Les Templiers ✠ Victimes d'un Roi maudit ! - l'Ombre d'un Doute.

Les Templiers : victimes d'un roi maudit ?...! - OdD S1E5

Vendredi 13 octobre 1307. Au petit jour, des centaines d'hommes en arme investissent les commanderies templières aux quatre coins du royaume de France. Ils exécutent le plan secret du roi Philippe le Bel, qui a ordonné d'arrêter tous les chevaliers de l'Ordre du Temple. La surprise est telle que la plupart se rendent sans opposer la moindre résistance. Parmi eux figure Jacques de Molay, le Grand Maître de l’Ordre, qui sera accusé d’hérésie, jugé par le tribunal de l’Inquisition et brûlé le 11 mars 1314 sur un bûcher dressé sur l’Ile de la Cité, à Paris, au terme d’un procès long de sept ans.

Pourtant, il semble que cette affaire ait été montée de toutes pièces par Philippe le Bel et ses conseillers. Quels secrets cache l'acharnement sans relâche du roi de France ? Et comment le monarque est-il venu à bout d'un ordre respecté et redouté pendant près de deux siècles en Europe et en Terre Sainte ? Pourquoi ses chevaliers réputés invincibles se sont-ils laissé arrêter sans opposer la moindre résistance ? Quels mystères ont-ils emportés dans la tombe ? Ce numéro de l'émission "L'ombre d'un doute" tente de répondre à ces questions...

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. Opération commando

L'arrestation des Templiers frappe par sa dimension et l'ampleur des moyens mis en œuvre. C'est la première fois dans l'histoire de France que tous les membres d'un ordre religieux sont arrêtés en même temps au terme d'une véritable opération commando, soigneusement planifiée et exécutée. Le grand maître de l'Ordre, Jacques de Molay, est appréhendé au cœur même de l'Enclos du Temple, à Paris, une véritable forteresse où est gardée l'immense fortune amassée par les Templiers à la faveur des croisades.

Totalement pris au dépourvu, de Molay n'oppose aucune résistance aux hommes venus l'arrêter. Cette vaste opération de police est la conclusion d'un plan minutieusement préparé par Philippe le Bel et ses conseillers depuis plus d'un mois. Rien n'a été laissé au hasard ; l'ordre d’arrestation, envoyé dès le 4 septembre à tous les sénéchaux et baillis de France, stipule de placer toutes les commanderies templières sous étroite surveillance et d'en recenser tous les habitants fin que nul ne puisse échapper à l'arrestation. Sous bien des aspects, cette opération apparaît comme la première rafle de l'histoire de France : sur l'ensemble des Templiers, seule une poignée parviendra à passer entre les mailles du filet. Le reste sera arrêté et jeté en prison.

. Hérétiques !

De quoi accuse-t-on au juste les Templiers ? D'hérésie, c'est à dire d'avoir embrassé des croyances et des opinions contraires à la foi chrétienne. Dans un contexte où la religion domine l'existence de tous et de chacun, l'hérésie est considérée comme le pire des crimes qui puisse être commis. Assez curieusement, Jacques de Molay ne réfute pas ces allégations ; dès le premier jour de son incarcération, le grand maître de l'Ordre du Temple s'accuse au contraire lui-même d'être un hérétique, à la grande surprise de ses accusateurs.

Cette déclaration, soigneusement enregistrée par les notaires du roi, va immédiatement être envoyée à tous les souverains de la chrétienté afin de légitimer l'arrestation des Templiers. Le document est également envoyé au pape, accompagné d'une lettre de la main même de Philippe le Bel qui l'enjoint de désavouer au plus vite l'Ordre du Temple, alors placé sous son autorité directe. Mais ni le pape ni les autres souverains d'Europe ne vont accorder foi aux accusations du roi de France, et tous vont refuser de faire arrêter les Templiers présents sur leurs territoires.

Le pape ira même plus loin. Dans un document retrouvé récemment dans les archives du Vatican, le "parchemin de Chinon", daté de 1308, c'est-à-dire contemporain de l'affaire des Templiers, Clément V avait secrètement absous les dirigeants de l'Ordre de l'ensemble des accusations portées contre eux. Dans ce cas, pourquoi les persécutions contre les Templiers se sont-elles poursuivies en France, voyant les procès pour hérésie et les condamnations à mort se succéder jusqu'en 1314, date à laquelle Jacques de Molay lui-même monta sur le bûcher en compagnie des derniers dignitaires de son Ordre ?

. Jérusalem, berceau des Templiers

Pour les historiens d'aujourd'hui, il est clair que la dissolution de l'Ordre du Temple marque la dernière étape d'un terrible bras de fer qui opposait Philippe le Bel à la papauté. Pour comprendre les raisons de ce conflit, il faut remonter jusqu'aux origines de l'Ordre du Temple. C'est à Jérusalem, en 1119, que celui-ci est fondé. L'Ordre est ainsi nommé car la tradition veut que les premiers chevaliers se soient réunis dans les écuries de l'ancien temple du roi Salomon.

Très vite, l'Ordre du Temple va se développer, gagnant en puissance et en prestige. Contrairement aux autres ordres religieux, les Templiers sont en effet tournés vers l'action ; leur règle fusionne l'esprit chevaleresque et la foi religieuse, loin de l'image traditionnelle des moines retirés du monde et cloîtrés dans leur couvent. Pendant les croisades, les Templiers vont s'illustrer par leur faits d'armes et leur bravoure, devenant le bras armé de l’Église en Terre Sainte. De par leur statut d'ordre religieux, ils sont en effet placés sous l'autorité directe du pape.

En Terre Sainte, les Templiers assument essentiellement des missions guerrières : protection des pèlerins en route pour les lieux saints de Palestine, défense des villes conquises, construction de forteresses et de citadelles, etc. Très hiérarchisé, l'Ordre obéit à une stricte discipline militaire, avec à sa tête un grand maître qui en est le commandant en chef. Sous son autorité se trouvent d'autres grands maîtres ayant chacun la charge d'une région ou d'une zone géographique. Assez rapidement, les Templiers ont en effet étendu leur emprise bien au-delà de la Terre Sainte ; leurs commanderies quadrillent les régions des royaumes de France, d'Angleterre, d'Aragon, ainsi que du Saint Empire.

. De chevaliers à rentiers

Les Templiers sont alors au fait de leur puissance. Mais à partir du XIIIe siècle, les chrétiens vont subir de sérieux revers militaires en Terre Sainte. Les villes conquises tombent les unes après les autres. La perte de Jérusalem, puis de Saint Jean d'Acre, marquent la fin des États Chrétiens d'Orient. Contraints de se replier en Europe, les Templiers commencent alors à souffrir d'un déficit d'image auprès des populations. On leur reproche la perte de la Terre Sainte, dont ils étaient les défenseurs historiques, mais plus encore, d'avoir progressivement renié leur statut de soldats de la foi pour se consacrer à la gestion de leurs vastes domaines et de leurs terres. En résumé, les Templiers sont à présent considérés comme des rentiers.

A l'époque de leur arrestation, les Templiers se trouvent en effet à la tête d'un patrimoine considérable. Leur richesse provient en grande partie de l'exploitation des terres qu'ils possèdent. Chaque commanderie dirige ainsi de vastes domaines sur lesquels travaillent de nombreux paysans. La plupart de ces terres ont été données aux Templiers par des nobles ayant rejoint l'Ordre, ou en remerciement pour leur action durant les croisades. Excellents gestionnaires, ceux-ci ont su faire fructifier ce patrimoine pour en dégager des bénéfices substantiels.

Cette richesse vient aussi des activités bancaires. Durant les croisades, les Templiers ont en effet mis au point un système de lettres de crédit permettant de faire voyager de l’argent « dématérialisé » un peu partout en Europe et dans les États Chrétiens d’Orient, mettant sur pied l’ancêtre du système bancaire actuel. L'essor de ce système les a mis à la tête d'une immense fortune ; banquiers avisés, les Templiers sont devenus les principaux bailleurs de fonds des souverains d'Europe, Philippe le Bel en tête, qui a souscrit de nombreux prêts auprès d'eux afin de renflouer les caisses vides de son royaume.

. Les Templiers créanciers du roi de France

En effet, en ce début de XIVe siècle les finances du roi de France sont en piteux état. Philippe le Bel mène plusieurs guerres ruineuses ; il a besoin d'argent et emprunte de grosses sommes aux Templiers. Mais cela ne fait que creuser encore un peu plus le déficit de ses finances ; dès lors Philippe le Bel et ses conseillers vont s'attacher à renflouer celles-ci par tous les moyens possibles : spoliations, créations de nouveaux impôts et taxes, etc. Le roi pratique aussi la dévaluation de sa propre monnaie, devenant ainsi l'un des premiers spéculateurs de l'Histoire. Malgré tous ces moyens mis en oeuvre, le royaume de France s'installe dans une crise financière de plus en plus grave, et Philippe le Bel est de nouveau contraint de solliciter un prêt auprès des Templiers.

Leur présence dérange pourtant de plus en plus ce monarque qui entend exercer un pouvoir absolu. La puissance militaire et financière de l'Ordre du Temple défie en effet les velléités hégémoniques du roi de France, qui en vient bientôt à considérer les Templiers comme une menace. La rancœur de Philippe le Bel grandit contre un Ordre devenu à la fois son principal créancier et un adversaire politique en puissance. Dès lors, la tentation d'une action violente contre les Templiers augmente de jour en jour, d'autant qu'en faisant disparaître l'Ordre le roi ferait coup double : il apurerait se dette et pourrait de surcroît confisquer toutes les richesses des Chevaliers du Temple. C'est dans ce contexte éminemment politique que se produit l'opération du 13 octobre 1307. Philippe le Bel fait non seulement arrêter tous les Templiers mais place aussi l'ensemble de leurs biens sous séquestre.

Le roi ayant besoin de liquidités, ces biens sont vendus sans attendre. Mais les bénéfices s'avèrent décevants ; Philippe le Bel semble avoir en grande partie fantasmé le "trésor …