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Combien de virus inhalez-vous chaque minute ?

Publié le 10 octobre 2012 à 19h22 Temps de Lecture 3 min.

Ils sont partout. Et même s'ils n'appartiennent officiellement pas à la grande famille du vivant, l'étude des virus est une des dernières frontières dans l'exploration biologique de la Terre, tant leurs interactions avec les plantes, les animaux ou les bactéries sont importantes, au point qu'on les retrouve même dans le matériel génétique de ces organismes. Ils sont partout et l'on se souvient, au moment de la grande panique de la grippe A (H1N1) de 2009, de cette course aux masques de protection : parce que si on peut se laver les mains, nettoyer fréquemment les objets du quotidien, briquer les poignées de portes, il est un peu plus compliqué de récurer l'atmosphère. Mais pour répondre à la question "combien de virus inhale-t-on chaque minute ?", encore faudrait-il savoir quelles sont la taille et les caractéristiques de cette population invisible présente dans l'air qui nous entoure.

Peu de recherches ont été effectuées sur l'écologie microbienne de l'air, la manière dont les communautés virales évoluent au fil du temps et interagissent avec leur environnement. Notamment parce qu'il était jusqu'ici techniquement ardu de réaliser des comptages et des identifications fiables d'éléments inférieurs au micromètre. Avec l'avènement des technologies de la métagénomique, ces difficultés sont en train de s'atténuer. La métagénomique, c'est un procédé qui consiste à étudier le contenu d'un milieu naturel donné (un litre d'eau de mer, un échantillon de sol, de fèces humaines, etc.) à partir des génomes qu'on y trouve. Et donc, dans un article paru dans le numéro d'août du Journal of Virology, une équipe sud-coréenne vient de faire la première analyse métagénomique de l'atmosphère au niveau du sol.

Sachant que les conditions extérieures (comme la température, l'humidité, la luminosité mais aussi l'exploitation du terrain par l'homme) peuvent influer sur les virus, ces chercheurs ont, plusieurs mois durant, travaillé sur trois sites différents : un quartier résidentiel de Séoul, une forêt et un complexe industriel. Leur expérimentation consistait à capturer, dans un piège constitué d'une sorte de filtre liquide, tous les éléments inférieurs au micromètre, à les nettoyer, à en extraire l'ADN et à comparer les séquences obtenues avec des banques de données virales. Résultat : dans un mètre cube d'air, on trouve entre 1,7 et 40 millions de virus ! Pour les bactéries, la fourchette est plus basse : entre 860 000 et 11 millions d'individus par mètre cube. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la largeur des fourchettes n'est pas liée aux sites de collecte mais aux saisons auxquelles les relevés ont été effectués. Le nombre de virus présents dans l'atmosphère a monté pendant l'hiver, atteignant un pic en janvier, et a ensuite chuté à l'approche du printemps.

Pour répondre à la question qui fait le titre de ce billet, il faut savoir qu'au repos, un adulte pompe en moyenne 10 litres d'air par minute (cela peut être bien supérieur lors d'un effort avec, par exemple, 50 litres lors d'un footing). Si l'on reprend les chiffres de l'étude, on s'aperçoit qu'à chaque minute qui passe, entre 17 000 et 400 000 virus pénètrent dans nos poumons. De quoi pousser un hypocondriaque à cesser de respirer... Ou, en tout cas, à bouger le moins possible : la ventilation augmentant avec l'effort physique, on peut facilement inhaler 2 millions de virus à la minute lors d'un footing.

Ceci dit, ces chiffres ne constituent finalement pas l'aspect le plus impressionnant de cet article, scientifiquement parlant. Les chercheurs sud-coréens ont identifié une douzaine de familles de virus, avec une bonne proportion de Geminiviridae, ce qui est plutôt logique étant donné que ces derniers provoquent de nombreuses maladies de plantes et que, pour cette étude, l'essentiel de la collecte s'est faite en été. Mais en réalité, les plus nombreux des virus, et de loin, étaient... des inconnus. Plus de la moitié des séquences génétiques analysées ne figuraient dans aucune base de données, l'essentiel étant des virus à simple branche d'ADN, comme les Geminiviridae. Ce qui fait conclure aux auteurs de l'étude que l'atmosphère est un réservoir de virus encore largement inexploré et qu'il serait temps de s'y intéresser, notamment pour identifier des entités susceptibles de s'attaquer aux cultures... et aux hommes.

Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)

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