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Suicides chez les agriculteurs : "il faut briser l'omerta"

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Selon la dernière étude de la Mutualité sociale agricole, les agriculteurs en France seraient touchés par deux suicides par jour. En 2016, on pointait déjà un suicide tous les deux jours dans la profession. Pour les quelques agriculteurs qui acceptent d'en parler : "il faut briser l'omerta".

Déjà en 2016, une étude évoquait 1 suicide d'agriculteur tous les 2 jours en France (illustration)
Déjà en 2016, une étude évoquait 1 suicide d'agriculteur tous les 2 jours en France (illustration) © Maxppp - IP3 PRESS/Vincent Isore

Les derniers chiffres parus cet été dans l'étude de la Mutualité sociale agricole sont alarmants : il y aurait chaque jour deux suicides d'agriculteurs en France. Déjà en 2016, on parlait d'un suicide tous les deux jours dans la profession. Elle est la catégorie socioprofessionnelle la plus touchée par la surmortalité par suicide. Mais une omerta règne autour du problème. "Il faut la briser", osent certains. 

Ils sont   nombreux à accepter d'en parler : le suicide est tabou dans le milieu agricole. C'est pourtant la catégorie socioprofessionnelle la plus à risque. "On se démerde tout seul", explique Patrice Brachet, agriculteur à Azerat. "La grande majorité des agriculteurs ne peuvent pas accepter de se séparer de leurs terres pour payer leurs dettes", poursuit Yves Jarry, agriculteur à la retraite du Nord-Est du département. 

"C'est une question d'honneur"

Le premier, Patrice, a pensé mettre fin à ses jours il y a une dizaine d'années lorsqu'il croulait sous les dettes. Le second, Yves, ne donne pas de chiffre mais il a connu "un certain nombre" d'agriculteurs qui se sont suicidés. Le dernier en date : un voisin et ami de la famille. Chaque fois, le point de départ est le même : l'engrenage des difficultés financières, l'endettement, puis l'explosion.

"Plutôt que de se séparer de leurs terres pour payer leurs dettes, beaucoup préfèrent commettre l’irréparable. Sinon ils vont sur la vindicte populaire", décrit Yves Jarry. L'ancien éleveur l'admet : "le monde agricole est particulier, il y a beaucoup de fierté !". Alors vendre une terre qui est transmise de génération en génération s'avère souvent impossible. "C'est une question d'honneur" conclut-il.

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Une fois le drame arrivé la loi de l'omerta perdure. Pour Yves Jarry, elle tient à la tradition judéo-chrétienne : "Il y a des années, celui qui se suicidait n'était pas admis à l'église. Aujourd'hui encore, ça n'est pas bien vu. Souvent, j'ai entendu des gens dire 'il est tombé de son bureau' ... On camoufle le suicide !", soupire-t-il. Mais Patrice Brachet va plus loin : il estime qu'il n'y a "aucune solidarité entre les agriculteurs" et que cela explique en partie le silence qui entoure les morts. "Quand ton voisin crèves, quand tu es con, tu ne penses qu'une chose : je vais récupérer ses terres" lâche-t-il.

"Il faut parler ! Ça libère !"

A chaque exemple évoqué, la même explication : un endettement devenu insupportable. "La pression que subit un professionnel agricole, on ne peut pas l'imaginer", explique Patrice Brachet. Comme tous ses collègues il décrit des semaines de 60 à 80 heures, du lundi au dimanche, sans vacances. Lorsqu'ils arrivent à gagner 1.000 euros par mois, certains estiment qu'ils s'en sortent bien. Pour cause, d'autres ne se paient pas, ou oscillent autour des 300 euros mensuels.

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C'est lorsqu'il était dans cette situation financière que Patrice a pensé à mettre fin à ses jours. Aujourd'hui, il tente d'aider ses collègues et tend toujours une oreille attentive à leur quotidien. "On arrive à un moment où la fatigue est trop forte. Et là, la banque, les fournisseurs, tout le monde appelle. Eh bien on explose !", décrit le producteur de lait. Heureusement il n'est pas passé à l'acte et vit aujourd'hui entouré de sa famille, récemment agrandie d'un petit-fils. "Mais pour ça il faut en parler. Parler ça vous libère !", conclut-il. En 2014, la Mutalité sociale agricole (MSA) a mis en place un numéro vert : Agri’Écoute, joignable 7 jours/7 et 24h/24, le 09.69.39.29.19

Yves Jarry, quant à lui, se rappelle du discours des vœux à l'agriculture du président de la République en janvier 2018. "Certains agriculteurs vivent avec 200 ou 300 euros par mois. Chacun doit être rémunéré au juste prix payé", affirmait alors Emmanuel Macron. "Maintenant que le constat est fait, il faut prendre le problème à bras le corps !", s'impatiente Yves Jarry. 

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