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Sermon pour le Saint Jour de Pâques. SERMON POUR LE SAINT JOUR DE LA RÉSURRECTION (Liturgie de la Parole : Ac 10 34…43 ; Ps 117 ; Col 3 1-4 ; Jn 20 1-9) « Il est ressuscité ! » – « Il est vraiment …Plus
Sermon pour le Saint Jour de Pâques.

SERMON POUR LE SAINT JOUR DE LA RÉSURRECTION
(Liturgie de la Parole : Ac 10 34…43 ; Ps 117 ; Col 3 1-4 ; Jn 20 1-9)

« Il est ressuscité ! » – « Il est vraiment ressuscité ! »
C’est ainsi que les Chrétiens d’Orient se saluent durant le temps de Pâques, tant la Résurrection du Christ est la Bonne Nouvelle à annoncer ! L’un dit : « Christ est ressuscité ! » et l’autre répond : « Il est vraiment ressuscité ! » Pourquoi ne nous saluerions-nous pas ainsi nous aussi, au moins durant ce temps de Pâques ? La Résurrection est le résumé de la Bonne Nouvelle que nous devons annoncer, le cœur de la vie chrétienne ! Si nous communions au Christ aujourd’hui ressuscité, alors nous vivons nous aussi d’une vie nouvelle, aussi vrai que la sève qui irrigue le cep de la vigne qu’est Jésus irrigue aussi les sarments que sont les baptisés en état de grâce.
Certains diront qu’ils n’ont pas vu Jésus ressuscité. Et, et pour cause, puisqu’Il n’est plus de ce monde ! Jésus n’est pas ressuscité pour continuer à vivre de la vie de ce monde, mais pour vivre de la vraie vie, de la vie de Dieu ! D’autres diront : « Mais pourquoi ne Se manifeste-t-Il pas à tout le monde, pour que tout le monde croie en Lui, forcé par l’évidence ? » Si Jésus ne Se manifeste pas à tout le monde, c’est parce que pour Le reconnaître, il faut d’abord avoir appris à Le connaître. D’ailleurs, même ses disciples ont eu du mal à Le reconnaître. Et d’autre part, parce que Jésus, étant l’Amour, ne veut pas S’imposer. Il ne Se donne qu’à ceux qui Le désirent…
Par la Résurrection, l’enseignement de Jésus s’est trouvé confirmé. Tout ce qu’Il a dit est vrai. Il est vraiment le Fils éternel de Dieu fait homme pour arracher l’humanité au pouvoir de Satan. Voilà pourquoi Jésus est mort : pour mettre dans la balance de la Justice divine le poids de Son sacrifice, qui n’aurait jamais dû exister, aussi vrai que Jésus était innocent et ne méritait pas d’être condamné, de souffrir et de mourir, et ainsi Il a fait contrepoids à tous les péchés qui n’auraient jamais dû non plus exister ! Désormais, grâce au Sacrifice volontaire du Christ – Oh, Dieu ! Comme Tu nous as aimés ! – tous nos péchés sont effacés, et la vie du Christ nous est donnée ! C’est ce que proclame saint Pierre : « Tout homme qui croit en Lui reçoit par Lui le pardon de ses péchés
[1] ».
Jésus ressuscité non seulement ne meurt plus, mais, parvenu en Dieu, qui est au centre de tout, tout Lui est désormais présent, et Lui-même est présent à tout. Jésus ressuscité est au milieu de nous, pour être, grâce au sacrement de Son corps et de Son sang, le principe d’une humanité nouvelle ! Face à ce monde qui ne sait pas où il va, et qui, angoissé, cherche par divers échappatoires à oublier le malheur d’avoir perdu Dieu, le fait qu’il doive donc mourir, Jésus nous a donné le Sacrement de Son Corps et de Son Sang : non seulement pour rester toujours avec nous alors même qu’Il quittait ce monde – Oh, Dieu ! Que nous devrions venir Te voir plus souvent au Tabernacle de nos églises si nous T’aimions vraiment ! – mais encore pour que nous ayons le moyen de passer avec Lui de ce monde au Père, car, remarquez-le bien, Son Corps nous est donné AVANT qu’Il meure !
L’« éternisation » de Son Corps et de Son Sang rend désormais possible Sa Présence réelle dans tous les tabernacles du monde. Malheureusement, il en est encore pour dire : « À quoi bon aller adorer Jésus au tabernacle ? Puisqu’Il est Dieu, Il est partout. Je n’ai donc pas besoin d’aller quelque part pour L’adorer ! » Certes, Il est partout en tant qu’Il est Dieu. Mais justement, parce qu’Il est partout, vous ne pouvez pas Le saisir, parce que vous n’êtes pas, vous, partout ! C’est pourquoi Il S’est limité, en Son humanité, pour que vous puissiez Le saisir tout entier en une seule hostie ! Ô prodige du mystère de l’Incarnation si méconnu même des chrétiens !… « Si vous ne mangez pas Ma Chair et si vous ne buvez pas Mon Sang, vous n’aurez pas la Vie en vous
[2] » !!!…
Jésus ressuscité est au milieu de nous… Nos yeux de chair ne Le voient pas, pas plus que saint Jean ne L’a vu lorsqu’il est entré dans le tombeau. Pourtant, « il vit et il crut
[3] ». Mais que vit-il donc s’il n’a pas vu Jésus ressuscité ? Il a vu « le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la Tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place [4] ». Saint Jean, qui a participé à la mise au tombeau du Christ, reconnaît que les choses sont restées telles qu’il les avait laissées… Les linges se sont seulement affaissés, parce que le Corps n’est plus là pour les gonfler… Le suaire qui avait été ajusté à Sa Tête est lui aussi resté à sa place. Si donc le Corps est sorti des linges sans les déranger, ce ne peut être l’œuvre de voleurs, car ils n’auraient pas manqué de déranger les linges… Si le Corps est sorti des linges sans les déranger, c’est qu’il est entré dans une nouvelle dimension, celle de l’éternité, pour laquelle rien de matériel n’est imperméable… Saint Jean n’a pas vu Jésus ressuscité mais il a compris, interprété ce qu’il voyait, vu au-delà de ce qu’il regardait, et ainsi il a pu croire à la Résurrection. Et il en est toujours ainsi que Jésus ressuscité ne peut Se révéler qu’à ceux qui ne font pas du monde sensible une barrière les enfermant en ce monde, mais y reconnaissent le signe de réalités transcendantes…
Aussi, dans la deuxième lecture, saint Paul nous exhorte-t-il à tendre « vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre
[5] ». Et cela, dit-il, parce que « vous êtes ressuscités [6] » ! Déjà ! Pas encore. Mais, déjà ! Déjà, dans l’humanité nouvelle inaugurée en la Personne de Jésus de Nazareth, qui est désormais « en haut, assis à la droite de Dieu [7] » et qui ne connaîtra jamais plus la mort.
Et en effet, par notre baptême, nous avons été noyés dans la mort du Christ, afin que, comme le Christ est ressuscité, nous vivions avec Lui en Dieu. « Morts avec le Christ, notre vie est désormais cachée en Dieu
[8] », jusqu’à ce que soit complet le nombre des élus et que vienne le Jour de la Résurrection finale de tous les membres de l’Église qui est le Corps du Christ. Ce que le baptême a ainsi inauguré en nous doit, au gré notre liberté, se développer tout au long de notre vie, jusqu’à la sainteté, jusqu’à ce que plus rien en nous n’appartienne à la nature et au péché, mais que tout en nous soit à Jésus-Christ, et vive de Sa Vie. Par un désir continuel, il nous faut mourir à tous nos attachements naturels, à nous-même, pour entrer avec le Christ, dans la Vie de ressuscité. Si vraiment nous recherchons le Christ… au prix de notre mort… alors, nous serons là où est le Christ, c’est-à-dire en Lui-même, en Dieu, l’unique vrai Dieu, Principe et fin de toutes choses, par Qui et pour Qui tout existe ! « Recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ [9] ! »
Au matin de Pâques une humanité nouvelle est née. Une humanité qui a renoncé aux joies limitées et passagères pour se donner à la Joie infinie qui est Dieu, une humanité qui n’est plus attachée aux créatures par des convoitises égoïstes et déréglées, mais qui vivant en Jésus-Christ, vit de l’amour même de Dieu ! Le chrétien, rené dans les eaux du baptême qui l’ont uni à la Mort et à la Résurrection du Christ, doit librement faire fructifier cette vie nouvelle reçue en germe en ne vivant plus que pour Dieu : « Recherchez les réalités d’en haut, non pas celles de la terre
[10] ! » Toute cupidité, toute sensualité, toute sentimentalité, tout égoïsme, tout orgueil, tout amour-propre, tout jugement propre, toute volonté propre doit disparaître du chrétien, pour que se déploie en lui la vie nouvelle du Ressuscité, joie parfaite, infinie, absolue ! C’est la joie pascale qui balaie la tristesse enfantée par le péché et les attachements déréglés. C’est la joie pascale qui donne de renoncer à tout et à soi-même, parce que pour qui aime Jésus, il ne peut plus y avoir que la Joie, la joie de Jésus ressuscité !!! « Joie, joie, joie, pleurs de joie [11] » s’exclama Pascal lorsqu’il rencontra le Christ !
Si Nietzsche a pu dire des chrétiens qu’ils n’ont vraiment pas l’air d’être sauvés
[12], avec leur perpétuelle allure de chiens fouettés, c’est qu’il ne connaissait que de faux chrétiens vivant dans la tiédeur, mettant leur confiance en eux-mêmes, mais non pas dans la Croix et la Résurrection de Jésus-Christ. Ceux qui comptent sur eux-mêmes ne peuvent que craindre… tant ils sont peu de chose. Craignant, ils font des concessions au monde ; faisant des concessions au monde, ils appartiennent au monde et ne sont pas vraiment chrétiens…
Le motif de notre joie n’est pas dans ce qui peut nous arriver d’heureux en ce monde, mais il est en Jésus-Christ ressuscité, en Qui nous sommes déjà nous-mêmes ressuscités… « si toutefois nous retenons inébranlablement jusqu’à la fin, dans toute sa solidité, notre confiance initiale
[15] » !
Contemplons le Christ ressuscité, « assis à la droite de Dieu
[16] », et présent en nos tabernacles, plus étincelant que la neige, plus resplendissant que le soleil, alors Sa divine beauté s’imprimera dans notre vie et nous commencerons à vivre, déjà, sur la terre, de la vie du Paradis !

1.
Ac 10 43.
2.
Cf. Jn 6 53.
3.
Jn 20 8.
4.
Jn 20 6-7
5.
Col 3 2.
6.
Col 3 1
7.
Ibid.
8. Cf. Col 3 3.
9.
Col 3 1.
10.
Col 3 2.
11.
Pascal (Blaise), Le Mémorial.
12.
Cf. Nietzsche (Friedrich), Ainsi parlait Zarathoustra, II, 4 (« Des prêtres ») : « Il leur faudrait me chanter meilleures chansons pour qu’en leur rédempteur j’apprisse à croire ; que de rachetés me fissent davantage figure ses disciples ! » (traduction par Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, collection « Folio/Essais », 1971, édition 1993, p. 119).
13.
Col 3 2.
14.
Col 3 3.
15.
He 3 14.
16.
Col 3 1.