GChevalier
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Tu es de marbre, Béatrice ? Tu as raison : moi, c'est tout pareil !

Il faut changer le Notre Père
Après la France, l'initiative est relancée en Italie par... le pape ! Réactions.
("Benoît-et-moi" _ 11/12/2017)


J'avoue que, n'étant pas spécialiste, le changement dans les mots du Notre Père en français, opéré récemment en grande pompe et avec grand écho dans les médias (qu'on ne savait pas si savants en théologie, et si concernés par la prière des catholiques), m'a laissée de marbre. J'ai peut-être tort, mais je l'ai vu comme un débat picrocholin (la nuance introduite échappant au catholique lambda, en tout cas à moi), qui ne risque pas de ramener les foules vers les églises.
La décision ne venait pas de Rome: les évêques français (qui paraît-il ont très longuement réfléchi sur la question, à l'instar des théologiens byzantins en 1453, occupés à une querelle sur le sexe des anges alors que Constantinople était assiégée) ont-ils saisi la première occasion de tester en grandeur nature la nouvelle liberté que leur a octroyée le Pape en septembre dernier pour la traduction des textes liturgiques avec le motu proprio Magnum Principium?
Le plus intéressant, c'est que le Pape lui-même a repris récemment à son compte l'initiative des évêques français - alors qu'on s'attendrait plutôt à la démarche dans l'autre sens... mais avec ce pontificat, tout est sens dessus dessous.

Voici ce qu'on pouvait lire dans La Croix du 5 décembre :


Don Pozza à la télévision avec le pape (notez sa tenue!)

Dans un entretien à la télévision catholique italienne TV2000, le pape François a souligné que la traduction en italien du Notre Père n’était pas bonne, se félicitant du changement effectué en français où la demande « Ne nous soumets pas à la tentation » et devenu « Ne nous laisse pas entrer en tentation ».
S’exprimant dans une série d’entretiens sur le Notre Père, où il répond au père Marco Pozza, un jeune aumônier de prison de Padoue (nord de l’Italie), le pape était interrogé, dans l’épisode diffusé mercredi soir 6 décembre, sur la septième demande de la prière traduite en italien par «Ne nous pousse pas à la tentation » .
« Ce n’est pas une bonne traduction, a reconnu le pape. Même les Français ont changé le texte avec une traduction qui dit “ne me laisse pas tomber dans la tentation”. Car c’est moi qui tombe, pas lui qui me pousse dans la tentation pour voir comment je tombe. Un père ne ferait pas cela?: un père aide immédiatement à se relever. »
Pour François, «celui qui pousse à la tentation, c’est Satan?: c’est cela le travail de Satan».
En France, depuis ce premier dimanche de l’Avent 3 décembre, la demande « Ne nous soumets pas à la tentation » est devenue « Ne nous laisse pas entrer en tentation », justement pour les raisons évoquées par le pape François.
(La Croix)

Les propos du Pape n'ont pas manqué de susciter des réactions en Italie, parfois critiques chez les catholiques. Par exemple, Francesco Filipazzi écrivait la semaine dernière sur le blog Campari & de Maistre :

« Ce pontificat offre toujours de nouvelles émotions aux catholiques qui, comme nous, ne demandaient rien d'autre, jusqu'à il y a quelques années, que de vivre leur foi concrètement et dans la ligne la tradition chrétienne bimillénaire. La dernière trouvaille de Bergoglio et de ses amis est de "changer le Notre Père" parce que tous les autres jusqu'à aujourd'hui étaient des débiles mentaux, ils n'avaient pas remarqué que la "traduction du grec était erronée", que "Dieu ne peut pas induire en tentation parce que le tentateur est Satan". Par conséquent, nous dirons "ne nous abandonne pas à la tentation".

(...)
Il est clair que le Notre Père n'intéresse absolument pas François et ses associés, mais les objectifs de cette décision, dont personne n'a ressenti le besoin, sont bien différents. Dans l'immédiat, comme Bergoglio est en déclin dans les médias et après le désastre du voyage en Birmanie, il faut un moyen pour finir un peu dans les journaux, pour des raisons autres que le blé de l'IOR.
A long terme, le changement du Notre Père sert à confirmer que tout est en discussion, rien ne peut échapper à la manie dévastatrice du nouveau cours. La prochaine étape sera probablement le Credo, qui aujourd'hui est un peu œcuménique.
(...)
Donc, en attendant que l'expression "à leurs fruits vous les reconnaîtrez" soit changée dans la prochaine édition de la Bible italienne, nous continuons à reconnaître les fruits bien peu comestibles de la révolution dans l'Église. Le poison circule de plus en plus et rend le corps de plus en plus malade. »

Et voici le magnifique (et érudit, mais c'est une tautologie!!) commentaire du Père Hunwicke:

S'arrêtera-t-il jamais?
Le Pape François et le Notre Père


Père Hunwicke
10 décembre 2019
liturgicalnotes.blogspot.com/…/will-he-never-s…
Ma traduction


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PF [c'est ainsi que le Père Hunwicke a décidé de désigner le Pape, ndt] pense que les traductions traditionnelles de l'Oratio Dominica doivent être modifiées. Ne nous induis pas en tentation [selon la version en italien, non ci indurre in tentazione] lui déplaît. Pourquoi Dieu devrait-il induire les gens dans la tentation du péché? Évidemment, ce doit être une mauvaise traduction. "Que nous ne soyons pas induits en tentation", ne serait-il pas préférable?

Les intégristes tradis sont probablement scandalisés. Changer le Notre Père!!!!!!

Bien que je sois sûrement un Pharisien Rigide, je ne suis pas ce genre d'intégriste. La prière du Seigneur [i.e. le Notre Père] contient un certain nombre de mystères. Permettez-moi d'aborder le sujet de biais et de vous donner un exemple pris ailleurs dans la Prière. Laissez-moi vous parler de Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien [voir explications détaillées dans la notice wikipedia, et bien sûr, Benoît XVI]. Le mot grec traduit par Quotidien est particulièrement mystérieux. Epiousion ressemble assez à un hapax legomenon (un mot grec qu'on ne trouve qu'une seule fois) et Origène a remarqué qu'on ne l'a jamais entendu à son époque. Il semble qu'il devrait être lié à epiouse, qui veut dire [à] venir. Mettez cela avec hemera (jour), cela signifierait notre pain du jour à venir, et Saint Jérôme connaissait un Évangile hébreu qui l'a en effet traduit par mahar, de demain. Cela voudrait-il dire le Pain du Royaume? Cela pourrait-il signifier la Nourriture eschatologique, le Pain de demain que nous recevons aujourd'hui... c'est-à-dire le Saint Sacrement? Ou epiousion signifierait-il supersubstantiel? Étymologiquement, ce pourrait être le cas. Et ainsi de suite. Loin de trouver ma Foi troublée, je trouve ces questions exaltantes. Si vous vouliez aller plus loin, vous pourriez comparer la version de Luc du Notre Père avec celle de Matthieu. La Tradition, dans toute son ampleur, nous donne de telles richesses sur lesquelles méditer...

Malgré les différentes interprétations possibles de certaines parties de cette prière, si j'étais une personne dotée d'une immense autorité, je ne choisirais pas d'utiliser mon pouvoir pour changer une seule interprétation héréditaire. Ma première raison pour ne pas le faire serait que je suis profondément conscient que je ne suis pas infaillible. Et qu'une interprétation qui me séduit à 100% aujourd'hui pourrait ne plus le faire dans un an. Et il convient de se rappeler que l'Église a poursuivi son chemin pendant deux millénaires sans nous prescrire le sens que chacun d'entre nous devrait attacher aux paroles de cette prière. Deux millénaires de liberté herméneutique... jusqu'à ce que nous atteignions l'âge de la miséricorde, l'Aetas Bergogliana. Aujourd'hui, il paraît que nous devons être attachés à ces interprétations et significations particulières qui plaisent à ce pape si particulier, si sage.

C'est presque comme si PF avait décidé de donner un coup de pouce au récent e-book, The Dictator Pope du professeur Marcantonio Colonna, dont j'ai parlé il y a quelques jours.

Et permettez-moi une précision: l'original grec et sa version latine ne veulent pas dire ce que PF veut leur faire dire. Quiconque prétend le faire est soit ignorant, soit malhonnête. La proposition de PF n'est pas une traduction, mais une altération (je crains qu'il ne me soit venu à l'esprit que tout cela pourrait être un stratagème pour provoquer encore un autre désaccord avec le Cardinal Sarah, avec l'intention de se débarrasser enfin de lui. Après tout, PF suggère qu'un changement soit fait dans les textes liturgiques, ce qui implique d'éliminer les mots réels de ce que les bibles grecque, latine et syrienne disent que le Seigneur a réellement dit, et de les remplacer par ce qu'un évêque romain du XXIe siècle dit préférer. C'est au Cardinal Sarah qu'il appartient, franchement, de résister à l'imposition d'une fausse traduction gratuite d'un original autorisé)

Ma deuxième raison pour ne pas changer est pastorale. Dans les années 1970, dans l’Église d'Angleterre, nous avons en effet expérimenté des traductions "modernes" du Pater noster. Ces formes expérimentales sont aujourd'hui, il me semble, rarement utilisées. La raison en est la suivante: le clergé découvrit que parmi les rares personnes fréquentant l'église, y compris les malades et les personnes âgées confinées à la maison, et celles qui assistaient aux baptêmes, aux mariages, aux funérailles et aux Messes de minuit, la Prière du Seigneur [le Notre Père] était la seule formule qu'ils connaissaient. Tous les autres souvenirs liturgiques qu'ils gardaient de leur enfance avaient été dépassés par les révolutions liturgiques des années 1960. Était-ce "pastoral" de priver ces gens de la seule part restante d'une expérience de culte qui leur était au moins familière...

Incidemment, la version anglicane en "langue moderne" anglicane... au cas où vous vous demanderiez... ne trouve aucun problème dans la phrase qui fait fait tellement perdre le sommeil à PF et à quelques évêques français et italiens.

Nous avion raison de ne pas nous en mêler.

Source : benoit-et-moi.fr/…/il-faut-changer…

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Il faut changer le Notre Père (suite)

L'ancienne traduction
Traduire, ou interpréter: le Père Scalese explique pourquoi la richesse du Notre Père ne peut pas être enfermée dans la traduction d'un mot (13/12/2017)

>>>
Il faut changer le Notre Père

Traduire, ou interpréter
Père Giovanni Scalese CRSP
12 décembre 2017
querculanus.blogspot.com/…/tradurre-o-inte…
Ma traduction

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Les déclarations faites par le Pape François lors de l'émission de TV2000 Padre Nostro diffusée mercredi 6 décembre ont fait grand bruit. Selon le Pape, «Non ci indurre in tentazione» ne serait pas une bonne traduction:

Les Français aussi ont changé le texte avec une traduction qui dit «ne me laisse pas tomber dans la tentation», c'est moi qui tombe, ce n'est pas lui qui me jette dans la tentation pour voir ensuite comment je suis tombé, un père ne fait pas cela, un père aide à se relever immédiatement.

On croirait qu'il s'agit d'une nouveauté (la seule vraie nouveauté est le fait qu'à partir du 3 décembre, premier dimanche de l'Avent en France, la nouvelle traduction de notre Père a été introduite dans la liturgie); en réalité, c'est un sujet qui traîne depuis des décennies.

Après avoir passé en revue les traductions depuis les années 50 de la "Prière du Seigneur" en langue vernaculaire dans les idiomes les plus courants - en particulier le français), et constaté les variations, le Père Scalese poursuit:

Ce rapide survol des traductions devrait montrer qu'il n'y a pas de consensus unanime sur la manière de transformer le Ne nos inducas in tentationem dans les langues vulgaires. Simplifier trop, faire croire qu'on peut facilement remplacer la version traditionnelle par une nouvelle version qui ferait comprendre de façon adéquate le sens entendu par Jésus, c'est non seulement se leurrer, mais aussi tromper les fidèles: dès qu'une nouvelle traduction serait décidée, il y aurait un exégète qui se dirait insatisfait et proposerait une nouvelle traduction, à son avis plus fidèle.

Je crois que toute cette histoire est basée sur un malentendu fondamental, très répandu aujourd'hui: penser que "traduire" est synonyme d'"interpréter", alors que ce sont deux actions complémentaires mais distinctes. "Traduire" signifie rendre un texte le plus fidèlement possible dans une autre langue. Nous ne pouvons pas confier à la traduction une tâche qui n'est pas de sa compétence. L'interprétation d'un texte revient aux exégètes et non aux traducteurs. Maintenant, si nous voulons une interprétation sûre - et aussi une interprétation récente - du Notre Père, nous l'avons: il suffit d'aller lire le Catéchisme de l'Église catholique, qui consacre la deuxième section de la quatrième partie à la prière du Seigneur . L'explication de la sixième question se trouve aux nn. 2846-2849 (entre autres choses, il est dit, de façon très responsable: «Traduire avec un seul mot le terme grec est difficile»). Une fois que nous avons compris le sens de cette invocation, quel besoin y a-t-il de changer la traduction? Encore une fois, il me semble être revenu aux débats purement verbaux, qui étaient à la mode dans les années 1970 et 1980.

Il semblait que Liturgiam authenticam avait définitivement dépassé ces diatribes inutiles; et au lieu de cela, avec sa démolition, nous les avons à nouveau dans les pieds. Est-ce un hasard si en France, ils ont introduit la nouvelle traduction du Notre Père avec le soutien du Pape François, juste trois mois après la publication du Motu Proprio Magnum Principium? Vu la façon dont les choses tournent, il est prévisible que la troisième édition du Missel en italien, qui est restée dans le congélateur pendant des années, sera bientôt décongelée et nous aussi nous devrons quitter la formule traditionnelle pour dire: «Et ne nous abandonne pas à la tentation». Je m'interroge: Mais si un Dieu qui est Père ne peut pas nous conduire à la tentation, peut-il nous abandonner à elle?

Source : benoit-et-moi.fr/…/il-faut-changer…

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Notre Père, qui êtes aux cieux,
Que votre nom soit sanctifié,
Que votre règne arrive,
Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour,
Pardonnez-nous nos offenses
comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés,
Et ne nous laissez pas succomber à la tentation,
Mais délivrez-nous du mal.
Amen.


(CHANTÉ ici : www.youtube.com/watch )

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Album ACTU
blanche52
Ne nous laissez pas succomber à la tentation
GChevalier
@Ludovic Denim De rien, vieux frère !
Ludovic Denim
Très intéressant, merci @GChevalier