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shazam
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Les Ambassadeurs - Hans Holbein le Jeune.

Les Ambassadeurs - Hans Holbein le Jeune : « Peut-on braver la mort ? »
Deux hommes, près d’une étagère,remplie d’objets. Un tableau singé Holbein.
Au premier abord, tout n’est que luxe, pouvoir, arrogance. Mais il y a une fausse note ! Une forme blanchâtre lévite en bas de la scène, menaçante...
Pour découvrir la clé apparente du tableau, il faut le regarder de biais : alors l’image se déforme, les richesses s’effacent et la grande triomphatrice se dévoile ! La mort balaye tout !...
Alors que signifie vraiment cette mise en scène ?
Ces deux hommes piétinent-ils la mort ? Ou s’apprête-t-elle à les emporter ?
-

(à partir de 1mn20)

Partie 1
La Mort invincible

Essayer de vaincre la mort ? Le camp humain semble bien mal préparé ! Corps enfouis sous les couches de vêtements...objets en désordre...accumulation de motifs : face à une vie humaine artificielle, lourde, compliquée, la mort apparaît pleine de santé ! Seul élément naturel non modifié par l’homme, elle seul bénéficie d’une lumière spéciale qui vient de droite et de cette oblique dynamique (1mn55). Elle exprime même le rire avec sa mâchoire ouverte jusqu’au oreilles. C’est elle qui semble être le véritable héros du tableau !

1) - La leçon des ambassadeurs :

I - La vanité des réalités terrestres
A première vue, « la leçon des ambassadeurs » est donc simple et édifiante : D’un côté, il y a le point de vue de la mort, qui fait apparaître la vanité des réalités terrestres : ni le luxe, ni le pouvoir, ni même le savoir ne nous permettrons de lui échapper !

II - Seul le Christ peut ‘aplatir’ (vaincre) la mort
De l’autre, il existe un point de vue perpendiculaire qui permet ‘d’aplatir’ la mort : celui de ce Christ presque invisible dans le coin supérieur gauche.

III - Le mouvement à accomplir dans son âme
Holbein utilise donc le mouvement physique du spectateur autour du tableau pour lui faire prendre conscience d’un mouvement qu’il est censé accomplir dans son âme... :
- se détourner d’abord des biens terrestres
- pour se tourner ensuite vers Dieu et la question du salut dans l’au-delà.

IV - Un autre mouvement à accomplir...
Mais « la leçon des ambassadeurs » ne s’arrête pas là !
Car il existe un autre mouvement à accomplir : celui qui doit nous plonger dans les détails du tableau et en particulier dans cette solide étagère en H sur laquelle s’appuient nos deux ambassadeurs.
Ils (les ambassadeurs) semblent dominer la mort : qu’est-ce qui leur donne cette prétention ?…

Partie 2
La Mort politique

1533 : deux ambassadeurs. Ils sont jeunes, leur âge est camouflé sur une dague, 29 ans, et un livre, 25 ans. Ils sont français : on remarque l’ordre de St-Michel, crée par le roi de France. Et ils partagent une même vision du métier de diplomate, symbolisée par cette étagère.

En haut, la perfection avec l’ordre du ciel.
En bas, l’ordre de la terre, précaire, traversée par des signes de mauvais augure :
- l’étui auquel manque une flûte
- le luth dont une des cordes est cassée
- le livre d’arithmétique ouvert à la page traitant de la division
- et enfin le globe terrestre ‘cul par-dessus tête’ (= renversé)

1) - Le problème… :

I - Changement des rapports de force
Le problème : un changement des rapports de force en Europe, qui menace la survie d’un pays, la France, pourtant première puissance européenne.
Le Portugal et la Castille construisent des empires d’échelle mondiale, et avec la bénédiction du Pape, ils se partagent le monde : les nouvelles terres découvertes à l’est de cette limite légale sont au Portugal, celle de l’ouest, à l’Espagne.
De plus, Castille et Aragon sont réunis sous la couronne de l’ennemi héréditaire : le St-Empire romain germanique… Et les Anglais sont encore présent à Calais.

II - La France est donc quasiment cernée sous tous les fronts !
Pour la sauver, les ambassadeurs abattent trois atouts :

- Premier atout,
matérialisé par cet hymne de Luther (5mn39), le fondateur du protestantisme : la division de la chrétienté entre catholiques et protestants. En soutenant les princes et villes protestantes ils affaiblissent le St-Empire, déjà composé de milliers d’États.

- Deuxième atout,
l’ouverture vers le monde musulman, symbolisé par ce tapis (6mn). Quand le tableau est réalisé, l’empire ottoman est aux portes de Vienne et menace la chrétienté. Mais les ambassadeurs négocient tout de même un traité avec lui pour détourner les forces du St-Empire sur son front Est.

- Troisième atout : les sentiments du roi d’Angleterre, symbolisés par ce sol (6mn19) qui imite celui de l’Abbaye de Westminster, à Londres. C’est là qu’avec le soutient des Français, il a épousé l’Anglaise Anne Boleyn après avoir répudié sa première épouse, liée au St-Empire.

De cette manière la France conjure la possibilité d’une alliance entre l’Angleterre et le St-Empire...

2) - Les ambassadeurs (Hans Holbein, 1533) sont donc les représentants d’une nouvelle religion... :

Une religion qui autorise à jouer
→ contre le Pape,
→ contre la chrétienté et
→ contre le St-Empire,
quand les intérêts supérieurs d’un pays sont en jeu : la religion de la politique et de la Raison d’État...

C’est l’idée de Machiavel
Un an avant la réalisation du tableau est publié Le Prince (1532), ou il démontre que la politique obéit à des règles propres.

« Le Prince est souvent obligé, pour maintenir l’État, d’agir contre l’humanité, contre la charité, contre la religion même.
Il faut (…) que tant qu’il le peut il ne s’écarte pas de la voie du bien, mais qu’au besoin il sache entrer dans celle du mal. »

(Le Prince, Machiavel, 1469-1527).

3) - Les ambassadeurs (Hans Holbein, 1533) font fondamentalement un éloge du mouvement :

- mouvement de l’âme, avec la conversion du croyant, qui se détourne des vanités pour se tourner vers Dieu.
- mouvements des diplomates qui transforment intérêts discordants en opportunités pour la paix.
- mouvement artistique : Holbein nous incite à faire et défaire l’illusion de la vie en tournant autour de son œuvre.

Vie et mort sont imbriqués : il faut l’accepter...ou périr.
Psaume 62
Remarquable dissection picturale ! La diplomatie ... ou l’art des compromis et souvent en effet des compromissions machiavéliennes !
Sur le sujet des relations de la France et de l’islam dans l’histoire, je conseille la lecture de l’ouvrage ’’La France et l’islam au fil de l’histoire …’’ de Gerbert Rambaud.
Les divisions, les haines et les guerres dans l’histoire entre des peuples se réclamant …Plus
Remarquable dissection picturale ! La diplomatie ... ou l’art des compromis et souvent en effet des compromissions machiavéliennes !

Sur le sujet des relations de la France et de l’islam dans l’histoire, je conseille la lecture de l’ouvrage ’’La France et l’islam au fil de l’histoire …’’ de Gerbert Rambaud.

Les divisions, les haines et les guerres dans l’histoire entre des peuples se réclamant de la foi au Christ Jésus sont un scandale mais vu l’influence du diable sur cette terre et vu la force du péché, même chez des baptisés, ces maux sont plus ou moins fatals. Dieu veut le salut de tous, Il vise au salut du plus grand nombre possible d’âmes au terme de l’existence terrestre, et Il tente sans cesse de tirer quelque bien d'un mal, de rabaisser l’orgueil humain afin que les âmes puissent désirer s’ouvrir in fine au repentir, au travers de malheurs et de divisions meurtrières.

Oui, en fait de mal pour un bien, ces rivalités habituelles entre différentes dynasties européennes ont poussé la France à s’allier à des musulmans contre des chrétiens, ce qui profita indirectement aux chrétiens d’Orient fr.wikipedia.org/wiki/Chrétiens_d'Orient (dont une grande partie ne sont d’ailleurs pas catholiques).
shazam
mignotm
L'alliance avec l'Angleterre hérétique, avec les princes protestants allemands et avec l'ennemi ottoman : la France de François I, soutenue par la finance des marranes, a trahi sa mission divine. Voilà ce que peint Holbein le protestant ; c'est donc bien l'aveu que Luther mène au diable.
Catholique et Français
Même si je suis bien d'accord avec vous sur le fond de votre commentaire, il convient tout de même de nuancer votre jugement :
- la peste de la prétendue réforme est effectivement entrée en France sous le règne de François I°; mais le roi était pieux et bon catholique (prières et Messes quotidiennes, pélerinages dont le Saint Suaire...); ce que l'on peut lui reprocher, comme à Louis XV avec …Plus
Même si je suis bien d'accord avec vous sur le fond de votre commentaire, il convient tout de même de nuancer votre jugement :
- la peste de la prétendue réforme est effectivement entrée en France sous le règne de François I°; mais le roi était pieux et bon catholique (prières et Messes quotidiennes, pélerinages dont le Saint Suaire...); ce que l'on peut lui reprocher, comme à Louis XV avec le fléau maçonnique, c'est sa tolérance excessive du mal nouveau; ce n'est pas lui mais surtout son entourage, et au premier chef sa soeur Marguerite de Navarre, qui s'est rapproché de l'hérésie. Il ne faut pas oublier non plus de rappeler que le roi s'est engagé, dès la fin des années 1520 et jusqu'à sa mort en 1547, dans une lutte puissante et souvent implacable contre le protestantisme; son fils Henri II (un très grand roi) a poursuivi son oeuvre avec acharnement et aurait certainement chassé cette peste sans sa mort accidentelle en 1559. Enfin et surtout, ce que la plupart de nos contemporains qui voient beaucoup mieux les choses avec 500 ans de recul (tout est figé maintenant et donc facile à analyser), ne comprennent plus, c'est qu'au XVI°s les questions religieuses brûlantes étaient souvent assez floues, mal tranchées pour une grande partie des chrétiens, même après les excommunications de Luther et de ses suiveurs; les critiques contre Rome étaient parfois fondées et les assertions des protestants pas toujours faciles à contredire. Et beaucoup de gens, perdus, désorientés, gyrovagues, hésitaient et passaient dans leur vie plusieurs fois d'une attitude à une autre et inversement (l'exemple le plus célèbre est le futur roi Henri IV). On peut très bien se représenter cette époque de désordre en regardant le spectacle de notre temps où il est souvent bien difficile pour une majorité de fidèles de savoir qui est qui ou de démêler le vrai du faux entre "conciliaires", modernistes, laïcistes, traditionalistes, papistes, "intégristes", "progressistes", sédévacantistes, ralliés, oecuménistes, schismatiques, hérétiques etc... etc... avec querelles, incompréhensions, mauvaise foi, déloyauté, entêtement, agressions, calomnies, coups bas, trahisons et... haine à la clé.
- le Saint Empire puis l'Espagne ne sont pas totalement blancs et il y avait une vraie volonté d'étouffer la France; s'en sont ensuivis de terribles combats, avec de terribles ravages, notamment dans le nord de la France (épisode célèbre de l'anéantissement total des importantes villes comtales d'Hesdin ou de Thérouanne dont il n'est pas resté et sur ordre, littéralement, pierre sur pierre !); ces ennemis poursuivaient l'oeuvre de leurs ancêtres les ducs de Bourgogne Jean sans Terre, Philippe le Bon et Charles le Téméraire révoltés contre leur suzerain le roi de France, Charles VII puis Louis XI. Jeanne d'Arc a été capturée par les Bourguignons et livrée par eux aux anglais.
- enfin, il faut être juste et surtout complet vis à vis des Capitulations des années 30 et de la très controversée alliance avec les Ottomans. Il ne faut jamais oublier que la France est restée, de par son statut privilégié, depuis François I° jusqu'au XX°s, la grande et la seule protectrice des chrétiens d'Orient face aux barbares mahométans; ces frères lointains lui en ont toujours été infiniment reconnaissants ! Pour ceux que cela intéresse voici un extrait d'un article qui rappelle beaucoup de ces vérités oubliées ou occultées, expliquant le rôle séculaire et bienfaisant qu'a joué la France au Moyen-Orient et l'affection que portaient à la Fille aînée de l'Eglise jusqu'à notre triste aujourd'hui tant et tant de frères et de soeurs chrétiens de cette région du monde : "...Cette reprise de relations survint avec la signature du traité des Capitulations entre François Ier et le sultan ottoman, en 1535. Par cette convention, le roi de France s’engageait à ne pas faire la guerre à l’empire ottoman, à charge pour le sultan de permettre aux commerçants et aux pèlerins français de voyager librement en Orient. Dans ses conférences sur le sujet, l'abbé de Nantes a désapprouvé cette politique, car le Roi très chrétien doit combattre le Turc, et non faire alliance avec lui, surtout quand il assiège la Chrétienté ! Cependant, soulignait-il aussi, à long terme cette diplomatie permit de protéger les chrétiens d’Orient. En effet, si le Saint-Empire combattit efficacement les Turcs en Méditerranée, notamment lors de la victoire miraculeuse de Lépante (1571), aucun pays européen n’intervint militairement au Levant pour secourir les chrétiens, et ce, jusqu’au XVIIIe siècle et pratiquement jusqu’au XX° siècle. Or, comme le montre François Charles-Roux dans "France et chrétiens d’Orient", en renouvelant régulièrement les Capitulations, les rois de France demandèrent aux Ottomans sans cesse davantage de privilèges, et finalement, ils prirent sous leur protection non seulement les pèlerins français, mais tous les pèlerins chrétiens se rendant aux Lieux saints, puis tous les chrétiens d’Orient, et enfin les missionnaires qui commencèrent à arriver en Orient dès la fin du XVIe siècle. Y compris en Syrie !..." (in "Syrie : les leçons d'une histoire séculaire" C.R.C. Novembre 2017). Totalité de l'article ICI
jacouille54
Merci ! Plein de détails de ce tableau m'avaient échappé
shazam
Jean de Dinteville, à gauche, ambassadeur de France en Angleterre en 1533, date de la réalisation du tableau.
À droite, se trouve son ami, Georges de Selve, évêque de Lavaur qui a été lui aussi occasionnellement ambassadeur auprès de l'Empereur romain germanique, de la république de Venise et du Saint-Siège.
Les ambassadeurs
Pour approfondir :
Quand la peinture pense
www.accordphilo.com/La-…Plus
Jean de Dinteville, à gauche, ambassadeur de France en Angleterre en 1533, date de la réalisation du tableau.

À droite, se trouve son ami, Georges de Selve, évêque de Lavaur qui a été lui aussi occasionnellement ambassadeur auprès de l'Empereur romain germanique, de la république de Venise et du Saint-Siège.

Les ambassadeurs
Pour approfondir :

Quand la peinture pense
www.accordphilo.com/La-peinture-pen…