Face à la prolifération de masques jetables, il faut encourager le tri, créer des filières de recyclage et relocaliser la production en Europe et en France, préconisent jeudi deux députés

Pourra-t-on bientôt faire tomber le masque à l'extérieur ?

afp.com/Roslan RAHMAN

Oui / "Nous devons dépasser le stade de l'infantilisation et jouer sur la responsabilité collective"

Par Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur de santé publique à l'Université libre de Bruxelles

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Il est temps de lever l'obligation du port du masque à l'extérieur. L'épidémie ne va pas s'arrêter dans quelques jours, encore moins dans quelques semaines, et les gouvernements doivent sortir de la vision paternaliste qui a guidé les restrictions jusqu'ici. Les politiques ne veulent absolument pas assouplir ces règles, car ils craignent un relâchement généralisé des gestes barrière. Mais alors que les contaminations régressent et que la vaccination avance, nous devons dépasser le stade de l'infantilisation et jouer sur la responsabilité collective. Car le risque est de perdre l'adhésion des populations durant l'été.

Lorsque l'on se balade seul dans un parc, ou lorsque l'on se promène en ville sans qu'il y ait de foule, la probabilité d'une infection au Covid-19 est quasi nulle. Le port du masque généralisé, et, a fortiori, à l'extérieur, a pu s'expliquer sur des plans communicationnel et politique, car les niveaux de contaminations de la première et de la deuxième vague restaient élevés. Mais d'un point de vue purement scientifique, les contextes dans lesquels les autorités exigent le port du masque ne sont pas toujours cohérents. Une nouvelle phase s'ouvre avec un meilleur contrôle de l'épidémie, et, surtout, l'avancement de la vaccination. Il y a une nécessité de trouver plus de nuances dans l'application des gestes barrière.

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Il y a eu, au fil du temps, une appropriation de ces mesures par les populations et une meilleure compréhension des modes de transmissions du virus. Le grand public adapte son comportement en conséquence. De la même manière que nous savons où il est possible de traverser la rue, nous savons désormais quand il faut porter le masque.

Mettons-nous aussi à la place des personnes vaccinées. Pour l'instant, elles éprouvent de la frustration : celles qui ont reçu leurs doses sentent bien qu'elles sont protégées des formes graves du Covid, mais leur vie reste la même parce qu'elles doivent porter le masque, même en présence de certains de leurs proches, et que de nombreuses restrictions demeurent. Il faut donc désormais que les politiques publiques montrent des signes d'ouverture pour rendre concrets les bénéfices de la vaccination et confirmer le contrôle de l'épidémie grâce à tous les autres outils (testing, suivi des contacts, isolement et traitements). Ne plus rendre le masque obligatoire à l'extérieur, dans toutes les circonstances, en serait un joli signal.

Non / "L'obligation de port du masque à l'extérieur doit être appréciée en fonction du risque"

Par Didier Lepelletier, médecin de santé publique, membre du Haut conseil de la santé publique

Depuis la semaine dernière, une première partie des restrictions sanitaire a pu être atténuée, mais les indicateurs ne sont pas pour autant tous au vert. Aujourd'hui, l'incidence dans la population générale est en baisse, mais les taux restent encore élevés, notamment dans certains départements. La réouverture prochaine des établissements en milieux clos, comme les bars, restaurants et commerces pourrait entraîner une reprise de la circulation virale. Oui, la couverture vaccinale augmente, mais elle n'est pas suffisante pour contrôler le risque de transmission : les entrées à l'hôpital pour Covid-19 diminuent en médecine, mais se poursuivent, pour l'instant, en réanimation. Il est encore trop tôt pour envisager une levée totale de l'obligation du port du masque à l'extérieur.

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Nous sommes actuellement dans une phase qui incite à la prudence, et cela nous demande d'agir de façon crescendo. Il serait dommageable de se relâcher sur l'ensemble des gestes barrière, dès aujourd'hui, et d'être obligé de revenir en arrière. Le masque est une mesure emblématique, et lever son obligation risque d'entraîner une application moins forte des autres dispositions, comme la distance interindividuelle, l'hygiène des mains, ou le nettoyage et l'aération dans les établissements recevant du public.

Pour autant, cela ne veut pas dire que le masque est utile partout à l'extérieur. Là où il y a une forte densité, et alors que bien moins de 60% des Français sont vaccinés, le risque de transmission du virus SARS-CoV-2 persiste. Il faut donc maintenir le port du masque dans les espaces les plus fréquentés, comme le centre-ville piéton ou les lieux touristiques. Mais dans les endroits plus déserts, quand il y a la possibilité de respecter les distances entre individus ou groupes de personnes, comme les rues vides, les zones de nature, les plages ou les forêts, le masque est inutile.

C'est pourquoi il faut stratifier l'indication du port du masque en fonction du risque, car maintenir systématiquement ce genre de protection n'est plus utile. La sensibilisation et la responsabilisation du citoyen doivent être encouragées. La levée complète de l'obligation du masque en extérieur, quelle que soit la situation, pourrait intervenir dès lors que les indicateurs d'incidence et de couverture vaccinale témoigneront d'un ralentissement très net de la circulation du virus en France.

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