Y a-t-il plus de risques que de bénéfices à vacciner les jeunes contre le Covid-19 ?
Risques/bénéfices : de quel côté penche la balance pour la vaccination des jeunes ?
- Publié le 10-10-2021 à 10h02
- Mis à jour le 10-10-2021 à 11h01
La balance risques/bénéfices de la vaccination contre le Covid-19 chez les moins de 18 ans pourrait-elle pencher du mauvais côté ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser à la lecture des résultats d’une étude (parue dans The Guardian) menée par l’Université de Californie, visant à étudier les rapports d’événements indésirables chez des jeunes Américains de 12 à 17 ans après la vaccination contre le coronavirus.
Plus précisément, les chercheurs ont calculé le nombre de jeunes qui ont dû être hospitalisés après une deuxième dose du vaccin Pfizer/BioNTech avec une inflammation du muscle cardiaque, ou myocardite, et l’ont comparé au nombre d’adolescents en bonne santé ayant dû se faire hospitaliser dans les 120 jours pour une infection au Covid. Résultats : par million, 162 cas hospitalisés pour myocardite consécutive à la vaccination contre 44 cas d’adolescents non vaccinés hospitalisés pour infection au Covid. Soit près de quatre fois plus d’hospitalisations pour complications suite à la vaccination que pour la maladie même.
S’il faut à ce stade considérer ces conclusions avec prudence, dans la mesure où l’étude a été critiquée par les experts en pharmacovilange pour son utilisaton incorrecte de la base de données américaine VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System) et sachant qu’aucune distinction n’a été faite entre les formes sévères et mineures de myocardite, ces résultats ont de quoi interroger sur l’opportunité ou le bien-fondé de la vaccination chez “les jeunes”, adolescents et enfants.
Car avant tout, "un enfant n'est pas un autre enfant", nous a d'emblée fait remarquer le Dr Pierre Smeesters, chef du service de Pédiatrie à l'Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF).
Quelle est la première question à se poser par rapport à la vaccination contre le Covid chez les jeunes ?
Avec cette maladie, il y a vraiment une question de gradient d’âge à prendre en considération. On le sait depuis longtemps. Or, ce message est toujours peu clair au sein de la population. Quand on me pose la question “faut-il vacciner oui ou non les adolescents ?”, je ne peux répondre “pour” ou “contre” de manière absolue et sans nuance. Si on prend les extrêmes du spectre, à savoir un adolescent de 12 ans qui est encore prépubère, papa-maman, maison, Lego… et, à l’autre extrême, une jeune fille de 17 ans, forcément postpubère, qui sort chaque week-end et qui voit beaucoup de monde, il y a entre les deux un monde de différence. Pour le premier, si son indication de vaccination reste présente, ce n’est vraiment pas la priorité de vaccination – sauf s’il veut à tout prix se faire vacciner -, alors que pour la seconde, il y a une indication médicale de vaccination, selon moi beaucoup plus évidente. On ne peut donc pas mettre tous les adolescents “dans le même panier”.
Que dire alors de la balance risques/bénéfices ?
Quand on analyse les tableaux, une chose paraît certaine : plus on est jeune, moins le bénéfice médical individuel est évident et plus le risque de myocardite naturelle mais aussi postvaccinale est présent. Ceci dit, cette balance risques/bénéfices “individuels” est favorable pour tous les adolescents, de 12 à 17 ans, mais pas dans la même proportion. Par conséquent, je ne suis à ce stade pas convaincu que vacciner des enfants plus jeunes soit une bonne idée car il est théoriquement possible qu’à un moment, selon l’âge, cette balance risques/bénéfices soit moins favorable. Les données objectives vont arriver et elles nous permettront d’analyser cette question sur base factuelle afin de prendre la meilleure décision pour les enfants. Il est en effet fondamental de pouvoir changer d’avis si les données objectives démontrent cette évolution nécessaire.
Devrait-on dès lors envisager une vaccination au cas par cas en fonction du développement propre à chaque enfant/adolescent ?
L’information objective doit en tout cas être donnée au cas par cas et avec nuance. Même si, globalement, les données sont aujourd’hui plus favorables à la vaccination des adolescents depuis que l’on a bien délimité les contours de ce risque de myocardite postvaccinale. Pour autant, elle reste une réalité chez le jeune et chez l’enfant, même si elle ne nous inquiète, nous pédiatres, pas tellement. Par rapport à certains fantasmes qui circulent au niveau des effets secondaires, celui-ci en est un vraisemblable. Il est biologiquement compréhensible même si l’on ne comprend pas encore tout. Sa fréquence est certes augmentée après une vaccination contre le Covid, mais il ne faut pas oublier que la maladie naturelle due au Covid cause encore plus de myocardites.
Quels sont les risques liés à la myocardite ?
Que ce soit pour la maladie naturelle ou une réaction postvaccinale, dans la majorité des cas, une myocardite n’est pas très grave. Dans le pire des cas, on garde l’enfant sous surveillance pendant 48 heures à l’hôpital, en contrôlant sa tension cardiaque et sa circulation. Exceptionnellement, l’issue peut être fatale.
Quels sont les arguments pour proposer la vaccination aux adolescents ?
Il y en a je pense trois à discuter. Le premier argument est le bénéfice individuel médical. S’il est toujours favorable pour les adolescents, il est de l’ordre de deux fois moins de risque d’hospitalisation pour un enfant de 12 ans alors qu’il va jusqu’à dix pour un adolescent de 17 ans. Cela reste, il est vrai, des bénéfices individuels inférieurs à ceux qui se présentent généralement pour la vaccination. Le deuxième argument pour proposer la vaccination est la transmission. Si l’enfant peut contaminer des personnes de son entourage, la vaccination peut diminuer cette transmission de manière très significative, sans pour autant annuler, le risque de contamination. On peut expliquer à l’adolescent qu’en se faisant vacciner, il contribue à protéger son environnement. Certains jeunes sont d’ailleurs très sensibles à cet argument, même si n’oublions pas que, de manière générale, ce sont davantage les adultes qui transmettent le virus aux enfants que l’inverse. Enfin, plus faible, le troisième argument consiste à dire qu’il y a de facto, en raison du Covid, des restrictions de libertés dans nos sociétés et voir comment le jeune se positionne face à cette situation. Ceci dit, si je n’ai plus qu’une dose de vaccin dans mon frigo, je dirai au jeune que la priorité est de vacciner ses grands-parents, puis ses parents…
Le dialogue avec les enfants et les adolescents est important, selon vous ?
Tout à fait. Car les jeunes sont bons pour poser des questions, de manière franche, contrairement aux adultes qui sont parfois beaucoup plus inhibés à ce niveau. Je suis persuadé que faire passer l’information par différents canaux et répondre aux questions des adolescents, pourrait aider à conscientiser les gens que l’on n’arrive pas encore à convaincre de l’utilité de la vaccination. Afin qu’ils prennent leur décision en connaissance de cause et non basé sur des peurs ou des fantasmes incorrects.
D’après vous, la pression vaccinale sur les moins de 18 ans se justifie-t-elle ? Ou pas.
Cela dépend de ce que l’on entend par “pression”. Je souhaiterais que l’on ait correctement informé tous les adolescents du pays, qu’on leur ait bien expliqué les bénéfices et inconvénients du vaccin et qu’ils prennent en connaissance de cause leur décision. Il y a un besoin d’information et de consentement éclairé. Au plus nous aurons de protections via la vaccination, au plus nous aurons d’assurance que l’automne continuera à bien se passer.