Ils n’ont pas été mis dehors juste avant la trêve hivernale qui entre en vigueur ce 1er novembre. Ils ne le seront pas non plus au printemps prochain. La cinquantaine de migrants, dont 31 mineurs isolés, installés dans des locaux appartenant au diocèse d’Avignon a obtenu un long sursis du tribunal d’instance. Ils ne pourront pas être expulsés avant trois ans, soit le délai maximum qui pouvait leur être accordé.

Ces adolescents et des familles ont trouvé un toit en plein centre-ville grâce à l’action du collectif Rosmerta, composé de militants issus de diverses associations, qui a investi en décembre 2018 cet immeuble vide depuis 2017 après avoir été loué à l’Union départementale des associations familiales. Mais l’évêché a dénoncé une occupation illégale et demandé leur expulsion.

Le 25 octobre, la justice lui a donné raison en ordonnant que les occupants libèrent les lieux. Mais pas immédiatement, le temps qu’une autre solution de logement soit trouvée. «Nous sommes satisfaits, commente Chantal Raffanel, une des bénévoles de Rosmerta. Le jugement est équilibré entre le respect du droit de propriété, celui du droit à l’hébergement et à la dignité et l’intérêt supérieur des enfants. Maintenant, notre situation est cadrée juridiquement pour trois ans.»

Le diocèse ne fera pas appel. « Nous voulions que notre droit de propriété soit reconnu et c’est le cas », explique Pascal Andréani, économe diocésain s’exprimant au nom de Mgr Cattenoz, l’archevêque d’Avignon. «On prend notre mal en patience, nous ferons appliquer la décision de justice en temps voulu, poursuit-il. Mais le délai accordé par le tribunal paraît un peu long. Douze mois auraient été suffisants. »

Le collectif pourrait racheter les locaux

Sans attendre, Rosmerta veut commencer par améliorer le quotidien des hébergés. « Il y a quelques travaux à faire, en particulier au niveau des sanitaires », indique Chantal Raffanel. Le collectif va surtout réfléchir à un projet à long terme qui pourrait passer par un éventuel rachat des locaux avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre. « On est assez avancé pour savoir que c’est possible », ajoute la représentante associative.

Le diocèse n’y voit pas d’objection, l’immeuble étant à vendre. « Il n’y a aucun souci, la justice a fait son œuvre et nous sommes tout à fait prêts à entrer en négociations avec Rosmerta », affirme Pascal Andréani, en précisant que l’Église locale n’est pas opposée « sur le fond » à ces militants. « Nous sommes sensibles à la situation des personnes accueillies et nous avons aussi pris en charge des familles, reprend-il. Ce qui nous pose problème, c’est la forme de cette action. Ils sont dans l’illégalité. »

Des relations que chacun veut normaliser

De son côté, Rosmerta espère désormais entretenir une relation apaisée avec ce propriétaire qui l’a poursuivi devant les tribunaux, après des mois de procédure et d’absence de communication. « Ce n’est pas un squat, insiste Chantal Raffanel. Nous sommes 200 bénévoles actifs et le jugement reconnaît notre travail d’accompagnement social et juridique. Notre objectif est vraiment que ces personnes soient ensuite prises en charge par les services publics.»

Selon Pascal Andréani, deux experts ont évalué le bien du diocèse à respectivement à 1,2 et 1,4 million d’euros. « Il ne s’agit pas pour nous de faire une opération financière, assure-t-il. Nous avons besoin de cet argent pour l’investir dans le presbytère qui est juste à côté. Les travaux nécessitent un million d’euros. »

Pour l’économe diocésain, le battage médiatique autour de cette occupation a en tout cas eu un avantage : l’évêché a reçu huit « propositions réelles » d’achat. « Cela intéresse des promoteurs immobiliers, explique-t-il. Trois sont même prêts à l’acheter en l’état, avec les occupants. » Mais il leur faudra patienter trois ans.