Mgr Luc Crépy répond aux critiques après le suicide d’un prêtre de Versailles

<p>Mgr Luc Crépy assure qu'il a tenté tout au long de l'affaire de maintenir un dialogue avec le père de Foucauld, avant que ce dernier ne se donne la mort fin juin 2022. </p>

Mgr Luc Crépy assure qu'il a tenté tout au long de l'affaire de maintenir un dialogue avec le père de Foucauld, avant que ce dernier ne se donne la mort fin juin 2022. 

- LAURENT FERRIERE / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Le sujet est encore brûlant. Après une brève période de silence pour « garder quelques jours le retrait du deuil » comme l’avait annoncé son évêque auxiliaire sur Twitter, l’évêque de Versailles Monseigneur Luc Crépy revient ce lundi 11 juillet dans La Croix sur le contexte ayant précédé le suicide du père François de Foucauld. Ce dernier, âgé de 50 ans, a été retrouvé sans vie en forêt de Rambouillet le 30 juin, et cette tragique nouvelle déchaîne depuis les passions. Certains amis et collaborateurs du prêtre ayant dénoncé une trahison de sa hiérarchie -et notamment de l’évêque- qui l’aurait conduit jusqu’au suicide, la parole de Mgr Crépy était ainsi particulièrement attendue. Sur demande de la famille, l’évêque n’était d’ailleurs pas présent aux obsèques vendredi dernier.

Tentatives de dialogue répétées

« Avant les funérailles, j’ai reçu les parents du père François. Nous avons longuement échangé sur la situation si douloureuse qu’ils vivent, mais aussi sur la foi et l’espérance qui les animent », évoque d’abord Mgr Crépy. Il redit par ailleurs tout son respect et sa compréhension devant la « colère » et « l’incompréhension » qu’a suscité chez certains ce décès brutal, qu’il qualifie d’ « immense gâchis ».  « Je partage ce sentiment, ces questions que j’entends et qui reviennent sans cesse : ‘’Comment est-ce possible qu’un prêtre mette ainsi fin à ses jours ?’’‘’Qu’aurions-nous pu faire de mieux, de plus, pour aider François ?’’‘’Comment prendre toujours mieux soin des prêtres, les accompagner dans des moments difficiles ?’’ ».

Mgr Crépy donne ensuite sa version des faits, concernant les éléments antérieurs au décès sur lesquels se cristallise la polémique. Il s’agit de vives tensions qui ont d’abord éclaté au sein de la paroisse du Bois-d’Arcy où se trouvait le père de Foucauld depuis 2014, avant de dégénérer en conflit entre le prêtre et les autorités ecclésiales, par lesquelles il estimait avoir été trahi dans la gestion du dossier. C’est ce que le père de Foucauld avait dénoncé dans une tribune publiée par La Croix le 2 décembre 2021.

L’évêque de Versailles assure avoir tenté de maintenir un dialogue avec le père François de Foucauld tout au long de l’affaire, depuis son arrivée en avril 2021. « J’ai rencontré François dès les premières semaines de mon arrivée à Versailles, ayant le souci de visiter personnellement chaque prêtre du diocèse. François était animé d’un zèle missionnaire indéniable, cherchant à ce que les paroisses ne restent pas dans la routine mais deviennent toujours plus évangélisatrices. »

« Ma priorité était de lever l’obstacle »

Lors de l’arrivée de l’évêque dans le diocèse, un audit avait déjà été lancé à la demande du père François. « Pour garantir l’indépendance de ce travail, François a désigné un auditeur et le diocèse le second. Il s’agissait d’un audit indépendant : comme nouvel évêque, je me sentais donc très libre d’en accueillir ou non les conclusions, déclare Mgr Crépy. Très vite, je me suis rendu compte que le rapport final constituait un obstacle pour François. Ma priorité était de lever l’obstacle. » Il explique ainsi avoir écrit « aux seules personnes ayant eu confidentiellement connaissance des conclusions de l’audit – à savoir les membres du conseil épiscopal », qu’il ne « faisait pas [siens] les propos rapportés par l’audit ».

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, l’ami du père François Nicolas Jourdier dénonçait –juste après sa mort- au sujet de l’audit des « accusations graves » apportées « sans aucune preuve » à l’encontre du prêtre ( « banqueroute financière, trésorerie exangue, comptabilité non tenue… »). Auprès de La Croix, Mgr Crépy confirme que les reproches « ne concernent absolument pas des questions d’agressions ou d’abus sexuels. […] Il s’agissait de difficultés et de tensions importantes dans la vie paroissiale. » L’évêque de Versailles déclare avoir demandé au conseil épiscopal de « supprimer leurs copies de l’audit, afin que l’affaire soit définitivement résolue », dans un courier du 16 juin.

Un ultime désaccord en mai 2022

L’affaire n’était pas réglée pour autant. Au contraire. Dans son message Facebook, Nicolas Jourdier souligne que « François s’insurge contre la destruction des preuves, il veut au contraire que toute la lumière soit faite ». c’est alors qu’intervient quelques mois plus tard la tribune dans La Croix, puis une deuxième médiation en mars 2022, entre l’évêque et le prêtre. « Il souhaitait que je le réhabilite de nouveau devant les personnes ayant eu connaissance du rapport d’audit de 2021, en redisant, plus fortement, combien je récusais les qualificatifs portés contre lui. Une fois encore, ma priorité était de lever tous les obstacles à une sortie de conflit et de permettre à François de reprendre sa place pleinement parmi nous », souligne Mgr Crépy.

Un accord est alors trouvé mi avril entre les deux hommes, « sur un texte dont [le père de Foucauld] a rédigé une grande partie et que je me suis engagé à remettre aux seules personnes ayant eu connaissance confidentiellement du rapport d’audit. Ce que j’ai fait, comme convenu avec François », poursuit l’évêque.

L’ultime tension se produit juste après : lorsque le 13 mai, l’évêque distribue une copie de l’accord au conseil épiscopal, en ajoutant deux éléments. D’une part, le fait que cet accord doit rester confidentiel, et d’autre part, qu’il ne doit être suivi « d’aucune procédure contentieuse ». C’est principalement sur ces deux points que le père de Foucauld s’est estimé trahi, rapportent d’une part Nicolas Jourdier mais aussi La Croix dans sa question à Mgr Crépy. L’évêque répond alors que « le père François [lui avait] donné par écrit son accord sur ce dernier point. » Nicolas Jourdier déclarait pour sa part dans son message Facebook : « François n’avait pas l’intention de porter l’affaire en justice.

Ce qui a écrasé François, c’est le parjure de l’évêque qui exige, en plus, que la lettre qui devait faire la lumière sur cette affaire et qui avait été si longuement négociée, reste strictement confidentielle. » Et « Il est étonnant de constater que l’évêque qui a été choisi pour faire la lumière sur les abus dans l’Eglise en France, organise lui-même l’opacité la plus totale sur les abus de pouvoir commis dans son propre diocèse, réclame la destruction des preuves et exige l’impunité judiciaire de ses responsables. »

« Prendre soin des prêtres restera ma priorité »

Enfin, l’évêque de Versailles répond du fait que le père de Foucauld était resté sans mission depuis septembre 2021. « En juin 2021, nous avions convenu à sa demande qu’il partirait en septembre pour une mission d’études au Canada auprès du père James Mallon (un prêtre du diocèse de Halifax ayant développé des formations pour revitaliser les paroisses, NDLR). Au cours de l’été, François a finalement renoncé à ce projet. Je lui ai alors proposé de nous rencontrer pour envisager une autre nomination. Il n’a pas donné suite à mon message et s’est retiré dans un appartement personnel », détaille Mgr Crépy. Et de poursuivre : « J’ai essayé de garder régulièrement le lien par l’intermédiaire de prêtres amis de François. Nous avons eu d’autres échanges pour essayer d’avancer. »

Quant à la rentrée de septembre 2022, l’évêque indique à ce sujet que « le texte de l’accord [du 13 mai] se terminait sur ma volonté de donner à François une nouvelle mission dans le diocèse. » Puis « Le 10 juin dernier, j’ai écrit au père François pour que nous puissions envisager sa prochaine nomination en septembre. Je n’ai pas eu de réponse »… Jusqu’au jour où il a appris le décès du père François de Foucauld.

Tirant les leçons de ce dénouement tragique, l’évêque de Versailles insiste : « la mort de François nous oblige ». Elle « marquera à jamais ma vie d’évêque ». Conscient des reproches qui lui sont faits ainsi qu’à la hiérarchie de l’Eglise sur le manque de dialogue et les défis de gouvernance, il invite à puiser des ressources dans le synode sur la synodalité. Il assure aussi travailler au sein du diocèse pour permettre une meilleure communication. « Le conseil presbytéral a travaillé au cours des derniers mois à la mise en place d’une instance de médiation pour permettre à un prêtre vivant une situation de conflit de pouvoir être écouté sans intermédiaire hiérarchique et de chercher une solution pour résoudre cette situation. » Avant de conclure : « Pour ma part, prendre soin des prêtres restera ma priorité. »

Camille Lecuit

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