Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales 24 avril
CHAPITRE VII
Combien la Providence sacrée est admirable en la diversité des grâces qu'elle distribue aux hommes.
Or ils sont tous, ou de différente espèce, ou au moins de diverses conditions, puisqu'ils sont distingués les uns des autres; autant qu'il y a d'anges, il y a aussi de grâces différentes, et bien que quant aux hommes la grâce ne soit pas donnée selon leurs conditions naturelles, toutefois la divine douceur, prenant plaisir et, par manière de dire, s'égayant en la production des grâces, elle les diversifie en infinies façons, afin que de cette variété se fasse le bel émail de sa rédemption et Miséricorde, dont l'Eglise chante, en la fête de chaque confesseur évêque :
Il ne s'en est point trouvé de semblable à lui. Et comme au ciel nul ne sait le nom nouveau, sinon celui qui le reçoit, parce que chacun des bienheureux a le sien particuliers selon l'être nouveau de la gloire qu'il acquiert.
Ainsi en terre chacun reçoit une grâce si particulière, que toutes sont diverses. Aussi notre Sauveur compare sa grâce aux perles, lesquelles, comme dit Pline, s'appellent autrement unions, parce qu'elles sont tellement uniques, une chacune en ses qualités, qu'il ne s'en trouve jamais deux qui soient parfaitement pareilles.
Et comme une étoile est différente de l'autre en clarté , ainsi seront différents les hommes des uns des autres en gloire, signe évident qu'ils l'auront été en la grâce.
Or, cette variété en la grâce, ou cette grâce en la variété, fait une très sacrée beauté et très suave harmonie, qui réjouit toute la sainte cité de Jérusalem la céleste.
Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoi la suprême Sagesse a départi une grâce à l'un plutôt qu'à l'autre, ni pourquoi elle fait abonder ses faveurs en un endroit plutôt qu'en l'autre. Non, Théotime, n'entrez jamais en cette curiosité; car ayant tous suffisamment, ainsi abondamment ce qui est requis pour le salut, quelle raison peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait à Dieu de départir ses grâces plus largement aux uns qu'aux autres?
Si quelqu'un s'enquérait pourquoi Dieu a fait les melons plus gros que les fraises, ou les lis plus grands que les violettes; pourquoi le romarin n'est pas une rose, ou pourquoi l'oeillet n'est pas un souci.
Pourquoi le paon est plus beau qu'une chauve-souris, ou pourquoi la figue est douce, et le citron aigrelet; on se moquerait de ses demandes, et on lui dirait:
Pauvre homme, puisque le beauté du monde requiert la variété, il faut qu'il y ait des différentes et inégales perfections ès choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoi les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus et les autres moins belles. Or, c'en est de même ès choses surnaturelles: chaque personne a son don; un ainsi, et l'autre ainsi dit le Saint-Esprit.