Synode pour les jeunes, synode prétexte?

A deux semaines de l'ouverture de l'Assemblée des évêques, après l'expérience désastreuse des deux synodes sur la Famille de l'ère franciscaine, les questions se multiplient sur l'organisation, l'"agenda", et les nominations papales. Les craintes de La Bussola (18/9/2018)

Certains les accuseront de jeter le manche après la cognée, alors que le Synode n'a même pas encore eu lieu. Laissons-lui donc une chance (disent-ils). Mais les expériences passées justifient qu'on redoute le pire. Et la sagesse populaire le dit bien: chat échaudé...

L'agenda est déjà écrit, le Synode devient seulement un prétexte


Stefano Fontana
18/9/2018
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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Les nominations si unilatérales pour le prochain Synode de la Jeunesse laissent transparaître la volonté de déterminer d'emblée l'issue de l'assemblée des évêques. Une confirmation qu'en réalité, l'objet du Synode n'est pas les jeunes, mais de nouvelles ouvertures modernistes dans le domaine de la morale sexuelle, en particulier des relations sexuelles prénuptiales et de la contraception. Nous pourrions parler de synodes "prétextes", ou de synodes comme "instruments" pour atteindre certains des objectifs déjà établis auparavant. Il se peut aussi que le Synode reste dans le vague, dise et ne dise pas, ouvre des questions plutôt que de les clore.


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À la lecture des noms des personnes nommées directement par le Pape François pour le prochain Synode de la Jeunesse, on reste sérieusement (et négativement) frappé. Surtout pour le sort de ce Synode, et des Synodes en tant que tels, sur lesquels on risque de jeter une ombre de soupçon qui en compromet la fonction ecclésiale.

Laissons de côté, pour l'instant, l'aspect que beaucoup parmi ceux nommés par le Pape sont dans l'œil du cyclone du scandale des abus et de l'homosexualité (de Maradiaga à Cupich, de Farrell à Marx). L'archevêque de Philadelphie, Mgr Charles Chaput, avait même suggéré de suspendre le Synode des jeunes parce que «les évêques n'auraient en ce moment absolument aucune crédibilité pour aborder cette question», et le Pape nomme précisément les noms les plus impliqués dans la querelle. Laissons de côté, comme je l'ai dit, pour le moment, cet aspect central, et insistons sur le fait que les nommés sont tous des représentants du progressisme moderniste en termes de sexualité et de famille: au premier rang, bien sûr, le Père Antonio Spadaro, directeur de "La Civiltà Cattolica", et Enzo Bianchi. Ces nominations si unilatérales du Pape visent évidemment à déterminer d'emblée le résultat du Synode et à confirmer l'opinion exprimée par beaucoup, à savoir que l'objet du Synode n'est pas la jeunesse mais de nouvelles ouvertures modernistes dans le domaine de la morale sexuelle, notamment des relations sexuelles prénuptiales et de la contraception. La petite armée de nomination papale directe aurait pour but de forcer la main avec certitude en ce sens et de confirmer un résultat prévu dès maintenant. En d'autres termes: le Synode comme machine 'instrumentale' pour atteindre d'autres fins que celles déclarées.

Cette méthode avait déjà été testée lors des deux Synodes sur la Famille des années 2014 et 2015. Ils avaient été méticuleusement planifiés pour aboutir au résultat souhaité. La nomination du Cardinal Kasper pour dicter la ligne dès février 2014, l'exclusion de l'Institut pontifical Jean-Paul II de la première session (récupéré, après les protestations et le 'forçage' évident de l'exclusion, dans la seconde), la nomination des interprètes de confiance de la nouvelle ligne, de Spadaro à Forte, au secrétariat et, plus encore, les nominations dans le groupe qui devait rédiger les conclusions, les briefings pilotés par le Père Lombardi, l'interdiction faite aux Pères synodaux de laisser des déclarations... témoignent d'une conduite politique très attentive, sanctionnée par la déclaration inquiétante de Mgr Bruno Forte, selon lequel le Pape lui aurait dit de préparer le terrain, qu'il s'occuperait du reste, «sinon, qui sait quel bazar ceux-là te mettraient?»

La chose semble aujourd'hui se répéter pour le Synode sur la jeunesse et aussi pour celui sur l'Amazonie, prévu pour l'année prochaine, dont les résultats peuvent d'ores et déjà être considérés comme acquis. Il suffit de lire les documents préparatoires respectifs pour une confirmation supplémentaire. C'est un peu comme dans les assemblées politiques, où aucune réunion, aucun congrès ou sommet n'a lieu sans que l'on décide d'abord ce que l'on veut en retirer. Sauf, bien sûr, à en appeler au souffle de l'Esprit Saint, à ne pas avoir peur de la nouveauté, à ne pas s'enfermer dans l'abstraction de la doctrine, à ne pas juger et ne pas critiquer les autres mais seulement soi-même car autrement on n'est pas miséricordieux.

Nous pourrions parler de synodes «prétextes», ou de synodes comme «instruments» pour atteindre certains objectifs déjà établis préalablement. Cela ne signifie pas, comme nous l'avons déjà appris, que le Synode dira finalement quelque chose de clair, bien qu'innovant par rapport à la doctrine traditionnelle. Et même, on peut s'attendre à ce que le Synode reste dans le vague, dise et ne dise pas, ouvre des questions plutôt que de les clore. Le progressisme moderniste ne veut pas se transformer en une nouvelle doctrine, mais mettre en doute la doctrine de manière à ouvrir les portes à des pratiques ecclésiales qui s'opposent à elle sans toutefois le déclarer. Il ne faut pas non plus penser que les conclusions du Synode seront concluantes parce que le celui qui conclura, c'est le Pape dans l'Exhortation apostolique post-synodale. Cette Exhortation, qui suivra, pourra en effet se contenter de répéter ce que le Synode a dit sans clore à son tour les questions ouvertes et encore inachevées, en ouvrant même de nouvelles, et encore plus inquiètantes.

Mais si ce tableau est vrai, c'est la substance même du Synode qui disparaît, réduit prosaïquement à une conférence de l'ONU, à la disposition sur le terrain de ses propres troupes, à l'insertion de ses propres hommes dans les secrétariats qui comptent, à des tactiques trop humaines. Les journaux catholiques et les nouvelles de Radio Vatican mettront l'accent sur l'événement et Lorena Bianchetti le dimanche matin sur Rai1 présentera toute la beauté et l'harmonie avec les temps, mais les fidèles, ayant compris le truc, se désintéresseront et n'attendront du Synode aucune parole de vérité. Malheureusement, c'est ce que suggèrent les nouvelles nominations papales. Et si j'y ai pensé, moi qui ai un QI très bas, qui sait combien d'autres y auront pensé aussi.

Ces nominations "révélatrices"
Au Synode des jeunes, on trouve également les noms de la "filière McCarrick"


Marco Tosatti
18/9/2018
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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On ne peut s'empêcher d'être perplexe devant certaines nominations pontificales au Synode des jeunes. Celle du cardinal Cupich de Chicago, un homme de la filière de nomination de McCarrick, qui a déclaré que le Pape a des choses plus importantes à régler que la dénonciation de Mgr Vigano. Ou celle du Joe Tobin, archevêque de Newark, disciple et héritier de McCarrick dans ce diocèse, qui a admis candidement qu'il n'avait pas accordé de poids aux rumeurs et aux plaintes concernant les méfaits de McCarrick parce qu'elles lui semblaient incroyables. Et puis le cardinal Marx, et l'archevêque Paglia et beaucoup d'autres...


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Aujourd'hui, au Vatican, est présentée Episcopalis Communio, une nouvelle constitution pontificale sur la structure du Synode des Évêques. Et l'ouverture du Synode de la Jeunesse - un événement qui sera inévitablement affecté par le climat dramatique que vit l'Église ces jours-ci -, est imminente. Avec le tsunami des révélations sur les abus sexuels, et en particulier sur les conséquences néfastes de l'homosexualité envahissante et agressive présente dans le clergé à tous les niveaux. A tel point que plusieurs évêques avaient proposé que le Synode lui-même soit annulé et remplacé par un Synode extraordinaire axé justement sur le problème des abus.

Nous verrons ce que dira la nouvelle Constitution. Mais il est clair, après les deux Synodes sur la Famille de 2014 et 2015, et après l'annonce du Synode de 2019 centré sur l'Amazonie, que ce type de rencontre a changé de manière subtile mais radicale de forme et de but. Si l'objectif des Synodes pré-François était - au risque d'une certaine dispersion - de faire entendre de nombreuses voix et des problèmes peut-être peu connus, depuis le Synode sur la Famille, organisé, préparé et conduit par le cardinal Baldisseri, on a vu qu'en réalité, ces méga-événements servent à un agenda très précis, voulu et conduit d'en haut. Et ils servent, en fin de compte, à créer le substrat pour des documents - voir Amoris Laetitia - en substance préconfectionnés, auxquels l'apport des Pères synodaux apparaît purement cosmétique. Comment ne pas se souvenir de la confidence naïve (?) par l'archevêque Forte d'une conversation privée avec le Pape? «Si nous parlons explicitement de communion aux divorcés remariés - a raconté Mgr Forte, se référant à une blague du Pape François - tu n'imagines pas quel bazar ceux-là nous combineraient. Alors n'en parlons pas directement, assurons-nous que les prémisses sont là, et ensuite, c'est moi qui tirerai les conclusions». Après avoir rapporté cette saillie, Forte lui-même a plaisanté, disant: «Typique d'un jésuite».

Nous verrons aussi ce que la nouvelle Constitution dira en termes de transparence. Dans les Synodes des évêques pré-François, les interventions, tant orales qu'écrites, étaient rendues publiques. De plus, les responsables de l'information du Vatican tenaient des briefings, divisés par langue, au cours desquels ils présentaient mot pour mot les interventions des Pères synodaux. Avec la gestion Baldisseri, les interventions ont disparu du bollettino, et le briefing est devenu une sorte de sommaire, une liste de thèmes sans noms [de prélats]. C'est-à-dire exactement le contraire de la transparence et de la clarté. Ce n'est pas un hasard si c'est précisément la transparence que Thomas Andonie, responsable de la Fédération de la jeunesse catholique allemande, a réclamé: «Oui, parce que nous voyons avec une grande tristesse qu'il n'y a ni transparence ni ouverture, même si cela a été explicitement demandé dans la phase présynodale. On ne sait pas qui sera ajouté comme consultant auprès des évêques, s'il y aura des jeunes et selon quelle procédure ils seront choisis. Il est très important que les jeunes représentants, non seulement donnent des conseils, mais participent également aux délibérations. C'est une demande faite au niveau mondial par des jeunes engagés et liés à l'Église...».

La crainte est qu'en dépit de la vague de scandales que vit l'Eglise, du Chili aux Etats-Unis, de l'Allemagne à l'Australie, des Pays-Bas au Honduras et de l'Allemagne à l'Australie, la tentation dans la Coupole du gouvernement soit de revenir au "business as usual", à la gestion de toujours, encaissant en silence scandales et révélations, sans réaliser - ou avoir la force et le courage de réaliser - la perte de crédibilité et de confiance que cette attitude cause chez un nombre toujours croissant de Catholiques.

On ne peut donc s'empêcher de regarder avec perplexité certaines nominations pontificales au Synode des jeunes. Celle du cardinal Cupich de Chicago, par exemple, un homme de la filère des nominations de McCarrick, qui a déclaré que le pape a des choses plus importantes à traiter que les accusations de Mgr Viganò, (comme) l'environnement et les migrations. Ou du cardinal Joe Tobin, archevêque de Newark, disciple et héritier de McCarrick dans ce diocèse. Qui a admis candidement qu'il n'avait pas accordé de poids aux rumeurs et aux plaintes concernant les méfaits de McCarrick, car ils lui semblaient incroyables. Et puis le cardinal Marx, et Mgr Paglia...
Pour en revenir au thème de l'agenda, on se demande quel agenda on veut imposer au Synode de la Jeunesse. Après Dublin, et étant donné la présence d'éminences et d'excellences qu'il est aisé d'inscrire dans le courant philosophique pro-homosexuel dans l'Église, il n'est pas risqué de mettre parmi les objectifs possibles un autre petit ou grand pas vers la «normalisation» de l'homosexualité et des relations homosexuelles, à condition bien sûr que celles-ci soient stables et aimantes. Le vent de Sainte Marthe semble souffler dans cette direction. Dans les faits, pas dans les déclarations. Espérons que nous nous trompons.

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