Chinois privés de voyage à cause de leur note sociale

23 millions de Chinois ne peuvent plus voyager à cause de leur mauvaise note citoyenne

© xavierarnau via Getty Images

Ni avion ni train. C’est la punition infligée à 23 millions de Chinois considérés comme de mauvais citoyens selon le système de notation sociale mis en place dans certaines provinces depuis 2014. Il sera généralisé à l’ensemble de la population en 2020.

Oublier de payer une facture, se montrer impoli dans un lieu public, promener son chien sans laisse… De petites infractions lourdes de conséquences pour les Chinois. 17,46 millions de personnes ont été empêchées d’acheter un billet d’avion et 5,47 millions d’acheter un billet de train en raison de leur faible score social. Ce sont les chiffres d'un rapport du National Public Information Center chinois, relayé par l’agence Associated Press.

Ce score social repose sur un système de notation individuelle mis en place par le gouvernement depuis 2014. Baptisé Social Credit System (SCS), il est déjà en vigueur dans plusieurs provinces. Cette méthode de surveillance citoyenne, souvent comparée à l’épisode NoseDive de la série dystopique Black Mirror, sera généralisée à l’ensemble de la population chinoise d’ici à 2020.

Un système pour « améliorer l'ordre »

Le système s’appuie sur les données bancaires et judiciaires d’un individu. Le but est, selon le gouvernement, d’améliorer « l’ordre au sein d’une société en forte mutation », cite Associated Press. La Cour populaire suprême de Chine s’est félicitée que 3,5 millions de personnes endettées aient réglé leurs dettes en 2018. Elles auraient été incitées par le système de crédit social, rapporte le quotidien chinois Global Times.

2 % de la population privée de voyage

L’an dernier un premier décompte évaluait déjà à 15 millions le nombre de Chinois empêchés de prendre l’avion ou le train. Ce chiffre s’élève désormais à 23 millions de personnes. Soit près de 2 % de la population totale chinoise.

En plus de se voir privés de certains de leurs droits, ces « mauvais citoyens » sont parfois livrés sur la place publique. Dans la province d’Hebei, une application permet de visualiser les citoyens endettés dans les 500 mètres à la ronde, raconte le quotidien China Daily. La délation via application mobile étant déjà une réalité en Chine.  

En 2016, le gouvernement a déployé une application sur laquelle chacun peut signaler une personne perturbant l'ordre social. En identifiant chauffards, malades mentaux et autres dissidents politiques, les citoyens obtiennent des coupons pour, entre autres, payer leurs trajets VTC et leurs matériels électroniques. Signe d'espoir : peu de citoyens feraient usage de l'application, selon une enquête du Wall Street Journal.

Nous notons déjà tous nos voisins sans le savoir

Le système de notation chinois fait froid dans le dos. Pourtant son fonctionnement n’est pas si éloigné des outils de surveillance et de notation d'entreprises. Les chauffeurs Uber perdent par exemple leur accès à la plate-forme si leur note est trop faible (la limite diffère selon la ville). En Australie et Nouvelle-Zélande, Uber a mis en place une règle similaire pour les clients, eux-aussi notés. En dessous de 4 étoiles sur 5, ils sont bannis de la plate-forme pour 6 mois.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
premium2
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire