Roy-XXIII
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Observatoire moderno-réaliste.
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Catholique et Français
Article de l'abbé Guillaume de Tanoüarn, prêtre, théologien et philosophe (Institut du Bon Pasteur) dans Monde & Vie (1° août 2019) :
« MGR PONTIER, LA CRC ET LE CONCILE.
« Où l’on reparle du concile Vatican II comme pomme de discorde et où l’on entend parler à nouveau de la CRC, la Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle… au motif que ce Concile, dans la ligne de l’abbé de Nantes, son …More
Article de l'abbé Guillaume de Tanoüarn, prêtre, théologien et philosophe (Institut du Bon Pasteur) dans Monde & Vie (1° août 2019) :

« MGR PONTIER, LA CRC ET LE CONCILE.

« Où l’on reparle du concile Vatican II comme pomme de discorde et où l’on entend parler à nouveau de la CRC, la Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle… au motif que ce Concile, dans la ligne de l’abbé de Nantes, son fondateur, la CRC ne l’a toujours pas accepté. Par l’abbé G. de Tanoüarn.

« Mgr Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence épiscopale jusqu’à la rentrée de septembre, a sans doute un côté un peu suicidaire, malgré son profil couleur murailles. Avant de partir, il a imaginé qu’il pourrait fermer définitivement le dossier de la Contre-Réforme Catholique, fondée naguère par l’abbé Georges de Nantes et dont les 120 religieux restent aujourd’hui fidèles à la pensée de leur fondateur disparu. La Congrégation pour la doctrine de la foi, qui est sans doute à l’origine de cet ultime rebondissement, a proposé un questionnaire, que chacun des 120 religieux devra remplir, en rédigeant des réponses personnelles.

« Quelques semaines après l’expiration du délai qui lui était imparti, le frère Bonnet-Eymard, actuel supérieur et successeur de l’abbé de Nantes, offre aux abonnés de sa publication, Il est ressuscité, pour le numéro 200 de la revue, une mise au point qui paraît extrêmement solide à qui accepte de se plonger dans cette cinquantaine de pages de théologie. Comme si l’esprit de l’abbé de Nantes revivait sous sa plume, avec cette devise : la meilleure défense, c’est l’attaque. Je souhaite personnellement bien du plaisir à la Congrégation romaine, qui devra analyser ce long texte du point de vue de sa conformité à la foi catholique. Pas facile de trouver des hérésies dans tout cela !

« Mgr Pontier a vraisemblablement eu les yeux plus gros que le ventre. Sans doute devra-t-il laisser cette polémique doctrinale à son successeur, Mgr de Moulins-Beaufort, fin théologien, qui avant de devenir le nouveau patron des évêques, avait en charge la Commission doctrinale de l’épiscopat français. D’ici là, au-delà des menaces et des insultes (le supérieur de la Congrégation des petits frères de Jésus et Marie n’a pas le droit sous la plume de Pontier à son titre religieux, pourtant bien modeste. On ne l’appelle jamais “ frère ”, mais “ Monsieur ”); beaucoup d’eau risque encore de couler sous les ponts du statu quo. Ce n’est pas tant le problème disciplinaire que pose une congrégation sans prêtres qui est en jeu, que la qualité doctrinale de la synthèse proposée par le frère Bonnet-Eymard, au point qu’on ne voit pas trop quel théologien francophone dans l’Église conciliaire, à l’exception peut-être de certain vieux jésuite progressiste, serait aujourd’hui capable de répondre point par point à une telle mise en question.

« Je voudrais donner un aperçu de cette théologie nantiste aux lecteurs de Monde & Vie. En tant que membre de l’Institut du Bon-Pasteur, j’ai, avec mes confrères, reçu mission d’élaborer une “ critique constructive ” du Concile […].

« Aurions-nous obtenu ce droit à une critique constructive si Vatican II était réputé comme un concile dogmatique, comme tel infaillible ? Poser la question, c’est y répondre.

« Infaillible ou pas.

« Or l’actuelle Congrégation pour la Doctrine de la foi semble aujourd’hui tenir à l’infaillibilité dogmatique du Concile. La deuxième question posée aux frères de Jésus et de Marie par Mgr Pontier, via Rome, postule, trop facilement me semble-t-il, cette infaillibilité : “ Reconnaissez-vous l’autorité dogmatique et magistérielle du second concile du Vatican, en particulier dans sa doctrine sur l’Église, la Révélation divine, la liturgie et la liberté religieuse ? ” […]

« Les quatre têtes de chapitre proposées aux Nantistes comme “ dogmatiques ”, sont justement des questions sur lesquelles les débats sont loin d’avoir eu lieu. Il s’agit de l’Église, de la Révélation divine, de la liturgie et de la liberté religieuse… Sur chacun de ces grands thèmes, sur la manière dont ils sont traités à Vatican II, sur la manière dont ils sont portés par la Tradition, le Frère Bonnet-Eymard fait figure de grand synthétiseur. Son texte devra faire partie de l’état théologique de la question.

« Voici un exemple de critique constructive de Vatican II. Il s’agit d’un résumé de la critique de Dei Verbum :

« “ Malgré certaines formules admirables insérées dans un texte élaboré à dessein de façon équivoque, la constitution Dei Verbum a gauchi intentionnellement la doctrine classique de la Révélation divine dans le but de s’affranchir du dogme gênant au nom de l’Écriture et de l’expérience vitale des chrétiens actuels. Par une exaltation surprenante de l’Écriture et une présentation de laParole de Dieuactuellement prononcée par les hommes d’Église comme d’une présence réelle et actuelle du Christ vivant et agissant, émancipée de la tradition ecclésiastique, la Constitution a substitué à l’enseignement jusque alors ferme de l’Église une Parole qui n’existe pas personnifiée, structurée ni objective dans notre expérience commune.

« “ Et voici le résultat de cette thèse qui relève de l’illuminisme : une immense et scandaleuse confusion du langage, la substitution de cent opinions individuelles à l’unique Credo, l’émiettement de la foi. ” Fin de citation !

« L’émiettement de la foi : quelle formule admirable ! elle dit tout en deux mots […].

« La liberté religieuse.

« Les autres têtes de chapitre font l’objet de résumés magistraux […], en particulier la question de la liberté religieuse : “ L’Église a toujours reconnu aux personnes le droit et le devoir de suivre leur conscience ”, mais “ dans notre monde moderne, toute la tradition de l’Humanisme athée et de la Révolution – ‘ satanique dans son essence ’– est un refus de la souveraineté du Dieu fait homme par l’homme qui veut se faire lui-même dieu. La charte de cette révolte, c’est la Déclaration des droits de l’homme dont la teneur est plus métaphysique que politique, et politique pour atteindre au religieux et substituer le culte de l’Homme au culte de Dieu. Il est donc normal que le principal adversaire de la Révolution, plus que les familles et que les trônes, soit l’Église qui est l’œuvre de Dieu et du Christ au milieu des hommes. Ce n’est pas dire que l’Église ait nié la liberté humaine par contradiction absolue d’une Révolution qui la proclamait souveraine et qui la réclamait contre Dieu. ”

« […] Un tel discours est salubre. Il nous permet de comprendre que la crise totale, que la crise morale que traverse l’Église est d’abord une crise doctrinale. »