Le Pr Didier Lepelletier, nouveau président du Haut Conseil pour la santé publique, insiste sur les mesures visant à améliorer la qualité de l'air intérieur.

Selon les spécialistes interrogés, il sera très difficile de faire disparaître le Covid-19.

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Et de cinq. Une nouvelle vague frappe la France, emportant avec elle les espoirs de voir le virus du Covid-19 circuler à bas bruit cet hiver. Certes, les chiffres ne sont pas aussi alarmants que lors des précédents volets, mais l'épuisement des soignants et des populations augmentent. Ce samedi, 22 678 nouvelles contaminations quotidiennes étaient enregistrées et 1 333 personnes se trouvent en soins critiques. Alors que les indicateurs s'affolent, le porte-parole du gouvernement a estimé, ce dimanche, que "cette cinquième vague commence de façon fulgurante". En moyenne calculée sur sept jours, le nombre de cas quotidiens a quasiment doublé en une semaine.

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Si cette reprise de l'épidémie pourrait venir perturber les fêtes de fin d'année, Gabriel Attal salue "la large couverture vaccinale française". L'élargissement de la dose de rappel aux quarante ans et plus est sur la table, mais le scénario d'une immunité collective semble s'éloigner tandis que la protection des vaccins n'est pas assez puissante pour contrer le virus. Deux ans après le début de la pandémie mondiale, le constat est presque unanime pour quatre scientifiques interrogés par L'Express : oui, il y a très peu de chance que le virus du Covid-19 disparaisse, au moins à court terme. Conséquence : les mesures barrières devront se réguler en fonction de la circulation du virus.

Yves Buisson : "Ce qui se profile, c'est le passage à une phase endémique saisonnière"

Le Covid-19 ne disparaîtra pas. C'est impossible de l'éradiquer, car il est très bien adapté à l'homme. Il s'agit d'un virus humanisé qui se transmet de mieux en mieux aux personnes. Par exemple, il donne beaucoup de formes asymptomatiques et il est capable de muter - ce qui lui donne une possibilité d'adaptation. Le Covid-19 a toutes les qualités pour se maintenir au sein de l'espèce humaine. Certes, nous avons un vaccin, mais il n'immunise pas à 100%. Il faudra donc supporter le virus. Ce qui se profile, c'est le passage d'un virus pandémique à une phase endémique saisonnière - c'est-à-dire qu'il circulera à bas bruit. Dans ce contexte, il y aura une recrudescence lors d'une saison froide, exactement comme le virus de la grippe.

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Quand les taux d'incidence seront revenus à des niveaux très faibles et qu'on assistera à des petites recrudescences pendant la période hivernale, alors nous entrerons dans le stade endémique. L'immunité collective des populations est la seule chose qui puisse arrêter la pandémie. Tant qu'elle n'est pas terminée, il faut conserver les gestes barrières et les renforcer surtout pendant l'hiver. Lorsque la pandémie sera terminée, on gardera quelque chose de cet apprentissage du Covid-19. Contrairement aux Asiatiques, les Occidentaux ne savaient pas porter le masque. Au moment de l'hiver ou des épidémies de grippe, c'est très bien de porter cette protection dans les transports en commun et je pense que cette habitude restera.

Yves Buisson est épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l'Académie nationale de médecine.

Antoine Flahault : "Aucun signe ne nous laisse espérer une disparition prochaine du Sars-CoV-2"

Personne n'est devin et nul ne peut savoir si le Covid-19 va disparaître un jour. On peut juste dire que très peu de maladies infectieuses ont disparu de la planète, hormis la variole, et peut-être bientôt la poliomyélite. Certes le virus SRAS, qui a émergé en Asie en 2003, aussi a disparu de l'humanité, et il était le fruit d'un coronavirus voisin de celui du Covid-19. Mais disons qu'il n'y a aucun signe actuellement qui nous laisserait espérer une disparition prochaine du Sars-CoV-2 de la surface de la Terre. L'éradication de la variole, décidée en 1958 et promulguée par l'OMS en 1980, avait été rendue envisageable en raison de plusieurs facteurs favorables. C'était une maladie due à un virus à ADN très stable qui ne présentait pas de variants. Le virus était strictement à transmission inter-humaine et il n'existait aucun réservoir animal. En ce qui concerne le Covid-19, on ne dispose pas encore de vaccins qui empêchent totalement la transmission comme c'était le cas contre la variole.

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La rougeole n'est pas éradiquée de la planète, mais est aussi une bonne candidate à l'éradication, car elle semble cocher toutes les cases. Le problème que l'on rencontre avec la rougeole, et que l'on rencontrerait probablement aussi avec le variant Delta du Sars-CoV-2, c'est sa très forte transmissibilité. Cela exige du vaccin, en plus de sa très grande efficacité sur la transmission (ce qui est le cas du vaccin contre la rougeole), une couverture vaccinale très élevée, supérieure à 95%, ce qui est difficile à atteindre là où l'hésitation vaccinale est trop forte.

Antoine Flahault est le directeur de l'Institut de santé globale et professeur à la faculté de Médecine à Genève.

Etienne Decroly : "Un réservoir qui risque de s'établir en dehors de l'espèce humaine"

L'éradication du Covid-19 est compliquée pour de multiples raisons. Tout d'abord, nous avions fondé beaucoup d'espoir sur l'immunité collective, mais finalement elle n'est pas suffisante pour endiguer la propagation du virus. Le vaccin est efficace contre les formes sévères de la maladie mais protège malheureusement insuffisamment sur le moyen terme. Les personnes vaccinées continuent à être contaminées - dans une moindre mesure bien entendu - et à transmettre le virus, ce qui rend la lutte contre la maladie beaucoup plus difficile. Par ailleurs, le virus est capable d'infecter différentes espèces animales, donc il y a un réservoir qui risque de s'établir en dehors de l'espèce humaine et qui risque de permettre des résurgences épidémiques. Les espèces infectantes sont nombreuses. Par contre, on s'attend à ce qu'au fur et à mesure des vagues, les vaccins soient meilleurs et boostent notre immunité. Grâce à l'ensemble des moyens de lutte, on espère arriver dans une situation ou le contrôle de l'épidémie pourrait être meilleur qu'aujourd'hui.

Mais les gestes barrières devront perdurer. Il faudra instaurer des mesures barrières plus fortes au moment où la circulation du virus sera la plus intense, et au contraire les enlever lorsque le virus circule peu. De plus, il est nécessaire de mettre en place des mesures d'assainissement des lieux collectifs, comme les moyens de transport ou les écoles. Selon les virus, l'efficacité vaccinale est plus ou moins grande. Par exemple, concernant la rougeole - première cause de mortalité infantile en Afrique subsaharienne - ses vaccins sont très protecteurs et permettent d'endiguer la circulation du virus si on a atteint une immunité collective. Au contraire, il existe des virus comme la grippe, où l'immunité, naturelle ou vaccinale, nous protège moins efficacement et la circulation du virus persiste avec des épidémies annuelles. Tout porte à croire que le Covid ressemble plus à ce qu'on observe pour la grippe que pour la rougeole.

Etienne Decroly est virologue et directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (AFMB) de l'université d'Aix-Marseille.

Jonathan Roux : "Le maintien des gestes barrières va nous permettre de lutter contre d'autres maladies"

Éradiquer le Covid-19 promet d'être compliqué. Pour cela, il faudrait que tout le monde ait été vacciné ou bien ait été en contact avec le virus, au niveau de la planète. Il y a très peu de maladies qu'on a réussi à faire disparaître totalement. Parmi les scénarios probables : le virus va continuer à circuler et devenir un virus hivernal comme les autres. Le vaccin contre le Covid-19 a été créé pour éviter les formes graves. Concernant la transmission du virus, il ne la réduit que de 40 à 50 % et pour le risque d'être infecté par le virus, l'efficacité n'est pas de 100% et diminue avec le temps. Cependant, les vaccins vont continuer à s'améliorer et des nouveaux vont entrer sur le marché. Grâce à la troisième dose de vaccin, l'immunité va être renforcée, mais il faut encore attendre pour connaître son efficacité sur le long terme. A court terme, les premières études montrent une hausse de l'efficacité.

Pour cet hiver, 2021-2022, il est quasi sûr que l'on va garder le masque. Au printemps 2022, on pourra peut-être le tomber. Afin d'avoir une meilleure visibilité, on a besoin de plus d'informations sur la protection sur le long terme conférée par le vaccin, notamment la troisième dose. Par ailleurs, le maintien des gestes barrières va nous permettre de lutter contre d'autres maladies (grippe, gastro). L'année dernière, c'était la première fois que nous n'avions pas connu d'épidémie de grippe grâce aux mesures de restrictions. A l'avenir, on peut envisager d'avoir plus facilement recours au masque par nous-même - tout comme les pays asiatiques. Si l'on est malade, on pourra porter un masque pour protéger les autres et ça ne paraîtra pas bizarre.

Jonathan Roux est épidémiologiste à l'École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes.

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