RuddyBarbenoire
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Mani avait des connaissances étendues en peinture et en sculpture grâce auxquelles il avait acquis une grande célébrité en Asie. Il parcourut l’Indoustan et le Turkestan. Un jour, ayant découvert dans le désert une montagne qui communiquait par une vaste caverne à une plaine délicieuse et qui n’avait alors d’autre issue, il y déposa secrètement des vivres pour un an. Il annonça alors à ses …Plus
Mani avait des connaissances étendues en peinture et en sculpture grâce auxquelles il avait acquis une grande célébrité en Asie. Il parcourut l’Indoustan et le Turkestan. Un jour, ayant découvert dans le désert une montagne qui communiquait par une vaste caverne à une plaine délicieuse et qui n’avait alors d’autre issue, il y déposa secrètement des vivres pour un an. Il annonça alors à ses disciples qu’il allait monter au ciel, d’où il redescendrait après une année révolue pour leur apporter les ordres de Dieu, qu’il leur apparaîtrait alors près de la caverne dont il leur donna l’emplacement. Il s’y retira donc et y vécut pendant un an, occupé uniquement à peindre et à graver des figures extraordinaires sur une planche appelée ertanki-many.

A l’époque convenue, il reparut aux environ de la caverne où l’attendaient ses disciples. Il leur montra les planches qu’il avait réuni en un volume et leur affirma que ce gros bouquin venait du ciel. Tout le Turkestan embrassa sa Religion de la Lumière. Les communautés manichéennes se répandirent dans les royaumes de l’Asie Centrale, sous la protection des rois Parthes et Scythes. Elles établirent des "Eglises-monastères", sous la direction des successeurs de Mani, les Bouddha, les Sârâvan, les Imam, chefs suprêmes de l’Eglise. Lui-même, Mani, après sa "Crucifixion", est remonté jusqu’à la "Colonne de Lumière", puis à la Lune et au Soleil pour aboutir au "Pays du Repos et de la Joie", le "Nirvana", "l’Eternel royaume de la Lumière" qui est sa patrie retrouvée. Il est "le Sceau des Prophètes" et "l’Apôtre de la dernière génération". Toutes ces expressions se retrouvent dans les manuscrits découverts à Tourfan.

Au cours de ses études sur le Manichéisme. Charles-Henri Puech s’est rapproché peu à peu des conclusions que nous avons exposées. Il a bien noté, par exemple, que le temple bouddhiste de Bézéklik, situé près de Tourfan, était "incontestablement manichéen". Il aurait pu l’affirmer de tous les autres temples de l’Asie Centrale.

Au cours de ses études sur les liturgies manichéennes, Puech a également remarqué progressivement leurs rapports avec les rites bouddhiques. Il les a rattachés à l’enseignement de Mani.

En effet, nous savons que les Gnostiques, et donc les Manichéens, enseignent que le Cosmos est animé par un principe universel, l’Ame du Monde ou Lumière Divine ; que cette âme lumineuse parcourt l’ensemble des êtres qui constituent le Monde et donne vie aux plantes, aux animaux. Chaque être vivant contient, enfermé en lui, une parcelle lumineuse de l’Ame Universelle.

Chacun d’eux est donc sensible à la douleur et au plaisir. Cueillir un fruit, couper un légume, tailler un arbre, égorger un animal sont de véritables meurtres. L’agriculture, l’élevage sont criminels. De même le mariage et la génération sont condamnés, car ils aboutissent à enfermer des parcelles lumineuses, les meilleurs portions de la divinité universelle, dans des corps qui les retiennent captives.

Cette idée extravagante, mais logique dans son absurdité, est, avec la réincarnation, commune aux gnostiques, aux manichéens et aux Bouddhistes, leurs successeurs et héritiers.

A partir de là, on doit comprendre l’attitude du moine bouddhiste, accroupi à terre, son bol de nourriture à la main.

Les "Elus", les "purs", les "cathares" prennent leur repas en commun, une fois par jour. Avant de manger, ils se retirent à l’écart et adressent aux aliments cette prière : "Ce n’est pas moi qui vous ai moissonné, qui vous ai moulu ; je ne vous ai point pétri, je ne vous ai point fait cuire. Ainsi je suis innocent de tous les maux que vous avez souffert." Ils se tiennent debout ou assis, leur bol de nourriture, vase sacré, à la main, puis selon un cérémonial bien réglé, ils commencent à manger. Ils prétendent que, pendant la digestion, l’âme divine enfermée dans la matière, se délivre et s’envole de leur estomac pour remonter au ciel et se réunir à sa source. Ainsi croient-ils tirer des ténèbres de la matière le Dieu-Lumière prisonnier. Leur manducation est un acte sacré. Puis ils accordent le pardon au catéchumène charitable qui a bien voulu leur préparer leur pitance. L’aumône alimentaire est en effet une offrande sainte.

Charles-Henri Puech a également comparé le manuel de confession des moines bouddhistes avec les manuscrits découverts en Asie Centrale. Il en a conclu qu’ils étaient "calqués sur le même modèle". Les "Elus" manichéens faisaient aveu de leurs péchés devant leurs frères assemblés tous les lundis. Les moines bouddhistes le font tous les quinze jours, selon le même formulaire, avec récitation du Pâtimokka. En fait, les fautes des moines se ramènent toutes au refus de la Lumière et de la Connaissance (de la Gnose !).

Enfin la position accroupie du moins s’explique par le désir de prendre la position de l’enfant dans le sein de sa mère. Il s’agit de se recueillir en soi-même pour se préparer au retour dans la terre originelle, dans l’utérus primitif d’où sont sortis tous les êtres, de manière à hâter la mort qui délivrera l’âme lumineuse enclose dans la matière du corps.

Nous comprenons bien ainsi que les principaux rites de la liturgie bouddhistes ne prennent un sens intelligible que si on se réfère à l’enseignement de Mani.

aux sources du Bouddhisme — Salve Regina

Histoire des religions Auteur : Etienne Couvert Source : Bulletin de la Société Augustin Barruel n° 21 Date de publication originale : 1992 Difficulté de lecture : …