Resurection
1892
Conférence des évêques de France. Septembre 2012 Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !Plus
Conférence des évêques de France. Septembre 2012

Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !
Resurection
CONSEIL
FAMILLE ET SOCIETE
Septembre 2012
Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !
L’élargissement du mariage civil aux personnes de même sexe et la possibilité pour elles de
recourir à l’adoption, est une question grave. Une telle décision aurait des conséquences
importantes sur les enfants, l’équilibre des familles et la cohésion sociale.
Il serait réducteur de …Plus
CONSEIL
FAMILLE ET SOCIETE

Septembre 2012

Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !

L’élargissement du mariage civil aux personnes de même sexe et la possibilité pour elles de
recourir à l’adoption, est une question grave. Une telle décision aurait des conséquences
importantes sur les enfants, l’équilibre des familles et la cohésion sociale.
Il serait réducteur de fonder la modification du droit qui régit le mariage et la famille, sur le
seul aspect de la non-discrimination et du principe d’égalité.
Le Conseil Famille et Société a voulu prendre en compte, avec l’aide d’experts, la complexité
de la question et fournir des éléments de réflexion abordant les principaux enjeux de la
décision envisagée.
La réflexion s’adresse aux catholiques, mais elle ne reflète pas qu’un point de vue religieux.
Elle peut intéresser toute personne s’interrogeant sur les mesures annoncées par le
gouvernement.
Cette démarche, qui se veut respectueuse des personnes, s’inscrit dans la volonté de l’Eglise
de participer au débat public. Elle le fait, s’appuyant sur la tradition chrétienne, dans le souci
de servir le bien commun.

Le Conseil Famille et Société
Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, président

Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy

Mgr Gérard Coliche, évêque auxiliaire de Lille

Mgr François Jacolin, évêque de Mende

Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg

Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges

M. Jacques Arènes, psychologue, psychanalyste

Mme Monique Baujard, directrice du Service national Famille et Société

Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, professeur de droit

Père Gildas Kerhuel, secrétaire général adjoint de la CEF

Sr Geneviève Médevielle, professeur de théologie morale

M. Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales de France

Ouvrir un vrai débat

La société se trouve devant une situation nouvelle, inédite. L’homosexualité a toujours existé,
mais jusqu’à récemment, il n’y avait jamais eu de revendication de la part des personnes
homosexuelles de pouvoir donner un cadre juridique à une relation destinée à s’inscrire dans
2
le temps, ni de se voir investies d’une autorité parentale. Il appartient au pouvoir politique
d’entendre cette demande et d’y apporter la réponse la plus adéquate. Mais cette réponse
relève d’un choix politique. L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe n’est
imposée ni par le droit européen ni par une quelconque convention internationale. Elle est une
option politique parmi d’autres et un vrai débat démocratique est nécessaire pour faire
émerger la meilleure réponse dans l’intérêt de tous.

Les différentes positions

Les prises de positions pour ou contre le mariage de personnes de même sexe ne manquent
pas, mais les discours, parfois idéologiques, se croisent. Trois positions s’affirment
aujourd’hui.
Le discours présenté comme dominant défend l’ouverture du mariage et de l’adoption des
enfants aux partenaires de même sexe en vertu du principe de non-discrimination. Il se situe
dans la logique de la défense des droits individuels. Le mariage, dans ce cas, n’aurait pas une
nature propre ou une finalité en soi ; il ne serait chargé que du sens que l’individu, dans son
autonomie, voudrait bien lui conférer. Ce discours se réclame d’une modernité politique avec
sa propre compréhension des valeurs de liberté et d’égalité.
Un second discours, beaucoup plus radical et militant, souhaite supprimer le mariage
traditionnel pour le remplacer par un contrat universel ouvert à deux ou plusieurs personnes,
de même sexe ou de sexe différent. Pour les tenants de ce discours, il n’y aurait plus de sexes
et la différence entre homme et femme ne serait que le fruit d’une culture hétérosexuelle
dominante dont il conviendrait de débarrasser la société.
Enfin, le troisième discours soutient que le mariage est ordonné à la fondation d’une famille et
qu’il ne peut donc concerner que les couples hétérosexuels, seuls en mesure de procréer
naturellement. Dans ce cas, le mariage a une nature propre et une finalité en soi, que la loi
civile encadre ; le sens du mariage dépasse alors le bon vouloir des individus. Ce discours, qui
a pour lui l’expérience millénaire, pose une limite à la liberté individuelle, qui est perçue
aujourd’hui comme inacceptable et rétrograde aux yeux de certains.

Les conditions du débat

Entre ces trois discours, il n’y a dans la société française, actuellement, pas de débat politique
argumenté. Pour que ce débat puisse s’instaurer, il importe tout d’abord de reconnaître le
conflit qui existe entre la signification du mariage hétérosexuel et l’expérience homosexuelle
contemporaine. Sans prise de conscience des enjeux de ces divisions et de ces différences, un
véritable travail politique est impossible1.
Il s’agit aussi de respecter tous les acteurs de ce débat et de permettre à chacun de réfléchir
plus profondément et d’exprimer librement ses convictions. Si toute réticence ou interrogation
devant cette réforme du droit de la famille est qualifiée a priori d’ « homophobe », il ne peut y
avoir de débat au fond. Il en va de même lorsque la requête des personnes homosexuelles est
disqualifiée a priori. Le respect de tous les acteurs du débat implique une écoute commune,
une aptitude à comprendre les arguments exposés et une recherche de langage partagé.
Cette recherche d’un langage partagé suppose, de la part des catholiques, de traduire les
arguments tirés de la Révélation dans un langage accessible à toute intelligence ouverte. De
même, dans ce débat qui concerne le sens du mariage civil, il n’y a pas lieu de discuter du
mariage religieux ni, dans un premier temps, des liens entre mariage civil et religieux. Il ne
s’agit pas pour les catholiques d’imposer un point de vue religieux mais d’apporter leur

1 Selon Paul Ricoeur, « est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions
d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions,
l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage », Dictionnaire
de la Langue française, « Démocratie ».

3
contribution à ce débat en tant que citoyens en se basant sur des arguments anthropologiques
et juridiques. Pour cela, il convient d’avoir bien en tête les raisons pour lesquelles l’Eglise est
attachée au mariage comme union entre un homme et une femme.

Comprendre la position de l’Eglise catholique

Un amour qui donne la vie

Les chrétiens croient en un Dieu qui est Amour et qui donne la vie. Cette vie est marquée par
l’altérité sexuelle : « Homme et femme, il les créa » (Genèse 1,27), qui est un des bienfaits de
la Création (Gn 1,31) et qui préside à la transmission de la vie. Dans l’expérience humaine,
seule la relation d’amour entre un homme et une femme peut donner naissance à une nouvelle
vie. Cette relation d’amour participe ainsi à la Création de Dieu. L’homme et la femme
deviennent en quelque sorte co-créateurs. Pour cette raison, cette relation garde un caractère
unique et l’Eglise catholique lui reconnaît un statut particulier. C’est une relation d’amour
vécue dans la liberté qui s’exprime dans le don de soi réciproque et dont le Christ a
pleinement révélé la beauté. Par respect pour cet amour et pour aider les couples, l’Eglise
invite, au nom du Christ, l’homme et la femme à s’engager librement dans un mariage
indissoluble, vécu dans la fidélité et l’ouverture à la vie. Le mariage religieux est, pour les
catholiques, un sacrement dans lequel Dieu lui-même s’engage aux côtés des époux et de leur
alliance. Ainsi, ce cadre ne constitue pas tant une contrainte qu’un soutien pour pouvoir vivre
cet amour. Il constitue aussi le moyen le plus simple et le plus efficace pour élever des
enfants.

La fécondité sociale

Ce n’est pas parce que l’Eglise accorde un statut particulier à cette relation d’amour entre un
homme et une femme, qu’elle n’accorde pas de valeur à d’autres relations d’amour ou
d’amitié. Mais celles-ci ouvrent sur un autre type de fécondité, une fécondité sociale. Cela
n’est pas moins important aux yeux de l’Eglise. Le Christ nous enseigne que nos relations
d’amour ne sont pas faites pour nous enfermer égoïstement dans un tête-à-tête, mais doivent
justement s’ouvrir aux autres. Mais seul dans le cas de l’amour d’un homme et d’une femme,
cette ouverture à l’autre se traduit par la naissance d’une vie nouvelle. C’est une différence de
taille, qui est occultée aujourd’hui.

L’importance du mariage civil

A travers le mariage civil, la société reconnaît et protège aussi la spécificité de ce libre
engagement de l’homme et de la femme dans la durée, la fidélité et l’ouverture à la vie.
Quelque 250.000 mariages civils sont célébrés chaque année en France et c’est toujours un
événement important pour ceux qui s’y engagent. L’élargissement du mariage aux personnes
de même sexe entrainerait une modification profonde du droit du mariage et de la filiation
pour tous, y compris pour les couples hétérosexuels.

Refuser l’homophobie

Une réforme en profondeur du mariage et de la filiation concerne tous les citoyens et devrait
donc pouvoir faire l’objet d’un large débat. Celui-ci se heurte aujourd’hui à l’accusation
d’homophobie qui vient fustiger toute interrogation.

Le respect des personnes

Cette situation a ses raisons d’être. Pendant longtemps, les personnes homosexuelles ont été
condamnées et rejetées. Elles ont fait l’objet de toutes sortes de discriminations et de
4
railleries. Aujourd’hui, cela n’est plus toléré, le droit proscrit toute discrimination et toute
incitation à la haine, notamment en raison de l’orientation sexuelle, et il faut se féliciter de
cette évolution.
Du côté de l’Eglise catholique, la Congrégation pour la doctrine de la foi invitait, dès 1976,
les catholiques à une attitude de respect, d’écoute et d’accueil de la personne homosexuelle au
coeur de nos sociétés. Dix ans plus tard, la même Congrégation soulignait que les expressions
malveillantes ou gestes violents à l’égard des personnes homosexuelles méritaient
condamnation. Ces réactions « manifestent un manque de respect pour les autres qui lèse les
principes élémentaires sur lesquels se fonde une juste convivialité civile. La dignité propre de
toute personne doit toujours être respectée dans les paroles, dans les actions et dans les
législations ».2

La lente évolution des mentalités

Si le respect de la personne est donc clairement affirmé, il faut bien admettre que
l’homophobie n’a pas pour autant disparu de notre société. Pour les personnes homosexuelles,
la découverte et l’acceptation de leur homosexualité relèvent souvent d’un processus
complexe. Il n’est pas toujours facile d’assumer son homosexualité dans son milieu
professionnel ou son entourage familial. Les préjugés ont la vie dure et les mentalités ne
changent que lentement, y compris dans nos communautés et familles catholiques. Elles sont
pourtant appelées à être à la pointe de l’accueil de toute personne, quel que soit son parcours,
comme enfant de Dieu. Car ce qui, pour les chrétiens, fonde notre identité et l’égalité entre les
personnes, c’est le fait que nous sommes tous fils et filles de Dieu. L’accueil inconditionnel
de la personne n’emporte pas une approbation de tous ses actes, il reconnaît au contraire que
l’homme est plus grand que ses actes.
Le refus de l’homophobie et l’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont, font
partie des conditions nécessaires pour pouvoir sortir des réactions épidermiques et entrer dans
un débat serein autour de la demande des personnes homosexuelles.

Entendre la demande des personnes homosexuelles

Une réalité diversifiée

En fait, les données statistiques qui évaluent le nombre de personnes homosexuelles, le
nombre de personnes vivant une relation stable avec un partenaire de même sexe ou le
nombre d’enfants élevés par deux adultes de même sexe, sont rares et difficiles à interpréter.
Sous cette réserve, plusieurs études montrent que les pratiques homosexuelles ont évolué et
que l’aspiration à vivre une relation affective stable se rencontre plus fréquemment
aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Cette réalité n’est pour autant pas uniforme : la cohabitation sous
le même toit, la relation sexuelle ou l’exclusivité du partenaire ne font pas toujours partie des
éléments d’une telle relation stable.

Une demande de reconnaissance

La diversité des pratiques homosexuelles ne doit pas empêcher de prendre au sérieux les
aspirations de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un lien stable. Le respect et la
reconnaissance de toute personne revêtent désormais une importance primordiale dans notre
société. Les discussions sur le multiculturalisme, le racisme, le féminisme et l’homophobie
sont sous-tendues par cette demande de reconnaissance qui s’exprime aujourd’hui sur le mode
égalitariste. La non-reconnaissance est expérimentée comme oppression ou discrimination.
Certains poussent très loin ce discours égalitariste. Ils estiment que toute différence ouvre sur

2 Documentation catholique 1976, n°1691, §8 ; Documentation catholique 1986, n°83, p. 1160-1164.

5
un rapport de pouvoir et en conséquence sur un risque de domination de l’un sur l’autre :
domination de l’homme sur la femme, domination du blanc sur le noir, domination de
l’hétérosexuel sur l’homosexuel, etc. Selon eux, la seule solution pour combattre l’oppression
ou la discrimination serait alors de gommer les différences ou, en tout cas, de leur dénier toute
pertinence dans l’organisation de la vie sociale.

Une volonté de gommer les différences

C’est dans ce contexte que s’inscrit le processus de transformation du mariage pour le rendre
accessible aux personnes de même sexe. La demande vise à faire reconnaître que l’amour,
entre deux personnes de même sexe, a la même valeur que l’amour, entre un homme et une
femme. La différence entre les deux, au regard de la procréation naturelle, est gommée ou
jugée non pertinente pour la société. La richesse que représente l’altérité homme/femme tant
dans les rapports individuels que collectifs est passée sous silence. Seule semble compter la
reconnaissance de la personne homosexuelle et le fait de mettre fin à la discrimination dont
elle s’estime victime dans une société hétéro-normée.

La valeur d’une relation affective durable

La société, tout comme l’Eglise dans le domaine qui lui est propre, entend cette demande de
la part des personnes homosexuelles et peut chercher une réponse. Tout en affirmant
l’importance de l’altérité sexuelle et le fait que les partenaires homosexuels se différencient
des couples hétérosexuels par l’impossibilité de procréer naturellement, nous pouvons estimer
le désir d’un engagement à la fidélité d’une affection, d’un attachement sincère, du souci de
l’autre et d’une solidarité qui dépasse la réduction de la relation homosexuelle à un simple
engagement érotique.
Mais cette estime ne permet pas de faire l’impasse sur les différences. La demande des
personnes homosexuelles est symptomatique de la difficulté qu’éprouve notre société à vivre
les différences dans l’égalité. Plutôt que de nier les différences en provoquant une
déshumanisation des relations entre les sexes, notre société doit chercher à garantir l’égalité
des personnes tout en respectant les différences structurantes qui ont leur importance pour la
vie personnelle et sociale.

Connaître les limites du PACS

Le Pacte Civil de Solidarité (PACS), créé en 1999, a de façon inattendue surtout été utilisé par
les couples hétérosexuels qui représentent 95% des 174 523 PACS conclus en 20093. Pour
ces derniers, il constitue une alternative au mariage, qui ouvre un certain nombre de droits
fiscaux et sociaux, sans avoir le poids symbolique du mariage, et en conservant une totale
liberté de rompre.

Des différences mal connues

Aujourd’hui, pour les couples hétérosexuels, les différences entre le PACS et le mariage sont
importantes et mal connues. Le PACS est un contrat, le mariage est une institution. Au plan
patrimonial, c’est dans le domaine du droit des successions, des régimes matrimoniaux et de
la réversion de la pension au partenaire survivant que se situent les plus grandes différences.
Mais ce sont cependant les effets d’ordre personnel et symbolique qui marquent le plus
l’infériorité du PACS par rapport au mariage. Le PACS n’est pas conclu à la mairie mais au
Tribunal ou devant notaire. Il ne produit aucun effet en matière de nom et n’entraîne aucun

3 www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp

6
effet personnel. Notamment, le PACS n’impose aucune obligation de fidélité, il ne crée pas de
lien d’alliance entre le pacsé et la famille de son partenaire et peut être rompu unilatéralement,
par simple lettre recommandée avec accusé de réception. Aucune protection n’est prévue pour
le partenaire délaissé ou les éventuels enfants nés de cette union. Bien souvent, les couples
hétérosexuels pacsés en viennent au bout d’un certain temps à se marier, afin de donner plus
de solidité et de solennité à leur union.

La recherche symbolique

Les personnes homosexuelles réclament aujourd’hui aussi une forme d’union plus solennelle,
dotée d’un véritable poids symbolique et ne pouvant être rompue sans procédure ni indemnité.
Dans leur revendication, la différence au regard de la procréation naturelle est mise de côté,
comme un détail négligeable, pour ne garder du mariage que la sincérité et l’authenticité du
lien amoureux. Il s’agit là d’une vision très individualiste du mariage qui n’est pas celle du
droit français.

Prendre en considération le droit français

Une réforme du droit de la famille doit partir du droit existant et examiner en quoi celui-ci
n’est plus adapté à la situation nouvelle et quelles seront les conséquences de la réforme
envisagée pour les citoyens. Si le droit n’est qu’une technique humaine qui peut évoluer à tout
moment, il n’en garde pas moins une fonction anthropologique : il dit quelque chose de notre
vision de l’homme.

La fonction sociale du mariage

Le discours en faveur de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe part d’une
vision tronquée du droit. Il choisit de ne retenir du mariage civil que le lien amoureux et fait
alors valoir que refuser le mariage aux personnes de même sexe est une discrimination car
elles aussi sont amoureuses. Ne pas leur ouvrir l’accès au mariage revient alors à mettre en
doute la sincérité et l’authenticité de leurs sentiments, voire leur capacité d’aimer. Or, il ne
s’agit pas de cela. Contrairement à ce qui est soutenu, le mariage n’a jamais été un simple
certificat de reconnaissance d’un sentiment amoureux. Le mariage a toujours eu la fonction
sociale d’encadrer la transmission de la vie en articulant, dans le domaine personnel et
patrimonial, les droits et devoirs des époux, entre eux et à l’égard des enfants à venir. La
conception individualiste du mariage, véhiculée par le discours ambiant, ne se trouve pas dans
les textes de loi.

La valeur symbolique du don total de soi

La haute valeur symbolique du mariage ne vient d’ailleurs pas du sentiment amoureux, par
définition éphémère, mais de la profondeur de l’engagement pris par les époux qui acceptent
d’entrer dans une union de vie totale. Cet engagement concerne la vie des conjoints (respect,
fidélité, assistance, communauté de vie, contribution aux charges), la vie des familles (liens
d’alliance, obligations alimentaires, empêchements au mariage), la vie des enfants
(présomption de paternité, éducation, autorité parentale conjointe) et les tiers (solidarité des
dettes ménagères). Compte tenu de l’importance de cet engagement, y compris à l’égard des
tiers, il est régi par la loi et sa rupture est soustraite au bon vouloir des parties. Le divorce ne
peut être prononcé que par le juge qui veillera à la protection des plus faibles et une
répartition équitable des biens.
Ce qui confère au mariage sa haute valeur symbolique, c’est donc cet engagement de toute
une vie, « pour le meilleur et pour le pire », ce pari un peu fou que l’amour humain puisse
surmonter tous les obstacles que la vie nous réserve. Or, l’accueil des enfants nés de cette
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union de vie fait partie intégrante de cet engagement. Si le mariage a connu des variations
dans l’histoire, il a toujours organisé le lien entre conjugalité et procréation. Encore
aujourd’hui, en droit français, le mariage comporte une présomption de paternité, que
connaissait déjà le droit romain (pater is est quem nuptiae demonstrant). Destinée à rattacher
juridiquement au mari les enfants mis au monde par la mère, cette présomption de paternité
est la traduction juridique des conséquences naturelles de la promesse de fidélité et de vie
commune que font les époux. Sans méconnaître que cette tradition juridique a aussi été
porteuse de préjugés et d’injustices à l’égard des femmes, il convient de discerner ce qu’elle
contient de sage et quelle est son importance pour la société.

Mesurer les enjeux pour l’avenir

Le mariage, tel qu’il existe aujourd’hui en droit français, assure le lien entre conjugalité et
procréation et donc la lisibilité de la filiation. C’est là, en particulier, où le droit a une fonction
anthropologique.

La vie est un don

Tout d’abord, en assurant le lien entre conjugalité et procréation, le droit vient nous rappeler
que la vie est un don et que chacun la reçoit. Personne ne choisit son père et sa mère,
personne ne choisit son lieu ou sa date de naissance. Ce sont pourtant ces « données » qui
vont, à jamais, caractériser chacun comme un être unique au monde. Ces données
incontournables de la filiation, qui s’imposent à chacun, viennent rappeler à l’homme qu’il
n’est pas tout-puissant, qu’il ne se construit pas tout seul, mais qu’il reçoit sa vie des autres,
d’un homme et d’une femme (et pour les croyants, d’un Autre).

Les deux sexes sont égaux et indispensables à la vie

Ensuite, faire le lien entre conjugalité et procréation est important pour la reconnaissance de
l’égalité des sexes, qui sont l’un comme l’autre indispensables à la vie. Le fait d’être né d’un
homme et d’une femme signe notre origine commune, notre appartenance à l’espèce humaine.
La dualité sexuelle homme/femme est en effet une « propriété des vivants ».

Les droits des enfants

Enfin, la lisibilité de la filiation et l’inscription dans une histoire et une lignée sont essentielles
pour la construction de l’identité. La Convention des Droits de l’enfant de l’ONU stipule
expressément qu’un enfant, dans la mesure du possible, a droit de connaître ses parents et
d’être élevé par eux. Si les circonstances de la vie peuvent empêcher cela, il ne faudra pas que
le législateur prenne l’initiative d’organiser l’impossibilité pour les enfants de connaître leurs
parents ou d’être élevés par eux. Ce qui sera le cas s’il accède aux demandes de parenté des
personnes homosexuelles que ce soit par le biais de l’adoption ou de la procréation
médicalement assistée.

L’utilité sociale

A côté de ces fonctions anthropologiques fondamentales, le mariage a aussi une utilité
sociale. Même s’il n’est plus l’unique porte d’entrée de la vie de famille, il continue à
favoriser la stabilité conjugale et familiale, qui correspond à une aspiration profonde d’une
très grande majorité de la population. Celle-ci est non seulement bénéfique pour ses membres,
mais elle profite à toute la société car elle permet aux familles de mieux assumer leur rôle
dans le domaine de l’éducation et de la solidarité. A défaut, c’est la collectivité qui doit
prendre le relais.
8
Ces enjeux anthropologiques et sociaux ainsi que la protection des droits de l’enfant sont
passés sous silence. Le discours dominant, égalitariste, choisit délibérément d’ignorer la
différence entre les personnes homosexuelles et hétérosexuelles à l’égard de la procréation et
veut faire croire que le lien entre conjugalité et procréation n’est pas pertinent pour la vie en
société. Un coup d’oeil sur les conséquences juridiques d’une telle réforme démontre le
contraire.

Evaluer les conséquences juridiques de la réforme envisagée

Le sort de la présomption de paternité

En cas d’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, se posera la question du sort de
la présomption de paternité, actuellement prévue à l’article 312 du Code Civil.
La première solution possible est de décider que cette présomption ne s’appliquerait pas aux
couples de même sexe. Il y aurait alors dans les faits deux types de mariages, et il importerait
que les citoyens soient clairement informés de cette distinction. Cette hypothèse, retenue aux
Pays-Bas et en Belgique, ne règle pas la question du lien entre la compagne de la mère et
l’enfant de celle-ci. Une deuxième solution, plus radicale, consisterait à supprimer la
présomption de paternité pour tous. Cela reviendra à instaurer officiellement la dissociation
entre conjugalité et procréation et viderait le mariage de son sens. Quel sens peut avoir un
mariage civil qui, en refusant de régler la transmission naturelle de la vie, n’honore plus la
promesse de fidélité des époux ? Une troisième solution, encore plus radicale, a été retenue au
Canada. La présomption de paternité est transformée en présomption de parenté et joue aussi
pour les partenaires homosexuels : la compagne de la mère sera la « co-mère » de l’enfant.
Dans ce cas, la lisibilité de la filiation, qui est dans l’intérêt de l’enfant, est sacrifiée au profit
du bon vouloir des adultes et la loi finit par mentir sur l’origine de la vie !

La loi ne doit pas mentir sur l’origine de la vie

Les choses se compliquent encore davantage devant les questions d’adoption et de procréation
médicalement assistée. Par exemple, comment concevoir une adoption plénière qui supprime
la filiation d’origine et dit que l’enfant est « né de » ses parents adoptifs ? Faut-il faire croire à
un enfant qu’il est né de deux hommes ou de deux femmes ? Les complications juridiques
sont nombreuses. Tout notre système juridique est basé sur la distinction des sexes, puisque la
transmission de la vie passe par la rencontre d’un homme et d’une femme.

Conclusion

S’il appartient au pouvoir politique d’entendre la demande d’un certain nombre de personnes
homosexuelles de bénéficier d’un cadre juridique solennel pour inscrire une relation affective
dans le temps, c’est en fonction du bien commun dont il est garant qu’il doit chercher à y
répondre.
L’Eglise catholique appelle les fidèles à vivre une telle relation dans la chasteté, mais elle
reconnaît, au-delà du seul aspect sexuel, la valeur de la solidarité, de l’attention et du souci de
l’autre qui peuvent se manifester dans une relation affective durable. L’Eglise se veut
accueillante à l’égard des personnes homosexuelles et continuera à apporter sa contribution à
la lutte contre toute forme d’homophobie et de discrimination.
La demande de l’élargissement du mariage civil ne peut être traitée sous le seul angle de la
non-discrimination car cela suppose de partir d’une conception individualiste du mariage, qui
n’est pas celle du droit français pour qui le mariage a une claire vocation sociale.
9
Prétendre régler les problèmes de domination et d’abus de pouvoir, qui existent effectivement
dans la société, par l’ignorance des différences entre les personnes, semble une option
idéologique dangereuse. Les différences existent et c’est une bonne chose. La différence des
sexes est une heureuse nouvelle.
La demande d’élargissement du mariage aux personnes de même sexe met la société au défi
de trouver des nouvelles formes pour vivre les différences dans l’égalité. Pour cela, le
législateur sera amené à opérer des arbitrages délicats entre des intérêts individuels
contradictoires. Le propre du pouvoir politique est en effet de défendre non seulement les
droits et les libertés individuels, mais aussi et surtout le bien commun. Le bien commun n’est
pas la somme des intérêts individuels. Le bien commun est le bien de la communauté tout
entière. Seul le souci du bien commun peut venir arbitrer les conflits de droits individuels.
La véritable question est alors de savoir si, dans l’intérêt du bien commun, une institution
régie par la loi doit continuer à dire le lien entre conjugalité et procréation, le lien entre
l’amour fidèle d’un homme et d’une femme et la naissance d’un enfant, pour rappeler à
tous que :

· la vie est un don

· les deux sexes sont égaux et l’un comme l’autre indispensables à la vie

· la lisibilité de la filiation est essentielle pour l’enfant.
Une évolution du droit de la famille est toujours possible. Mais plutôt que de céder aux
pressions de différents groupes, la France s’honorerait à instaurer un vrai débat de société et à
chercher une solution originale qui fasse droit à la demande de reconnaissance des personnes
homosexuelles sans pour autant porter atteinte aux fondements anthropologiques de la société.
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