L'infaillibilité de Dignitatis Humanae. Abbé Lucien.

N’y aurait-il pas absence d’infaillibilité dans le cas de l’affirmation centrale de Dignitatis Humanae par absence de l’unanimité requise ?

Voici comment l’abbé Laguérie formule son objection [référence donnée note 1] :

« “Universel” veut dire que les évêques convergent sur une doctrine particulière. Il est vrai que, réunis ou dispersés, les évêques catholiques unanimes enseignent infailliblement. Il faut donc prouver ici qu’ils ont convergé sur une doctrine particulière. C’est évidemment très délicat ; or on peut le démontrer par la signature des documents qui a toujours trouvé quelques réfractaires irréductibles (71 voix par exemple ont refusé Dignitatis Humanae [2]). »

L’objection soulève une difficulté réelle. Nous y répondrons en examinant successivement la question de la nature de l’unanimité requise quand on parle de l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel, puis celle de l’éventuel refus de certains textes de Vatican II par des Pères conciliaires.

Le consensus du Magistère universel : unanimité absolue, ou seulement morale ?

On parle couramment, à propos du Magistère ordinaire et universel, d’un accord unanime. Deux questions se posent : cette unanimité est-elle requise pour qu’il y ait infaillibilité, et de quelle unanimité s’agit-il (numériquement absolue ou seulement morale) ?

Quant à la première question, il faut rappeler la distinction entre la substance d’une réalité et les critères qui en permettent l’observation (cf. supra p. 155).

La substance de l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel, découlant de l’assistance permanente du Christ-Chef à son Église, n’entraîne pas qu’à chaque époque il y ait unanimité des évêques sur tout ce qui relève du dépôt révélé. Il est même possible qu’à une époque donnée une majorité d’évêques s’attache à une doctrine erronée [3]. C’est pourquoi Mgr d’Avanzo [4] pouvait expliquer :

« Il est de foi que l’Église enseignante est infaillible. Or que désigne le nom d’Église enseignante ? Tous conviennent que l’Église enseignante c’est le pontife romain avec les évêques, sinon avec tous, du moins avec la partie la plus saine. Or la partie la plus saine des évêques, dit Noël Alexandre, non suspect, est toujours censée être celle qui adhère au pape. »

Seulement cette réalité substantielle ne se manifeste pas nécessairement à l’observation extérieure. En effet, une situation actuelle de discorde parmi l’épiscopat, sauf à envisager le cas du schisme ou de l’hérésie, correspond au fait d’un certain silence, d’une attitude réservée ou non pleinement claire du pontife romain actuellement régnant. De sorte que, pour vraie qu’elle soit substantiellement, la notion de « partie la plus saine » de l’épiscopat n’en demeure pas moins faible au point de vue de l’efficacité critériologique.

Donc, pour que l’infaillibilité du Magistère ordinaire universel se manifeste à une époque donnée comme un critère concernant une doctrine particulière, il semble bien que soit requis l’accord unanime, et évidemment observable des évêques (y compris le pape).

Mais s’agit-il d’une unanimité numérique, absolue ?

Tous les auteurs que nous avons lus et qui abordent cette question répondent non. L’unanimité requise à titre de critère est seulement une unanimité morale. La raison en est d’ailleurs assez évidente : l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel n’implique pas l’infaillibilité personnelle de chaque évêque. Mais exiger en pratique une unanimité absolue comme critère d’observation de l’exercice infaillible du Magistère ordinaire et universel, ce serait exiger en pratique une telle infaillibilité personnelle de chaque évêque. C’est probablement pourquoi aucun auteur ne semble avoir soutenu une telle prétention.

Certes, il arrive souvent que les auteurs parlent d’« unanimité » sans précisions ultérieures. Mais lorsque les auteurs précisent, ils le font comme nous venons de le dire [5].

Deux événements bien connus de la vie de l’Église nous permettent d’illustrer cette « unanimité morale », cette position commune de l’ensemble de l’épiscopat uni à son chef.

Le 2 février 1849 Pie IX fit expédier l’encyclique Ubi Primum à tous les évêques, leur demandant leur avis sur l’éventuelle définition du dogme de l’Immaculée Conception. Sur 603 évêques qui répondirent, 546 se déclarèrent favorables, contre seulement 57 réponses en sens contraire [6].

La Congrégation spéciale créée par Pie IX [7] pour la préparation de la Bulle étudia d’abord les principes généraux permettant de considérer une proposition comme digne d’être soumise à un jugement solennel du magistère catholique [8].

Parmi les critères déterminants, les membres de la Commission indiquaient : « l’enseignement concordant de l’épiscopat actuel » [9]. Et, comme l’explique l’auteur de l’article du DTC (X. Le Bachelet) [10] : « Ils ne s’arrêtèrent pas [dans leur exposé] aux critères dont la réalisation était manifeste, par exemple, la doctrine concordante de l’épiscopat actuel et la croyance commune des fidèles, attestées qu’elles étaient par les réponses à l’encyclique pontificale. »

On voit donc que pour ces théologiens investis d’une tâche officielle liée à notre question un total d’environ 90 % constitue bien l’unanimité morale qui permet de discerner le consensus actuel des évêques.

Bien plus, le Pape Pie IX a enregistré pour ainsi dire officiellement cet avis. En effet on peut lire, dans la Constitution Ineffabilis Deus qui proclame le dogme de l’Immaculée Conception :

« Certes, Notre cœur n’a pas reçu une médiocre consolation lorsque les réponses de Nos vénérables frères Nous sont parvenues ; car non seulement dans ces réponses, toutes pleines d’une joie, d’une allégresse et d’un zèle admirables, ils Nous confirmaient leur propre sentiment et leur tendre dévotion, ainsi que ceux de leur clergé et de leur peuple fidèle envers la Conception Immaculée de la Bienheureuse Vierge, mais ils nous demandaient, COMME D’UN VŒU COMMUN [11], de définir par Notre jugement et autorité suprême l’Immaculée Conception de la Vierge. »

Un phénomène semblable eut lieu dans la préparation de la proclamation du dogme de l’Assomption par Pie XII [12].

Le 1er mai 1946, par la Lettre Deiparae Virginis Mariae, le Pape Pie XII demandait à l’ensemble des évêques leur pensée sur l’Assomption corporelle de la très Sainte Vierge. Les réponses, réunies dans des archives spéciales, ont donné les résultats suivants [13] : Pour les évêques résidentiels, on a reçu 1191 réponses, 86 Sièges (généralement éloignés) n’ayant pas répondu (à la fin d’août 1950). Sur les 1191 réponses reçues, seulement 22 émettent des réserves ou sont négatives. On a ainsi 98 % de réponses positives sur l’ensemble des réponses reçues, et cela nous donne connaissance de la position de 92 % de l’ensemble des évêques résidentiels. Les autres chiffres connus donnent aussi des résultats favorables de 98 ou 99 % par rapport aux réponses exprimées.

Avec ces chiffres (98 % des réponses exprimées, 92 % de l’ensemble), Pie XII n’a pas hésité, dans sa Constitution, à parler de « réponse presque unanimement affirmative » [14] et d’« accord universel du magistère ordinaire de l’Église » de nature à fournir un argument certain [15].

Dans ce cas exceptionnellement favorable, on voit encore que c’est l’unanimité morale qui est admise par le Saint-Père comme signe certain de l’accord du Magistère universel actuel.

Notons d’ailleurs que les théologiens ne demandent pas des pourcentages aussi élevés pour parler d’unanimité morale. En 1948, dans sa Mariologia, T. II, pars II, p. 286, le Père Roschini parle déjà « d’accord moralement unanime du magistère ordinaire de l’Église » alors que les réponses (favorables) ne font connaître la position que de 73 % des Sièges résidentiels. Le Père Hentrich, dans sa brochure De Definibilitate Assumptionis Beatae Mariae Virginis [16] donne de nombreux détails sur l’établissement du chiffre de 73 % [17]. Et ce Père donne [18] plusieurs exemples de célèbres théologiens reconnaissant dans les résultats publiés la manifestation du consentement actuellement unanime de l’Église.

Nous concluons doublement : 1°) il est certain que l’unanimité morale des évêques suffit pour que l’on puisse reconnaître l’exercice infaillible du magistère universel ; et 2°) bien que l’on ne puisse évidemment pas fixer un chiffre précis, on peut dire que lorsque plus des neuf dixièmes du corps épiscopal, avec le pape, manifestent leur accord, il n’y a plus aucune probabilité à nier l’exercice infaillible du magistère universel [19].

C’est pourquoi ceux qui nient l’unanimité morale du Magistère ordinaire en raison des soixante-dix qui ont voté « non » lors du dernier suffrage sur Dignitatis Humanae, soutiennent une position désespérée, dénuée de tout fondement raisonnable et par là de toute probabilité.

Néanmoins, nous admettons volontiers que le cas des « soixante-dix » aurait pu, en d’autres circonstances, être le point de départ d’un réexamen de la question. Mais précisément ce n’est pas le cas ici. Pour le comprendre, il faut voir de plus près le fait lui-même : y a-t-il vraiment eu, comme le dit l’abbé Laguérie soixante-et-onze (ou soixante-dix) réfractaires à la Déclaration DH ?

La Déclaration Dignitatis Humanae a bien reçu l’accord
du Magistère universel


Nous avons vu que, même si l’on admet la position de départ de l’Abbé Laguérie (71 {70} évêques réfractaires et irréductibles contre Dignitatis Humanae), sa conclusion (le Magistère universel n’est pas engagé) ne présente aucune probabilité.

Mais en fait il y a davantage. Car c’est le point de départ de l’Abbé Laguérie que l’on ne peut admettre [20]. En effet, les 71 {70} dont parle l’Abbé Laguérie sont les Pères qui ont voté « non placet » pour le schéma sur la liberté religieuse, le 7 décembre 1965 au matin. Mais ce vote est encore l’expression de la pensée individuelle de chaque Père, avant la décision du Souverain Pontife, décision de promulguer la Déclaration (en même temps que trois autres textes). Cette promulgation eut lieu le même jour. Et c’est cette promulgation qui constitue l’acte dans lequel l’ensemble des évêques avec le Pape exprime sa pensée commune. Or cette promulgation fut signée par 2477 Pères (en comptant ceux qui avaient donné une procuration [21]). Et sur ce total 2367 (avec les trois secrétaires) sont des Pères présents, alors que seulement 2308 avaient voté oui pour DH tandis que 70 votaient non (et 8 nul). Bien qu’il ne soit pas possible d’analyser en détail ces résultats [22], il apparaît clairement que beaucoup de ceux qui ont voté contre Dignitatis Humanae, à titre personnel, se sont ensuite joints à la promulgation, reconnaissant par là, et contribuant à manifester, l’engagement du Magistère universel dans son union au Pape.

Et il est en tout cas certain que plusieurs parmi les principaux opposants à Dignitatis Humanae lors des débats et du dernier vote ont personnellement signé la promulgation. Outre Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer, on relève par exemple les noms du Cardinal Ottaviani, du Cardinal Browne, de Mgr de Proença Sigaud, de Mgr Morilleau, de Mgr Carli, de Dom Prou…

Il est donc clair que l’histoire ne nous montre aucunement la présence de « réfractaires et d’irréductibles », mais bien au contraire nous manifeste la réalité, dans l’acte de promulgation, de l’unanimité morale de l’épiscopat universel autour du Saint-Père.

Face à ce fait, à cette promulgation, le seul moyen pour un Père d’être « irréductible et réfractaire » aurait été non seulement de ne pas signer la promulgation, mais encore de faire savoir publiquement son désaccord [23]. Car, au-delà du fait déjà parlant de la signature, demeure la réalité ecclésiale : une fois promulgué officiellement par le Pape avec le Concile, les textes engagent et obligent de soi [24] tout le monde, y compris les évêques. C’est pourquoi le pur silence ne peut en aucune façon manifester un désaccord.

Bien qu’il y ait une différence importante [25], on peut comparer la situation avec ce qui s’était passé lors du Concile Vatican I [26]. La minorité encore opposée à la promulgation du dogme décida de quitter le Concile pour le vote final et la ratification par le Pape. Cinquante-cinq évêques signèrent une lettre, respectueuse, envoyée au pape pour expliquer ce geste. Grâce à cela, il apparaissait clairement que ces Pères étaient « réfractaires » à la promulgation. Et c’est pourquoi aussi Rome exigea de chacun, après le Concile, une adhésion formelle au dogme qui avait été promulgué. Cette soumission de l’épiscopat connut son achèvement en décembre 1872, avec l’adhésion de Mgr Strossmayer.

Avec Vatican II, il n’y eut, c’est un fait, aucune opposition officiellement signifiée à partir du moment de la promulgation [27].

La tentative de l’Abbé Laguérie d’écarter l’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel pour le passage central de Dignitatis Humanae se solde donc par un échec.

Mais alors, tout ce que dit Vatican II est infaillible ?

Ce que nous avons montré jusque-là permet d’affirmer que ce qui est magistériel [28] dans le Concile Vatican II relève du Magistère universel. Comme le Concile n’a pas employé de formes d’expression extraordinaires, on doit dire que son enseignement relève du Magistère ordinaire et universel. Est-ce dire pour autant que tout l’enseignement de Vatican II relève de l’infaillibilité ? C’est ce que semble penser l’abbé Laguérie [29] :

« Quelques théologiens ont voulu créditer le concile Vatican II d’infaillibilité au nom du magistère ordinaire universel. D’aucuns sont même allés jusqu’à dire que l’épiscopat y étant réuni, l’ensemble des textes relevait de ce magistère, que nous savons infaillible… »

Redisons donc patiemment (cf. déjà supra p. 159-161) :

Ce ne sont pas toutes les affirmations du Magistère ordinaire et universel qui sont garanties par l’infaillibilité. Pour qu’une affirmation particulière de ce magistère soit infaillible, il faut :

A) qu’elle soit formulée directement et pour elle-même ;
B) et en outre qu’elle soit présentée comme révélée, ou comme liée nécessairement à la Révélation, ou comme absolument obligatoire pour tous les catholiques [30].

Ainsi en reconnaissant, comme les faits examinés à la lumière de la doctrine catholique le demandent, que les textes doctrinaux promulgués par le Concile Vatican II bénéficient de l’autorité du Magistère ordinaire et universel, on ne proclame nullement que tous les enseignements de ce Concile sont garantis par l’infaillibilité. Explicitons une fois de plus les trois degrés aisément discernables :

1°) Les affirmations jouissant des deux caractéristiques (A) et (B) mentionnées ci-dessus sont garanties par l’infaillibilité. C’est entre autres le cas, selon nous, du passage central de Dignitatis Humanae.

En effet, le droit affirmé dans le passage central de Dignitatis Humanae est expressément présenté comme lié nécessairement à la révélation, puisqu’il est présenté comme fondé « dans la dignité de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. »

Le Père Pierre-Marie avait aussi essayé de nier cela dans son article de Le Sel de la Terre n° 35, p. 51-52. L’Abbé Ricossa l’a justement réfuté dans Sodalitium (éd. française) n° 52, p. 30-31. De plus l’Abbé Calderón, dans son article du n° 47 de Le Sel de la Terre réfute lui aussi cette thèse du Père Pierre-Marie (cf. p. 80 §3). Il est donc inutile d’insister davantage sur ce point.

2°) Les affirmations qui sont proposées directement et pour elles-mêmes, mais sans que le lien à la Révélation soit indiqué [31] sont proposées avec autorité par le magistère (ordinaire et universel) simplement authentique. Elles réclament de soi une véritable adhésion de la part des fidèles, mais cette adhésion n’est ni absolue, ni certaine : c’est, au sens thomiste, un jugement probable.

3°) Les explications, argumentations, illustrations, conséquences, etc. de ce qui est affirmé directement et par soi ne sont pas proposées avec autorité. En tant que provenant du Magistère simplement authentique, elles demandent de soi une véritable docibilité de la part des fidèles, une attitude d’esprit ouverte à la réception d’un enseignement. Mais elles n’exigent guère par elles-mêmes une adhésion au-delà de ce que l’on perçoit de leur valeur : valeur qui peut parfois être des plus minces, comme l’a souligné l’Abbé Berto [32].

Cette diversification des cas nous montre aussi pourquoi le fait que telle directive disciplinaire ou même liturgique du concile ait été par la suite modifiée ne constitue pas un argument automatique pour conclure que n’importe quelle affirmation de Vatican II peut être modifiée. Et il est insuffisant de souligner la dénomination des documents : « Constitution » sur la liturgie, « Déclaration » sur la liberté religieuse, pour régler la question [33].

L’approche de la question de l’engagement du Magistère par la catégorie du document n’est pas inutile, mais n’est absolument pas déterminante. Les mots « décret » et « constitution » ont été employés en de nombreux sens, avant et après le Concile Vatican II. Quant au mot « déclaration », il ne semble pas avoir été employé auparavant pour un document conciliaire [34]. Mais on sait que c’est l’un des mots qui est parfois utilisé dans les définitions dogmatiques solennelles : ainsi Pie IX pour l’Immaculée Conception : « … nous déclarons, prononçons et définissons… » [35]. Le mot « Déclaration » n’exclut donc pas que le contenu soit, pour une part au moins, formellement doctrinal et même dogmatique. Plus récemment – mais c’est quand même une indication – la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a employé le mot « Déclaration » pour tel document à forte portée doctrinale, comme Dominus Jesus [36].

Ainsi, le fait d’un changement apporté ultérieurement à une détermination plutôt [37] disciplinaire d’une Constitution n’apporte en réalité aucun élément pour ce qui concerne l’éventuelle modification d’un passage doctrinal et directement affirmé d’une Déclaration.

NOTES

[1] Dans sa postface à l’ouvrage de l’abbé Héry, Non-lieu sur un schisme (Mascaret, hors série, 2005), p. 247-254. Les passages que nous citerons se trouvent p. 254.

[2] Les Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II, Vol. IV, pars VII (Typ. Polyg. Vatic., 1978), p. 860 indiquent 70 non placet. Peut-être l’abbé Laguérie a-t-il d’autres sources ?

[3] Le cas est au moins envisagé à titre théorique par Mgr Bertone, citant d’ailleurs le cardinal Ratzinger : cf. l’article « À propos de la réception des Documents du Magistère et du désaccord public », La Documentation Catholique, n° 2153, 2 février 1997, p. 110 col. 2 § 1. Dans un tel cas, la « majorité » du moment, supposée en contradiction avec un consensus antérieurement réalisé, ne serait pas une majorité au sens absolu pouvant « annuler » la concorde antérieure.

[4] Intervenant au nom de la Députation de la Foi, au cours de la discussion du schéma sur l’Église à Vatican I, le 20 juin 1870 : cf. Abbé Lucien, L’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel de l’Église, p. 25.

[5] Ainsi Mgr Bertone dans l’article déjà cité (publié dans DC n° 2153) parle en général simplement d’unanimité (par ex. loc. cit. p. 110 col. 1 § 4) ; mais à l’occasion il précise : « consensus moralement unanime » (ibid. § 5).

[6] Les détails se trouvent dans le DTC, article « Immaculée Conception », col. 1197-1198.

[7] Le 10 mai 1852.

[8] DTC, article « Immaculée Conception », col. 1200. Soit dit en passant, on voit en ce lieu comment les opposants au futur dogme utilisaient le critère lérinien à la manière reprise de nos jours par Arnaud de Lassus, et comment la Commission pontificale rejeta catégoriquement cette erreur, tout comme nous l’avons fait dans notre première partie.

[9] ibid. col. 1200 § 2.

[10] ibid. col. 1201 § 1.

[11] « communi veluti voto » : ce que le traducteur pour le volume « Notre-Dame » de la série Les Enseignements Pontificaux de Solesmes rend par « comme d’un vœu unanime » ; et c’est bien le sens de « communis » employé ici, si on comprend « unanime » au sens d’unanimité morale.

[12] Constitution Apostolique Munificentissimus Deus, 1er novembre 1950. Les passages principaux se trouvent dans le volume consacré à Notre-Dame (Les Enseignements Pontificaux ; Solesmes) n° 482 – n° 525.

[13] Cf. Wilhem Hentrich, s.j., article dans La Croix du jeudi 31 août 1950, p. 3.

[14] Notre-Dame (EP Solesmes), n° 492.

[15] ibid. n° 493

[16] Rome, éd. « Marianum », 1949. Le Père Hentrich, jésuite, était l’éditeur des deux volumes contenant toutes les demandes de définition de l’Assomption envoyées au Saint-Siège depuis 1849 jusqu’à 1940.

[17] Voir p. 45-55.

[18] P. 37-39.

[19] Les « minimalistes » en matière d’engagement infaillible du magistère aiment citer le canon 749 § 3 :

« Aucune doctrine n’est considérée comme infailliblement définie si cela n’est manifestement établi ».

CODE DE DROIT CANONIQUE 1983, CANON 749 § 3

C’est là une norme canonique, qui préside à l’infliction des peines ecclésiastiques et donc en restreignant les cas. Mais celui qui vit de la Foi et de la docilité au Magistère peut certainement avoir une saisie plus large que le canoniste chargé de limiter l’infliction des peines. En 1948, dans son grand traité de Mariologie déjà mentionné, Roschini, citant d’ailleurs le Cardinal Lépicier, après avoir affirmé que la doctrine de l’Assomption était « de foi divine et catholique » (vu l’accord du magistère ordinaire) ajoutait (T. II, partie II, p. 285) : « De là pourtant on ne doit pas conclure que celui qui nierait cette vérité tomberait dans les peines portées contre les hérétiques, car il manque à ce sujet une définition plus explicite de l’Église. »

[20] Sur ce qui suit, voir Sedes Sapientiae n° 31, p. 41-44 et n° 35, 33-45. Voir aussi Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre : une vie, p. 331-334.

[21] C’est ainsi qu’en plus de sa signature personnelle, Mgr Lefebvre a signé pour Mgr Grimault.

[22] L’un des quatre votes du matin enregistre 2399 participants. Si tous ceux qui n’ont pas signé la promulgation font partie de ceux qui n’ont pas voté DH, cela donnerait au maximum 32 abstentions. Mais rien ne permet de l’affirmer : le nombre peut être encore moindre.

[23] De nombreux motifs purement matériels (absence inopinée au dernier moment, erreur, oubli ou négligence de se faire représenter…) font qu’à chaque promulgation finale, un certain nombre de signatures n’apparaît pas, sans que cela signifie un désaccord [tandis que la signature, elle, signifie expressément l’accord].

[24] « De soi », c’est-à-dire 1°) a priori et 2°) de façon différenciée, selon la teneur et la nature de chaque partie.

[25] Lors de Vatican I, c’était un dogme proclamé solennellement qui était en cause. À Vatican II, avec Dignitatis Humanae, il ne s’agit pas d’un dogme proclamé solennellement, mais d’une affirmation directe du Magistère universel, sous un mode d’expression ordinaire, mais affirmant le lien nécessaire avec la Révélation.

[26] Pour ce qui suit, cf. R. Aubert, Le pontificat de Pie IX, p. 358-364.

[27] La seule opposition publique fut celle, bien plus tardive, de Mgr Lefebvre, en 1976, suivie quelques années après par Mgr de Castro Mayer. Cette opposition tardive de deux évêques ne saurait remettre en cause – tout le monde en conviendra – la réalité de l’unanimité morale de l’épiscopat, seul point que nous discutons ici.

[28] Nous employons cette expression, car le Concile inclut aussi des éléments disciplinaires. Par exemple, une annonce officielle fut faite en ce sens pour Sacrosanctum Concilium et pour Inter Mirifica : voir Basile Valuet, La liberté religieuse et la Tradition catholique, T. I, fasc. 1, 2e éd. p. 30 note 121.

[29] Op. cit., p. 253 dernier § – 254 § 1. L’abbé Laguérie nie que le Concile Vatican II relève du Magistère universel. Mais il semble penser, dans le texte que nous citons, que si Vatican II relevait du Magistère universel, alors il devrait être considéré comme infaillible en tout son enseignement.

[30] Bien qu’il présente quelques critiques contre nous sur ce sujet, dans ses pages 82-85 (Le Sel de la Terre n° 47), l’Abbé Calderón finit par dire équivalemment la même chose. D’abord, p. 83 § 3 d’après ce qu’il nous reproche – à tort – de ne pas dire : car c’est ce que nous disons ; puis d’après p. 84 § 2 ; enfin d’après p. 85 dernier § où l’Abbé Calderón reconnaît que l’une des façons pour le pape « d’imposer une doctrine » est de dire « L’Écriture dit ceci, la Tradition enseigne ceci, ceci est révélé ». Ainsi, bien que la remarque de l’Abbé Calderón (loc. cit. p. 83 note 1) sur notre traduction de « terminative » soit partiellement justifiée, la critique d’ensemble est plutôt une mauvaise querelle, de ces querelles où le contradicteur veut ne pas être d’accord avec vous sans arriver à dire en quoi il ne l’est pas. En fait, l’aspect le plus flagrant de notre désaccord c’est que l’Abbé Calderón tient à mettre au premier plan, pour le magistère, l’aspect « obligation » d’une doctrine tandis que nous avons établi, dès notre ouvrage de 1984, que c’est l’aspect « attestation garantie » du contenu de la Révélation qui est au premier plan dans une vision pleinement catholique.

[31] Elles possèdent le caractère (A) sans le caractère (B).

[32] Itinéraires, « L’Abbé Berto », Tiré à part du n° 132, avril 1969. Voir p.141. Il s’agit de la reproduction d’un article de l’Abbé Berto publié dans la même revue, n° 123 de mai 1968, sous le titre « Réflexions sur l’éducation ». L’Abbé Berto estime dans cet article [dans la partie de la citation prochaine correspondant aux points de suspension] que les « Déclarations » de Vatican II n’engagent pas le charisme d’infaillibilité. Nous ne le suivons pas entièrement sur ce sujet, comme nous l’avons expliqué dans notre texte : selon nous certains passages – au moins l’affirmation centrale de Dignitatis Humanae –, tombent sous la garantie de l’infaillibilité. Ceci dit, l’Abbé Berto exprime son jugement : « C’est très bien porté de ne pas vouloir être thomiste, et encore mieux porté de vouloir avec affectation n’être pas thomiste ; seulement on est alors sujet à d’étranges brouillaminis, fût-on la majorité d’une Commission conciliaire, et on fait voter à un Concile des Déclarations circonstantielles où sans doute aucune erreur n’est formellement enseignée (…) , mais dont la consistance et la densité doctrinales sont si fort au-dessous de ce qu’on doit attendre d’une Assemblée si solennelle et des quelque quatre milliards qu’elle a coûtés. C’est chèrement payer cette montagne de discours aboutissant à des textes où l’enflure des superlatifs prodigués ne parvient pas à cacher la médiocrité du fond. »

[33] Cf. Jean Madiran, Présent, 11 août 2006, p. 1 : « Si le Pape a pu traiter ainsi les impératifs d’une “Constitution” conciliaire, il n’y a donc rien d’iconoclaste à ce que des théologiens discutent et le Pape modifie les allégations d’une simple “Déclaration”. »

[34] Cf. par exemple Y. Congar, o.p., « Que faut-il entendre par “Déclaration” ? » dans Vatican II : La liberté religieuse (Unam Sanctam ; 60) Cerf, 1967, p. 47-52.

[35] Cf. DS. n° 2803

[36] Voir à ce sujet l’article signé *** dans l’Osservatore Romano des 26-27 février 2001 et reproduit dans La Documentation Catholique n° 2244, 18 mars 2001, p. 273-276. L’article parle (à propos d’une « Notification » au sujet d’un livre de J. Dupuis, mais en citant aussi le cas de la Déclaration Dominus Jesus) du « genre littéraire typique de ces déclarations magistérielles qui ont pour but de faire le point sur la doctrine, de censurer les erreurs ou les ambiguïtés, et d’indiquer le degré d’assentiment requis de la part des fidèles. »

[37] Nous employons ce mot pour ne pas consignifier que la question du « latin » dans la liturgie, par exemple, serait uniquement disciplinaire. Mais le passage conciliaire sur ce sujet se présente directement comme disciplinaire.

Source: Extrait de l’ouvrage de l’Abbé Bernard Lucien, Les degrés d’autorité du Magistère, éd. NEF, 2007. pp. 180 à 189.
Marie Blanche colombe
"La où l'esprit du Concile est tourné contre sa lettre et se réduit à une vague distillation d'une évolution qui prendrait sa source dans la constitution pastorale, il en devient spectral et conduit au vide. Les destructions occasionnées par une telle mentalité sont si évidentes qu'il ne peut pas y avoir de contestation sérieuse là-dessus. (...) Cela signifie-t-il que le Concile lui-même …Plus
"La où l'esprit du Concile est tourné contre sa lettre et se réduit à une vague distillation d'une évolution qui prendrait sa source dans la constitution pastorale, il en devient spectral et conduit au vide. Les destructions occasionnées par une telle mentalité sont si évidentes qu'il ne peut pas y avoir de contestation sérieuse là-dessus. (...) Cela signifie-t-il que le Concile lui-même devrait être rétracté ? Absolument pas. Cela signifie seulement que la réception réelle du Concile n'est pas encore commencée du tout. Ce qui a dévasté l'Eglise (...) n'était pas le Concile, mais le refus de sa réception. (...) Le devoir est donc: non pas la suppression du Concile, mais la découverte du Concile réel et l'approfondissement de sa véritable volonté (...). "

Cardinal Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, éd. Téqui