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VIGANO répond aux 40 QUESTIONS du WASHINGTON POST (intégralité de l'interview)

Album ACTU
>>> Un SCAPULAIRE pour VINCENT LAMBERT !

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INTÉGRAL de l’INTERVIEW de VIGANO
au WASHINGTON POST


Dans sa première longue interview depuis qu’il a appelé le pape François à démissionner en août dernier, accusant le pontife de couvrir un agresseur sexuel, l’archevêque Carlo Maria Viganò a correspondu par courriel avec le Washington Post pendant deux mois, écrivant 8.000 mots en réponse à près de 40 questions. Nous présentons ici cet échange, avec les passages omis par le WP mais divulgués plus tard par Life Site (réponse 2).

VIGANÒ : Je vous remercie de me donner l’occasion de répondre à vos questions. Je l’ai fait avec le plus grand soin et par amour pour l’Église, qui traverse l’un des moments les plus turbulents de son histoire. Mes réponses détaillées se trouvent après chacune des questions, à l’exception de celles qui ont trait à ma situation personnelle, que je considère sans rapport avec les graves problèmes auxquels l’Église est confrontée.

Que pensez-vous de l’issue du sommet de quatre jours de février sur la protection des mineurs dans l’Église ?

Avec de nombreux fidèles catholiques authentiques et aimants, diacres, prêtres, évêques et cardinaux, je priais intensément pour le succès du sommet de février, et j’aurais été très heureux s’il avait été couronné de succès. L’initiative d’appeler tous les présidents des Conférences épiscopales du monde à se réunir à Rome, un événement inédit dans l’histoire de l’Église, a donné à beaucoup l’espoir que les graves problèmes auxquels elle est confrontée seraient enfin résolus.

Malheureusement, cette initiative s’est révélée être une pure ostentation, car nous n’avons vu aucun signe d’une volonté réelle de s’attaquer aux causes réelles de la crise actuelle. En effet, le choix par le pape François du cardinal [Blase] Cupich, [archevêque de Chicago,] comme dirigeant de l’événement a été lui-même troublant. Cupich, vous vous en souviendrez, avait déclaré que se concentrer sur la crise des abus sexuels était un « trou de lapin » que l’Église ne devrait pas creuser, et que le Pape François avait un « agenda plus vaste » et devait « s’occuper d’autres choses », telles que « parler d’environnement et protéger les migrants ». Ceci, de la part de l’homme trié sur le volet par le pape pour faire face à la crise ! Les commentaires de Cupich ont créé une publicité négative, et il s’est finalement excusé pour eux, mais seulement après son accusation que l’interview a été injustement édité s’est avéré sans fondement. Je ne vois aucune preuve qu’il est déterminé à nettoyer le gâchis et à mettre au jour les dissimulations.

[Note de l’éditeur : Cupich parlait spécifiquement du témoignage de Viganò en août comme d’un « terrier de lapin ».]

Les conférences de presse qui ont eu lieu pendant le sommet ont également été décourageantes. Des journalistes, en particulier des femmes courageuses, d’une grande expérience et d’un grand professionnalisme, y compris des journalistes laïcs, ont tenté en vain d’obtenir des réponses qui auraient pu offrir un minimum de crédibilité au sommet. Pour ne citer qu’un exemple, l’archevêque [Charles] Scicluna, a été surpris par une question sur le pape couvrant le scandaleux cas de l’évêque argentin Gustavo Zanchetta - « Comment pouvons-nous croire que c’est en fait la dernière fois que nous allons entendre "plus de dissimulations" alors que, finalement, le pape François a couvert une personne en Argentine qui avait du porno gay impliquant des mineurs ? » - a prononcé ces mots embarrassants : « A propos de l’affaire, je ne suis pas, je ne suis pas, vous savez, je ne suis pas autorisé... » La réponse inepte de Scicluna donnait l’impression qu’il avait besoin d’être autorisé - vous vous demandez peut-être par qui - à dire la vérité ! Le directeur par intérim du bureau de presse du Vatican, Alessandro Gisotti, est rapidement intervenu pour assurer aux journalistes qu’une enquête avait été ouverte et qu’une fois terminée, ils seraient informés des résultats. On peut se demander si les résultats d’une enquête honnête et approfondie seront vraiment divulgués en temps opportun. M. Gisotti ajoute que les questions sur des cas spécifiques ne sont pas autorisées. Il y a là une certaine ironie : Cet échange a eu lieu pendant que Cupich et Scicluna discutaient de ce qu’ils appelaient eux-mêmes la transparence.

Un problème particulièrement grave est que le sommet s’est concentré exclusivement sur la maltraitance des mineurs. Ces crimes sont en effet les plus horribles, mais les crises récentes aux États-Unis, au Chili, en Argentine, au Honduras et ailleurs concernent surtout des abus commis contre de jeunes adultes, y compris des séminaristes, non pas seulement et surtout contre des mineurs. En effet, si le problème de l’homosexualité dans le sacerdoce était honnêtement reconnu et correctement traité, le problème des abus sexuels serait beaucoup moins grave.

Voyez-vous des signes que le Vatican, sous le pape François, prend des mesures appropriées pour faire face aux graves problèmes d’abus ? Si non, que manque-t-il ?

Les signes que je vois sont vraiment inquiétants. Non seulement le pape François ne fait presque rien pour punir ceux qui ont commis des abus, mais il ne fait absolument rien pour dénoncer et traduire en justice ceux qui, pendant des décennies, ont facilité et couvert les auteurs de ces abus. Pour ne citer qu’un exemple : Le cardinal Wuerl, qui a couvert les abus de McCarrick et d’autres personnes pendant des décennies, et dont les mensonges répétés et flagrants ont été révélés à tous ceux qui y ont prêté attention, a dû démissionner dans la honte à cause de l’indignation populaire. Pourtant, en acceptant sa démission, le pape François l’a loué pour sa « noblesse ». Quelle crédibilité a laissé le pape après ce genre de déclaration ?

Mais un tel comportement n’est pas du tout le pire. Pour en revenir au sommet et à l’accent qu’il met sur la maltraitance des mineurs, je voudrais maintenant attirer votre attention sur deux cas récents et vraiment horribles impliquant des allégations d’infractions contre des mineurs pendant le mandat du pape François. Le pape et de nombreux prélats de la Curie sont bien au courant de ces allégations, mais dans aucun cas une enquête ouverte et approfondie n’a été autorisée. Un observateur objectif ne peut s’empêcher de soupçonner que des actes horribles sont dissimulés.

1. Le premier aurait eu lieu à l’intérieur même des murs du Vatican, au pré-séminaire Pie X, situé à quelques pas de la Domus Sanctae Marthae, où vit le pape François. Ce séminaire forme des mineurs qui servent comme enfants de chœur dans la basilique Saint-Pierre et lors des cérémonies papales.

Un des séminaristes, Kamil Jarzembowski, colocataire de l’une des victimes, affirme avoir été témoin de dizaines d’agressions sexuelles. Avec deux autres séminaristes, il dénonça l’agresseur, d’abord en personne à ses supérieurs du pré-séminaire, puis par écrit aux cardinaux, et enfin en 2014, toujours par écrit, au Pape François lui-même. L’une des victimes était un garçon, qui aurait été maltraité pendant cinq années consécutives, à partir de l’âge de 13 ans. L’agresseur présumé était un séminariste de 21 ans, Gabriele Martinelli.

Ce pré-séminaire est sous la responsabilité du diocèse de Côme et est géré par l’Association Don Folci. Une enquête préliminaire a été confiée au vicaire judiciaire de Côme, Don Andrea Stabellini, qui a trouvé des éléments de preuve justifiant une enquête plus approfondie. J’ai reçu des informations de première main indiquant que ses supérieurs lui avaient interdit de poursuivre l’enquête. Il peut témoigner lui-même, et je vous conseille d’aller l’interroger. Je prie pour qu’il trouve le courage de partager avec vous ce qu’il a si courageusement partagé avec moi.

En plus de ce qui précède, j’ai appris comment les autorités du Saint-Siège ont traité cette affaire. Après que Don Stabellini eut recueilli des preuves, l’affaire fut immédiatement camouflée par l’évêque de Côme de l’époque, Diego Coletti, et le cardinal Angelo Comastri, vicaire général du pape François pour la Cité du Vatican. De plus, le Cardinal Coccopalmerio, alors président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs, consulté par Don Stabellini, l’a fortement exhorté à arrêter l’enquête.

Vous vous demandez peut-être comment cette horrible affaire a été classée. L’évêque de Côme a relevé Don Stabellini de ses fonctions de vicaire judiciaire ; le dénonciateur, le séminariste Kamil Jarzembowski, a été expulsé du séminaire ; les deux autres séminaristes qui l’avaient rejoint dans la dénonciation ont quitté le séminaire ; et l’auteur présumé des abus, Gabriele Martinelli, a été ordonné prêtre en juillet 2017. Tout cela s’est passé entre les murs du Vatican, et pas un mot n’en est sorti pendant le sommet.

Le sommet a donc été terriblement décevant, car il est hypocrite de condamner les abus à l’encontre des mineurs et de prétendre sympathiser avec les victimes tout en refusant de regarder les faits en face avec franchise. Une revitalisation spirituelle du clergé est des plus urgentes, mais elle sera finalement inefficace s’il n’y a pas la volonté de s’attaquer au vrai problème.

2. Le deuxième cas concerne l’archevêque Edgar Peña Parra, que le pape François a choisi comme nouveau suppléant à la Secrétairerie d’État, faisant de lui la troisième personne la plus puissante de la curie. Ce faisant, le pape a essentiellement ignoré un dossier terrifiant qui lui avait été envoyé par un groupe de fidèles de Maracaibo, intitulé "¿Quién es verdaderamente Monseñor Edgar Robinson Peña Parra, Nuevo Sustituto de la Secretarîa de Estado del Vaticano" ("Qui est vraiment Mgr Edgar Robinson Peña Parra, le nouveau suppléant du Secrétariat d’État du Vatican"), signé du Dr. Enrique W. Lagunillas Machado, au nom du "Grupo de Laicos de la Arquidiócesis de Maracaibo por una Iglesia y un Clero según el Corazón de Cristo" ("Groupe de laïcs de l’archidiocèse de Maracaibo pour une Église et un Clergé selon le Cœur du Christ"). Ces fidèles ont accusé Peña Parra d’immoralité terrible, décrivant en détail ses crimes présumés. Il pourrait même s’agir d’un scandale dépassant celui de McCarrick, et il ne faut pas que ce scandale soit couvert par le silence.

Certains faits ont déjà été publiés dans les médias, notamment dans l’hebdomadaire italien L’Espresso . Je vais maintenant ajouter les faits connus par la Secrétairerie d’État du Vatican depuis 2002, que j’ai appris lorsque j’étais Délégué pour les Représentations pontificales.

En janvier 2000, le journaliste de Maracaibo Gastón Guisandes López a porté de graves accusations contre certains prêtres du diocèse de Maracaibo, dont Mgr Peña Parra, pour abus sexuels sur mineurs et autres activités éventuellement criminelles.

En 2001, Gastón Guisandes López a demandé à deux reprises à être reçu par le nonce apostolique (ambassadeur du Pape) au Venezuela, l’archevêque André Dupuy, pour discuter de ces questions, mais celui-ci a refusé inexplicablement de le recevoir. Il a toutefois signalé à la Secrétairerie d’État que le journaliste avait accusé Mgr Peña Parra de deux crimes très graves, décrivant les circonstances.

D’abord, Edgar Peña Parra fut accusé d’avoir séduit, le 24 septembre 1990, deux petits séminaristes de la paroisse de San Pablo, qui devaient entrer au Grand Séminaire de Maracaibo la même année. L’événement aurait eu lieu dans l’église de Nuestra Señora del Rosario, où le pasteur José Severeyn était curé. Le Révérend Père Severeyn a ensuite été retiré de la paroisse par l’archevêque de l’époque, Mgr Roa Pérez. Le cas a été signalé à la police par les parents des deux jeunes hommes et a été traité par le pasteur Enrique Pérez, alors recteur du grand séminaire, et par le pasteur Emilio Melchor, alors directeur spirituel. Le révérend Pérez, interrogé par la Secrétairerie d’État, a confirmé par écrit l’épisode du 24 septembre 1990. J’ai vu ces documents de mes propres yeux.

Deuxièmement, Edgar Peña Parra aurait été impliqué, avec [NOM ENLEVÉ], dans la mort de deux personnes, un médecin et un certain Jairo Pérez, qui a eu lieu en août 1992, sur l’île de San Carlos, au lac Maracaibo. Ils ont été tués par une décharge électrique, et il n’est pas clair si les décès étaient accidentels ou non. Cette même accusation est également contenue dans le dossier susmentionné envoyé par un groupe de laïcs de Maracaibo, avec le détail supplémentaire que les deux cadavres ont été retrouvés nus, avec des preuves de rencontres homosexuelles macabres et obscènes. Ces accusations sont pour le moins extrêmement graves. Non seulement Peña Parra n’a pas eu à les affronter, mais il a été autorisé à continuer dans le service diplomatique du Saint-Siège.

Ces deux accusations ont été rapportées à la Secrétairerie d’État en 2002 par le nonce apostolique vénézuélien de l’époque, Mgr André Dupuy. La documentation pertinente, si elle n’a pas été détruite, se trouve dans les archives du personnel diplomatique de la Secrétairerie d’État où j’ai occupé le poste de Délégué pour les Représentations pontificales, et dans les archives de la nonciature apostolique au Venezuela, où les archevêques suivants ont servi comme nonces depuis : Giacinto Berloco, de 2005 à 2009, Pietro Parolin, de 2009 à 2013 et Aldo Giordano, de 2013 à ce jour. Ils ont tous eu accès aux documents faisant état de ces accusations contre le futur suppléant, de même que les cardinaux secrétaires d’État Sodano, Bertone et Parolin et les suppléants Sandri, Filoni et Becciu.

Particulièrement flagrant est le comportement du cardinal Parolin qui, en tant que secrétaire d’État, ne s’est pas opposé à la récente nomination de Peña Parra comme suppléant, faisant de lui son plus proche collaborateur. Plus encore : des années auparavant, en janvier 2011, en tant que nonce apostolique à Caracas, Parolin ne s’était pas opposé à la nomination de Peña Parra comme archevêque et nonce apostolique au Pakistan. Avant ces nominations importantes, un processus d’information rigoureux est mis en place pour vérifier l’aptitude du candidat, de sorte que ces accusations ont certainement été portées à l’attention du cardinal Parolin.

De plus, le Cardinal Parolin connaît les noms de plusieurs prêtres de la Curie qui sont sexuellement inacceptables, violant les lois de Dieu qu’ils se sont solennellement engagés à enseigner et à pratiquer, et il continue à détourner le regard.

Si les responsabilités du Cardinal Parolin sont graves, celles du Pape François le sont encore plus pour avoir choisi pour un poste extrêmement important dans l’Église un homme accusé de crimes aussi graves, sans insister d’abord sur une enquête ouverte et approfondie. Il y a un autre aspect scandaleux à cette histoire horrible. Peña Parra est étroitement liée au Honduras, et plus précisément au cardinal Maradiaga et à l’évêque Juan José Pineda. Entre 2003 et 2007, Peña Parra a servi dans la nonciature de Tegucigalpa, où il a été très proche de Juan José Pineda, qui a été ordonné évêque auxiliaire de Tegucigalpa en 2005, devenant le bras droit du cardinal Maradiaga. Juan José Pineda a démissionné de son poste d’évêque auxiliaire en juillet 2018, sans aucune raison donnée aux fidèles de Tegucicalpa. Le Pape François n’a pas publié les résultats du rapport que le Visiteur apostolique, l’évêque argentin Alcides Casaretto, lui a remis directement et seulement il y a plus d’un an. Comment interpréter la décision ferme du pape François de ne pas parler ou répondre à une question à ce sujet, si ce n’est pour camoufler les faits et protéger un réseau homosexuel ? De telles décisions révèlent une terrible vérité : plutôt que de permettre des enquêtes ouvertes et sérieuses sur les personnes accusées d’offenses graves contre l’Église, le pape laisse souffrir l’Église elle-même.

Pour en revenir à votre question. Vous me demandez si je vois des signes que le Vatican, sous le pape François, prend des mesures appropriées pour faire face aux graves problèmes d’abus. Ma réponse est simple : Le pape François lui-même couvre les abus en ce moment même, comme il l’a fait pour McCarrick. Je le dis avec une grande tristesse. Lorsque le roi David prononça que l’homme riche et avide dans la parabole de Nathan était digne de mort, le prophète lui dit sans ambages : « Tu es l’homme » (2 Sam 12:1-7). J’avais espéré que mon témoignage serait reçu comme celui de Nathan, mais il a été reçu comme celui de Michée (1 Rois 22:15-27). Je prie pour que cela change.

En février, l’ancien cardinal Theodore McCarrick a été démis de ses fonctions. Que pensez-vous de cette punition ? Et que pensez-vous de la façon dont la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a traité l’affaire McCarrick dans les mois qui ont suivi votre témoignage ? Enfin, pensez-vous que votre témoignage a eu des effets concrets (positifs ou négatifs) ?

La dégradation de McCarrick était, dans la mesure du possible, une punition juste, mais il n’y a aucune raison légitime pour laquelle elle n’a pas été exigée plus de cinq ans auparavant, et après un procès en bonne et due forme avec une procédure judiciaire. Ceux qui ont l’autorité d’agir (c.-à-d. le pape François) savaient tout ce qu’ils devaient savoir depuis juin 2013. Pourtant, mon témoignage d’août dernier a presque certainement accéléré ce châtiment, qui a détourné l’attention du public vers McCarrick et l’a éloigné de ceux qui connaissaient depuis longtemps ses crimes et qui profitaient de son patronage. Même après la publication de la déclaration du cardinal [Timothy] Dolan sur McCarrick le 20 juin 2018, il y a eu beaucoup de temps pour un procès, mais cela aurait été trop dommageable pour de nombreux membres importants de la Curie et bien sûr pour le pape François lui-même. Ainsi, au lieu d’une véritable procédure judiciaire, après plus de sept mois de silence total, une procédure administrative a été délibérément choisie. Il est difficile d’éviter de conclure que le calendrier a été conçu pour manipuler l’opinion publique. Condamner McCarrick comme bouc émissaire avec une punition exemplaire - c’était la première fois dans l’histoire de l’Église qu’un cardinal était réduit à l’état laïc - appuierait le récit selon lequel le pape François était fermement déterminé à lutter contre les abus sexuels du clergé.

Selon une déclaration du Bureau de presse du Saint-Siège du 16 février 2019, McCarrick a été reconnu coupable par la CDF de « sollicitation dans le sacrement de la confession et de péchés contre le sixième commandement » avec des mineurs et des adultes, avec « la circonstance aggravante de l’abus de pouvoir ». Le châtiment imposé est la laïcisation, que le Pape François confirme comme « définitive ». De cette façon, McCarrick, qui s’est toujours déclaré innocent, a été privé de toute possibilité de faire appel de la sentence. Où est l’application régulière de la loi ? Est-ce ainsi que la justice est faite au Vatican ?

De plus, ayant rendu la sentence définitive, le pape a rendu impossible toute enquête supplémentaire qui aurait pu révéler qui, à la Curie et ailleurs, était au courant des abus de McCarrick, quand ils l’ont su, et qui l’a aidé à être nommé archevêque de Washington et finalement cardinal. Notons d’ailleurs que les documents de cette affaire, dont la publication avait été promise, n’ont jamais été produits.

L’essentiel est le suivant : Le pape François cache délibérément les preuves de McCarrick.
Je le répète fermement devant Dieu : Le pape François a entendu parler de McCarrick par moi le dimanche 23 juin 2013, 40 minutes avant l’Angélus. Je lui ai parlé des abus de McCarrick après que le pape lui-même, de sa propre initiative, m’ait interrogé sur McCarrick.

Mais considérons la dimension spirituelle beaucoup plus importante, qui était complètement absente de toute déclaration sur McCarrick ou de toute conférence de presse lors du sommet. Le but le plus important des pénalités dans l’ordre canonique est la repentance et la conversion : « Suprema ratio est salus animarum » (la loi suprême est le salut des âmes). Je crois donc que la simple "réduction à l’état laïc" est tout à fait inadéquate, parce qu’elle n’offre pas de remède et n’exprime pas le souci du but le plus important du châtiment, à savoir le salut de l’âme de McCarrick.

En effet, à moins qu’elle ne s’accompagne d’autres mesures, une simple laïcisation pourrait être considérée comme une expression de mépris pour l’État laïc. L’idée qu’un prélat qui se conduit mal est puni en étant « réduit » à l’état laïc ressemble au cléricalisme. Comme l’affirme le professeur Scott Hahn, cela sape le sens de l’appel universel à la sainteté.

Je crois, et je ne suis pas le seul, que la peine d’excommunication - dont il peut être absous à tout moment - devrait également être imposée à McCarrick. En tant que médicament correctement dosé, il serait imposé pour l’inciter à prendre la responsabilité de ses péchés, à se repentir, à se réconcilier avec Dieu, et donc à sauver son âme.

Par ailleurs, il y a eu des tensions entre la Conférence des évêques catholiques des États-Unis et le Saint-Siège. En novembre dernier, les évêques américains se préparaient à voter sur des mesures visant à tenir les évêques plus responsables dans leur surveillance des cas d’abus. Le Vatican a arrêté ce vote. Avez-vous des idées sur cette intervention, si elle était appropriée et pourquoi elle a pu avoir lieu ? Comment évalueriez-vous les actions du nonce ?

S’il n’y avait pas eu d’ingérence, la réunion de novembre de l’USCCB aurait incontestablement examiné les problèmes de corruption épiscopale, de dissimulation et de mensonges épiscopaux, de méfaits sexuels épiscopaux, tant avec des mineurs que des adultes - autant de problèmes qui impliqueraient et mettraient le Saint-Siège dans une situation intolérable. La suspension était totalement injustifiée en soi, mais elle s’est déroulée dans la panique. Les évêques américains exerçaient leurs devoirs et responsabilités légitimes, et l’on se demande comment un pape qui appelle à la « synodalité » a pu faire une telle intrusion.

Après la publication de votre témoignage, le pape François a fait de multiples références aux « attaques du diable » - des remarques que beaucoup ont interprétées comme une référence à vous-même. Qu’est-ce que cela fait d’être cité de cette manière par votre pontife ?

Dans l’Évangile, nous lisons : « Un disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni un serviteur au-dessus de son maître ; il suffit que le disciple soit comme son maître, et le serviteur comme son maître. S’ils ont appelé le maître de la maison Béelzébul, combien plus ils calomnieront ceux de sa maison » (Mt.10:24-25). Je suis le serviteur de mon Maître.

Il y a eu un manque notable de dénégations de la part du Vatican sur les détails de votre témoignage, et le Pape François n’a pas encore répondu. Comment interprétez-vous ce silence ?

Personne n’a nié de façon plausible les faits que j’ai exposés dans mon témoignage initial parce que personne ne peut nier la vérité. Les cardinaux et les archevêques que j’ai nommés ne veulent pas être pris en flagrant délit de mensonge, et ils pensent apparemment qu’ils sont si puissants qu’ils sont intouchables s’ils restent silencieux et se cachent. La vraie question est de savoir pourquoi les journalistes les laissent s’en tirer comme ça.

Non seulement mes témoignages n’ont pas été niés, mais certains des faits qu’ils contiennent ont été confirmés de façon indépendante. Pour ne citer que deux exemples, la lettre de [l’archevêque de l’époque Leonardo] Sandri au père [de New York, Boniface] Ramsey a confirmé mon affirmation selon laquelle les autorités du Vatican étaient au courant des allégations de McCarrick dès 2000, et le cardinal [Marc] Ouellet, dans sa lettre ouverte, m’a confirmé que le pape Benoît XVI m’avait dit personnellement et ensuite écrit les restrictions imposées par écrit à lui.

Quant au Pape François, sa réponse à mon témoignage a été : « Je ne dirai pas un seul mot à ce sujet. » Aurait-il dit cela s’il avait su que mon témoignage était faux ? N’est-ce pas plutôt précisément ce que dit une personne qui sait mais ne veut pas admettre que le témoignage est vrai ? N’est-ce pas ce que vous, les Américains, appelez « prendre la cinquième » ? En répondant comme il l’a fait, le pape admet essentiellement qu’il ne veut pas être transparent. Pourtant, les faits demeurent. McCarrick était un ami personnel de François pendant des décennies avant d’être élu pape. François était au courant de ses crimes, mais il l’a réhabilité, en a fait son envoyé personnel et son conseiller de confiance, et a nommé des évêques et des cardinaux qui sont des protégés bien connus de McCarrick. Pourtant, il ne dira pas un mot à ce sujet. Est-il surprenant que beaucoup aient interprété la réponse du pape comme une manifestation de mépris à la fois pour les victimes et pour ceux qui veulent que le camouflage prenne fin ? Ironiquement, cependant, le silence persistant du pape, qui est devenu de plus en plus assourdissant, témoigne finalement de la vérité de mon témoignage.

On pourrait faire remarquer, pour prendre un cas analogue, que Theodore McCarrick a été et demeure totalement libre de s’exprimer sur n’importe quel sujet devant n’importe quel auditoire pendant toute la durée de l’affaire. La seule raison pour laquelle il ne parle pas, c’est qu’en le faisant, il s’en porterait plus mal qu’il ne l’est déjà. Par tempérament humain, ni McCarrick ni le pape François n’ont la réputation d’être des hommes de peu de mots.

[NOTE DE LA RÉDACTION : Viganò a ajouté ceci après que François ait discuté des accusations le mois dernier dans une interview :]

VIGANÒ : Il est extrêmement triste de lire les réponses du pape François au sujet de l’affaire McCarrick, sans parler de tout le reste. Il dit d’abord qu’il a déjà répondu plusieurs fois ; deuxièmement, qu’il ne savait rien, absolument rien sur McCarrick, et troisièmement, qu’il a oublié ma conversation avec lui. Comment ces revendications peuvent-elles être affirmées et soutenues ensemble en même temps ? Ces trois-là sont des mensonges flagrants.

D’abord, pendant neuf longs mois, il n’a pas dit un mot sur mon témoignage, et il s’est même vanté et continue de le faire à propos de son silence, se comparant à Jésus. Soit il a parlé, soit il a gardé le silence. Qu’est-ce que c’est ?

Deuxièmement, tout le monde connaissait le comportement prédateur de toute une vie de McCarrick, du plus jeune séminariste de Newark aux prélats les mieux classés du Vatican.

Troisièmement, je répète devant Dieu ce que j’ai dit dans mon témoignage d’août dernier : Le 23 juin 2013, le Pape François lui-même m’a interrogé sur McCarrick, et je lui ai dit qu’il y avait un énorme dossier sur ses abus à la Congrégation des Évêques, et qu’il corrompait des générations de séminaristes. Comment quelqu’un, surtout un pape, pourrait-il l’oublier ? S’il ne savait vraiment rien jusqu’à ce jour-là, comment pouvait-il ignorer mon avertissement et continuer à compter sur McCarrick comme l’un de ses plus proches conseillers ?

Nous sommes dans un moment vraiment sombre pour l’Église universelle : Le Souverain Pontife ment maintenant ouvertement au monde entier pour couvrir ses mauvaises actions ! Mais la vérité finira par éclater, au sujet de McCarrick et de tous les autres camouflages, comme elle l’a déjà fait dans le cas du cardinal Wuerl, qui lui aussi « ne savait rien » et avait « un trou de mémoire ».

Dans sa lettre d’octobre, le cardinal Ouellet vous a décrit comme étant motivé par l’amertume de votre propre carrière. Est-ce que c’est vrai ? Que répondez-vous à cela ?

Je ne peux que demander à des personnes impartiales d’examiner les décisions qui ont marqué ma carrière pour voir si elles sentent le carriérisme ambitieux et la soif de promotion. De même, des personnes impartiales pourraient se demander à qui profite le plus le rejet du témoignage de Viganò pour cause de motivation inconvenante ?

Permettez-moi de le répéter encore une fois. Je suis un vieil homme et je comparaîtrai bientôt devant le Bon Juge. Mon silence me rendrait complice des agresseurs et mènerait à d’autres victimes. Je sais que je suis motivé par ces préoccupations, et Dieu le sait. Je ne peux pas m’inquiéter de ce que les autres pensent de ma motivation.

Quoi qu’il en soit, ma motivation n’est pas la question, et les questions à ce sujet sont une distraction. La question vraiment importante est de savoir si mon témoignage est vrai. Je m’y tiens et j’insiste pour que des enquêtes soient menées afin que les faits apparaissent. Malheureusement, ceux qui contestent mes motifs n’ont pas voulu mener des enquêtes ouvertes et approfondies.

Dans l’ensemble, comment pensez-vous que les médias ont couvert l’histoire de votre témoignage ? Pensez-vous que les agences ont été disposés à enquêter sans parti pris sur les accusations que vous avez portées ?

Je suis attristé que les grands médias n’insistent pas pour que le pape François et d’autres prélats répondent à mes accusations, et je ne peux imaginer qu’ils auraient été si timides si le pape en question avait été Jean-Paul II ou Benoît XVI. Il est difficile d’éviter de conclure que ces médias sont réticents à le faire parce qu’ils apprécient l’approche plus libérale du pape François en matière de doctrine et de discipline de l’Église et qu’ils ne veulent pas compromettre son programme. Pourtant, nous parlons ici de crimes très graves, qui impliquent souvent des mineurs et des allégations de camouflage. A quelques exceptions près, et ceux qui appartiennent aux organes périphériques, les médias n’ont pas réussi à s’attaquer au « crime derrière le crime » et à poser les questions évidentes aux personnes évidentes : Où se trouvent les archives contenant des documents du type de ceux qui sont pertinents pour les revendications de Viganò ? Qui a accès aux documents et a le pouvoir de les publier ? Qui les a effectivement examinés et quand ? Qu’ont-ils trouvé ou n’ont-ils pas trouvé ? Quels efforts de corroboration ont été faits et par qui ? Qui coordonne l’enquête sur McCarrick ? Les protégés de McCarrick, Cupich et Tobin, ont-ils été inclus dans l’enquête - sinon, pourquoi pas ? Ce n’est que le début.

Bref, les journalistes devraient creuser pour trouver les faits, interviewer les victimes, suivre les pistes de l’argent et de la promotion, et découvrir les réseaux corrompus. Il y a tellement d’affaires à suivre. Pour n’en citer qu’une : Avez-vous lu le récent livre de Martha Alegria Reichmann, sur les méfaits du Cardinal [Oscar Andrés Rodriguez] Maradiaga, choisi par le Pape François comme conseiller principal de confiance, en fait le chef du Conseil C-9 ? Avez-vous pensé à l’interviewer ? d’enquêter sur ses allégations ? De demander un entretien avec Maradiaga pour lui poser des questions sur toutes les accusations qui ont été portées contre lui ? De demander au Pape François pourquoi il a choisi un tel homme comme conseiller ?

Votre témoignage montre clairement que vous estimez que l’homosexualité - et l’incapacité du Vatican à y répondre - est au cœur du problème actuel de l’Église face aux abus. Pouvez-vous expliquer, avec autant de clarté que possible, comment l’homosexualité telle que vous la concevez est liée à la violence ?

Gardons deux arènes distinctes : (1) les crimes d’abus sexuel et (2) la dissimulation criminelle des crimes d’abus sexuel. Dans la plupart des cas dans l’Église d’aujourd’hui, les deux ont une composante homosexuelle - généralement minimisée - qui est la clé de la crise.

En ce qui concerne la première, les hommes hétérosexuels ne choisissent évidemment pas les garçons et les jeunes hommes comme partenaires sexuels de préférence, et environ 80 % des victimes sont des hommes, dont la grande majorité sont des hommes post-pubères. Les statistiques de nombreux pays concernant les abus sexuels commis par le clergé ne laissent aucun doute. Aussi horribles que soient les cas d’abus par de vrais pédophiles, le pourcentage est beaucoup plus faible. Ce ne sont pas les pédophiles, mais les prêtres gays qui s’attaquent aux garçons post-pubères qui ont ruiné les diocèses américains. L’une des études les plus récentes et les plus fiables, "Is Catholic clergy sex abuse related to homosexual priests", a été menée par le Père Paul Sullins, PhD, de l’Institut Ruth. Dans son sommaire exécutif, l’étude Sullins rapporte, entre autres, ce qui suit :

● « La part des hommes homosexuels dans la prêtrise est passée de deux fois celle de la population générale dans les années 1950 à huit fois celle de la population générale dans les années 1980. Cette tendance était fortement corrélée à l’augmentation des abus sexuels envers les enfants. »

● « Selon les estimations de ces résultats, si la proportion de prêtres homosexuels était restée au niveau des années 1950, au moins 12 000 enfants de moins, pour la plupart des garçons, auraient été victimes de violence. »

La prépondérance de ces cas d’abus est écrasante. Je pense que personne ne peut le contester. Que l’homosexualité est une cause majeure de la crise des abus sexuels a également été affirmée par le Pape Émérite Benoît XVI, dans son récent essai, "L’Église et le scandale des abus sexuels". De sa longue expérience en tant que président de la CDF, il se souvient comment « dans divers séminaires, des clans homosexuels se sont constitués, qui ont agi plus ou moins ouvertement et de manière significative pour changer le climat dans les séminaires ».

Au vu des preuves accablantes, il est ahurissant de constater que le mot "homosexualité" n’est pas apparu une seule fois dans aucun des récents documents officiels du Saint-Siège, y compris les deux Synodes sur la famille, celui sur la jeunesse et le récent Sommet en février dernier.

Quant à la deuxième arène, la « mafia gay » parmi les évêques est liée non pas par une intimité sexuelle partagée, mais par un intérêt commun à se protéger et à s’avancer professionnellement et à saboter tous les efforts de réforme. Dans son essai susmentionné, le Pape émérite Benoît XVI a noté qu’une enquête du Vatican sur les séminaires, y compris le problème des clans homosexuels, « n’a pas apporté de nouvelles perspectives, apparemment parce que diverses puissances s’étaient unies pour cacher la véritable situation », et son observation confirme mon témoignage selon lequel un puissant réseau de prélats a, pendant des décennies, couvert ces abus. Y a-t-il un seul évêque actif aux États-Unis qui admet qu’il est activement homosexuel ? Bien sûr que non. Leur travail est constitutionnellement clandestin.

Votre séjour aux États-Unis a-t-il influé sur votre perception de l’homosexualité ? Vos positions ont-elles été renforcées d’une manière ou d’une autre en passant du temps dans un pays avec une sous-culture très forte et définie de conservatisme/traditionalisme ecclésiastique ?

Mon séjour aux États-Unis et la présence d’une »"sous-culture très forte et définie du conservatisme/traditionalisme ecclésiastique », comme vous le dites, n’ont rien à voir avec ma vision de l’homosexualité. Mon point de vue a été et restera toujours fidèle à l’enseignement perpétuel de l’Église catholique, qui est bien résumé dans le Catéchisme :

Se fondant sur les Saintes Écritures, qui présentent les actes homosexuels comme des actes de dépravation grave, la tradition a toujours déclaré que « les actes homosexuels sont intrinsèquement désordonnés ». Ils sont « contraires à la loi naturelle » (CEC, 2357). Le Catéchisme poursuit en disant que l’inclination à s’engager dans de tels actes (plutôt que les personnes elles-mêmes, qui ne devraient pas être définies par cette inclination) est « objectivement désordonnée » et « constitue pour la plupart d’entre elles une épreuve ». L’Église ne répond pas en les condamnant. Bien au contraire, enseigne-t-elle : « Ils doivent être traités avec respect, compassion et sensibilité. » (CEC, 2358)

Le Catéchisme insiste sur le fait que ceux qui vivent cette inclination sont, comme tout le monde, appelés à la chasteté. C’est un bel enseignement, car l’Église affirme la dignité de ceux qui éprouvent des attirances envers le même sexe, précisément en affirmant qu’en cultivant la vertu, ils peuvent atteindre la liberté intérieure et, avec l’aide d’une amitié authentique, de la prière et de la grâce sacramentelle, « approcher résolument la perfection chrétienne » (CEC, 2359).

En octobre, le Vatican a promis de mener sa propre enquête archivistique sur l’affaire McCarrick. Les conclusions d’une telle enquête n’ont toujours pas été rendues publiques. Mais s’ils le sont et une fois qu’ils le seront, qu’est-ce qui, selon vous, sera révélé ?

À ce jour, rien n’indique qu’une telle enquête ait été ouverte. Je sais pertinemment que les résultats d’une enquête honnête seraient désastreux pour la papauté actuelle, et ceux qui sont responsables de l’initiation du travail le savent aussi. Je ne peux que conclure que l’assurance d’une enquête archivistique appropriée était une promesse vide de sens.

Bien que le Vatican n’ait pas publié ses propres conclusions sur l’affaire McCarrick, certains historiens de l’Église estiment que les détails sur la façon dont McCarrick a été protégé - une fois révélés - pourraient nuire à la réputation de Benoît XVI et, plus encore, de Saint Jean Paul II. Pensez-vous que Benoît XVI ou Jean-Paul II auraient pu faire plus pour bien gérer McCarrick ?

Je souhaite sincèrement que tous les documents, s’ils n’ont pas déjà été détruits, soient rendus publics. Il est tout à fait possible que cela porte atteinte à la réputation de Benoît XVI et de Saint Jean Paul II, mais ce n’est pas une bonne raison pour ne pas chercher la vérité. Benoît XVI et Jean-Paul II sont des êtres humains et ont peut-être commis des erreurs. Si c’est le cas, nous voulons les connaître. Pourquoi devraient-elles rester cachées ? Nous pouvons tous apprendre de nos erreurs.
Je regrette moi-même de ne pas m’être exprimé publiquement plus tôt. Comme je l’ai déjà dit, j’avais vraiment espéré contre toute espérance que l’Église puisse se réformer de l’intérieur. Mais quand il est devenu clair que le successeur de Pierre lui-même était l’un de ceux qui couvraient les crimes, je n’avais aucun doute que le Seigneur m’appelait à parler, comme je l’ai fait et continuerai à le faire.

Pensez-vous qu’il y a un risque de schisme dans l’Église américaine ?

Un schisme est l’affliction la plus terrible que l’Église, le corps du Christ, puisse endurer, et comme l’histoire de l’Église l’enseigne, il peut avoir des conséquences durables. Nous devrions prier pour qu’une telle catastrophe ne lui arrive plus jamais. Un schisme formel (impliquant l’excommunication mutuelle d’évêques validement ordonnés et un réalignement laïc ultérieur) semble peu probable pour le moment. Cependant, il existe déjà un schisme de fait basé sur l’acceptation ou le rejet de la révolution sexuelle. Et il y a un risque de schisme formel, qui pourrait être provoqué par un acte d’irresponsabilité papale grotesque (par exemple, s’il devait répondre aux dubia longtemps ignorés sur l’enseignement d’Amoris Laetitia d’une manière contraire à l’enseignement antérieur de l’Église).

Au lendemain de la publication de votre témoignage, vous êtes-vous senti dans des moments comme le chef spirituel d’un mouvement rebelle ? Et si oui, comment gérez-vous cela ? Que vous vous sentiez un rôle de leadership, comment décririez-vous ce mouvement - en termes de taille et de portée géographique ?

Jésus est le seul chef de l’Église. Il est la tête de l’Église, qui est son corps. Nous tous, y compris le Pape, n’avons qu’un seul Seigneur. En ce qui concerne mon rôle, en tant que chrétien et évêque, j’ai le devoir de témoigner de la vérité sans crainte, et comme Timothée « de prêcher l’Évangile à temps et à contretemps » (2 Timothée 4:2). Aucun Pape ne peut se dispenser de ce devoir, et si un homme l’accomplit fidèlement, il ne peut être rebelle que dans un sens honorable. Ceux qui prétendent briser ou changer la tradition perpétuelle de l’Église sont des rebelles déshonorants.

Au lendemain de la publication de votre témoignage, en quoi l’ampleur de ces actes a-t-elle changé votre vie ? Dans quelle mesure êtes-vous libre de vivre votre vie comme bon vous semble ?

n/a

Si vous pouviez refaire les événements, demanderiez-vous toujours la démission du Pape François ? Pensez-vous que demander la démission du pape a détourné l’attention de votre message ?

J’ai fait du mieux que j’ai pu avec mon témoignage, et le Seigneur n’en demande pas plus. Je maintiens ce témoignage. Pourtant, je suis loin d’être parfait, et je vois, rétrospectivement, comment certains points auraient pu être mieux énoncés. Je vois qu’il aurait été préférable d’aborder la question que vous avez posée de la façon suivante, en commençant par un point que j’ai inclus dans mon troisième témoignage :

« Je demande au Saint-Père de faire face aux engagements qu’il a lui-même pris en assumant sa charge de successeur de Pierre, et je le supplie sincèrement de le faire. Il s’est donné pour mission de confirmer ses frères et de guider toutes les âmes à la suite du Christ, dans le combat spirituel, sur le chemin de la croix. Qu’il admette ses erreurs, qu’il se repente, qu’il montre sa volonté de suivre le mandat donné à Pierre et, une fois converti, qu’il confirme ses frères (Lc 22,32). »

J’aurais fait remarquer que saint Pierre lui-même a renié le Christ trois fois, mais qu’il a pleuré amèrement et s’est repenti. Alors j’aurais dit ce que je dis maintenant : Que le Pape François imite saint Pierre ! Mais si le Pape François refuse d’admettre ses erreurs et de demander pardon, pour qu’il puisse accomplir le mandat qu’il a reçu du Christ, il doit démissionner.

Qu’est-ce que cela fait de suivre de loin ces développements majeurs de l’Église - la défroque de McCarrick ; le sommet sur les abus - de loin ? Vous sentez-vous attristé, d’une certaine façon, d’être à une certaine distance de l’Église catholique en ce moment critique ?

Mes sentiments, dans une affaire d’une telle gravité, n’ont aucune importance. J’ai dit ce que je croyais devoir être dit, de peur que les faussetés ne restent incontestées et ne nuisent à mon âme et à l’âme des autres.

Êtes-vous capable d’indiquer le pays, ou même le continent, où vous vous trouvez en ce moment ?

n/a

En gros, combien de personnes savent où vous êtes ? Avec combien de personnes avez-vous des contacts personnels quotidiens ?

n/a

Pouvez-vous nous décrire votre vie quotidienne ?

Je réponds à cette question avec réticence, car cela met l’accent sur moi plutôt que sur ce qui est important.

Ma vie n’a pas beaucoup changé. Bien sûr, je dois faire plus attention à qui je rencontre et à ce que je dis, mais j’ai eu la chance d’avoir une famille nombreuse et de nombreux amis qui m’ont soutenu. Je les vois régulièrement et leur proximité est pour moi une grande consolation.

Le plus grand changement après mon premier témoignage est peut-être l’incroyable élan de soutien que je reçois chaque jour de partout dans le monde. Il y a des milliers de catholiques qui prient pour moi et avec moi pour la conversion du Pape François et pour la guérison de l’Église.

Dans l’ensemble, très peu de choses ont changé. Je fais ce que j’ai fait toute ma vie : Depuis que j’ai été ordonné prêtre, j’ai essayé de servir le peuple de Dieu, dans l’obéissance, partout où l’on m’a demandé d’aller. Je ne suis qu’une personne simple qui essaie de faire de son mieux, et j’ai eu la chance de recevoir de très bons exemples de prêtres saints et dévoués pendant toute ma vie.

Vous dites la messe ?

Pardonnez-moi d’être surpris par cette question mais... pourquoi ne dirais-je pas la messe ? Nous parlons du Pain de vie ! Bien sûr, je célèbre la messe tous les jours, comme tout prêtre en règle.

Priez-vous pour le pape ?

Je n’ai jamais cessé de prier pour le pape ; je ne cesserai jamais de le faire.

Croyez-vous que votre sécurité est menacée et, le cas échéant, pourquoi ? Avez-vous reçu des menaces directes ?

n/a

Quelles précautions prenez-vous pour vous protéger ?

n/a

Depuis la publication de votre témoignage, avez-vous été contacté par le Saint-Siège ? Si oui, qu’ont-ils dit ?

Mis à part la lettre ouverte du Cardinal Ouellet, à laquelle j’ai déjà répondu, personne ne m’a contacté au sujet de rien.

Êtes-vous au courant d’une enquête canonique ? Dans l’affirmative, pour quelles accusations ? Dans n’importe quelles circonstances, vous rendriez-vous aux autorités du Vatican ?

Comme je l’ai dit, il n’y a rien que je sache. Ne serait-il pas étonnant que le dénonciateur finisse par faire l’objet d’une enquête, au lieu des prélats qui couvrent les abus ?

Malheureusement, un pourcentage alarmant de personnes sont victimes de violence au début de leur vie, au moment où elles sont le plus vulnérables. Dans votre témoignage, il était clair que vous aviez de l’empathie pour les victimes et que vous aviez une grande responsabilité personnelle d’agir. Avez-vous déjà été témoin d’abus vous-même ? Ou avez-vous déjà été victime d’abus ?

Je n’ai jamais été victime d’abus ou témoin personnel d’abus, Dieu merci. Mais tout être humain décent, victime ou non, aurait de l’empathie et le désir d’aider les victimes.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de présenter votre témoignage ? Quelle a été la "goutte d’eau qui a fait déborder le vase" ?

J’ai déjà répondu à cette question ci-dessus et dans mes témoignages précédents.

Êtes-vous en contact avec des êtres chers ? Si oui, que pensent-ils de vos actions ?

n/a

Vous vous sentez seul ?

Je ne le suis pas. Le Seigneur est mon compagnon constant.

Saviez-vous, en publiant ce témoignage, que votre vie allait changer de façon si radicale ? Comment vous sentiez-vous pendant ces journées de fin août 2018 où vous étiez sur le point de traverser le Rubicon ?

Ma conscience a toujours été claire à ce sujet : La vérité nous rend libres.

Lorsque vous avez décidé d’agir, avez-vous été inspiré par saint Thomas More, ou par toute autre figure historique ?

J’ai été inspiré par le bienheureux Cardinal Newman qui disait : « Si je suis obligé d’apporter la religion dans les toasts après le dîner, je boirai - au pape, s’il vous plaît - encore, à la conscience d’abord, et au pape ensuite », et par Saint Jean Fisher, le seul évêque de l’Église catholique en Angleterre qui ne s’est pas plié à Henri VIII. Ses paroles sont si appropriées pour notre époque : « La lumière du bon exemple s’éteint chez ceux qui doivent briller comme des luminaires pour le monde entier, comme des tours de guet et des phares sur les montagnes. Il n’en sort pas de lumière, hélas ! mais des ténèbres horribles et des malheurs pestilentiels, par lesquels d’innombrables âmes tombent dans la destruction. » (Le bienheureux John Fisher, par le révérend T.E. Bridgett, Londres (1888), p. 435)

Avez-vous été reconnu en public ? Si oui, quelle a été la réaction et quelle a été votre réaction ?

n/a

Quand vous sortez, vous vous déguisez ?

n/a

Pensez-vous qu’à un moment donné vous serez capable de mener à nouveau une vie "normale" ? Que faudrait-il qu’il se passe avant que cela soit possible ?

Ma vie est tout à fait normale, merci de le demander.

Pensez-vous qu’il pourrait y avoir une réconciliation avec François ? Vous en espérez une ?

La prémisse de votre question est incorrecte. Je ne me bats pas contre le Pape François, et je ne l’ai pas offensé. J’ai simplement dit la vérité. Le pape François doit se réconcilier avec Dieu, et l’Église entière, puisqu’il a couvert McCarrick, refuse de l’admettre, et qu’il couvre maintenant plusieurs autres personnes. Je suis reconnaissant au Seigneur parce qu’Il m’a protégé de tout sentiment de colère ou de ressentiment contre le Pape François, ou de tout désir de vengeance. Je prie chaque jour pour sa conversion. Rien ne me ferait plus plaisir que de voir le pape François reconnaître et mettre fin aux dissimulations et confirmer ses frères dans la foi.

Comment vous souvenez-vous de vos nombreuses années de service dans l’Église ? Vous auriez aimé en parler plus tôt ? Et avez-vous l’impression d’avoir commis une erreur en consacrant votre vie à cette institution ?

J’ai servi le Saint-Siège pendant 43 ans avec une grande joie et un dévouement total, avec une satisfaction spirituelle et humaine. Bien sûr avec mes nombreuses limites, mais en faisant confiance à mes supérieurs qui ont toujours été bons et reconnaissants de ma collaboration. J’ai parfois accepté des missions risquées, comme celles en Irak, au Koweït et au Nigeria. J’avais d’excellentes relations avec mes supérieurs, mes collègues et mes collègues laïcs. Le cardinal Bertone, après avoir été nommé secrétaire d’État, a trouvé un moyen de se débarrasser de moi parce que je refusais d’approuver des candidats indignes qu’il poussait à devenir évêque : il m’a offert le poste de secrétaire général du gouvernorat. Ce n’était certainement pas une promotion, mais j’ai accepté avec plaisir.

Il n’y a aucune raison pour que je regrette d’avoir servi le Saint-Siège. J’ai toujours essayé de suivre la volonté de Dieu par l’obéissance. Je n’ai jamais demandé de promotion et je ne regrette pas d’avoir refusé la proposition du Pape Benoît XVI, qui m’a offert un poste de cardinal à la Curie. Ceux qui ont planifié mon départ de Rome pensaient qu’ils allaient se débarrasser de moi. Ils étaient loin de se douter que le Seigneur s’en servait pour me mettre en position de parler du scandale McCarrick.

Dans votre témoignage, vous avez fourni de nombreux détails, mais il n’y avait pas d’autres documents - ce qui aurait été utile pour corroborer votre témoignage. Avez-vous des documents et des lettres dont vous avez parlé dans votre témoignage ? Et, avez-vous d’autres documents qui montreraient les connaissances préexistantes du Vatican sur le comportement de McCarrick ? Si vous êtes en possession de tels documents, pouvez-vous nous les communiquer, car ils nous seraient d’une aide inestimable ?

Le temps n’est pas encore venu pour moi de sortir quoi que ce soit. Je vous suggère de demander au pape François et aux prélats que j’ai cités dans mon témoignage de rendre publics les documents pertinents, dont certains sont assez incriminants, à supposer qu’ils ne les aient pas encore détruits.

Plus précisément, avez-vous la lettre que vous avez écrite au cardinal Parolin pour lui demander si les sanctions imposées à McCarrick par le pape Benoît XVI sont toujours en vigueur ? Si oui, pourriez-vous nous en faire part ?

Voir la question précédente.

VIGANÒ : En conclusion, je tiens à souligner que la crise actuelle n’est pas une lutte de pouvoir entre progressistes et conservateurs, entre la gauche et la droite. Il ne s’agit pas non plus en premier lieu de l’inconduite sexuelle du clergé ou de la prévalence d’homosexuels actifs au sein du clergé, bien que ces graves problèmes, qui sont permanents dans l’Église, soient particulièrement graves maintenant. La crise concerne le fait qu’une "mafia" corrompue a pris le contrôle de nombreuses institutions de l’Église, du sommet vers la base, et exploite l’Église et les fidèles à ses propres fins immorales. Comme je l’ai déjà dit, cette coalition est liée non pas par une intimité sexuelle partagée, mais par un intérêt commun à se protéger et à se faire progresser professionnellement et à saboter tout effort visant à réformer la corruption sexuelle. Pourtant, les membres de cette alliance, et ceux qui craignent sa colère, sont les seuls à avoir le pouvoir de corriger le problème par des procédures judiciaires appropriées, l’imposition de discipline et la réaffirmation d’un enseignement solide.

Cela entraîne une paralysie institutionnelle extrêmement démoralisante pour les fidèles. Cela dit, nous ne devons ni être entièrement surpris ni trop troublés par cette situation désespérée, étant donné la présence constante de l’Esprit-Saint et la promesse du Christ de revenir et d’établir son royaume définitif. Je conclurai en citant un passage du Catéchisme de l’Église catholique qui donne à réfléchir et qui semble être vérifié à notre époque :

« Avant la seconde venue du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur terre dévoilera le "mystère de l’iniquité" sous la forme d’une tromperie religieuse offrant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. » (CCC, 675)

+ Carlo Maria Viganò,
Archevêque d’Ulpiana
Nonce Apostolique.

2 mai 2019
Fête de saint Athanase
Évêque et Docteur de l’Église

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