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LA DIVINE  LITURGIE. (Paul EVDOKIMOV)

La liturgie n'est pas un moyen essentiellement théocentrique, elle repose sur elle-même. Pendant la liturgie, ce n'est pas sur lui-même, mais sur Dieu, sur sa splendeur, que l'homme dirige sa vue. Il ne s'agit pas tant de se perfectionner que de contempler la lumière de Dieu, l'abîme fulgurant de sa Philanthropie Et c'est cette joie qui, d'une manière désintéressée, en second lieu, rejaillit sur la nature de l'homme et la change.

Que l'homme n'ajoute rien à la splendeur de Dieu, à sa seule présence, elle agit par elle-même. Il doit y avoir des instants où l'homme ne cherche pas, à tout prix, un but à toute chose, des instants d'adoration pure où son être s'épanouit sans entrave, telle l'attitude du roi David dansant devant l'arche; que les moralistes d'un sérieux pesant fassent chorus avec Michel! Il ne faut pas toujours se pencher sur sa misère, être crispé sur ses péchés, mais au Jour du Seigneur - n'est-il pas un don de sa grâce ? - se détendre pendant quelques instants, être rempli de joie pure et transparente. Les amis de l'Epoux peuvent-ils s'affliger pendant que l'Epoux est avec eux?... Mais l'ami de l'Epoux qui se tient là et qui attend, est ravi de joie à la voix de l'Epoux, aussi sa joie est grande. Voilà, se tenir là, entendre et se réjouir. Dans la liturgie, l'homme trouve le Royaume de Dieu. Celui-ci s'est approché, il est déjà parmi les hommes, au milieu et au-dedans d'eux, le reste leur sera donné en temps utile, et par surcroît. En cherchant le Royaume, l'homme obéit à son Seigneur et devient son enfant; lorsqu'il le trouve, il se réjouit comme celui qui a trouvé une perle, comme celui qui a trouvé un trésor, et sa joie est parfaite. Tout croyant, véritablement fidèle, vit dans la liturgie qui le porte déjà vers cet au-delà dont parle saint Augustin dans ces termes denses et admirables: « Nous reposerons et nous verrons, nous verrons et nous aimerons; nous aimerons et nous louerons. »

 

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