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Ce que contient la loi de 1905 sur la laïcité

FOCUS - Lors de son discours devant la Conférence des évêques de France, lundi 9 avril, Emmanuel Macron a appelé à «réparer le lien entre l'Église et l'État», suscitant la colère de l'opposition de gauche, qui l'accuse d'atteinte à la laïcité. Le Figaro fait le point sur ce que contient la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.

Pour la première fois depuis plusieurs mois voire années, les principales forces de gauche ont uni leurs voix. En cause, le discours d'Emmanuel Macron devant la Conférence des évêques de France, lundi soir. Le président de la République a regretté que «le lien entre l'Église et l'État (se soit) abîmé» et estimé qu'il lui incombait de le «réparer». «Macron va trop loin, c'est irresponsable», s'est, par exemple, indigné Jean-Luc Mélenchon. Benoît Hamon a, lui, dénoncé un discours «profondément contraire aux principes fondamentaux de la laïcité, dont le président devrait être le premier garant». Le fondateur de Génération.s a déploré «un affront inédit et dangereux de la loi de 1905». Même son de cloche chez Olivier Faure. «En République laïque, aucune foi ne saurait s'imposer à la loi, s'est ému le premier secrétaire du Parti socialiste. Toute la loi de 1905. Rien que la loi».

Les membres de la majorité sont restés discrets vis-à-vis de l'intervention du chef de l'État, à l'exception notable de l'ancien premier ministre, Manuel Valls. Le désormais député apparenté LaREM s'est désolidarisé du discours d'Emmanuel Macron: «La laïcité c'est la France, et elle n'a qu'un seul fondement: la loi de 1905, celle de la séparation des Églises et de l'État. La loi de 1905, toute la loi, rien que la loi». Le Figaro fait le point sur ce texte, sujet régulier de discussions politiques et (de nouveau) de retour dans le débat public.

• Un compromis politique consacrant la liberté religieuse

La loi de 1905 est, sous la Troisième République une initiative de la gauche, portée par les socialistes Jean Jaurès et Aristide Briand, rapporteur du texte. À l'époque la loi se voulait un compromis, entre les catholiques tenants d'une ligne dure, qui refusaient tout bonnement la séparation de l'Église et de l'État, et les républicains combistes (proches d'Émile Combes), animés d'une haine anticléricale, qui souhaitaient l'anéantissement de l'Église. D'inspiration libérale, la loi de 1905 débute par la consécration de la liberté religieuse. L'article premier de la loi garantit «la liberté de conscience» et «le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public». Ce n'est que dans un deuxième temps, dans l'article 2, qu'est édictée la règle de laïcité: «La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.»

• Ce que prévoit la loi

- L'interdiction du financement par deniers publics des lieux de culte

À partir de 1905, l'État ne peut plus financer la construction de lieux de culte. En 1905, l'État s'est déclaré propriétaire de la majorité du patrimoine immobilier des Églises alors existant. Afin de garantir le libre exercice des cultes, la puissance publique a ensuite concédé ces locaux à des «associations cultuelles» bénéficiant d'avantages fiscaux et autorisées à percevoir des dons et des legs.

- La neutralité de l'État

La loi consacre «l'interdiction d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux (…) en quelque emplacement public que ce soit» sauf les cimetières. Cette mesure établit la neutralité idéologique et philosophique de l'État, qui n'appartient à aucun culte.

- L'interdiction de tenir des «réunions politiques» dans des lieux de cultes.

Cette dernière modalité, prévue par l'article 26 de la loi, souvent oubliée, a été rappelée en 2016 par des membres du Printemps Républicain, qui reprochait à Marwan Muhammad, président du CCIF, d'avoir tenu une réunion politique dans la mosquée de Tremblay, et à Bruno Le Maire d'avoir tenu une réunion publique dans une église américaine.

• De nombreuses exceptions

L'Alsace-Moselle. Parce qu'en 1905 cette partie de la France était annexée par le Reich, elle est restée sous le joug du Concordat de 1801, qui reconnaît officiellement quatre cultes (catholique, luthérien, réformé et israélite) et prend en charge la rémunération des ministres des cultes. L'islam n'est pas pris en compte.

En 2013, une Question prioritaire de Constitutionnalité (QPC) réclamait l'extension de la loi de 1905 aux trois départements concordataires. Mais le Conseil constitutionnel avait débouté cette demande, consacrant cette exception à la règle nationale de laïcité.

Mais des accommodements ont aussi été trouvés au niveau national. Dès les années 1920, l'État - sensible à «l'impôt du sang» payé par les catholiques pendant la Grande Guerre - a recherché des accommodements avec la loi dans un souci d'apaisement. En 1932, la Ville de Paris, des communes de banlieue et le conseil général de la Seine ont réservé des terrains pour la construction d'églises avant de les louer par bail emphytéotique à l'association diocésaine de Paris pour un loyer modique. En 1961, la loi a autorisé les départements et les communes à se porter caution pour des dépenses liées à la construction de lieux de culte.

Il est donc possible de contourner la loi de 1905 de plusieurs façons. D'abord, via le recours au bail emphytéotique, qui permet à une mairie de louer un terrain pour une somme modique, si ce n'est symbolique, sur une durée de 99 ans.Ou bien, en demandant le subventionnement d'une association culturelle, à laquelle vient s'ajouter un espace dévoué au culte.

Ainsi, l'État a accordé une subvention de 5 millions de francs pour la construction de la cathédrale d'Évry (Essonne) inaugurée en 1996, arguant de la présence d'un centre culturel, un centre d'art sacré, dans l'enceinte du lieu de culte. Le projet de la Grande mosquée de Marseille, actuellement au point mort, devait être construit au moyen d'un bail emphytéotique de 99 ans conclu avec la mairie, qui a cédé 8600 m2 d'anciens terrains municipaux pour la réalisation de l'édifice. Plus récemment, le projet de la Grande mosquée de Sarcelles a été dévoilé. La municipalité a donné une subvention de 150.000 euros «pour la partie culturelle» de ce qui est baptisé «centre culturel et cultuel des Musulmans de Sarcelles».

Face à ces nombreuses exceptions, et à l'insuffisance de lieux de cultes musulmans, en majorité financés par des fonds étrangers, le débat sur un éventuel amendement de la loi de 1905 revient régulièrement sur le tapis. Invitée ce lundi matin de RTL, Marine Le Pen s'est inquiétée du discours d'Emmanuel Macron, craignant qu'il soit le préambule d'une modification future de ladite loi. «Il s'agit là pour le président de la République d'anesthésier les catholiques pour s'attaquer à la loi de 1905. Et les catholiques ne seront pas les bénéficiaires de ce changement», a-t-elle affirmé.

Lorsqu'il était ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy avait montré à plusieurs reprises sa volonté de «légèrement adapter la loi de 1905 sans que la laïcité ne s'écroule», afin de «s'adapter à la réalité du temps», et notamment «la place des musulmans en France».

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