Enquête sur l’attentat du London Bridge : les familles des victimes françaises entendues

Deux ans après l’attentat islamiste qui a tué huit personnes dont trois Français, l’enquête britannique cherche à établir les responsabilités. Les familles des victimes ont témoigné à Londres.

 Le 3 juin 2017, trois terroristes ont tué huit personnes et blessé 48 autres.
Le 3 juin 2017, trois terroristes ont tué huit personnes et blessé 48 autres. LP/Yann Foreix

    L'objectif est de faire toute la lumière sur les faits, répondre à toutes les questions des familles. L'enquête consacrée à l'attentat du 3 juin 2017 sur le London Bridge se déroule au tribunal de l'Old Bailey dans la capitale britannique pour deux mois. Le juge Mark Lurcraft entend des dizaines de proches des victimes, de témoins, de personnels soignants ou encore de policiers. De quoi reconstituer en détail ce qui s'est passé ce soir de juin, en une dizaine de minutes.

    Peu après 22 heures, une camionnette blanche s'engage sur le pont vers la rive Sud de la Tamise. Le véhicule monte à plusieurs reprises sur le trottoir et percute des piétons, tuant deux personnes dont un Français, Xavier Thomas. Il vient ensuite s'écraser près du Borough Market et trois hommes en descendent, sanglés dans de fausses ceintures d'explosifs, armés d'un couteau scotché à leur main.

    Khuram Butt, Rachid Redouane et Youssef Zaghba poignardent à tout-va et tuent, entre autres, les jeunes Français Alexandre Pigeard et Sébastien Bélanger. Bilan : 8 morts et 48 blessés, en moins de dix minutes, avant que les policiers ne fassent feu et ne tuent les attaquants.

    Encerclé par les trois terroristes

    Xavier Thomas, première victime française, avait 45 ans. Il passait le week-end à Londres avec sa compagne Christine Delcros. Selon l'enquête, ce salarié d'American Express était au téléphone avec son fils quand la camionnette l'a percuté et projeté dans la Tamise. Sa compagne également percutée témoigne au Old Bailey : « Je me suis dit : voilà comment on meurt », raconte en larmes Christine Delcros toute de noir vêtue.

    Sébastien Bélanger, 36 ans, chef au restaurant le Coq d'Argent, s'est retrouvé selon l'enquête encerclé par les trois terroristes. « Il s'est vaillamment défendu », relate le juge. Alexandre Pigeard, 26 ans, lui, servait au bar le Boro Bistro. Le soir de l'attentat, il monte les marches pour voir ce qui se passe. Poignardé une première fois, il parvient à s'enfuir. Mais il s'évanouit, et il est à nouveau attaqué.

    « Pourquoi des jeunes hommes du même âge que lui trouvent-ils plus sensé de le tuer aveuglément, plutôt que de partager sa vie, ses expériences ? s'interroge à la barre Philippe Pigeard, père d'Alexandre. Nous devons tous réfléchir là-dessus. »

    L'attentat aurait-il pu être évité ?

    « C'est important de reconnaître que beaucoup de vies ont été sauvées, par la réponse rapide des passants et par les services de secours », estime le juge en charge de l'enquête. Mais l'enquête pointe des dysfonctionnements sans lesquels plusieurs vies auraient pu être épargnées. Le temps mis à lancer les recherches approfondies dans la Tamise pour retrouver Xavier Thomas pose question : plus de 18 minutes.

    La réponse des secours elle aussi, soulève des interrogations. L'état de Sébastien Bélanger et Alexandre Pigeard, tous blessés gravement, n'a semble-t-il pas été communiqué aux soignants. Sébastien Bélanger, au moins, aurait pu être sauvé : « Un drain thoracique ou une transfusion sanguine auraient augmenté ses chances », témoigne au tribunal l'expert Benjamin Swift.

    Reste une question : l'attentat aurait-il pu être évité ? « Il y a eu abondance d'opportunités pour se rendre compte que les extrémistes du London Bridge préparaient une attaque », estime à la barre Gareth Patterson, avocat de plusieurs familles de victimes. Les trois attaquants s'étaient rencontrés « encore et encore pendant des mois », affirme l'avocat. La famille de Khuram Butt avait même signalé sa radicalisation à la police 18 mois avant l'attentat. L'enquête en dira plus d'ici la mi-juillet.