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29 JUIN SAINT PIERRE CHEF DES APÔTRES (vers 7 avant J.-C.-67 après J.-C.)

La vie de saint Pierre, l'apôtre privilégié entre tous, le vicaire de Jésus-Christ, le chef visible de l'Église, mériterait d'être écrite avec des développements dignes de son importance. Mais il est vrai qu'elle est presque tout entière racontée dans les Livres saints avec une puissance et une onction auxquelles n'atteindra jamais plume humaine; et ces Livres sont familiers à toute âme sérieusement chrétienne. Il suffira donc d'en rappeler les faits principaux, en complétant ce bref récit par quelques détails que nous a transmis la tradition.
Simon, que le Sauveur surnomma Kepha, c'est à-dire Pierre, était fils d'un pêcheur, qui s'appelait Jona ou Jean. Sa mère aurait été nommée Johanna. Il naquit vers 746 ou 747 de Rome, deux ou trois ans avant le Sauveur, dans la petite ville de Bethsaïde, au territoire de Nephtali ; elle était située au nord du lac de Génésareth, non loin et au-dessus de Capharnaiim.
C'est là que Simon grandit avec son frère André, dont il n'est pas sûr qu'il fût l'aîné ; c'est là que, fréquentant l'école , il acquit la connaissance des Livres saints qu'attestèrent plus tard ses épîtres. Il apprit aussi par l'usage, outre l'araméen, langue usuelle du nord de la Palestine, le grec hellénistique, que parlait la population très mélangée des bords du lac. Mais, loin d'être un savant, il exerçait la pénible profession de pêcheur avec son père et son frère : ils possédaient une barque et, par elle, une certaine aisance ; car le métier était lucratif. A l'âge légal, il se maria avec une jeune fille de Capharnaùm ; la tradition dit qu'il en eut deux fils et une fille.
Vers l'an 780, Simon était un vrai Galiléen : franc, ouvert, de cœur noble et délicat, ardent et enthousiaste, impétueux et brusque, timide pourtant et, avec cela, présomptueux et obstiné à certains jours. Les plus anciens monuments le montrent portant la barbe, les cheveux courts et frisés, le visage rond et respirant l'intelligence et la bonté.
A ce moment il s'était, comme son frère, attaché à Jean le Baptiste, et semble avoir été un de ses disciples préférés. Mais c'est l'heure aussi où Jésus de Nazareth apparaît. Il vient à Bethabara, sur la rive orientale du Jourdain, à 7 kilomètres de son embouchure. Là Jean baptise ; un jour il voit Jésus sur les bords du fleuve ; il le désigne à Jean et à André : Voici l'Agneau de Dieu! Et les deux jeunes hommes suivent le Maître, sont conquis par lui. Le lendemain André lui amène Simon, et Jésus, le regardant, lui dit : Tu es Simon, fils de Jona : tu seras appelé Kepha (ce qui signifie Pierre).
Dès lors Pierre appartient à Jésus. Certes ses défauts ne sont pas du premier coup corrigés : ils feront souffrir son Maître tant aimé et mériteront des avertissements, durs parfois.
Mais sa fidélité sera sans retour, son amour sans partage, sa confiance sans hésitation ; et c'est pourquoi sa foi sera, plus que celle d'aucun autre, illuminée par l'inspiration divine.
Néanmoins, après être resté avec Jésus pendant quelques semaines, l'avoir accompagné à Cana, à Jérusalem, Pierre est revenu à ses filets, lorsque, vers le mois de janvier 781, le Rabbi divin passe sur les bords du lac ; il y trouve les deux frères, emprunte leur barque pour prêcher le peuple qui se presse sur le rivage, et puis, ayant récompensé ce service par une pêche miraculeuse, arrache Simon et André à leur père. Dorénavant ils ne le quitteront plus. Quelques mois plus tard, sur le Kou-roun Hattin, où il a passé la nuit en prière, Jésus proclame les apôtres qu'il choisit parmi ses disciples : Simon-Pierre est le premier nommé et déjà s'affirme sa prééminence. Partout il est de la suite immédiate du Maître : chez Jaïre, au Thabor, au jardin des Olives. Nul n'est aussi attentif à l'enseignement ;.
il veut le pénétrer, il interroge pour en avoir une plus parfaite intelligence, il s'y attache comme aux paroles de vie, dont Jésus est le seul dispensateur. Il semble ne vouloir jamais laisser même son Maître s'éloigner; quand Jésus s'absente, Pierre se met à sa recherche ; pour le rejoindre, il ose même marcher sur les eaux du lac. Son amour, qui se rend bien compte des sacrifices qu'il fait à la vocation divine, n'admet pour son divin objet ni les souffrances ni les humiliations; il tâche de le détourner de les accepter; au jardin, il met l'épée à la main pour l'en délivrer. Et sa tendre audace lui attire même les reproches les plus véhéments qu'ait exprimés la douceur ineffable de Jésus.
Pourtant, à l'heure prédite, son courage, mais non pas sa foi, est en défaut. Malgré ses protestations répétées d'un dévoue-ment qui irait jusqu'à la mort, il suffit de la voix moqueuse d'une servante, d'une méfiante question d'un valet pour que trois fois avec éclat il renie son Maître. Mais quelle pénitence quand le regard attristé de Jésus l'avertit de sa faute ! Suivant la tradition, il l'a pleurée toute sa vie, se relevant, pour la détester, chaque nuit au chant du coq, et ses larmes finiront par creuser son visage de deux profonds sillons.
Aussi Jésus, qui connaît le fond de son cœur, lui pardonne aisément et l'en assure au premier jour même de sa résurrection.
Au pied de l'Hermon, au delà de Césarée de Philippe, il y a deux ans, il avait provoqué la magnifique et résolue profession de foi de son apôtre en sa divinité ; il l'avait récompensée par la promesse de faire de lui le fondement de son Église et de lui confier les clés du ciel. Plus tard, au Cénacle, il avait donné à l'infaillibilité de cette foi la garantie de sa toute-puissante prière. Aujourd'hui, peut-être avant tous les autres, il l'admet à contempler son corps glorieux; et demain, sur le rivage de Tibériade, en preuve de l'amour pleinement reconquis par une pénitence si sincère, il remettra solennellement son troupeau entier, agneaux et brebis, aux mains de Pierre, constitué son vicaire terrestre.
Et puis il remonte au ciel, ayant ainsi pourvu à l'autorité suprême et à l'infaillible vérité dont vivra l'Église. Dès ce départ, Pierre prend en main, avec fermeté, sans conteste, le gouvernement : c'est lui qui préside au Cénacle, lui qui prend la parole devant le peuple accouru au bruit du vent impétueux de la Pentecôte, lui qui baptise les premiers convertis, qui fait le premier miracle, la guérison du boiteux de la Belle Porte du Temple. C'est lui encore qui répond au sanhédrin irrité, menaçant, par une protestation, énergique autant que tranquille, de la divinité du Christ et oppose à la défense de prêcher son nom le non possumus qu'après lui répéteront tous les martyrs et tous les apôtres de l'Évangile.
Mais dès la fin de l'an 32 la persécution s'avive; les chrétiens se dispersent et vont porter la foi hors de Jérusalem. C'est à Samarie qu'elle germe d'abord; et c'est Pierre encore qui va conférer aux nouveaux baptisés le sacrement où ils reçoivent l'Esprit-Saint. Est-ce à ce moment, — c'est bien probable, — qu'il se rendit à Antioche et y fonda la première Église, distincte de l'Église de Jérusalem? Le fait, — sinon la date, — est établi par la tradition et le culte liturgique, preuve de la foi universelle. Un an après, la paix, — provisoire du moins, — s'est faite. Alors Pierre entreprend la visite des communautés chrétiennes établies en Palestine : Lydda, Joppé, le voient successi-vement; et dans cette dernière ville il a la vision célèbre d'où il conclut à la volonté divine d'ouvrir aux Gentils les rangs des fidèles. Le centurion Cornélius, à Césarée de Palestine, est le premier bénéficiaire de cette grâce dont nous participons tous.
Et puis, Hérode-Agrippa Ier rouvre l'ère des persécutions.
Il met à mort Jacques et emprisonne Pierre. Mais celui-ci, miraculeusement délivré par un ange, s'éloigne ; il porte dans un autre lieu la semence de la foi : cet autre lieu, d'un avis général aujourd'hui, c'est Rome. Le premier pape y fait son entrée sans doute en 42, inaugurant la plus longue dynastie de l'univers et la plus féconde, — dirons-nous la seule féconde ? — en véritables bienfaits. Chassé peut-être par l'édit de Claude contre les Juifs en 51, il est ramené, grâce à cet exil providentiel, en Palestine, à Jérusalem, au moment où il était nécessaire de protéger les convertis des nations, les Gentils baptisés, contre les prétentions des chrétiens judaïsants qui voulaient les assujettir aux prescriptions légales : il se prononce pour eux ; à sa suite les apôtres consacrent leur liberté. Il est vrai, peu de temps après, Pierre adopta une conduite contraire. Il était à Antioche, où se trouvait aussi saint Paul. Cédant à l'influence de certains fidèles d'origine juive, il cessa de s'asseoir à la table des chrétiens incirconcis où l'on servait des viandes interdites par la loi de Moïse. Il semblait les condamner ainsi. Paul, — il le raconte lui-même aux Galates, — lui fit alors de véhémentes observations : il défendait ses chers convertis et, du même coup, empêchait l'Église du Christ de se scinder comme en deux sortes de fraternités, où l'unité eût couru grand risque de sombrer. Pierre humblement comprit, admit les arguments de l'apôtre des Gentils et finalement lui donna gain de cause.
Après ce temps, nous n'avons plus aucun document assuré sur la vie de saint Pierre. Il revint sans aucun doute à Rome;
c'est de là qu'il écrivit à certaines églises d'Asie Mineure deux lettres dont l'importance dogmatique est encore dépassée par leur portée morale et pratique. On les rapporte aux années 63 et 66. Ainsi se trouverait fixée la date de sa mort, qu'on s'accorde à attribuer à la persécution néronienne. Une tradition cons-tante, — qui fait foi et qu'appuie l'interprétation, adoptée communément, de la prophétie faite par Notre-Seigneur sur les bords du lac, — affirme qu'il fut mis en croix. Par une humilité digne de son grand cœur, il aurait demandé à être crucifié la tête en bas. Son supplice eut lieu sans doute sur le mont Vatican, dans le cirque de Néron, entre les deux bornes qui fixaient la course des chars. Des mains pieuses recueillirent le corps vénérable et l'enterrèrent sur le lieu même de son mar-tyre : là s'éleva plus tard la basilique Constantinienne, remplacée aujourd'hui par la grandiose église de Saint-Pierre.