Le 8 avril 2005, lors des obsèques du pape Jean Paul II, Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI, distribua la communion aux personnalités présentes.
Parmi eux, Roger Schutz, fondateur de la communauté œcuménique de Taizé, officiellement pasteur de l'Eglise réformée. Le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui avait toujours refusé l'accueil des protestants à la communion catholique, faisait-il une exception ? L'énigme est résolue. L'historien Yves Chiron, dans le numéro d'août de la lettre d'information mensuelle Aletheia qu'il publie, révèle que
Frère Roger, mort assassiné le 16 août 2005, était converti au catholicisme depuis 1972. Ce fait lui a été confirmé par Mgr Raymond Séguy, ancien évêque d'Autun (Saône-et-Loire), diocèse dans lequel se trouve Taizé.
"Mon prédécesseur, Mgr Armand Le Bourgeois, m'a affirmé qu'il avait bien reçu sa profession de foi catholique [les Eglises chrétiennes reconnaissant leurs baptêmes, la profession de foi suffit pour la conversion] , en 1972, dans la chapelle de l'évéché d'Autun, et qu'il lui avait ensuite donné la communion, a répété au Monde Mgr Séguy.
Frère Roger lui-même m'a confirmé qu'il était catholique. Quand il venait à Rome, il assistait souvent à la messe dans la chapelle privée du pape et il communiait. Il a eu des funérailles catholiques, présidées par le cardinal Kasper
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. Tout cela était acquis, mais n'a jamais été révélé au grand public." Pour Mgr Séguy, Frère Roger ne souhaitait pas "briser la communion oecuménique" autour de Taizé.
M. Chiron cite également une lettre que lui a adressée le Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens. "Sa 'communion de foi' avec l'Eglise catholique [avait] un caractère objectif et public", affirme ce courrier du 13 mai, dont Le Monde a eu copie.
L'historien rappelle que
l'autre fondateur de Taizé, le pasteur Max Thurian, mort en 1996, s'était lui-aussi converti au catholicisme. Ce fait n'a été connu qu'en 1988. Dès lors, Yves Chiron émet l'hypothèse qu'un accord signé en 1971 entre la communauté et Rome, instituant "un représentant du prieur de Taizé auprès du Saint-Siège" préparait en fait "le passage à l'Eglise catholique des deux fondateurs".
Cependant, malgré tous ces éléments, Frère Alois, actuel prieur – catholique – de Taizé, déclare qu'il est "inexact" d'affirmer que Frère Roger s'est converti : "A l'évêché d'Autun, en 1972, il a simplement communié pour la première fois à l'eucharistie catholique, sans qu'une 'conversion' ne lui soit demandée. Frère Roger a cherché un chemin de 'communion' avec l'Eglise catholique et non de 'conversion', la 'conversion' impliquant une rupture avec ses origines." Il s'en tient à une déclaration de Frère Roger à Rome, en 1980 : "J'ai trouvé (…) ma propre identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque." Mgr Séguy, lui, juge qu'il serait salutaire de sortir de "cette ambiguïté".
Xavier Ternisien