Franckie33
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Le Chant des âmes du Purgatoire (Extrait du Barzaz Breizh, Théodore Hersart de La Villemarqué 1849) Han Tad ar Mab ar Spered-glan ! Iec’hed mad d’hoc’h, tud ann ti-man, Iec’hed mar d’hoc’h war boez …Plus
Le Chant des âmes du Purgatoire
(Extrait du Barzaz Breizh, Théodore Hersart de La Villemarqué 1849)

Han Tad ar Mab ar Spered-glan !
Iec’hed mad d’hoc’h, tud ann ti-man,
Iec’hed mar d’hoc’h war boez hor penn,
Deut omp d’ho lakat er beden.

Pa sko ar Maro war ann nor,
Da hanter-noz pa c’houl digor ;
Kalon ann dud a ran lammo,
Piou a ielo gand ar maro ?

Hogen, na viot ket souezet,
Da doull ho tor mar ’d omp digouet :
Jezus en deuz hon digaset,
D’ho tihuna ma oc’h kousket ;

D’ho tihuna, tud ann ti-man,
D’ho tihuna, braz ha bihan :
Mar ’z euz, siouaz, truez er bed,
Enn han Doue ! hor zikouret.

Breudeur, kerent ha mignoned,
Enn han Doue ! hor chilaouet !
Enn han Doue pedet ! pedet !
Rag ar vugale na reont ket.

Gand ar re hon euz-ni-maget,
Ed omp pell zo ankounac’het,
Gand ar re hon euz-ni-karet,
Hep truez, ez omp dilezet.

Ma map, ma merc’h, c’hui zo kousket
War ar blun dous ha blod meurbed,
Ha me ho tad, ha me ho mamm,
Er purkator e-kreiz ar flamm.

C’hui zo er gwele kousket aez,
Ann anaon paour zo diaez,
C’hui zo er gwele kousket mad,
Ann anaon paour zo divad.

Eul licher wenn ha pemp planken,
Eunn dorchen blouz dindan ho penn,
Pemp troated douar war c’horre,
Chetu madou ar bed er be.

Ni zo enn tan hag enn anken ;
Tan dindan-omp, tan war hor penn,
Tan war lae, ha tan d’ann traon ;
Pedet evid ann anaon !

Gwechall pa oamp e-barz ar bed,
Ni boa kerent ha mignoned ;
Hogen breman, p’ed omp marvet
Kerent, mignoned, n’hon euz ket.

Enn han Doue, hor zikouret !
Pedit ar Verc’hez benniget
Da skuilla eul lomm euz he lez,
Eul lomm war ann anaon kez.

Mez deuz ho kwele prim lammet,
War ho taou-lin noaz em strinket,
Nemet ma oc’h kouet er c’hlenved,
Pe bet gand ar maro galvet.

Traduction

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Bonne santé, gens du logis ;
bonne santé nous vous souhaitons.
Mettez-vous tous en prières.

Quand la mort frappe à la porte,
quand à minuit elle demande à entrer,
tous les cœurs tremblent :
qui la mort doit-elle emporter ?

Mais, vous, ne soyez pas surpris
si nous sommes venus à votre porte :
c’est Jésus qui nous envoie
pour vous éveiller, si vous dormez :

Vous éveiller, gens de cette maison ;
vous éveiller, grands et petits ;
s’il est encore, hélas ! de la pitié dans le monde,
au nom de Dieu ! secourez-nous.

Frères, parents, amis, au nom de Dieu ! écoutez-nous !
au nom de Dieu ! priez ! priez !
car les enfants, eux, ne prient pas.

Ceux que nous avons nourris
nous ont depuis longtemps oubliés ;
ceux que nous avons aimés
nous ont sans pitié délaissés.

Mon fils, ma fille,
vous êtes couchés sur des lits de plume bien doux,
et moi, votre père, et moi, votre mère,
dans les flammes du purgatoire.

Vous reposez là mollement,
les pauvres âmes sont bien mal ;
vous dormez-là d’un doux sommeil,
les pauvres âmes veillent dans les souffrances.

Un drap blanc et cinq planches,
un sac de paille sous la tête
et cinq pieds de terre par-dessus,
voilà les seuls biens de ce monde qu’on emporte au tombeau.

Nous sommes dans le feu et l’angoisse ;
feu sur nos têtes, feu sous nos pieds ;
feu en haut, feu en bas ;
priez pour les âmes !

Jadis, quand nous étions au monde,
nous avions parents et amis ;
aujourd’hui, que nous sommes morts,
nous n’avons plus de parents ni d’amis.

Au nom de Dieu ! secourez-nous !
Priez la Vierge bénie de répandre une goutte de son lait,
de son lait sur les pauvres âmes.

Sautez vite hors de votre lit,
jetez-vous sur vos deux genoux ;
à moins que vous ne soyez malades
ou appelés déjà par la mort.