Pourquoi les rats sont de plus en plus visibles à Paris

Depuis deux ans, les rongeurs prolifèrent dans la capitale, comme l’illustre une vidéo diffusée sur notre site dimanche.

 Des rats ont été découverts par dizaines, voire centaines, dans un conteneur à ordures le 9 décembre dernier.
Des rats ont été découverts par dizaines, voire centaines, dans un conteneur à ordures le 9 décembre dernier. LP

    Ils galopent sans vergogne dans les parcs parisiens, attaquent les sacs des poubelles en colonie sans soucier du passage des flâneurs. Depuis deux ans, assurent ceux qui luttent contre leur pouvoir de nuisance, les rats affichent leur présence dans Paris. En témoigne la vidéo choc que Le Parisien s'est procurée, et sur laquelle on voit une masse de rats dans une benne à ordures du VIIe arrondissement de la capitale.

    Incivilités des promeneurs ou des restaurateurs, rythme de reproduction de ces rongeurs ou encore manque d'harmonisation des campagnes de lutte… Le Parisien vous explique pourquoi le rat prolifère dans la capitale.

    Il se sent bien parmi nous. Habituellement dans les égouts, les rats « prennent leurs habitudes à la surface », résume Stéphane Bras, porte-parole de la chambre syndicale 3D, spécialiste de la lutte antiparasitaire. « Passé la néophobie, la peur du nouveau, le rat s'habitue à la vie en milieu urbain, qui couvre tous ses besoins primordiaux : il y trouve de quoi se nourrir, boire et dormir », explique Stéphane Bras.

    Les poubelles Vigipirate, garde-manger faciles. Elles ont été installées au tout début des années 2000 pour parer la menace terroriste. Mais si elles permettent bien à la police de déceler un éventuel explosif à l'intérieur, elles sont aussi très facilement accessibles. Ainsi, des colonies de rats déchirent les sacs transparents et se délectent des reliquats de déjeuners et autres déchets. Toutes ces poubelles ouvertes devraient bientôt être remplacées par des contenants fermés, souligne Mao Peninou, adjoint au maire de Paris, en charge de la Propreté.

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    Quand les incivilités attirent le rongeur. « De nombreuses aires de pique-nique ont ouvert au public, explique Stéphane Bras, et les restes des repas sont parfois laissés à l'abandon. » Une aubaine pour le rat qui accourt pour se servir.

    Les poubelles des restaurants, un buffet gourmand. « Les restaurateurs aggravent la situation », assure David*, employé de la ville de Paris. Selon cet éboueur interrogé par Le Parisien, « il y a beaucoup de bennes hermétiques à leur disposition, mais certains laissent leurs sacs-poubelles à l'extérieur ». David ajoute tout de même que le rat, futé, a compris comment grimper à l'intérieur des immenses bacs des restaurateurs : « Ils rongent les bouchons situés sous les conteneurs… »

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    La mort-aux-rats ne lui fait plus peur. Tout d'abord, il est interdit de répandre le raticide mortel pour le rongeur urbain, nous apprend Mao Peninou. « On doit désormais le mettre dans des boîtes. Mais l'animal est intelligent et ne se glisse pas dans la boîte », explique le maire adjoint. Sans compter que le rat développe « des résistances aux molécules supposées le tuer », ajoute Mao Peninou.

    « Y a plus de saisons, ma bonne dame ! » Le réchauffement climatique ? Le rat en profite. « Les hivers sont de moins en moins rigoureux, le rat profite des douces températures, donc il n'y a pas de ralentissement de la prolifération », analyse Stéphane Bras.

    Un reproducteur prodigieux. La prolifération du rat tient aussi à sa capacité démesurée à se reproduire. « En théorie, un couple de rats peut produire plusieurs centaines de rats par an », expose Stéphane Bras, précisant que les bébés de l'année se reproduisent rapidement.

    Crues et travaux mettent le rat à la rue. Régulièrement, la Seine monte et inonde les caves, obligeant le rat à sortir de son abri. « Mais les crues naturelles existent depuis des années, sans que le rat ne prolifère, ce n'est pas le seul facteur », prévient Stéphane Bras. Bruits des marteaux-piqueurs, tranchées creusées, les travaux en ville dérangent également le rat. Pendant la durée des chantiers, « il y a effectivement un plus grand risque de déplacement de la population des rongeurs », confirme l'expert.

    Les politiques de lutte peu harmonisées. La Mairie de Paris a bien conscience du phénomène de prolifération des rats et mène des campagnes de dératisation. Mais cela n'est pas suffisant, selon Stéphane Bras : « Les bâtiments ne sont pas hermétiques, si l'un est traité, les rats se déplacent dans l'autre. » Et de déplorer : « La mairie engage des campagnes mais ce n'est pas forcément suivi par les autres acteurs privés qui accueillent du public. Tous les acteurs privés n'ont pas forcément pris la mesure du problème et ne déclenchent pas forcément de campagnes de dératisation. »

    *Le prénom a été changé