Staline et Hitler au Vatican : froid dans le dos !

Les FRANCISCAINS de l'IMMACULÉE,
par l'abbé Arnaud Sélégny - 1ère partie

Dans une série de deux articles, Fideliter vous propose une enquête sur les franciscains de l'Immaculée. Cette congrégation a beaucoup souffert de son intérêt pour la liturgie traditionnelle. L'histoire de ses soubresauts est riche d'enseignements.
Il a été beaucoup question de cette société religieuse depuis 2012 dans les milieux traditionnels, d'une part à cause du rapprochement de cette société des positions traditionnelles, et d'autre part à cause des ennuis qu'ils ont essuyés, semble-t-il du fait de ce rapprochement. Cet article s'efforcera de présenter cette branche franciscaine et de tirer au clair, autant qu'il est possible, l'origine de leurs récents déboires. Nous n'affirmerons rien qui n'ait été régulièrement vérifié à la source ou du moins soigneusement étayé auprès des meilleurs témoins.


LA FONDATION : QUELQUES DATES

2 juillet 1970
- Fondation de la première maison des franciscains de l'Immaculée à Frigento, près d'Avellino, maison-mère de la congrégation. Le père Stefano Maria Manelli, franciscain conventuel, désirant revenir aux sources franciscaines et s'attacher à l'orientation mariale du père Kolbe, demanda et obtint (24 décembre 1969) l'autorisation de fonder une nouvelle branche. Il débuta avec le père Gabriele Maria Pellettieri, considéré comme cofondateur.
Juridiquement, la nouvelle fondation est une branche de mineurs conventuels, avec pour spécificité une vie plus pénitente, la rapprochant des capucins; de plus, étaient institutionnalisés certains aspects de la spiritualité mariale du père Kolbe. Le père Manelli composa une Pratique mariale de vie franciscaine qui deviendra, avec la règle de saint François, le texte fondamental de la législation de l'institut. Les vocations affluant, la maison de Frigento fut érigée en noviciat (1971) et en scolasticat (1976), devenant de fait indépendante de la province à laquelle elle appartenait.

1er novembre 1982 - Sollicité par des jeunes filles, le père Manelli constitua aussi à cette date un groupe de religieuses. La première fondation, aux Philippines, fut reconnue par l'archevêque de Manille.

23 juin 1990 - Avec le temps, les différences entre les Frères de Frigento et les conventuels s'accentua, ces derniers subissant le sort des Ordres « conciliaires », les premiers récoltant les fruits d'une plus grande fidélité à saint François. Ses supérieurs voulant mettre fin à l'expérience du père Manelli, il fit les démarches nécessaires pour obtenir l'érection d'un institut autonome. Malgré les fortes oppositions des conventuels, le père Manelli, avec l'aide d'une dame polonaise qui connaissait très bien Jean- Paul II, réussit à obtenir que l'archevêque de Bénévent érigeât, le 23 juin 1990, « par décision du Saint-Père », un nouvel institut de droit diocésain, les franciscains de l'Immaculée. À cette date, les membres de l'institut n'étaient qu'au nombre de trente.

2 août 1993 - Les religieuses du père Manelli furent elles aussi érigées en institut de droit diocésain, les « soeurs franciscaines de l'Immaculée », par le père abbé du Mont-Cassin.

1er janvier 1998 - Grâce à un développement rapide, l'institut obtint le droit pontifical. Les 30 Frères de 1990 étaient devenus 122 à cette date. L'augmentation se poursuivit les années suivantes : 282 membres (dont 64 prêtres) en 2005, et 352 (dont un peu moins de 200 prêtres) en 2011.

9 novembre 1998 - Les soeurs franciscaines de l'Immaculée furent érigées en institut de droit pontifical. Elles étaient 177 en 2000, 280 en 2005, 306 en 2008.

LA PLACE DE L'ANCIENNE LITURGIE

7 juillet 2007
- Publication du motu proprio Summorum Pontificum. Jusqu'à cette date, la position des franciscains de l'Immaculée sur l'ancienne liturgie était assez réservée. Avant cette date, personne dans l'institut ne célébrait selon le vetus ordo.
Le père Manelli aurait refusé la demande de certains Pères, qui auraient voulu bénéficier des indults de 1984 et 1988. À partir du motu proprio de Benoît XVI le père Manelli, avec beaucoup d'autres Frères, manifeste un très grand intérêt pour l'ancienne liturgie.

Le fondateur, dans ses « Orientations générales du chapitre de 2008 », exhorte les Frères « à connaître et à faire connaître de plus en plus le patrimoine très précieux du vetus ordo ». En septembre 2008, un des collaborateurs du père Manelli, le père Massimiliano Zangheratti, est envoyé faire une intervention au 1er congrès sur le motu proprio à Rome (16-18 septembre).

L'année suivante c'est le père Manelli lui-même qui y participe (16-18 octobre 2009). Les franciscains de l'Immaculée n'ont jamais adopté le vetus ordo comme rite propre et sont demeurés biritualistes, mais la diffusion de la liturgie ancienne est encouragée.

À partir de 2009 et jusqu'en 2012, les ordinations au diaconat et au presbytérat se font selon le rite traditionnel, ainsi que les principales cérémonies de la vie religieuse. L'initiation à la liturgie ancienne est graduelle du postulat au scolasticat où toute la liturgie est traditionnelle. Mais en pratique, mainte communauté ne croit pas pouvoir renoncer à la nouvelle messe, à cause des fidèles ; de plus, nombre de membres ne connaissent qu'imparfaitement ou pas du tout le latin.
Du côté doctrinal, certains craignent une « dérive traditionnaliste». C'est pourquoi le rite traditionnel est recommandé mais non pas imposé. La position de l'institut à la veille des interventions romaines se trouve résumée dans une circulaire de la maison générale adressée aux membres le 21 novembre 2011 (« Ordonnance liturgique pour le vetus ordo (1) »). L'utilisation de l'une ou de l'autre liturgie est laissée à l'évaluation de chaque supérieur de maison, selon les circonstances touchant les Frères et les fidèles. On pousse pour une plus grande diffusion, mais sans rien imposer.

Cependant l'atmosphère, pour ainsi dire, reste très favorable au rite ancien, qui de fait attire plus de vocations. Entre la fin de 2007 et la fin de 2012, l'Ordre est passé de 305 à 384 membres, (+26 %), contre +13 % durant les cinq précédentes années. Cependant, les avis ne sont pas unanimes : à côté d'une majorité favorable (certains en arrivant à considérer le novus ordo comme moins parfait), il existe une minorité consistante, issue de milieux « charismatiques », qui ne voit pas l'intérêt d'un rite jugé compliqué et peu compréhensible. Telle est la situation à la fin de 2011.

16-18 décembre 2010 - Le séminaire de l'institut organise à Rome un congrès d'études sur le Concile qui rassemble nombre de personnalités importantes liées, d'une manière ou d'une autre, à la mouvance traditionnelle (Yves Chiron, Roberto de Mattei, Mgr Brunero Gherardini, Mgr Athanasius Schneider, l'abbé Nicola Bux, Mgr Agostino Marchetto). Si l'on exclut l'intervention de Mgr Gherardini (et en partie celle de de Mattei), toutes les autres se placent dans le sillon de l'« herméneutique de la continuité ». Néanmoins, cela suffit pour que le Vatican se mette en alerte. Selon un témoin autorisé, c'est depuis ce congrès que Rome commence à s'inquiéter de la « dérive traditionnelle » de l'institut. Il semble que le problème soit constitué moins par l'adoption de l'ancienne liturgie que par la critique du Concile, même très embryonnaire.

Craignant une dérive appelée « crypto- lefebvriste », cinq membres, n'acceptant pas le rapprochement avec la Tradition, demandent l'intervention de la congrégation pour les Instituts de vie consacrée. Le Vatican saisit l'occasion pour justifier son intervention.

Pour la première fois depuis 2008, les ordinations presbytérales (mars 2012) sont célébrées dans le nouveau rite. Les supérieurs se justifient en soulignant le biritualisme de l'institut, mais des bruits – invérifiables – font état d'une intervention romaine. Il est certain que la dénonciation du petit groupe a poussé les autorités à faire marche arrière.

UNE VISITE CANONIQUE...

5 juillet 2012
- Ce jour-là, la congrégation pour les Instituts de vie consacrée diligente une visite canonique des franciscains de l'Immaculée. La tâche st confiée à Mgr Vito Angelo Todisco. Sans établir de contact direct avec les religieux, le visiteur envoie un questionnaire à chaque membre, par l'intermédiaire des supérieurs locaux.

Y est annexé le décret qui ordonne la visite et la justifie par les raisons suivantes : « suite aux renseignements reçus à propos d'un malaise important parmi les religieux de la société des frères franciscains de l'Immaculée en raison du style de gouvernement et des décisions récemment adoptées par le supérieur général », la congrégation a décidé une visite canonique. Quant à son objet : le visiteur devra examiner « l'état des communautés visitées et la vie de communion fraternelle, le style de gouvernement du supérieur général et ses décisions particulièrement en matière liturgique, de la formation des jeunes religieux et des candidats au sacerdoce, et les relations avec la congrégation des sœurs franciscaines de l'Immaculée » (c'est nous qui mettons en italique).

Le visiteur n'a visité que deux ou trois maisons et ne s'est pas rendu au séminaire. Le questionnaire a été distribué le 1er novembre 2012 (4 mois après la nomination du visiteur) et n'a été envoyé qu'aux profès perpétuels : au début, certains membres ignoraient totalement l'existence de la visite !

Quant au contenu du questionnaire, sur 14 questions, 6 concernaient la formation des candidats, le gouvernement du supérieur général, ses relations avec l'institut des Sœurs et les membres de son Conseil. Les 8 autres portaient sur la liturgie ancienne.

(q 2) « Quelle est ton opinion sur les décisions du supérieur général en matière liturgique ?»

(q. 8) « Estimes-tu que l'introduction définitive de la forme extraordinaire dans l'institut : est un bien ? aide la communion entre les membres ? répond aux exigences de l'évangélisation ? répond aux exigences de spiritualité de l'homme contemporain ? répond aux désirs du supérieur général ? est requise par le concile Vatican II ? répond à la mens du Saint-Père ? »

(q. 9) « Estimes-tu que l'introduction de la forme extraordinaire dans l'institut est voulue : par le pape ? par le chapitre général ? par le supérieur général ? par le conseil général ? par le chapitre de ta communauté ? »

(q. 10) « Estimes-tu que l'introduction de la forme extraordinaire dans l'institut satisfait ta spiritualité ?»

(q. 11) « Si tu devais choisir entre les deux formes (ordinaire et extraordinaire) pour tous les membres de l'institut, laquelle choisirais-tu ? pourquoi ?»

(q. 12) « Quel est, à ton avis, l'organe de gouvernement auquel les constitutions des franciscains de l'Immaculée attribuent l'introduction de la forme extraordinaire dans l'institut ?»

(q. 13) « Le supérieur général et son conseil, en émettant l'"Ordonnance liturgique pour le vetus ordo" du 21 novembre 2011 [cf. ci-dessus], sont-ils, à ton avis, allés au-delà des décisions du chapitre général de 2008 ? ont-ils créé des mécontentements dans l'institut ? ou bien ont-ils appliqué dans l'institut ce qui était prévu par le motu proprio Summorum Pontificum, par l'Instruction de la commission pontificale Ecclesia Dei et par les directives du chapitre général ?»

(q. 14) « Si le supérieur général et le conseil général, en émettant l'"Ordonnance liturgique pour le vetus ordo" du 21 novembre 2011, étaient allés au-delà de ce qui a été établi par le chapitre général de 2008, quel devrait être, à ton avis, l'attitude des membres de l'institut ? : obéir aveuglement, parce que… désobéir, parce que… penser que l'ordonnance n'oblige pas, parce que… demander la convocation d'un chapitre général extraordinaire, parce que…»

Finalement, le questionnaire proposait des solutions. Quatre alternatives étaient possibles, il fallait cocher l'une d'entre elles :
1) « En substance tout va bien.»
2) « Il existe des problèmes qui peuvent être résolus par le chapitre général ordinaire. »
3) « Il existe de graves problèmes qui peuvent être résolus par un chapitre général extraordinaire.»
4) « Il existe de très graves problèmes requérant la nomination d'un commissaire (mise sous tutelle).»

Le conseil général de l'institut, avec son procureur général, dénonce (2) les irrégularités de la visite à la congrégation pour les Instituts de vie consacrée, qui n'intervient cependant pas. Quatre points sont à relever dans cette dénonciation :
1. « La formation du visiteur est inadéquate : il n'est ni religieux, ni expert en liturgie, ni expert en droit canon. De plus, il est un vieil ami des Frères "contestataires" et partageait déjà leurs critiques contre le fondateur.»
2. « La décision de procéder seulement par questionnaire écrit, en évitant la visite des communautés et des séminaires eux-mêmes, malgré nos invitations répétées.»
3. « Le contenu du questionnaire qui, outre qu'il suggère une version tendancieuse de la situation dans l'institut, est farci de questions difficiles pour la majorité de nos confrères.»
4. « L'interdiction faite aux supérieurs d'expliquer ces questions aux Frères moins instruits, pour éviter "toute interférence" (cf. lettre du visiteur du 12 novembre), qui a favorisé l'interférence des Frères "critiques" sur ces Frères moins instruits, influençant négativement leurs réponses. »

NOMINATION D'UN COMMISSAIRE

11 juillet 2013
- La congrégation pour les Instituts de vie consacrée nomme un commissaire au gouvernement des franciscains de l'Immaculée. Le décret note que cette décision a été prise à la suite des résultats de la visite canonique et que son but est de « sauvegarder et promouvoir l'unité interne des instituts religieux et la communion fraternelle, une formation convenable à la vie religieuse et consacrée, l'organisation des activités apostoliques, la droite gestion des bien temporels ».
Le commissaire désigné est le père Fidenzio Volpi, capucin, qui assume le gouvernement général de l'institut. Les membres de la maison générale, y compris le fondateur, sont destitués et remplacés par des collaborateurs du père Volpi. Le décret est approuvé in forma specifica par le pape, ce qui empêche tout recours à une instance supérieure. De plus il se termine (in cauda venenum) par une disposition singulière sur la liturgie : « Le Saint- Père François a disposé que tout religieux de la congrégation des frères franciscains de l'Immaculée est tenu à célébrer la liturgie selon le rite ordinaire et que l'utilisation éventuelle de la forme extraordinaire (vetus ordo) devra être explicitement autorisée par les autorités compétentes pour chaque religieux et/ou communauté qui la demandera.»

27 juillet 2013 - Le père Volpi présente sa mission par une lettre circulaire. Citant longuement le pape François, il rappelle le devoir de sentire cum Ecclesia : « il n'est pas possible qu'une consacrée et un consacré ne sentent pas avec l'Église ». Les franciscains de l'Immaculée sont donc accusés de ne pas sentir avec l'Église (conciliaire). C'est une confirmation posteventum que Rome a agi pour des raisons doctrinales.

19 septembre 2013 - Le secrétaire de la congrégation pour les Instituts de vie consacrée, Mgr José Rodriguez Carballo, autorise la publication de certains résultats du questionnaire.

31 janvier 2014 - Dans une conférence de presse, Mgr Carballo déclare : « La mise sous tutelle des franciscains de l'Immaculée est commencée après une visite apostolique durant laquelle 74 % des membres ont déclaré par écrit vouloir une intervention urgente du Saint-Siège pour résoudre les problèmes internes de l'institut, en proposant soit un chapitre général extraordinaire, présidé par un représentant du dicastère, soit l'attribution du gouvernement de l'institut à un commissaire par le Saint-Siège. » La comparaison du chiffre donné par Mgr Carballo avec les résultats publiés sur le site des franciscains de l'Immaculée, montre que seulement 45 % des religieux étaient favorables soit à un chapitre général extraordinaire soit à une mise sous tutelle. De plus, 30 % des frères profès n'ont pas répondu au questionnaire, la plupart pour protester contre les méthodes de la visite. Par conséquent, le nombre réel de profès favorables au chapitre général extraordinaire ou à une mise sous tutelle ne dépasse pas 25 %. Il faut ajouter qu'environ 170 autres membres de l'institut, de vœux temporaires, n'ont pas pu donner leur avis. L'on peut conclure que la grande majorité de l'institut était substantiellement d'accord avec son fondateur.

Face à la décision de la mise sous tutelle, la maison générale réagit par un acte d'obéissance : dans un communiqué, le père Manelli déclare « obéir au Saint-Père et espérer que cette obéissance amène de plus grandes grâces ».

Entretemps les milieux et les personnalités liés à la messe ancienne, ainsi que des journalistes connus, réagissent à la décision romaine. On s'étonne de la sévérité montrée envers les franciscains de l'Immaculée. De plus, on exprime la préoccupation que les restrictions concernant la messe ancienne ne soient que le premier pas vers une remise en question de Summorum Pontificum. Impressionné par l'étendue de la protestation, le Vatican explique, par la bouche du père Federico Lombardi (2 août 2013), que la décision a été motivée par des problèmes spécifiques à l'institut et n'aura pas de conséquence sur la libéralisation du rite ancien.

LE GOUVERNEMENT DU COMMISSAIRE
Le père Volpi n'a jamais caché ses intentions. Dans une conférence tenue aux membres au début de son mandat, il a clairement dit qu'il était là « pour détruire et reconstruire ».

23 août 2013 - Le commissaire nomme le père Alfonso Bruno – chef moral de la contestation – secrétaire général de l'institut. Cette nomination révèle que l'intention de Rome est d'imposer les vues d'un parti minoritaire. Ajoutons que ce Père, tout en ayant demandé la visite canonique et la mise sous tutelle, avait signé la lettre de protestation du conseil général contre la visite canonique adressée à la congrégation pour les Instituts de vie consacrée. Peu après, il signifiait à la même congrégation qu'il ne partageait pas la protestation…

31 août 2013 - Le père Volpi diffuse un message à l'occasion des professions perpétuelles. D'après lui, « un des problèmes centraux vient de la menace d'une certaine autoréférentialité, c'est-à-dire du désir de souligner à tout prix sa propre particularité. (…) Cela arrive quand on confond la fin avec les moyens, en considérant que les textes, les conseils, les attitudes ou les paroles des fondateurs sont plus importants que l'enseignement du Magistère ou les textes bibliques eux-mêmes.»
Le genre de vie des franciscains de l'Immaculée s'attachait aux pratiques d'avant le concile ; lorsque le père Volpi parle du Magistère il faut sous-entendre : le magistère conciliaire en tant qu'il s'oppose au magistère passé. Et la volonté de se distinguer des autres revient au désir de rester fidèle à la conception traditionnelle de la vie religieuse abandonnée par tous. Le père Volpi veut donc un retour à l'ordre conciliaire.

15 novembre 2013 - Les supérieurs du séminaire théologique de l'institut, proches du fondateur et de la mouvance traditionnelle, sont éloignés et remplacés par d'autres qui sont fidèles à la nouvelle orientation. Le père Lanzetta, coupable d'avoir ouvert, dans ses publications, un débat sur Vatican II (dans des termes extrêmement prudents et encore très éloignés des conclusions non seulement de la Fraternité Saint-Pie X, mais aussi d'un Mgr Gherardini) est sanctionné.

8 décembre 2013 - Devant l'impossibilité de remplacer tous les professeurs du séminaire, le scolasticat est fermé, et les études suspendues jusqu'à nouvel ordre. De plus, on interdit à tous les Frères de publier quoi que ce soit et de collaborer avec des revues. Pour justifier cette décision, on invoque des raisons doctrinales et théologiques, jamais précisées dans le détail, malgré les instances.
Dans la lettre ordonnant cette fermeture, le père Volpi se plaint de la désobéissance de Frères, qui vivraient dans une « crainte révérencielle des autorités déposées ». Il se réfère à une « campagne médiatique » organisée sur internet contre la décision romaine. « Je me suis demandé la raison d'un tel intérêt [des laïcs] pour la situation [de l'institut], et je suis arrivé à la conclusion que l'institut était devenu le champ de bataille d'une lutte entre des courants de la Curie et surtout des oppositions au nouveau pontificat du pape François. Ce n'est pas un hasard que Mgr Fellay en parle.»

En pratique, après avoir disposé que les ordinations seront suspendues pendant un an, le père Volpi poursuit : « De plus, les candidats qui sont en formation devront souscrire personnellement une acceptation formelle du novus ordo comme expression authentique de la tradition liturgique de l'Église et donc de la tradition franciscaine (sans préjudice de ce qui est permis par le motu proprio Summorum Pontificum, une fois que l'actuelle disposition disciplinaire d'interdiction – ad hoc et ad tempus pour l'institut – sera révoquée) et des documents du concile Vatican II, selon l'autorité qui leur est accordée par le Magistère. Ceux qui n'acceptent pas ces dispositions seront immédiatement renvoyés de l'institut. » Des membres consultés ont affirmé que la congrégation et le pape étaient au courant des décisions du commissaire et les approuvaient. De plus, les Frères ont maintes fois envoyé des protestations aux différents dicastères romains et au pape lui-même. Sans résultat.

23 décembre 2013 - Trois couvents suspects de traditionalisme, situés dans le diocèse d'Albenga-Imperia, sont fermés par décision du commissaire. On sait que l'évêque, Mgr Mario Oliveri, favorisait l'ancien rite.

27 décembre 2013 - Une lettre (signée Frater Vigilius) d'un membre des franciscains de l'Immaculée circule sur internet, dénonçant la situation de l'institut sous le commissaire. Son récit est confirmé par le témoignage d'autres Frères et par divers documents.
Toutes les activités de formation spirituelle et théologique (nombreuses auparavant) sont désormais suspendues. Le commissaire est accusé de n'avoir aucun soin de la formation des Frères : il se borne à émettre des décrets et à reprocher aux membres d'être insubordonnés ou « lefebvristes ». « Le mot d'ordre est : obéir sans réfléchir. »

Des nombreuses demandes de pouvoir célébrer à nouveau la messe ancienne, presque aucune n'a été acceptée (exception faite lorsque la demande était appuyée par un groupe de fidèles selon le Motu proprio). Le rite traditionnel a disparu des maisons de formation.

Les membres de l'institut ne peuvent plus communiquer avec le père Manelli : cette interdiction est absolue, radicale, et personne n'en connaît les raisons. De plus, les Frères non seulement ne peuvent plus publier, mais même acheter et diffuser les publications de leur propre maison d'édition (gérée désormais par la branche féminine).

Le mouvement laïc de l'institut (tiers-ordre et autres degrés d'affiliation) est pratiquement supprimé : les Frères ne pourront plus s'en occuper, sauf permission spéciale du commissaire. Les téléphones et les ordinateurs sont contrôlés par un système électronique, de sorte que le commissaire peut être au courant de tout ce qui se dit. À l'intérieur de l'institut, l'ambiance est très mauvaise : la confiance entre les membres se détériore ; on craint les délateurs qui pourraient rapporter même les plaisanteries sur les supérieurs au commissaire, avec de graves conséquences pour les « coupables ».

Peu après, une nouvelle lettre nous apprend que les Frères ne pourront plus se déplacer d'un couvent à un autre sans la permission écrite du commissaire. Cela pour défavoriser les contacts entre les Frères « rebelles ». Pareillement, sans permission il leur est défendu d'utiliser le bréviaire ou le rituel de 1962, de célébrer la messe (même novus ordo) chez les Sœurs, d'effectuer certaines activités d'apostolat habituelles dans l'institut (par exemple une journée de formation et de prière mariale pour les fidèles dans les paroisses et les sanctuaires).

Telle est la situation de l'institut au lendemain de la mise sous tutelle. Dans le prochain numéro de Fideliter, nous raconterons les réactions à cette mise sous tutelle, venues de l'extérieur et de l'intérieur de l'institut, ainsi que l'épilogue encore inachevé de cette histoire.

Abbé Arnaud Sélégny†, prêtrede la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Fideliter n° 238 de juillet-août 2017 - La Porte Latine du 5 septembre 2017

Notes
(1) Approuvée et déclarée conforme à la mens du Saint-Père par un rescrit de la commission Ecclesia Dei (14 avril 2012)
(2) Lettre du 29 mai 2013

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Seconde partie

Voici la suite et la fin de notre série de deux articles sur les franciscains de l'Immaculée. Cette congrégation a beaucoup souffert de son intérêt pour la liturgie traditionnelle. L'histoire de ses soubresauts est riche d'enseignements.
Au lendemain de la mise sous tutelle de l'institut des franciscains de l'Immaculée, la situation est difficile pour tous ceux qui ont manifesté leur intérêt pour la tradition liturgique de l'Église. Décrivons à présent les réactions à cette mise sous tutelle, venues de l'extérieur et de l'intérieur de l'institut, ainsi que l'épilogue encore inachevé de cette histoire.


UNE TENTATIVE DE RÉACTION
Une réaction extérieure s'organise d'abord, en deux temps.

9 décembre 2013
- Le professeur Roberto de Mattei lance sur son site internet Corrispondenza Romana un recueil de signatures pour demander la démission du père Volpi. Au 15 décembre, il en a obtenu 5 000, venues du monde entier, et le 8 janvier 2014 il remet 8 000 signatures au cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État. Sans succès…

Janvier 2014 - Les éditions Fede & Cultura de Vérone publient un volume de 233 pages contre la mise sous tutelle, recueillant les principales interventions parues dans la presse et sur internet lors des mois précédents. On observe ensuite une réaction intérieure. Progressivement, certains Frères commencent à comprendre que l'intention du commissaire et du Saint-Siège est de rallier l'institut à la conception conciliaire de la vie religieuse. Ils estiment que la situation idéale est celle d'avant la visite et soutiennent le biritualisme. Sur le Concile, les positions sont plus nuancées : on passe de ceux qui partagent l'« herméneutique de la continuité » à ceux qui pensent que le Concile est pastoral, donc faillible. Certains en arrivent à dire, en privé seulement, qu'il y a des erreurs dans le Concile. Ce qui les unit, c'est surtout le refus de laisser dénaturer leur vie religieuse et d'être obligés à suivre une formation trop progressiste. Bien qu'ils manifestent une sincère sympathie vis-à-vis de la Tradition, ils sont encore loin des positions de la Fraternité Saint-Pie X.

Après la fermeture du séminaire, beaucoup de Frères étudiants de cette tendance sont perplexes. Les ordinations sont suspendues pendant un an et les études arrêtées. Ceux qui se destinent au sacerdoce recevront dorénavant leur formation dans un séminaire diocésain pour la philosophie et dans une université romaine pour la théologie… Mais ils veulent rester franciscains de l'Immaculée.

Ils envisagent de demander une dispense de leurs vœux et d'essayer de fonder une autre société pour reprendre leur ancienne vie religieuse : un nouvel institut relevant de la commission Ecclesia Dei. Le père Manelli, qui n'est pas à l'origine de cette initiative, donne secrètement son soutien : que tous les Frères qui le souhaitent envoient ensemble la demande de dispense au Saint-Siège pour « ouvrir les yeux » à la congrégation. On croit encore que le pape et le dicastère sont mal renseignés… La dispense n'est accordée qu'à certains Frères de vœux temporaires, les autres attendront l'extinction de leurs vœux. Mais la dispense n'est accordée aux profès perpétuels que s'ils demandent la réduction à l'état laïc ou le passage dans un institut « moderniste ». On ne concède aucune dispense pour ceux qui ne demandent que l'exclaustration, afin d'être incardinés dans un diocèse, pour empêcher la reconstitution d'un institut semblable à celui qu'on vient de détruire. Dans ce but, l'on vise surtout les prêtres – tous profès perpétuels – en les empêchant de rejoindre les étudiants qui ont quitté l'institut.

28 juin 2014 - Mgr Ramon Cabrera Argüelles, archevêque de Lipa aux Philippines, érige les ex-Frères en association publique de fidèles (cf. canons 298-329 du code de 1983). Ses membres, tout en pratiquant la vie religieuse et en portant un habit, sont canoniquement des laïcs. Ils ne peuvent ni incardiner ni avoir un séminaire. Mais c'est la première étape pour être érigé en institut. L'association s'intitule Frères de l'Immaculée et de saint François, et compte 30 à 40 membres. La nouvelle association cherche à s'installer en Italie : elle a besoin de structures et de la permission des Ordinaires locaux. Ils sont accueillis dans des couvents de la province des frères mineurs (o.f.m.) des Marches, dont le provincial connaît déjà l'institut et admire leur fidélité à la règle. Nombre de couvents de la province étant vides, il en concède l'usage à la nouvelle association. Le Vatican ne laisse pas faire. Sans exiger la suppression de l'association, il avertit officieusement les évêques : ils ne doivent ni accueillir ses membres ni les incardiner. Pendant l'été, un groupe déménage à Rome pour recommencer les études et s'inscrit à l'université de l'Opus Dei. Le recteur les accepte mais, peu avant la rentrée, il change d'avis sur intervention de la Congrégation des religieux. Dans la même période, une tentative de se mettre sous la protection de la commission Ecclesia Dei échoue.

Novembre 2014 - Certains évêques s'étant montrés disposés à accueillir la nouvelle association (et éventuellement à en ordonner et incardiner les membres), le père Volpi se rend à l'assemblée de la Conférence épiscopale italienne et les dissuade de recevoir dans leur diocèse les membres de l'association. Vers la fin du mois, le secrétaire de la conférence épiscopale, Mgr Nunzio Galantino, envoie une circulaire dans laquelle il invite ses collègues à ne pas incardiner un ancien franciscain de l'Immaculée sans avoir d'abord contacté le commissaire.
Les Frères se sont par ailleurs organisés pour avoir des professeurs d'orientation traditionnelle des universités romaines qui viennent leur donner des cours. Les Pères auxquels le Vatican avait refusé la dispense collaborent secrètement avec la nouvelle association.

Octobre 2015 - Mgr Argüelles se rend en Italie et, avec la permission de l'archevêque de Foggia, procède à l'ordination du premier prêtre de la nouvelle association. Pendant la cérémonie, le recteur de l'église reçoit un appel urgent et quitte la célébration. C'est l'archevêché qui lui communique l'ordre, venu du Vatican, d'interrompre la cérémonie, mais il n'a pas le courage de s'exécuter. Le nouveau prêtre est incardiné au diocèse de Lipa.

4 avril 2016 - La Congrégation des religieux, par disposition du pape, déclare que pour l'érection d'un nouvel institut de droit diocésain, l'évêque devra demander ad validitatem (c'est-à-dire comme condition à la validité de cette érection) l'approbation du Saint-Siège. Simple coïncidence ? Toujours est-il que, lorsque Mgr Argüelles fixe de nouvelles ordinations pour le 23 février 2017, Rome intervient. S'appuyant sur le désaccord entre Mgr Argüelles (qui est d'orientation traditionnelle) et la Conférence épiscopale des Philippines (progressiste), le Vatican se débarrasse de l'archevêque de Lipa d'une façon toute particulière. Le 2 février 2017, il apprend par la presse… qu'il a demandé au pape sa démission et que le pape l'a acceptée. Il ne semble pas qu'il y ait d'autres griefs contre Mgr Argüelles que celui d'avoir favorisé l'association. L'enchaînement des dates et des événements est troublant. Mgr Argüelles, pressentant la fin prochaine de son mandat, avait donné aux ordinands des lettres dimissoires.

Les Frères de l'association se sont adressés à tous les évêques liés à la Tradition (Burke, Schneider, etc.) : aucun n'a accepté de les ordonner, même si personnellement ils y étaient favorables, à cause de la défense du Vatican.
En conclusion, il apparaît que Rome, sans prendre de décisions officielles qui auraient pu inquiéter les autres groupes traditionnels (et surtout la Fraternité Saint-Pie X, avec laquelle on discutait d'un accord canonique à la même période), a rogné les ailes de quiconque voulait rester fidèle à la vie des franciscains de l'Immaculée.

À l'intérieur de la société, les fondateurs ont été réduits au silence ; les anciens supérieurs ont été mutés et n'ont plus aucune charge ; les postes de commande sont occupés par des Frères favorables à la nouvelle orientation ; on a supprimé le séminaire et obligé les Frères à une formation moderne. À l'extérieur, on a empêché toute tentative de refondation : si l'association des frères de l'Immaculée et de saint François existe encore, elle n'a aucune possibilité de subsistance, car dans la pratique elle ne peut avoir de prêtres. Malheureusement ses membres n'ont pas encore les idées claires sur les fondements de la crise. Ils veulent rester dans la régularité canonique et fréquentent, faute de mieux, la nouvelle messe ; ils ne demandent pas l'aide des prêtres de la Tradition ; ils attendent un changement de pontificat ou quelque signe du Ciel. Ils n'oublient certes pas que c'est le « conservateur » Benoît XVI qui a lancé la visite canonique, en la confiant à un prélat de tendance moderne. Mais ils n'en tirent pas toutes les conséquences.

DU DESPOTISME À LA DIFFAMATION

Voici d'abord quelques remarques générales. Dans le décret ordonnant la visite, il n'est pas question de problèmes relatifs à l'administration des biens temporels : ils apparaissent dans le décret de mise sous tutelle et la première lettre du père Volpi. La question n'est pas abordée dans le questionnaire de la visite, ni, sinon en passant, dans les interventions du Vatican et du commissaire pour justifier la mise sous tutelle. Même remarque à propos des autres griefs attribués au père Manelli : de l'accusation d'avoir abusé de Soeurs à celle d'avoir provoqué la mort de Frères ayant découvert des secrets inavouables de l'institut ou celle du père Volpi lui-même, il n'y a rien dans les textes de la visite, ni durant les premières années de la mise sous tutelle.

L'on ne peut se retenir d'y voir un changement de stratégie. Le Vatican n'a pas réussi à tranquilliser les catholiques liés à la Tradition, auxquels s'étaient joints des vaticanistes de la grande presse, ni à empêcher complètement une refondation. Et Rome est en pleine discussion pour l'accord canonique avec la Fraternité Saint-Pie X. La tactique dure pouvait s'avérer nuisible.

Les faits qui suivent montrent qu'on s'est orienté vers la diffamation du père Manelli et de l'ancien gouvernement de l'institut avec des accusations (vol, abus, homicide) qui pouvaient frapper même les traditionalistes. Pour cette partie, il est parfois difficile d'avoir des preuves et il faut être prudent. Cependant, certaines de ces questions ont été soumises au jugement de la magistrature italienne, et l'on peut s'appuyer sur ses sentences pour avoir une base plus stable.

12 juin 2014 - Ouverture d'un blog (La mise sous tutelle des Franciscains de l'Immaculée) pour défendre la ligne du commissaire. Il procède à la diffamation systématique du fondateur, des Frères qui lui sont liés et de tous ceux qui soulèvent des doutes sur la gestion de l'institut. Certains articles sont de la plume des Frères contestataires. Ce qui est intéressant c'est qu'au début, les raisons évoquées pour la mise sous tutelle sont celles du décret. Un article de décembre 2014 ne parle ni de mauvaise gestion financière, ni d'abus sexuels. En janvier 2015 il est fait allusion au problème d'argent, mais il est affirmé que la protestation se ramène à une divergence théologique.
Ainsi, au début de 2015, presque trois ans après la visite canonique et deux ans après la mise sous tutelle, personne ne fait référence à des abus sexuels sur les Sœurs ou à de prétendus crimes. Les critiques sur la gestion des biens temporels restent à l'état d'allusions. Vers la même époque les journaux dévoilent un scandale de malversation financière chez les frères mineurs, du temps où le ministre général était Mgr Carballo

LA QUESTION PATRIMONIALE

La première allusion à des problèmes financiers vient du commissaire. Dans sa circulaire du 8 décembre 2013, le père Volpi parle d'un « transfert indu d'argent pendant la mise sous tutelle ». Les bénéficiaires seraient les frères et soeurs (selon la chair) du père Manelli. La famille de ce dernier porte plainte contre le commissaire qui se voit obligé par jugement à publier une rectification, le 31 janvier 2014 : les familiers du père Manelli sont totalement étrangers à ces opérations financières…

27 mars 2015 - Le journal Il Mattino de Naples annonce que la police italienne a mis sous séquestre des biens appartenant aux associations « Mission de l'Immaculée » et « Mission du Cœur immaculé », pour une valeur de 30 millions d'euros. Les titulaires de ces associations, des laïcs liés au père Manelli, sont accusés d'escroquerie aggravée et d'usage de faux. Surgissent de nouveaux griefs contre le fondateur : il aurait détourné l'argent des bienfaiteurs pour des membres de sa famille, mis à la tête de ces associations.

En réalité, les franciscains de l'Immaculée suivent la règle du Séraphique d'Assise : les mineurs et les capucins (avant le concile) ne pouvaient rien posséder, mais leurs biens étaient mis au nom du Saint-Siège, qui les administrait. Le père Manelli aurait voulu faire de même, mais le Saint-Siège refusa, car après le concile, il ne voulait plus assumer cette administration, confiée à des associations de laïcs. Le fondateur procéda de même. Dans la pratique, l'administration des associations à été entièrement transférée à des mains de laïcs, mais ce passage était en phase finale lors de la visite et de la mise sous tutelle. Il y eut alors une accélération du processus qui généra des irrégularités, sans escroquerie ni vol.
Le commissaire, déçu, s'adressa à la magistrature, car il n'avait pas réussi à persuader les laïcs titulaires à mettre les biens à la disposition du nouveau gouvernement et il ne pouvait les obliger.

7 juin 2015 - Le père Volpi, qui était convalescent après un malaise, meurt subitement d'un ictus.

29 juin 2015 - Il est remplacé par l'abbé Sabino Ardito, salésien, assisté de deux collaborateurs, un capucin et un jésuite, tous trois spécialistes en droit canonique.

15 juillet 2015 - Le tribunal d'appel d'Avellino relaxe le père Manelli et ses collaborateurs du chef de séquestration de biens, sentence confirmée par la Cour de cassation le 18 décembre 2015. Le procès pour usage de faux est toujours en cours.

LA QUESTION DES ABUS SEXUELS

Passons sur des accusations plus ou moins farfelues : pratiques de pénitence excessives, envoûtement, conditions de vie inacceptables, tortures, pactes signés avec le sang, etc.

4 novembre 2015 - Apparaissent pour la première fois des accusations d'abus sexuels sur des Sœurs du fait du père Manelli. C'est le fruit d'une enquête menée par l'un des quotidiens les plus importants d'Italie, le Corriere della sera, qui s'appuie sur les témoignages d'anciennes Sœurs défroquées. Elle est relayée sur internet. Le parquet d'Avellino ouvre une enquête. À côté des violences sexuelles, on commence à parler de faits encore plus mirobolants : il y aurait eu une série de morts suspectes à Frigento ; des Frères auraient été assassinés sur l'ordre du père Manelli pour avoir découvert des « secrets ». Le père Volpi lui-même aurait été empoisonné. Bornons-nous à ce qui est certain.

21 novembre 2016 - Le parquet d'Avellino archive la procédure contre le père Manelli.
Ceci est éloquent si l'on se souvient du contexte : on sait combien l'Église a pris de précautions dans ce domaine, et comment elle n'hésite pas à intervenir (que l'on songe au cas du fondateur des Légionnaires du Christ). De plus, les franciscains de l'Immaculée étaient sous tutelle depuis 2013. Enfin, ces accusations sont apparues quand celles concernant la mauvaise gestion de l'argent avaient été réfutées.

LES RESPONSABLES
Qui sont les auteurs de cette campagne de diffamation ? En ce qui concerne les accusations d'abus de pouvoir, de traditionalisme, de malversation financière, les accusateurs sont le commissaire apostolique et le nouveau gouvernement général. Mais, en date du 2 février 2017, le pape et la congrégation envoient au père Manelli une lettre où se lit : « Il est fait obligation au père Manelli de remettre dans la limite de 15 jours à partir de la réception de ce décret, le patrimoine économique géré par les associations civiles et toute autre somme en sa possession, à la pleine disposition de l'institut. » C'est feindre d'ignorer que, d'après les constitutions des franciscains de l'Immaculée approuvées par le Saint-Siège, l'institut ne peut avoir à sa disposition aucun bien : c'est pour cela que les associations de laïcs ont été instituées. Or, le père Manelli n'a aucun pouvoir sur les biens appartenant à ces associations. Persuader les laïcs qui les administrent à les mettre à la disposition de l'institut serait contraire aux constitutions.
Quant aux violences et aux abus, relevons que, dans une émission télévisée, un document a été produit, connu de la seule Congrégation des religieux et du père Manelli – qui n'avait aucun intérêt à sa diffusion. Enfin, la famille et les amis du père Manelli n'ont cessé d'écrire au Saint-Siège pour se plaindre des fausses accusations diffusées à la télévision par le canoniste du commissaire. Sans résultat. Il semble donc difficile d'exonérer certains milieux du Vatican d'une passivité certaine devant les accusations fausses.

CONCLUSION

Essayons de tirer un bilan. L'on peut constater que, sur le plan doctrinal et liturgique, l'institut des franciscains de l'Immaculée se trouvait, après le motu proprio, dans une situation qui évoluait vers la Tradition liturgique et même doctrinale. Mais Rome est intervenue avant la fin de ce processus. Les membres influents de l'institut pensaient qu'une discussion publique sur les réformes était nécessaire : c'était trop. Mais quel élément pouvait bien inquiéter Rome dans cet institut ?
Il est manifeste que l'intervention de Rome visait d'abord et avant tout à arrêter la mouvance traditionnelle et à rallier l'institut aux nouvelles tendances issues de Vatican II. Pourquoi interdire la messe traditionnelle, fermer le séminaire, lancer des accusations de cryptolefebvrisme, si les problèmes ne concernaient que l'argent et les abus ? À quoi bon empêcher de jeunes Frères, étrangers à ces histoires, de faire une nouvelle fondation ?
Cette attitude de la part de Rome vise une intention précise : donner un avertissement pour prévenir une évolution d'une position conservatrice à une position traditionaliste critiquant les textes conciliaires.
Si l'on considère la chronologie des événements, on a l'impression que les affaires d'argent et de mœurs ont été inventées, très tardivement, pour se justifier aux yeux des tradis, et avant tout de la Fraternité Saint-Pie X. Mais alors, comment expliquer les décisions prises ? Et si la bienveillance de Rome vis-à-vis de la Fraternité est réelle, pourquoi ne pas laisser aux franciscains de l'Immaculée la liberté de « faire l'expérience de la Tradition » ?

Abbé Arnaud Sélégny†, prêtrede la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Fideliter n° 239 de septembre-octobre 2017 - La Porte Latine du 12 octobre 2017

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