La crise autour de la fermeture du service des urgences de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu à Paris a fait sa première victime : Mireille Faugère, la directrice générale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, est annoncée sur le départ. La décision pourrait être entérinée en conseil des ministres, mercredi 13 novembre, et Martin Hirsch est pressenti pour lui succéder. Loïc Capron, président de la Commission médicale d'établissement de l'AP-HP (structure qui regroupe tous les médecins hospitaliers de Paris), a parfois eu des relations compliquées avec Mireille Faugère. Il regrette cependant qu'elle fasse les frais de la fermeture des urgences de l'hôpital de l'île de la Cité.
Mireille Faugère paie sa gestion de la crise de l'Hôtel-Dieu. Comment réagissez-vous à l'annonce de son départ ?
Loïc Capron : Pour le moment, ce n'est qu'un bruit insistant, le conseil des ministres de ce matin ne l'a pas entériné. Si cela se confirme, je tiens à préciser en premier lieu que je n'ai pas, comme j'ai pu le lire ça ou là, eu la tête de Mme Faugère. Je ne me réjouis pas de cette nouvelle.
J'ai eu une première année de mandat difficile avec Mme Faugère jusqu'en septembre 2012. Par la suite, nous avons travaillé ensemble à résoudre nos problèmes. Et depuis que nous avons conclu une forme de pacte d'entente, nous travaillons très bien ensemble, à cette tâche extrêmement difficile qui est de restructurer et d'animer l'AP-HP.
Deuxièmement, je m'interroge sur l'opportunité de cette décision, à ce moment-là. Nous sommes dans une passe encore extrêmement difficile à l'Hôtel-Dieu. Je ne suis pas du tout convaincu que ce remplacement à la direction générale de l'AP-HP soit en mesure d'apaiser les eaux du détroit que nous traversons. Je crains même le contraire, étant donné que ça peut être interprété par les défenseurs de "l'Hôtel-Dieu immobile" comme une victoire. Ils ont réclamé la tête de la directrice générale, ils peuvent imaginer avoir obtenu gain de cause.
Craignez-vous que le blocage perdure à l'Hôtel-Dieu malgré cette décision ?
Depuis 48 heures, l'Hôtel-Dieu ne reçoit plus les ambulances de la brigade des sapeurs-pompiers. Je n'ai pas entendu dire qu'il y avait des morts plein les rues ou dans les services d'urgences des hôpitaux alentour. Ça se passe plutôt bien. Les déclarations terroristes des défenseurs de l'Hôtel-Dieu, M. Kierzek en tête, s'avèrent infondées pour le moment.
Mais on sortira réellement de la crise de l'Hôtel-Dieu le jour où on aura démontré que la transition est possible entre le SAU [service de l'accueil des urgences] traditionnel et ce que nous proposons, à savoir un accueil en consultation des urgences à pied, pour les gens qui peuvent s'y rendre par leurs propres moyens. Si, à terme, les choses se déroulent bien, ça voudra dire que c'est un bon modèle et tout se calmera.
Quel bilan faites-vous du passage de Mme Faugère à la tête de l'AP-HP ?
Dire que Mme Faugère a démérité tout au long de son mandat, comme on l'entend, ça me paraît profondément injuste et abusif. Et je ne suis pas un fanatique a priori de Mme Faugère, je reconnais simplement les mérites de chacun.
C'est une femme intelligente, parce qu'elle sait changer d'avis, ce qui est une grande vertu. Elle a habilement négocié le très mauvais départ que nous avions pris ensemble. Si l'on regarde l'état de l'AP-HP quand elle est arrivée en 2010, par rapport à maintenant, il y a une amélioration. Elle n'est pas la seule responsable, mais on le lui doit en grande partie. Elle a notamment eu le courage de vouloir faire avancer les grandes restructurations qui sont indispensables à l'équilibre de l'AP-HP.
Le nom de Martin Hirsch revient avec insistance pour lui succéder. Vous semble-t-il un bon candidat ?
Je ne connais pas M. Hirsch. Je sais qu'il a de grands mérites, mais je ne peux pas faire de pronostics sur la manière dont nous travaillerons ensemble. On l'aidera s'il joue le jeu. Les choses démarreront bien si M. Hirsch a l'intelligence de ne pas remettre en question le type de gouvernance que nous avons mis en place depuis le mois de septembre 2012. La politique médicale est le fruit de la collaboration entre la direction générale et la CME (commission médicale d'établissement), comme c'est écrit dans la loi HPST (loi "Hôpital, patients, santé, territoires"). Si M. Hirsch revient là-dessus, on repart pour un tour.
Par ailleurs, il va falloir qu'il prenne à bras le corps le travail extrêmement difficile – surtout pour un novice chez nous – qui consiste à participer à l'écriture du plan stratégique 2014-2019. Il doit être achevé en juin 2014. Il n'arrive pas à un moment facile, où il va pouvoir prendre tout son temps pour regarder comment l'Assistance publique est grande et belle, et comment elle a des défauts. Il prend en marche un gros train qui roule très vite. Si c'est lui qui est choisi, je lui souhaite bon courage.
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