Saint du Jour.- Saint Pacôme - 14 Mai.

Saint Pacôme CONFESSEUR (292-348)

A peu près dans le même temps où saint Paul menait au désert une vie absolument solitaire, — où autour de saint Antoine et de saint Ammon se groupaient des ermites qu'unissait seu-lement, sans le secours d'aucune règle, la fraternité de la prière, Dieu inspirait à saint Pacôme de fonder des monastères-véri-tables* où s'inaugurerait la vie proprement religieuse, avec sa communauté de biens, sa constitution régulière, son obéis-sance à une autorité légitimement établie.
Pacôme naquit vers 292, en haute Egypte, près de la ville de Latopolis, — ou Esneh, — de parents païens. Englobé à 20 ans dans une levée militaire, probablement au moment de la guerre de Maximin contre Constantin et Licinius, il n'avait encore jamais entendu parler du Christ. Mais comme la troupe des recrues, traitées plus en prisonniers qu'en soldats, passait à Thèbes, les chrétiens, émus de cette misère, s'empressèrent à secourir de leur mieux les pauvres jeunes gens. Pacôme fut tou-ché de cette charité ; il en connut le principe et qu'il fallait en chercher l'inspiration dans leur foi en un Dieu fait homme en faveur des hommes. Alors, élevant son âme vers ce Sauveur : « Dieu qui avez créé le ciel et la terre, dit-il, si vous daignez m'instruire de votre volonté sur moi, je vous promets de la suivre fidè-lement et de remplir envers tous mes semblables tous les devoirs que me dictera votre amour. » Dès qu'il fut libéré de la milice, — ce qui ne tarda guère, — il vint, sans retourner dans sa famille, au bourg de Chenobos-cion ; il y demanda et reçut le baptême. Bientôt autour de lui s'agitèrent les intrigues d'hérétiques qui voulaient l'attirer à leurs sectes. Mais Dieu garantit sa simplicité de leur séduc-tion et le guida vers un bon solitaire, nommé Palémon, qui s'était fait un ermitage sur le bord oriental du Nil, en face de Teutyrès. Palémon d'abord refusa de recevoir le nouveau venu et tenta de l'effrayer par l'austérité de sa vie. Mais la péni-tence, la prière prolongée, c'était là ce qui attirait Pacôme.
Tout de suite il se montra un excellent disciple, ne trouvant rien de difficile et rivalisant de veilles, de jeûnes et de travail avec le vieil anachorète. Un jour qu'il avait été chercher du bois en un lieu nommé Tabenne, au nord de Thèbes, un ange lui apparut et lui dit que la volonté de Dieu était qu'il s'y fixât : « Un grand nombre d'hommes viendraient l'y rejoindre, à qui il enseignerait une vie parfaite. » Il se sépara donc de Palémon, avec l'approbation de celui-ci, et vint s'établir à quelque distance de Tabenne.
Bientôt affluèrent les imitateurs. Car à cette époque, où la liberté religieuse commençait seulement à s'épanouir, un besoin immense secouait les âmes, de s'éloigner du monde encore païen et corrupteur et d'aller chercher Dieu seul,— un besoin de soli-tude et de sainteté. On cherchait des maîtres d'ascétisme :
Pacôme s'offrait, on accourut. A ces désirs vagues encore et inexpérimentés, il fournissait une méthode pratique et sûre, forte en même temps et modérée, qui tout de suite donnait la paix sous la main de Dieu, comme devenu sensible dans l'autorité humaine. On disait qu'un ange même avait apporté du ciel à Pacôme sa règle écrite sur une table d'airain : et cette légende symbolisait la perfection toute divine et la sécurité du code nouveau. Et de fait elle nous apparaît complète du pre-mier coup, arrivée sans tâtonnements à un point d'achèvement tel, que les règles postérieures des grands législateurs religieux pourront n'y guère ajouter, ne feront presque que l'adapter aux temps et aux vocations diverses. La carrière du moine s'ouvre par un noviciat de trois ans, où, sous la direction d'un ancien, il tâte ses forces et s'initie, s'assouplit, se modèle aux exigences de la loi monastique. Il doit apprendre à lire, s'il l'ignore ; il doit apprendre aussi les Psaumes et quelques par-ties de l'Écriture. Puis il est admis à revêtir l'habit, la tunique de gros lin aux manches courtes, qui descend aux genoux et que retient une ceinture, et le court manteau à capuchon, de peau de mouton corroyée, qu'il nomme meloia. Ainsi vêtu, fai-sant profession d'une étroite pauvreté, d'une obéissance stricte, il prend place dans une des familles dont la réunion constitue le monastère ; chacune a son couvent séparé, son règlement particulier ; mais des heures fixées réunissent tous les frères pour la prière et le saint sacrifice, qui se célèbre le samedi et le dimanche seulement; car parmi eux il n'y a point de clercs, ou ceux qui l'étaient au moment de leur admission n'en exercent pas les fonctions, pour éviter toute contestation et toute jalousie ; et on recourt au ministère de prêtres étrangers.
Chacun est laissé juge de ses austérités. La table, où du reste n'apparaissent ni la viande ni le vin, est servie d'herbes, d'olives, de fruits, de légumes rarement cuits et apprêtés à l'huile; le moine y vient s'asseoir à l'heure qui convient à son âge, à sa faiblesse, ordinairement vers 3 ou 4 heures du soir ; il mange, la tête couverte, enfouie sous son capuchon, de manière à ne voir ni à être vu pendant cette occupation, qu'il juge basse et humi-liante ; la plupart achèvent vite, en quelques bouchées, ce repas frugal ; beaucoup s'en abstiennent totalement.
La prière, comme de juste, est fréquente et longue ; en dehors de celles que tous récitent ensemble, — la première vers minuit, — on peut se livrer à la méditation dans la cellule, ou même en travaillant. Car le travail est la règle universelle. Les familles sont constituées chacune d'un corps particulier de métier, qui est exercé par tous ceux qui la composent. Et s'il reste du temps, on l'emploie à tresser des nattes. Le travail, avant tout, est une occupation : sans doute son résultat sert au bien commun ;
les fruits en sont vendus pour l'intérêt du monastère. Mais la cupidité est odieuse à Pacôme et à sa règle : on ne doit pas travailler pour acquérir, pas plus que par vanité ; l'abbé fait détruire ce qui a été fait, s'il est gâté par un de ces mauvais motifs.
Et sur tout le monastère priant ou travaillant règne le silence continuel ; il n'est interrompu que par l'appel de la trompette qui convoque les moines à l'église ou le bour-donnement des voix qui chantent les psaumes. Quinze cents religieux cependant remplissent Tabenne, vont et viennent sur le vaste espace .qu'occupe le monastère, sans parler des hôtes toujours afïablement accueillis, soit que la curiosité les attire, soit qu'ils arrivent, de bien loin parfois, pour étu-dier, admirer, transporter ensuite en d'autres solitudes les précieuses règles.
L'âme de ce vaste corps, c'est Pacôme, organisateur mer-veilleux, père doux et fort tout ensemble. Nul ne s'entend comme lui à diriger d'un élan varié, mais un cependant, toutes ces volontés vers leur idéal céleste. Son humilité est telle, qu'il semble le dernier de tous. « Il gouvernait les enfants que Dieu lui avait donnés sans songer jamais qu'il fût leur supé-rieur. Il voulait qu'un supérieur observât le premier ce qu'il prétendait faire observer aux autres, et qu'il vécût dans la mortification et dans les croix autant et même plus qu'eux. » Il prenait la rame dans les bateaux du monastère, pendant que les autres dormaient. S'il voyait quelques religieux trop empressés dans leurs repas, au lieu de les reprendre, il bornait lui-même sa nourriture à un morceau de pain qu'il trempait de ses larmes, et cet exemple était plus puissant qu'une remon-trance pour rappeler à la modération. Un jour, étant dans un monastère fondé par lui et qu'il avait remis aux mains de son disciple Théodore, il alla travailler comme les autres à faire des nattes. Un enfant qu'on élevait là, le voyant à l'œuvre, eut l'audacieuse simplicité de lui dire : « Vous vous y prenez mal ; ce n'est pas ainsi que Théodore nous a montré à faire. » Aussitôt le Saint se leva, s'excusa et humblement demanda à l'enfant de lui apprendre sa méthode ; ensuite il se rassit, plein de joie, s'efïorçant de reprendre son travail selon ces principes.
Sa vertu était récompensée, son autorité soutenue par des miracles. C'est ainsi que Dieu lui infusa la science des langues grecque et latine pour l'aider dans son ministère auprès des âmes. Mais bien loin de se féliciter de ces faveurs, il estimait beaucoup plus qu'un miracle la guérison d'une âme et ne se jugeait pas digne seulement de prier pour lui-même.
Il fonda pendant sa vie huit monastères semblables à Tabenne, entre autres celui de Peboou, dont il fit sa résidence. Ses reli-gieux, dont le nombre fut de plus de 3 000, ne furent pas utiles qu'à eux-mêmes. Pendant les troubles que l'hérésie arienne causa en Egypte, ils furent les meilleurs soutiens, la plus grande consolation des chrétiens fidèles, et particulièrement de saint Athanase qui, pendant son exil, trouva son refuge parmi eux.
En 348, la peste ravagea ses monastères et bientôt fit périr plus de cent des fils de Pacôme. Le Saint les soigna avec une tendresse de mère. Mais lui-même enfin fut atteint de la conta-gion et, après quarante jours de maladie, âgé seulement de cinquante-sept ans, il rendit à Dieu sa sainte âme le 9 mai. Sa fête néanmoins est célébrée le 14 dans l'Église latine et le 15 dans celle d'Orient.