. Le seul moyen qui permettrait au chrétien de se prémunir d’une EMI ou vision contrefaite sera de tester les esprits (cf. 1Jean 4:1) qui seraient à l’œuvre au moment même où celle-ci adviendrait.

En définitive, il convient donc d’appréhender mais aussi de communiquer au sujet des EMI avec précaution.


Notes de fin

[1] GREYSON, Bruce. Near-Death Experiences. In E. Cardeña, S. J. Lynn, and S. Krippner Editors, Varieties of anomalous experiences. Washington, DC : American Psychological Association, 2000, p. 315-352.

[2] MOODY, Raymond. La vie après la vie. Traduit par Paul MISRAKI. Paris : Robert Laffont, 1977, p. 135-139.

[3] IANDS-France, MERCIER, Evelyne-Sarah, dir. La Mort Transfigurée : recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort. Paris : Belfond – L’Age du Verseau, 1992, Première partie, chap. 2.

[4] La Bible : Segond 21. Romanel-sur-Lausanne : Société Biblique de Genève, 2007.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] VAGALAS KANCO, Samuel, HOLLIDAY, Pat. The Witch Doctor and the Man: Fourth Generation Witch Doctor Finds Christ! Jacksonville, FL : Agape publishing, 2000, p. 47.

[11] La Bible : Segond 21. Romanel-sur-Lausanne : Société Biblique de Genève, 2007.

[12] MELLEN-THOMAS, Benedict. Through the Light and Beyond. In : BAILEY, Lee Worth, YATES, Jenny. The Near-Death Experience : A Reader. New-York, NY : Routledge, 1996, p. 46.

[13] Ibid., p. 43.

[14] NDERF. EMI de Mellen-thomas B. In : NDERF [en ligne]. [s.d.] [consulté le 2003-12-09]. Disponible à partir de : https://www.nderf.org/

[15] Ibid.

[16] MELLEN-THOMAS, Benedict. Through the Light and Beyond. In : BAILEY, Lee Worth, YATES, Jenny. The Near-Death Experience: A Reader. New-York, NY: Routledge, 1996, p. 44.

[17] Ibid., p. 42.

[18] Ibid., p. 50.

[19] Ibid., p. 46.

[20] MERCIER, Evelyne-Sarah. Témoignage de Patricia. In : IANDS-France [en ligne]. 2001 [consulté le 2006-10-01]. Disponible à partir de : http://www.iands-france.org/

[21] NDERF. EMI de Lisa M. n°47. In : NDERF [en ligne]. 2000 [consulté le 2006-03-05]. Disponible à partir de : https://www.nderf.org/

[22] IANDS-France, MERCIER, Evelyne-Sarah, dir. La Mort Transfigurée : recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort. Paris : Belfond – L’Age du Verseau, 1992, Deuxième partie.

[23] KOCH, Kurt E. Les ruses de Satan, mais la victoire de Jésus-Christ. Traduit par William-Henri FREY. Laval, Québec : Publications Evangélisation, 1979, p. 308.

[24] MELLEN-THOMAS, Benedict. Through the Light and Beyond. In : BAILEY, Lee Worth, YATES, Jenny. The Near-Death Experience : A Reader. New-York, NY : Routledge, 1996, p. 49.

[25] RITCHIE, George, SHERRILL, Elizabeth. Retour de l’au-delà. Traduis par Marc et Charles DEFRANCHI. Paris : Robert Laffont, 1986, p. 65.

[26] Ibid., p. 73-74.

[27] La Bible : Segond 21. Romanel-sur-Lausanne : Société Biblique de Genève, 2007.

[28] RITCHIE, George, SHERRILL, Elizabeth. Retour de l’au-delà. Traduis par Marc et Charles DEFRANCHI. Paris : Robert Laffont, 1986, p. 85-87.

[29] Ibid., p. 89-90.

[30] Ibid., p. 156.

[31] Ibid., p. 93-97.

[32] Ibid., p. 98-99.

[33] LE GOFF, Jacques. La naissance du Purgatoire. [Paris] : Gallimard, 1991, p. 155.

[34] CAROZZI, Claude. Le Voyage de l’âme dans l’au-delà d’après la littérature latine (Ve-XIIIe siècle). Rome : École française de Rome, 1994, p. 243.

[35] COLLIN DE PLANCY, Jacques-Albin-Simon. Légendes de l’autre monde. Paris : Henri Plon, 1863, p. 213-214.

[36] MANIYANGAT, José. Un prêtre qui a vu le ciel, l’enfer et le purgatoire. Auriac : Éd. Saint-Jean-Librairie chrétienne, 2009.

[37] CAROZZI, Claude. Le Voyage de l’âme dans l’au-delà d’après la littérature latine (Ve-XIIIe siècle). Rome : École française de Rome, 1994, p. 146-148.

[38] Olga. Testimony of Olga. In : His Sheep [en ligne]. 1996 [consulté le 2007-09-01]. Disponible à partir de : http://www.hissheep.org/

[39] SENAYON, Emmanuel. The Mystery of Heaven and Hell. In : Divine Revelations [en ligne]. 2013 [consulté le 2014-08-08]. Disponible à partir de : https://www.divinerevelations.info/sampsonjude/

[40] Ibid.


Article du Blog de réflexion chrétien, 2009, (révision du 2019-01-13), toute reproduction interdite.

3 réflexions au sujet de « Les expériences de mort imminente (EMI) »

  1. Bonjour,
    le disciple de Jésus ne doit-il pas s’appliquer à suivre Jésus plutôt qu’a chercher ce qui est faux chez les autres?
    Ne doit-il pas annoncer la vérité plutôt que chercher et dénoncer l’erreur?
    Si l’on agit ainsi on risque d’être dans le cas de celui qui voit la paille chez l’autre et pas la poutre qui est en lui!
    Qu’en pensez-vous?

    1.  » Reculer devant l’ennemi et garder le silence, lorsque de toutes parts s’élèvent de telles clameurs contre la vérité, c’est le fait d’un homme sans caractère, ou qui doute de la vérité de sa croyance. Dans les deux cas, une telle conduite est honteuse et elle fait injure à Dieu;  »

      SAPIENTAE CHRISTIANAE – LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
      SUR LES PRINCIPAUX DEVOIRS DES CHRÉTIENS

      Bien sûr que nous devons dénoncer l’erreur et défendre notre foi.

      Et d’ailleurs, critiquer une idée, ce n’est pas critiquer une personne.
      Exemple: Telle NDE est en contradiction avec la foi, DONC elle est satanique. Je n’ai pas besoin de juger la personne qui l’a vécue pour dire cela.

      Dieu seul juge.

      Quand à la poutre et à la paille, à mon avis, il s’agit plutôt d’une question d’intention: reproches-tu telle choses à ton prochain pour ne pas qu’il se damne, dans un réel esprit de charité ? Ou simplement pour le critiquer, pour te sentir supérieur à lui, sans jamais te regarder toi même ?

      En espérant vous avoir répondu.

  2. Article très interessant .
    Si je puis me permettre ce modeste commentaire d’un chrétien naïf.
    Vous faites état de repère temporel après la mort. Vous parlez notamment de jugement dernier au futur ou de chronologie dans le processus de la vie après la mort. Or il me semble que le temps est propre à la vie sur terre et à notre condition d’homme « sensible » .
    Est ce que le temps est le même dans la vie spirituelle, dans le monde des âmes détachées du corps?
    Est il linéaire comme ici bas?
    Dans l’Apocalypse Saint Jean est emmené par un ange dans le futur.
    Est ce que ça prouverait que le temps n’est qu’un paramètre pour les créatures célestes et non une contrainte pour les créature ici bas?

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