Sur le même thème de la rivalité franco-anglaise, dans les décennies qui ont séparé la Guerre de Sept ans (1756-1763) de la Révolution Française, les vaisseaux de guerre français avaient atteint une perfection inégalée; les ingénieurs français, dont le célèbre Sané, avaient largement surpassé ceux de la meilleure nation maritime du monde, l'Angleterre. Le redoutable vaisseau de 74 (canons), sommet de l'art militaire naval en est le meilleur exemple. Cet avantage fut tel que lorsque les anglais capturaient des navires ou des frégates français pendant la victorieuse Guerre d'Amérique (1778-1783), ils s'empressaient de les ramener dans leurs ports pour les déshabiller et les copier... Mais l'efficacité de la marine de guerre de ce temps ne se réduisait hélas pas à la valeur des vaisseaux et l'expérience des officiers, acquise essentiellement par une très longue pratique (manoeuvres au combat, cadences de tirs, évolution en escadres, discipline, gestion des équipages etc...) était d'une importance capitale, cent fois plus importante que pour la guerre sur terre; c'est la raison principale pour laquelle la belle marine de Louis XVI fut systématiquement vaincue lorsqu'elle devint la Marine de la République puis de l'Empire. Après avoir décapité ou renvoyé la plupart des amiraux et des anciens cadres, souvent "aristocrates", les révolutionnaires, idéologues incapables, les remplacèrent par des gens inexpérimentés mais "républicains" ou par d'anciens capitaines de marine marchande... Ce naufrage de la marine militaire de l'Ancien Régime fit la fortune du célèbre Horace Nelson dont on a aussi beaucoup dit qu'il fut le meilleur élève du génial bailli de Suffren. A contrario, l'indispensable expérience d'un officier de marine est la cause principale du célèbre drame de la Méduse en 1816, lorsque la Restauration à ses débuts confia le commandement de la frégate à un capitaine aristocrate et inexpérimenté, longtemps écarté du commandement à cause de la Révolution.