Don Reto Nay
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Je pleure sur les victimes mais je ne pleure pas les déboires de l’Eglise - Par Monseigneur Luc Ravel Archevêque de Strasbourg

Tant pis pour moi qui en fais partie, tant pis pour elle qui n’a pas su être à la hauteur de la grâce qui l’anime.

De tous côtés, chaque jour, un coup d'épée perce le Corps de l'Eglise catholique. Sainte par sa Tête, le Christ, tout son corps vibre de poussées de fièvre formidables.

Elle tremble, elle vibre tout entière l'Eglise! Ces derniers jours, un cardinal aux USA renvoyé de l'état clérical ("réduit à l'état laïc", selon une expression usuelle mais malheureuse pour les baptisés), monsieur Mac Carrick. Un autre, numéro 3 de l'Eglise, en Australie, le cardinal Pell, condamné pour abus sexuels sur mineurs. L'été dernier, les chiffres effrayants de Pennsylvanie. A l'automne, ceux de l'Allemagne et ceux de l'Irlande. Au Chili, le pape a dû demander la démission de tous les évêques. Il n'est plus besoin de rappeler les faits et les chiffres: les médias en ont fait leurs gros titres. La France ne s'en sort pas mieux. Rien, pour l'instant, sur l'Afrique où ces crimes sont tus, comme une bombe à retardement. L'Omerta y est un peu plus tenace que chez nous, tout le monde tient tout le monde. Mais, déjà, la lumière pénètre sur les pratiques des clercs bafouant des jeunes sœurs. Rien encore sur l'Asie, sur l'Inde et autres continents. Pour l'heure, seul l'Occident est sur le gril. Nous ne sommes qu'au milieu du gué. Nous ne pouvons pas parler de ces affaires au passé. Je crains les révélations de ces prochains mois.

Ces coups de boutoir sont le symptôme d'un cancer terrible. Ignorer ce mal est tout simplement suicidaire.

Imaginons un homme à qui le médecin diagnostique un cancer. Il ne va pas s'en réjouir. Il ira peut-être demander la grâce d'une guérison à Lourdes. Mais il consultera certainement d'excellents spécialistes et acceptera de pesantes thérapies. Avec un peu de chance, ces soins ne l'empêcheront pas de continuer ses activités habituelles. Mais, quoi qu'il en soit, toute sa vie en sera marquée. Son corps, bien entendu, mais aussi son cœur désormais dans l'expérience de la souffrance: c'est un homme mûri qui en sortira.

L'Eglise en est exactement à ce point.

Et j'aime passionnément cette Eglise qui me fait être le Christ Lui-même. Je pleure sur les victimes. Sur tous les faibles qui s'éloignent du Christ à cause de ces crimes. Mais je ne pleure pas les déboires de l'institution. Tant pis pour moi qui en fais partie, tant pis pour elle qui n'a pas su être à la hauteur de la grâce qui l'anime.

Il ne s'agit plus de défendre l'institution contre la vérité mais de soigner l'Eglise avec la vérité

Entendons bien: l'Eglise est aussi une institution avec ses évêques, ses prêtres et ses diacres. Sans elle, l'Eglise catholique n'existe plus. Mais sa guérison ne viendra pas de l'institution, accrochée à son autodéfense, comme toute institution qui perd sa crédibilité. Les soins efficaces seront le fait de la chair de l'Eglise, du peuple de Dieu habité par l'Esprit quand il reprendra pied non pas sur le pouvoir d'autorité mais sur sa mission d'amour et de lumière. C'est cet élan vers le monde de laïcs enracinés dans le Seigneur qui va soigner et guérir le Corps tout entier. "Le saint et patient peuple fidèle de Dieu, soutenu et vivifié par l'Esprit Saint, est le meilleur visage de l'Église prophétique qui sait mettre au centre son Seigneur en se donnant chaque jour. Ce sera précisément ce saint peuple de Dieu qui nous libérera du fléau du cléricalisme, terrain fertile de toutes ces abominations." (Pape François, 24 février 2019)

Mesdames et messieurs les baptisés, vous serez les thérapeutes de l'institution et vous redonnerez goût pour trouver le Christ en son Eglise. Nous prendrons nos responsabilités à l'égard des criminels. Prenez les vôtres à l'égard de l'institution. Aidez-la à trouver son équilibre. Portez-la dans votre prière et votre vigilance. Vous avez la grâce pour le faire mais vous ne le ferez qu'à une condition: entrez dans la sensibilité de la Tête, le Christ, à l'égard du meurtre des plus petits, les victimes. Les indifférents et les insensibles continueront de traverser les champs de bataille la fleur au fusil. Prenons-y garde: l'étape la plus compliquée de notre combat contre ces abus sexuels dans l'Eglise, et plus tard dans la société, est la sensibilisation de tous.

La Tête de l'Eglise, le Christ, parle par son Vicaire sur la terre: "Nous portons tous – Eglise, personnes consacrées, peuple de Dieu, voire Dieu lui-même – les conséquences de leur infidélité." (Pape François, 24 février 2019) Mais certains membres de son Corps disent encore en 2019: "Cessons d'en parler. On est saturé". " Traitons les cas particuliers et n'en faisons pas trop!" Voilà bien des réflexions de catholiques qui ne se sentent pas concernés. De tels propos relèvent du tragique: pour les victimes passées (qui n'en peuvent plus de cette indifférence de la part de "bons" chrétiens); pour les victimes futures (car avec ces raisonnements il y en aura d'autres); pour l'Eglise qui peut en mourir. C'est comme si la main disait: "peu m'importe que le foie soit atteint d'une tumeur cancéreuse, moi je suis la main, cela ne me concerne pas."

Pourquoi est-il nécessaire de sensibiliser tous les chrétiens? Ne suffirait-il pas de bien former quelques personnes pour contrôler et veiller à ce que ça ne se reproduise plus?

Trois raisons nous invitent à ne plus essayer la voie des "experts"

La première vient de l'expérience: personne ne se vante de ces crimes, lourdement condamnés par la justice. Les repérer est une mission quasi impossible à quelques uns. Il existe des "experts" et vraiment remarquables: policiers, juges, médecins, psychologues, aides sociales. Dans une société qui fonctionne correctement, comme la France, ces experts peuvent agir "après" le crime. Voire, dans le meilleur des cas, au moment où il se commet. Mais jamais avant pour prévenir. Nous serions dans l'illusion absolue de croire que quelques textes et quelques experts (personnes, comités, cellules...) pourront régler un problème diffus dans la société civile, porté par des criminels astucieux, étouffé par les silences imposés.

Le deuxième vient de la théologie de l'Eglise: nous formons un seul corps. Tout ce qui touche un membre, surtout un membre fragile tel l'enfant ou la personne handicapée, touche tous les autres membres. Le pape François nous a rappelé le mot de saint Paul: "quand un membre souffre, tous les membres souffrent." Rester indifférent, c'est encore concevoir l'Eglise comme une association pyramidale avec un président et son bureau pour gérer les choses ennuyeuses.

La troisième naît de notre mission chrétienne: tout chrétien doit porter son frère humain surtout s'il souffre. Et justement, il est temps de penser la mission auprès de ces personnes souffrantes des abus sexuels. Inspirée par l'Esprit, l'Eglise a toujours su répondre aux grandes pauvretés de son temps par les écoles, hôpitaux, libération des esclaves, orphelinats, etc. Celle des personnes abusées sexuellement est terrible. Et elle est endémique: 18 millions en Europe, 90% dans le cercle des proches, en famille. Peut-on imaginer que quelques experts puissent répondre à cette souffrance?

C'est toute l'Eglise qui tremble de fièvre parce qu'elle n'est pas séparable par morceaux, sauf à vouloir en faire une autopsie. Mais, Dieu merci, elle est toujours bien vivante et, pour cela, elle va se battre contre cette maladie mortelle.

Et son meilleur support dans ces années difficiles, ce sera l'humilité de la servante. Et la transparence et la vigilance seront les phases de sa convalescence. Dans son long chemin de rééducation, l'Eglise reviendra éblouissante de Celui qu'elle porte dans des vases d'argile: Comme Il sera beau l'éternel Bon Pasteur, la Lumière des Nations!

Source
avecrux.avemaria
Nous avons besoin d'un Chef ! D'un meneur à la tête de l'Église ! Pas d'un beau parleur comme nos politiciens 🤨
Don Reto Nay
Il "ne pleure pas les déboires de l'Eglise", pourquoi alors est-il un "pasteur" de l'Eglise?
blanche52
Pas un seul mot sur l'homosexualité
blanche52
et le Cardinal Pell est dénoncé ici comme coupable ...
Don Reto Nay
C'est une honte!