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Quand les pasteurs manquent à leur devoir

La foi de Qui Pluribus de Pie IX seule apte à vaincre les ennemis du catholicisme

En 1846, le bienheureux Pie IX entamait sa première encyclique Qui Pluribus (De la foi et de la religion) en décrivant l'objectif qu'il poursuivait en écrivant aux évêques de l'Église :
"Nous Vous adressons les présentes lettres dans le but d’exciter encore Votre piété, déjà si éminente ; et afin que, par un surcroît de promptitude, de vigilance et d’effort, Vous souteniez les veilles de la nuit autour du troupeau confié à vos soins, et que, déployant la vigueur et la fermeté épiscopales dans le combat contre le plus terrible ennemi du genre humain, vous soyez pour la maison d’Israël cet infranchissable rempart qu’offrent seuls les valeureux soldats de Jésus Christ."

Pour ceux qui n'ont pas lu Qui Pluribus, ou qui ont oublié sa sainte sagesse, il peut être utile de réfléchir à la signification de ces mots avant de se plonger dans le contenu de l'encyclique. Qui menaçait les troupeaux catholiques ? Quelles étaient les menaces contre lesquelles le pape Pie IX mettait en garde ? Comment les évêques étaient-ils censés protéger leurs troupeaux ? Quels seraient les dommages si les évêques manquaient à leur devoir ?
Pie IX poursuivait en identifiant ceux qui menaçaient les troupeaux catholiques :
"Personne d’entre vous n’ignore, Vénérables Frères, dans notre époque déplorable, cette guerre si terrible et si acharnée qu’à machinée contre l’édifice de la foi catholique cette race d’hommes qui unis entre eux par une criminelle association, ne pouvant supporter la saine doctrine, fermant l’oreille à la vérité, ne craignent pas d’exhumer du sein des ténèbres, où elles étaient ensevelies, les opinions les plus monstrueuses, qu’ils entassent d’abord de toutes leurs forces, qu’ils étalent ensuite et répandent dans tous les esprits à la faveur de la plus funeste publicité."

Les ennemis en question étaient donc ceux qui "ne pouvant supporter la saine doctrine, ferment leur oreille à la vérité". L'existence de ces ennemis n'aurait pas été si problématique s'ils ne tentaient de répandre leurs mensonges parmi les catholiques. Pire encore, Pie IX a constaté que ces ennemis de la vérité catholique étaient très habiles à promouvoir leurs mensonges :
"Notre âme est saisie d’horreur, et Notre cœur succombe de douleur, lorsque Nous nous rappelons seulement à la pensée toutes ces monstruosités d’erreurs, toute la variété de ces innombrables moyens de procurer le mal ; toutes ces embûches et ces machinations par lesquelles ces esprits ennemis de la lumière se montrent artistes si habiles à étouffer dans toutes les âmes le saint amour de la piété, de la justice et de l’honnêteté ; comment ils parviennent si promptement à corrompre les mœurs, à confondre ou à effacer les droits divins et humains, à saper les bases de la société civile, à les ébranler, et, s’ils pouvaient arriver jusque là, à les détruire de fond en comble."

Sans opposition, ces ennemis du catholicisme tromperaient les catholiques par leurs erreurs. Si cela se produisait, le zèle des catholiques pour la piété, la justice et la vertu s'éteindrait, les mœurs seraient corrompues, les lois divines et humaines seraient confondues et, en fin de compte, la religion et la société catholiques pourraient être renversées. Si c'était tout ce que nous savions sur Qui Pluribus, il semblerait que ses paroles puissent détenir la clé de la raison pour laquelle nous vivons aujourd'hui plus que jamais ces grands maux dans l'histoire de l'Église.
Quelles étaient alors les erreurs auxquelles était confrontée l’Église en 1846 ? Pie IX a expliqué qu'elles provenaient de la fausse idée selon laquelle la foi catholique s'oppose à la raison humaine :
"Non, rien ne saurait être imaginé ou supposé de plus insensé, de plus impie et de plus contraire à la raison elle-même.

Car, bien que la foi soit au-dessus de la raison, jamais on ne pourra découvrir qu’il y ait opposition et contradiction entre elles deux ; parce que l’une et l’autre émanent de ce Dieu très excellent et très grand, qui est la source de la vérité éternelle. Elles se prêtent bien plutôt un tel secours mutuel que c’est toujours à la droite raison que la vérité de la foi emprunte sa démonstration, sa défense et son soutien les plus sûrs ; que la foi, de son côté, délivre la raison des erreurs qui l’assiègent, qu’elle l’illumine merveilleusement par la connaissance des choses divines, la confirme et la perfectionne dans cette connaissance."

Cela nous amène au cœur des problèmes qui affligent aujourd’hui tant de catholiques, qui ne croient plus que la foi catholique soit immuable, éternelle et au-dessus de la raison humaine. Même si cela ne les excuse pas au jugement de Dieu, de nombreux catholiques ont aujourd'hui au moins une excuse raisonnable pour ne pas croire que la foi est immuable : ils ont vu leurs pasteurs nier de diverses manières la nature immuable de la foi pendant si longtemps qu'ils supposent naturellement qu’elle est sujette à des changements continus.
Pie IX a ensuite décrit une tactique de tromperie particulière que nous connaissons tous :
"Les ennemis de la révélation divine, Vénérables Frères, n’ont pas recours à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des louanges extrêmes, ils portent jusqu’aux nues les progrès de l’humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège, introduire ce progrès jusque dans l’Église catholique : comme si la religion était l’ouvrage non de Dieu, mais des hommes, une espèce d’invention philosophique à laquelle les moyens humains peuvent surajouter un nouveau degré de perfectionnement."

La notion de "progrès humain" a servi de prétexte à l'essentiel des changements intervenus dans l'Église depuis Vatican II. Yves Congar - l'inspirateur de l’actuel Synode sur la synodalité - a été exceptionnellement clair à ce sujet dans son ouvrage La Crise dans l'Église et Mgr Lefebvre (p.51-52) :
"Par la franchise et l'ouverture de ses débats, le Concile a mis fin à ce que l'on peut appeler la rigidité du système. Par système, nous entendons un ensemble cohérent d'enseignements codifiés, de règles de procédure casuistiques, une organisation détaillée et très hiérarchisée, des moyens de contrôle et de surveillance, des rubriques régissant le culte - tout cela est l'héritage de la scolastique, de la Contre-Réforme et de la Restauration catholique du XIXe siècle, soumis à une efficace discipline romaine. On se souviendra que Pie XII aurait dit : « Je serai le dernier pape à tout maintenir »"
Congar se targuait du fait que le Concile avait renversé l'enseignement de Pie IX selon lequel la foi catholique ne peut être altérée par l'importation d'idées dérivées du "progrès humain". Le professeur Romano Amerio a présenté la question de manière succincte dans son ouvrage Iota Unum - Étude des variations de l’Église catholique au XXe siècle : "Le P. Congar répète que l'Église de Pie IX et de Pie XII est finie" (p.102).

Mais qu'est-ce qui a été volé aux catholiques par cette attaque contre l'Église telle qu'elle existait avant Vatican II ? Nous pouvons nous faire une idée de la perte en considérant combien il est rare d'entendre nos pasteurs décrire la foi catholique comme Pie IX l'a fait dans Qui Pluribus :
"C’est cette foi qui est la maîtresse de la vie, le guide du salut, le destructeur de tous les vices, la mère et la nourrice féconde de toutes les vertus ; consolidée par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la sagesse, les prodiges et les prophéties de son divin auteur et consommateur, Jésus Christ ; répandant de tous côtés l’éclat de sa doctrine surnaturelle, enrichie des trésors inépuisables et vraiment célestes de tant de prophéties inspirées à ses prophètes, du resplendissant éclat de ses miracles, de la constance de tant de martyrs, de la gloire de tant de saints personnages. De plus en plus insigne et remarquable, elle porte partout les lois salutaires de Jésus Christ ; et de jour en jour acquérant et puisant sans cesse de nouvelles forces dans les persécutions les plus cruelles, armée du seul étendard de la croix, elle conquiert l’univers entier, et la terre et la mer, depuis le levant jusqu’au couchant ; et, après avoir renversé les trompeuses idoles, dissipé les ténèbres épaisses de l’erreur, triomphé des ennemis de toute espèce, elle a répandu les bienfaisants rayons de sa lumière sur tous les peuples, sur toutes les nations et sur tous les pays, quel que fût le degré de férocité de leurs mœurs, de leur naturel et de leur caractère barbare, les courbant sous le joug si suave de Jésus Christ, et annonçant à tous la paix et le bonheur."

Telle est la foi pour laquelle les âmes sont prêtes à se battre et à mourir. Telle est la foi qui fait des saints et qui peut résister à toutes les menaces des pires méchants qui aient jamais existé. Michael Matt a souligné cet aspect de l'opposition du catholicisme à la tyrannie dans son récent article de Remnant Underground :
"Qu'est-ce que le catholicisme traditionnel ? Ce ne sont pas des préférences liturgiques... S'agit-il du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est intrinsèquement politique ? Absolument, il l'a toujours été. Si vous vous débarrassez du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il ne vous reste plus que le goulag. C'est pourquoi ils disent toujours que tant que vous ne critiquez pas ce que fait le régime, nous vous donnerons même la messe en latin : ne dites pas qu'il y a une vérité objective ; ne prétendez pas que votre religion est la seule vérité ; ne pratiquez pas le suprémacisme religieux, ce qui est bien sûr la raison d'être de l'Église catholique. Il n'y a qu'une seule vraie Église, en dehors de laquelle il n'y a point de salut".
Telle est la foi de tous les saints, et elle est complètement opposée à la foi promue par François et son Synode sur la synodalité.

En effet, nous pouvons même aller jusqu'à dire que cette Foi de tous les saints est entièrement opposée aux croyances religieuses qui ont prévalu chez tant de catholiques, y compris la majorité de la hiérarchie, depuis le Concile. Si l'on en doute, il suffit de considérer que la condamnation de l'indifférentisme religieux par le pape Pie IX est essentiellement une critique du mouvement œcuménique qui a animé le Concile :
"C’est encore au même but que tend cet horrible système de l’indifférence en matière de religion, système qui répugne le plus à la seule lumière naturelle de la raison. C’est par ce système, en effet, que ces subtils artisans de mensonge, cherchent à enlever toute distinction entre le vice et la vertu, entre la vérité et l’erreur, entre l’honneur et la turpitude, et prétendent que les hommes de tout culte et de toute religion peuvent arriver au salut éternel : comme si jamais il pouvait y avoir accord entre la justice et l’iniquité, entre la lumière et les ténèbres, entre Jésus Christ et Bélial."

Cet état d’esprit condamné par Pie IX et tous les papes antérieurs à Vatican II a été délibérément encouragé à Vatican II, en particulier dans le décret sur l'œcuménisme, Unitatis Redintegratio :
"En conséquence, ces Églises et communautés séparées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique."

Les défenseurs "conservateurs" de Vatican II nous disent que cela réaffirme simplement un enseignement que même Pie IX aurait accepté : qu'il existe certaines circonstances extraordinaires (comme la mort d'un non-catholique baptisé avant l'âge de raison) dans lesquelles un non-catholique peut être sauvé. Mais si c'est ce que le document voulait dire, pourquoi s'est-il abstenu de le dire clairement ? Quel bénéfice légitime pourrait résulter de l'impression que les églises non-catholiques sont "significatives" et "de valeur" dans le "mystère du salut", comme si elles n'étaient que des lieux inférieurs sur l'Arche du Salut ?

Loin d'être un bienfait ou une source de charité, tout le mouvement œcuménique est un crime de haine contre tous les chrétiens qui ont été privés de pasteurs qui adhèrent à la sainte injonction de Pie IX de lutter pour le salut de ceux qui leur sont confiés :
"Vous comprenez que la combat sera rude, car Vous n’ignorez point le nombre et la profondeur des blessures qui accablent l’Épouse Immaculée de Jésus Christ, et quelles dévastations terribles ses ennemis acharnés lui font éprouver. Or, Vous savez parfaitement que le premier devoir de Votre charge est d’employer Votre force épiscopale à protéger et à défendre la foi catholique, à veiller avec le soin le plus extrême à ce que le troupeau qui Vous est confié demeure ferme et inébranlable dans la foi, sans la conservation entière et inviolable de laquelle il périrait certainement pour l’éternité."

Lorsque les pasteurs ne défendent plus la foi, les âmes se perdent et tout le corps mystique du Christ souffre. Et, loin de l'idée libérale selon laquelle nous devons tolérer les erreurs, ce devoir de défendre la foi catholique implique nécessairement d'exposer et de combattre les mensonges qui la menacent :
"Mais comme c’est une preuve incontestable de grande pitié que de signaler les ténébreux repères des impies et de vaincre en eux le démon, leur maître, Nous Vous en conjurons, employez toutes les ressources de Votre zèle et de Vos travaux à découvrir aux yeux du peuple fidèle toutes les embûches, toutes les tromperies, toutes les erreurs, toutes les fraudes et toutes les manœuvres des impies ; détournez avec grand soin ce même peuple de la lecture de tant de livres empoisonnés, et enfin exhortez assidûment le peuple fidèle à fuir, comme à l’aspect du serpent, les réunions et les sociétés impies, afin qu’il parvienne ainsi à se préserver très soigneusement du contact de tout ce qui est contraire à la foi, à la religion et aux bonnes mœurs."

Comme l'a écrit Pie IX, c'est un acte de grande piété que de combattre les erreurs répandues par le diable et ses suppôts. Ne pas protéger les gens des erreurs qui peuvent les conduire en enfer est évidemment bien pire, d'un point de vue catholique, que de ne pas les protéger des poisons qui peuvent les tuer ; et pourtant, tant de nos prétendus pasteurs insistent aujourd'hui sur la liberté de toutes les croyances religieuses, à l'exception de celles professées par le pape Pie IX en 1846 et les catholiques traditionnels d'aujourd'hui.

Pie IX savait quels grands préjudices résulteraient de ce type de manquement au devoir de la part des pasteurs catholiques :
"Vous savez parfaitement que c’est à l’ignorance des pasteurs ou à la négligence des devoirs de leur charge qu’il faut attribuer perpétuellement le relâchement des mœurs parmi les fidèles, la violation de la discipline chrétienne, l’abandon, puis la destruction totale des pratiques et du culte religieux, enfin le débordement de tous les vices et des corruptions qui pénètrent alors facilement dans l’Église."

Ce sont les mêmes fruits toxiques que nous avons vus dans la révolution de Vatican II et les vrais catholiques n’en veulent pas. Le seul remède est de revenir à la foi des saints, à la foi catholique inaltérée défendue par le bienheureux Pie IX dans Qui Pluribus. Et, comme Pie IX l'a écrit en conclusion de sa première encyclique, nous devons demander à la Bienheureuse Vierge Marie d'intercéder auprès de Son Fils afin que nous recevi ons les grâces dont nous avons besoin pour lutter comme des saints pour la seule vraie Foi :
"Mais, pour que le Seigneur très clément incline plus efficacement son oreille divine vers nos prières, et accueille plus favorablement nos vœux, ayons toujours auprès de Lui, comme intercession et intermédiaire puissante, la très sainte et très immaculée Mère de Dieu, qui est toujours notre plus douce Mère, notre médiatrice, notre avocate, notre espérance et notre confiance la plus parfaite et dont le patronage maternel est ce qu’il y a auprès de Dieu de plus fort et de plus efficace."

Cœur Immaculé de Marie, priez pour nous !
Robert Morrison 17 juin 2024 The Remnant