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CONSIDÉRATIONS SUR LA PASSION Saint Alphonse de Liguori - CHAPITRE VIII SUR L’AMOUR QUE JÉSUS-CHRIST NOUS A TÉMOIGNÉS DANS SA PASSION

III – Jésus est mort, non seulement pour nous tous, mais encore pour chacun de nous

Considérons notre Sauveur conduit par les Scribes et les Prêtres devant Pilate comme un malfaiteur, afin de les faire juger et condamner à la mort de la croix. Ils réussissent dans leur dessein : ils voient Jésus condamné et crucifié comme ils l’ont demandé ! Quel spectacle, s’écrie saint Augustin : le Souverain Juge jugé, la Justice condamnée, la Vie même réduite à la mort ! Et quelle fut la cause de tous ces prodiges ? Ce fut uniquement l’amour de Jésus-Christ pour les hommes, répond l’Apôtre : « Il nous a aimés, et s’est livré lui-même pour nous » (Ep 5, 2). Oh ! que plût au ciel que nous eussions constamment sous les yeux ce texte de saint Paul ! Alors, sans doute, toute affection aux biens terrestres sortirait bientôt de notre cœur, et nous ne penserions plus à autre chose qu’à aimer notre Rédempteur, en nous souvenant que, par amour pour nous, il a été jusqu’à répandre tout son sang pour nous en faire un bain de salut (Ap 1, 5). Saint Bernardin de Sienne assure que Jésus-Christ, du haut de la croix, regarda en particulier chaque péché de chacun de nous, et il offrit son sang pour chacun de nos péchés.

« Ô puissance de l’Amour, s’écrie saint Bernard, le Maître suprême de tous les êtres paraît ici-bas comme le plus abject et le dernier de tous ! » Et qui a fait ce prodige ? demande le Saint. Il répond : « C’est l’Amour », lequel, pour se faire connaître à l’objet aimé, porte celui qui aime à mettre de côté sa dignité et à ne chercher qu’à se rendre utile et agréable à l’objet de ses affections. C’est ainsi, conclut-il, que Dieu, qui ne peut être vaincu par aucune puissance, s’est laissé vaincre par son amour envers les hommes : « L’Amour triomphe de Dieu ! »

Il faut observer en outre que tout ce que Notre-Seigneur a souffert dans sa passion, il l’a souffert pour chacun de nous en particulier. « Je vis, dit saint Paul, en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé, et qui s’est livré lui-même à la mort pour moi » (Ga 2, 20). Ce que dit ici l’Apôtre, chacun de nous doit le dire pareillement. Saint Augustin infère de là que l’homme, racheté à tel prix, semble valoir autant que Dieu. Le Saint ose même ajouter : « Seigneur ! vous m’avez aimé, non comme vous-même, mais plus que vous-même ; puisque, pour me délivrer de la mort ; vous avez voulu mourir pour moi ! »

Mais, puisqu’une seule goutte de sang de Jésus-Christ suffisait pour nous sauver, pourquoi a-t-il voulu le répandre entièrement à force de tortures ? Ah ! répond saint Bernard : « Il a voulu tout donner, pour nous montrer l’amour excessif qu’il nous portait. » Excessif, parce que Moïse et Élie, sur le mont Thabor, appelèrent la passion du divin Rédempteur un excès, excès de miséricorde et d’amour (Lc 9, 31). Saint Anselme, parlant de la passion de Notre-Seigneur, dit que la miséricorde a surpassé la dette de nos péchés. En effet, la mort de Jésus-Christ, étant d’une valeur infinie, a surpassé infiniment la satisfaction due par nous à la divine Justice pour nos fautes. L’Apôtre avait donc bien raison de s’écrier, et chacun de nous peut le répéter : « Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! » (Ga 6, 14). Eh ! que pouvais-je avoir ou espérer une plus grande gloire dans le monde que de voir un Dieu mort pour l’amour de moi ? Dieu éternel, je vous ai déshonoré par mes péchés, mais Jésus, en satisfaisant pour moi par sa mort, a surabondamment réparé votre honneur ; ayez donc pitié de moi, pour l’amour de Jésus mort pour moi ! Et vous, mon doux Rédempteur, vous qui avez voulu mourir pour moi afin de me contraindre à vous aimer, faites que je vous aime ! Ayant méprisé votre grâce et votre amour, je mériterais d’être condamné à ne plus pouvoir vous aimer ; mais non, mon Jésus, infligez-moi tout autre châtiment, et non celui-là ! C’est pourquoi, je vous en supplie, ne m’envoyez pas en enfer, puisqu’en enfer je ne pourrais plus vous aimer ! Pourvu que je vous aime, punissez-moi comme il vous plaît. Privez-moi de tout, et non de vous-même. J’accepte toutes les maladies, toutes les humiliations, tous les maux que vous voudrez me faire souffrir ; il me suffit que je vous aime. Maintenant que je connais, par les lumières que vous m’accordez, combien vous êtes aimable et combien vous m’avez aimé, je ne saurais plus vivre sans vous aimer. Par le passé, j’ai aimé les créatures et je me suis éloigné de vous, qui êtes un bien infini ; mais à présent, je proteste que je ne veux plus aimer que vous, vous seul et rien d’autre ! Ah ! mon bien-aimé Sauveur, si vous prévoyez qu’à l’avenir je doive encore cesser de vous aimer, je vous prie de m’ôter la vie ; je consens plutôt à être anéanti qu’à me voir encore une fois séparé de vous !

Ô Vierge Sainte, ô Mère de Dieu, Marie, aidez-moi de vos prières ; obtenez-moi la grâce de ne jamais plus cesser d’aimer mon Jésus, qui a daigné mourir pour moi, et vous, ma Reine, qui m’avez obtenu tant de miséricordes jusqu’à ce jour !