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Ce que Jean a vu pour croire (Jn 20:6-8)

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Le mot grec de soudarion (araméen soudara’ – suaire en français) vient du latin sudarium et désigne généralement une serviette pour éponger la sueur (sudor) ; dans la parabole selon Lc 19:20 en grec, on lit que le mauvais serviteur déposa dans un soudarion la pièce que son maître lui avait confiée. On pourrait donc l’appeler aussi un fichu. Enroulé et faute d’un tissu plus spécifique, il a servi à un acte de piété envers le corps de Jésus comme on le faisait pour tous les morts : leur maintenir la bouche fermée [1] ; en même temps, un pan du suaire noué sur la tête pouvait recouvrir le visage [2]. Quant au terme propre au linceul qui était utilisé pour recevoir le corps des défunts et qui était normalement fait de lin, il n’en est pas fait mention explicitement dans notre passage, mais c’est le cas en Mc 15:46 (sindôn en grec – ainsi qu’en Mt 27:59 et en Lc 23:53) ; cependant, c’est bien de lui qu’on parle sous le terme de linges, kétâné en araméen (c’est-à-dire lins), othonia en grec : le pluriel veut désigner à la fois le linceul et les bandelettes qui enserrent le corps au niveau des mains et des pieds, comme l’Apôtre Jean l’explique lui-même (en Jn 11:44).

[...]

la fin du 19e siècle :
20:6 : Simôn Pétros … théôrei ta othonia keimena [5]
_____Simon-Pierre… regarde les linges aplatis
20:7 : kai to soudarion o èn épi [6] tès kéfalès autou ou méta tôn othoniôn_____ keimenon
et la mentonnière qui était [nouée] sur sa tête non à la manière des linges aplatie
____alla khôris____ entetuligmenon___ eis ‘ena topon
mais au contraire formant une boucle sur lieu un (du chiffre « 1 »).
________Ce qui saute aux yeux directement, c’est la forte opposition entre les deux participes passés (pas aplatie mais au contraire formant une boucle, enroulée) ; alla khôris est une expression attestée signifiant mais au contraire. Pourtant, d’aucuns ont voulu y substituer une autre opposition, portant sur les lieux, en jouant sur les mots meta (avec les linges) et khôris (à côté) ; c’est oublier que la préposition meta (suivie d’un génitif), à la différence de sun, signifie moins avec que au milieu de, en accord avec. Le traducteur grec a pris soin d’accoler l’adverbe khôris (rendant l’araméen la-sthar, sur un côté) à la conjonction alla (afin d’obtenir l’expression mais au contraire) et non après le verbe entetuligmenon : il évite ainsi au lecteur grec de comprendre de travers en imaginant une opposition de lieux (non pas aplatie méta les linges mais enroulée séparément dans un lieu en soi), et il renforce l’opposition entre les deux verbes. Pourtant, c’est cette erreur de lecture qu’ont commise les traductions françaises (faites sur le grec), allant jusqu’à contredire le sens littéral de eis ena topon, vers le premier lieu, une expression qui, même en l’absence de comparaison avec l’araméen ou de toute compréhension gestuelle, suggère littéralement que le suaire-mentonnière est retombé vers son lieu, c’est-à-dire précisément sur place [7]!