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Pie XII - des munitions pour la riposte.

1 - Attestations en faveur de Pie XII à la fin de la guerre
Dans une Note le document Vatican mentionne des attestations de reconnaissance se référant avec précision à certains articles de l’ Osservatore Romano.
Le 7 septembre 1945 Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israéliennes, rend grâce "au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père, et qui ont offert avec élan et abnégation leur action intelligente et efficace pour nous secourir, insouciants des énormes dangers auxquels ils s’exposaient" (L’ Osservatore Romano, 8-10-1945).

Pie XII

Le 21 septembre 1945 Pie XII reçut le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Mondial hébraïque, afin de lui présenter ses remerciements les plus sincères pour l’oeuvre effectuée par l’Eglise Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif (L’ Osservatore Romano, 23-9-1945).
Le 29 novembre 1945 le Pape reçut presque 80 délégués des réfugiés juifs, provenant des camps de concentration allemands, "très honorés de pouvoir remercier personnellement le Saint-Père, pour la générosité qu’il leur a démontrée pendant la terrible période nazie" (L’ Osservatore Romano, 30-11-1945).
Le 9 octobre 1958, à la mort de Pie XII, plus de dix ans après la guerre et le fameux procès de Nuremberg, au cours duquel une large place a été faite aux enquêtes sur les responsables, les causes, les intrigues et les alliances directes et indirectes avec le nazisme – la réputation du Pape Pacelli est restée inaltérée. Les plus hauts fonctionnaires politiques d’Israël et les représentants des organisations juives nationales et mondiales partagent "le deuil de l’humanité pour la mort de Sa Sainteté Pie XII." Ainsi s’exprime Golda Meir, qui continue: "Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie de la terreur nazie, la voix du Pape s’ éleva pour les victimes […] Nous pleurons un grand serviteur de la paix" (1).

2 - Attestation du Grand Rabbin de Rome, Israele Zolli

Dans un interview de Stefano Zurlo, publié le 31 mars 1998 dans Il Giornale, la fille du Grand Rabbin de Rome, Israele Zolli, Myriam, raconte: "Quand les nazis demandèrent 50 kilogrammes en or pour épargner la vie des habitants du Portico d’ Octavia, mon père désespéré courut au Vatican […] Le Saint-Père l’informa que le Vatican ajouterait les 15 kilos qui manquaient. Dès lors, Israele Zolli entretint des relations d’humaine sympathie avec le Pape Pacelli, presque en se reconnaissant en lui ".
Malheureusement, le trésor ne servit pas à calmer la colère des nazis. Entre 15 et 16 octobre 1945 les Allemands ratissèrent le ghetto. "Cela aussi - ajoute Myriam - mon père l'avait compris: c’est-à-dire comment tout cela finirait. Il se méfiait des SS et alors il avait d’avance suggéré aux chefs de la communauté de brûler les registres et de faire fuir les gens. Mais ils le considèrent comme un visionnaire, même parce que ils avaient reçu des nouvelles rassurantes de la part de Carmine Senise, qui était alors le commandant de la police".
Toujours à propos du ratissage du ghetto, au cours d’un symposium au thème: "Chrétiens et juifs pendant la persécution nazie à Rome", qui a eu lieu le 23 mars 1999 dans la capitale, en réponse à la question: "Mais Pie XII, où était-il le 16 octobre?" - posée par Emanuele Pacifici, président de l’Association "Amis de Yad Vashem" - le P.Gumpel, jésuite et rélateur dans le procès pour la béatification de Pie XII, rappelle que le Pape Pacelli n’est pas resté sans agir.

En effet, le Pape avait chargé le Père Pancrazio Pfeiffer de persuader le général Stahel, commandant de l’armée, d’arrêter l’opération. Le général envoya, alors, un télégramme à Himmler pour expliquer que l’opération serait nuisible, parce qu’elle pourrait provoquer une réaction violente. Toutefois, il n’obtint que de différer l’opération de quelques jours (Avvenire, 24 mars 1999, p. 22).

Un des trains qui arrivaient à Auschwitz avec les Juifs deportés
En revenant au rabbin Zolli, après des années de recherches solitaires sur les pas du Serviteur souffrant d’Isaïe, il reconnaît dans le Christ Crucifié le Visage du Serviteur, sans cesser de partager intimement les souffrances de son peuple et de verser pour lui beaucoup de larmes. Ainsi, au début de 1945 Israele Zolli demande et obtient le baptême, en prenant le nom d’Eugène, en signe de remerciement pour tout ce que le Pape Pacelli avait fait pour aider les juifs. Cette conversion fait éclater un grand scandale.
Ainsi Zolli répond à un journaliste juif qui l’avait appelé "serpent chauffé dans la communauté": "Vous ne sauriez pas imaginer combien de larmes j’ai versées et combien j’en verse encore ces jours, dans mes prières pour les israélites persécutés et massacrés cruellement. Ton peuple est mon peuple, l’origine est commune". Voici comment le juif devenu chrétien explique sa sensation de ne pas avoir répudié le judaïsme: "Je ne me suis jamais disputé avec moi-même […] Tout changeait et, cependant, tout s’harmonisait. L’âme peu à peu se remplissait de valeurs spirituelles nouvelles sans éliminer les vieilles, en les transformant, au contraire, jusqu’au moment où l’outre vieille était pleine et débordante de vin nouveau".
"A ceux qui m’ont demandé, sans le comprendre, comment j’ai pu renier" moi-même, j’ai répondu: Je n’ai point renié. Je n’ai que la claire et sûre conscience d’avoir affirmé moi-même sans rien renier".

Le sens de justice exige que l’on respecte le choix d’un homme d’une telle hauteur intellectuelle et morale et d’un extrême désintéressement, un homme qui s’est occupé personnellement du sort de son peuple persécuté. Bientôt pendant les années 30 à Trieste, où il était Grand Rabbin, il s’est engagé pour permettre à beaucoup de juifs allemands de s’expatrier.

3 - Pour faciliter une sérieuse recherche historique sur Pie XII. fut le premier à accuser publiquement Pie XII, au moyen d’un texte théâtral Der Stellvertreter (Le Vicaire), publié en 1963. Sa thèse était que Pie XII n’avait pas fait tout ce qu’il pouvait et devait faire pour défendre les juifs. Sans compter la rumeur provoquée dans l’opinion publique, le contenu de la preuve était tout simplement superficiel, et plusieurs juifs bien renseignés critiquèrent durement l’auteur.4 - Le véritable terrain de la controverse sur Pie XII 2).
Rolf Hochhuth
Il faut signaler deux livres d’historiens juifs: L’Eglise catholique et l’Allemagne nazie, de Gunther Lewy, et Pie XII et le Troisième Reich, de Saul Friedlander, parus eux aussi pendant les années ’60. Sur ces deux livres on trouve des opinions négatives soit de la part d’un historien de renommée internationale, le jésuite P.Robert Graham; soit de la part d’une autorité incontestable, Robert Kempner, qui s’est échappé au régime nazi et, ensuite, est devenu avocat d’accusation dans le procès de Nuremberg: "Aucun des deux n’offre de valables raisons de changer cette opinion" [de défense énergique de Pie XII].
Vue le faible sérieux scientifique des publications historiques sur l’action de Pie XII, en 1964 Paul VI ordonna de rendre publics tous les documents du Vatican concernant la seconde guerre mondiale. Un groupe d’historiens très compétents réalisa cet ouvrage monumental: Actes et Documents du Saint Siège relatifs à la Seconde Guerre Mondiale, en 12 volumes contenant 5.100 documents édités selon de rigoureux critères scientifiques. Cela aurait dû être suffisant pour établir une étude sérieuse sur Pie XII.

Pie XII
après la liberation de Rome

Mais encore ces dernières années, dans son livre Le Pape d’Hitler, l’écrivain américain John Cornwell accuse Pie XII d’être néanmoins le partisan du nazisme et prétend étayer sa thèse à l’aide de recherches effectuées dans les archives de la Secrétairie d’Etat, en étant le premier et le seul à avoir consulté ces archives. Un historien juif ainsi lui répond: "Le livre de Cornwell? Un livre à sensations, superficiel. […] Sur le plan académique l’ouvrage de Cornwell n’a aucune valeur: il se fonde sur peu de documents déjà connus depuis des années et il soutient sa thèse de façon superficielle" (Avvenire, 25 novembre 1999, Agorà).
Dans cette situation, pour satisfaire aux nombreuses demandes, y compris catholiques (comme celle du Cardinal américain O’Connor), le Saint-Siège a nommé une Commission mixte formée de trois historiens catholiques: Eva Fleischner, le jésuite Gerald Fogarty, don John Morely, et de trois historiens juifs: Michael Marrus, Bernard Suchecky, Robert Wistrich), qui sont tous, évidemment, des savants illustres. Le but est de collaborer à une analyse académique de la figure de Pie XII, fondée non seulement sur les 12 volumes avant publiés, mais aussi sur tout document inédit.
C’est une dernière preuve de bonne volonté de la part du Saint-Siège qui a toujours déclaré de ne pas craindre la vérité. Le travail de cette commission mixte est complètement indépendant du procès de béatification de Pie XII et il pourra renforcer le dialogue entre juifs et catholiques.

Il n’y a aucun doute que Pape Pacelli était bien au courant de l’idéologie anti-chrétienne et anti-religieuse des nazis, parce qu’il était Nonce Apostolique en Allemagne précisément pendant les années où le parti d’Hitler s’imposait.
Cela explique, par exemple, un certain soutien offert aux généraux allemands qui avaient organisé en 1940 un complot pour se débarrasser d’Hitler. Et cela explique aussi le fait que, par l’intermédiaire du Délégué Apostolique, il ait encouragé les catholiques américains à s’allier sans aucune hésitation avec la Russie de Staline, afin de repousser l’invasion nazie.
Il est incontestable que la position prudente adoptée par Pie XII pendant la guerre a permis à l’Eglise catholique (mobilisée par volonté du Pontife) de sauver au moins 800.000 juifs. D’après ses recherches, dans son livre Pie XII et la question juive, l’américaine Margherita Marchione arrive jusqu’à …
Philomène
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personnellement la déportation et les camps pour avoir aidé les persécutés du régime nazi." (Avvenire, 17 mars 1998).
Est-ce que l’on pouvait, est-ce que l’on devait faire quelque chose de plus pour éviter la "solution finale" de l’Holocauste?
D’un point de vue historique il est prouvé que ni les gouvernements des Etats-Unis, de l’Angleterre, de la Russie de Staline, ni …Plus
Suite de l'article :

personnellement la déportation et les camps pour avoir aidé les persécutés du régime nazi." (Avvenire, 17 mars 1998).

Est-ce que l’on pouvait, est-ce que l’on devait faire quelque chose de plus pour éviter la "solution finale" de l’Holocauste?
D’un point de vue historique il est prouvé que ni les gouvernements des Etats-Unis, de l’Angleterre, de la Russie de Staline, ni de Gaulle, ni les organisations internationales comme La Croix Rouge, et même pas le Conseil Mondial Hébraïque, qui étaient eux aussi au courant de l’existence des camps d’extermination, n’élevèrent aucune protestation spécifique et publique.
Ce n’est qu’à partir des années 50 qu’une nouvelle sensibilité pour une réévaluation de la responsabilité envers la Shoah commença à se répandre dans toute l’Europe. A ce propos, du côté catholique on remarque de nombreuses déclarations des épiscopats nationaux, jusqu’au dernier document du Vatican: "Nous nous rappelons: une réflexion sur la Shoah". Mais n’est-ce pas contradictoire d’essayer de faire retomber la responsabilité principale de la Shoah sur PieXII, alors qu'il était loué quelques années avant pour ses mérites en matière de défense des juifs persécutés?

Edith Stein, victime de l'Holocauste à Auschwitz.
Le deuxième élément est le prétendu silence de Pie XII, qui est le principal sujet d’accusation. Sur ce "silence" il faut bien s’entendre. Le P.Gumpel écrit: "La vérité est que Pie XII a condamné plusieurs fois et même publiquement la persécution des gens innocents uniquement à cause de leur race". "A cette époque tout le monde comprenait à qui il faisait allusion". Et comme preuve il cite plusieurs textes écrits par les plus hautes autorités nazies qui manifestaient de l’hostilité envers le Pape "porte-parole des bellicistes juifs".
Il est vrai, d’ailleurs, que dans ses protestations publiques Pie XII n’a jamais employé le mot "juif", et qu’il n’a pas fait de déclarations véhémentes. Est-ce que nous pouvons mieux comprendre les raisons de cette attitude?
Quelques observateurs font remarquer à quel point il est difficile de juger, avec la sensibilité actuelle et dans un contexte culturel profondément différent, les choix que la conscience de Pie XII lui suggéra de faire. D’autres soulignent sa formation de diplomate et sa confiance dans l’action diplomatique déployée dans toutes les directions, préférée aux déclarations publiques. Et, en effet, il suivit cette position. Ecoutons, alors, le cri provenant du coeur de Pie XII:

"Plusieurs fois j’avais pensé lancer une excommunication contre le nazisme et dénoncer au monde civil la cruauté de l’extermination des juifs! Nous avons entendu des menaces de rétorsion très graves, pas contre notre personne, mais contre nos pauvres fils qui se trouvaient sous la domination nazie; de très vives exhortations nous sont parvenues par plusieurs moyens, afin que le Saint-Siège ne prenne pas une position radicale. Après tant de larmes et de prières, j’ai conclu que si j’avais protesté, non seulement je n’aurais aidé personne, mais, au contraire, j’aurais provoqué la colère la plus féroce contre les juifs. […] Ma protestation m’aurait procuré peut-être l’éloge du monde civil, mais, en revanche, elle aurait procuré aux pauvres juifs une persécution encore plus implacable que celle qu’ils subissent déjà"
( 2).
Telle était la conviction de Pie XII. Et le fait qu’elle avait un fondement réel est confirmé par ce qui est arrivé à l’Eglise de Hollande. Le dimanche 26 juillet 1942 dans toutes les églises catholiques on lit une lettre de protestation contre la déportation de familles juives entières (plus de 10.000 personnes). Résultat: non seulement la déportation des juifs de sang et de religion eut une accélération, mais, en signe de rétorsion directe contre les Evêques responsables de la protestation, les premiers à être déportés furent les juifs baptisés (parmi lesquels Edith Stein et sa soeur Rose), qui furent considérés dès lors comme "nos ennemis les plus terribles".
Quand Pie XII fut informé de cette tragédie, il se dirigea vers la cuisine et brûla personnellement deux grandes feuilles à l’écriture serrée, en disant: "C’est ma protestation contre cette épouvantable persécution anti-juive. Elle aurait dû paraître ce soir dans l’Osservatore Romano. Mais si la lettre des Evêques hollandais a eu comme prix le meurtre de quarante mille vies humaines, ma protestation en coûterait peut-être deux-cent mille. Pour cette raison il est préférable de ne pas parler en forme officielle et d’agir en silence, comme j’ai fait jusqu’à présent, pour tout ce qui était humainement possible pour ces gens".
Conclusion: l’Eglise officielle, qui certes a beaucoup réfléchi sur les erreurs et sur les responsabilités des chrétiens face aux persécutions nazies, ne croit pas devoir des excuses pour le silence de Pie XII. C’est ce que le Nonce Apostolique a déclaré en Israël à la télévision d’Etat. Ce silence était nécessaire ( 3). Cela ne signifie pas que sur le plan historique et scientifique le dernier mot sur Pie XII ait été prononcé. Ainsi s'exprime le Cardinal Cassidy, Président de la Commission pour les rapports avec le Judaïsme dans une conférence de presse à Londres, quelques semaines après la sortie du document sur la Shoah (4).

Notes
1

www.moscati.it/Francais/Fr_Pio12.html
- Tiré de l'article du Père jésuite Gumpel, paru sur l'hebdomadaire catholique anglais The Tablet du 13 février 1999.
2 - G.Angelozzi Gariboldi, Pio XII, Hitler e Mussolini. Il Vaticano fra le due dittature, Mursia, Milano 1988, p.152.
3 - Avvenire, 27 février 2000.
4 - Avvenire, 14 mai 1998.