L'anti-Pentecôte

Dans son livre L'Année Liturgique, Dom Guéranger décrit la grande transformation qui s'est opérée lors de la première Pentecôte :
"Ces cent vingt disciples n’auront qu’à parler du Fils de Dieu fait homme et rédempteur de tous, de l’Esprit-Saint qui renouvelle les âmes, du Père céleste qui les aime et les adopte : leur parole sera accueillie d’un grand nombre. Tous ceux qui l’auront reçue seront unis dans une même foi, et l’ensemble qu’ils formeront s’appellera l’Église catholique, universelle, répandue en tous les temps et en tous les lieux. Le Seigneur Jésus avait dit : « Allez, enseignez toutes les nations » ; l’Esprit divin apporte du ciel sur la terre et la langue qui fera retentir cette parole, et l’amour de Dieu et des hommes qui l’inspirera." (Volume 9, p. 281)

Depuis cette première Pentecôte jusqu'à la fin des temps, le Saint-Esprit demeure avec l'Église et la "guidera dans la voie de la sainteté et de la vérité" (Catéchisme de Baltimore). Notre Seigneur charge son Église de convertir toutes les nations - et Jésus veut que toutes les âmes soient sauvées - mais, en même temps, nous avons de nombreuses indications dans le Nouveau Testament, y compris les deux passages suivants de l'Évangile de saint Matthieu, que même ceux qui professent être chrétiens ne seront pas sauvés :
* Ce n'est pas celui qui m'aura dit : " Seigneur, Seigneur ! " qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : "Seigneur, Seigneur ! n'est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé ? N'est-ce pas en votre nom que nous avons chassé les démons ? Et n'avons-nous pas, en votre nom, fait beaucoup de miracles ?" Alors je leur dirai hautement : Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, artisans d'iniquité ! Quiconque donc entend ces paroles que je dis, et les met en pratique, sera semblable à un homme sensé, qui a bâti sa maison sur le roc : la pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n'a pas été renversée, car elle avait été fondée sur la pierre. (Mt 7,21-25)
* Si ton frère a péché contre toi, va reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux (personnes), afin que toute chose se décide sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas, dis-le à l'Église; et s'il n'écoute pas même l'Église, qu'il soit pour toi comme le païen et le publicain. (Mt 18,15-17)

Dans son commentaire sur ce dernier passage, Cornelius a Lapide a développé la signification du fait d'être considéré "comme le païen et le publicain" :
"En effet, celui qui méprise l’évêque de l'Église qui lui donne des conseils, méprise toute l'Église qu'il représente et dirige, et montre ainsi qu'il ne veut pas être un fils ou un citoyen de l'Église. Il doit donc être considéré non comme un chrétien fidèle, mais comme un païen et un publicain, c'est-à-dire comme un pécheur public... Qu'il soit pour toi comme le païen, c'est-à-dire qu'il soit expulsé, excommunié et séparé de l'Église par son évêque, de peur que son crime et son obstination n'infectent les fidèles par leur contagion : qu'il soit plutôt considéré comme un païen, c'est-à-dire un infidèle et un païen, dépourvu de toute foi ou connaissance de Dieu, de la religion ou de la loi. Cela implique que vous ne devez pas manger avec lui, comme l'ordonne Paul (1 Co 5,11), ni le saluer (2 Jn 10), afin qu'il soit confondu par l'opprobre, qu'il reconnaisse sa faute et qu'il revienne à l'Église." (Cornelius a Lapide, Le saint Évangile selon saint Matthieu, Volume II, pp. 211-212)

Ces paroles indiquent clairement que ceux qui se considèrent comme faisant partie de l'unité de l'Église doivent néanmoins être exclus s'ils refusent de suivre les enseignements de l'Église. Comment répondre alors aux paroles de catholiques apparemment sincères qui affirment ce qui suit ? :
"N'est-il pas juste, répète-t-on souvent, et même conforme au devoir, que tous ceux qui invoquent le nom du Christ s'abstiennent de tout reproche mutuel et s'unissent enfin dans une charité réciproque ? Qui oserait dire qu'il aime le Christ, s'il ne travaille de toutes ses forces à réaliser les désirs de Celui qui a demandé à son Père que ses disciples soient "un". Et ce même Christ n'a-t-il pas voulu que ses disciples se distinguent des autres par cette caractéristique, à savoir qu'ils s'aiment les uns les autres : "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres" ? Tous les chrétiens, ajoutent-ils, devraient être aussi "un", car ils seraient alors beaucoup plus puissants pour chasser le fléau de l'irréligion qui, comme un serpent, s'avance et se répand chaque jour davantage, et se prépare à priver l'Évangile de sa force".

Ces questions ressemblent à celles que nous pourrions entendre de la part de François et de presque tous les évêques du monde aujourd'hui. Ce sont pourtant des questions que le pape Pie XI a abordées dans son encyclique de 1928 sur l'unité religieuse, Mortalium Animos. Voici la réponse du pape Pie XI à ces idées :
"Tels sont, parmi d'autres du même genre, les arguments que répandent et développent ceux qu'on appelle panchrétiens. Et il s'en faut que ces panchrétiens soient peu nombreux et disséminés; ils se sont, au contraire, multipliés en organisations complètes et ils ont fondé des associations largement répandues, que dirigent, le plus souvent, des non catholiques, quelles que soient leurs divergences en matières de foi. Leur entreprise est, d'ailleurs, poursuivie si activement qu'elle obtient en beaucoup d'endroits l'accueil de personnes de tout ordre et qu'elle séduit même de nombreux catholiques par l'espoir de former une union conforme, apparemment, aux voeux de notre Mère la Sainte Eglise, laquelle, certes, n'a rien plus à coeur que de rappeler et de ramener à son giron ses enfants égarés. Mais en fait, sous les séductions et le charme de ces discours, se cache une erreur assurément fort grave, qui disloque de fond en comble les fondements de la foi catholique. Avertis par la conscience de notre charge apostolique de ne pas laisser circonvenir par des erreurs pernicieuses le troupeau du Seigneur, nous faisons appel, vénérables frères, à votre zèle pour prendre garde à un tel malheur...".

Les paroles du Pape Pie XI sont donc cohérentes avec celles de Cornelius a Lapide et de Notre Seigneur. Malheureusement, elles sont complètement opposées aux idées de l'encyclique de Jean-Paul II de 1995 sur « l'engagement dans l'œcuménisme », Ut Unum Sint :
"42. Par exemple — dans l'esprit même du Discours sur la Montagne —, les chrétiens d'une confession ne considèrent plus désormais les autres chrétiens comme des ennemis ou des étrangers, mais ils voient en eux des frères et des sœurs. D'un autre côté, même à l'expression frères séparés, l'usage tend à substituer aujourd'hui des termes plus aptes à évoquer la profondeur de la communion liée au caractère baptismal, que l'Esprit nourrit malgré les ruptures historiques et canoniques. On parle des « autres chrétiens », des « autres baptisés », des « chrétiens des autres Communautés ». Le Directoire pour l'application des principes et des normes sur l'œcuménisme appelle les communautés auxquelles appartiennent ces chrétiens des « Eglises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l'Eglise catholique ». Ce développement du vocabulaire traduit une évolution notable des mentalités. La conscience de l'appartenance commune au Christ s'approfondit. Personnellement, j'ai pu le constater à de multiples reprises durant les célébrations œcuméniques qui sont parmi les événements les plus importants de mes voyages apostoliques dans les différentes parties du monde, ou dans les rencontres et dans les célébrations œcuméniques qui ont eu lieu à Rome. La « fraternité universelle » des chrétiens est devenue une ferme conviction œcuménique. Reléguant dans l'oubli les excommunications du passé, les Communautés, un temps rivales, s'aident aujourd'hui mutuellement, dans de nombreuses circonstances ; parfois on se prête des édifices du culte ; on offre des bourses d'études pour la formation des ministres des Communautés qui manquent le plus de moyens ; on intervient auprès des autorités civiles pour la défense des autres chrétiens accusés injustement ; on démontre l'absence de fondement des calomnies dont certains groupes sont victimes."

L'encyclique monumentale de Jean-Paul II sur l'œcuménisme était donc directement contraire à Mortalium Animos du pape Pie XI et à ce que l'Église, suivant l'enseignement clair de Notre Seigneur dans l'Évangile de saint Matthieu, avait toujours enseigné. Jean-Paul II a admis qu'il s'écartait de ce que l'Église avait toujours enseigné - il semblait se réjouir d'annoncer qu'il avait relégué "dans l'oubli les excommunications du passé".
Mais, bien sûr, Jean-Paul II n'avait pas entièrement jeté aux oubliettes les excommunications du passé, puisqu'il en a réservé une à Mgr Marcel Lefebvre, qui avait dit ceci -4 à propos de la réunion de prière œcuménique de 1986 à Assise :
"C’est le premier article du Credo et le premier commandement du Décalogue qui sont bafoués publiquement par celui qui est assis sur le Siège de Pierre. Le scandale est incalculable dans les âmes des catholiques. L’Église en est ébranlée dans ses fondements. Si la foi dans l’Église, unique arche de salut, disparaît, c’est l’Église elle-même qui disparaît. Toute sa force, toute son activité surnaturelle a cet article de notre foi pour base. Jean-Paul II va-t-il continuer à ruiner la foi catholique, publiquement, en particulier à Assise, avec le cortège des religions prévu dans les rues de la cité de saint François, et avec la répartition des religions dans les chapelles et la Basilique pour y exercer leur culte en faveur de la paix telle qu’elle est conçue à l’O.N.U. ?"

Que voulait dire Mgr Lefebvre lorsqu'il mettait en garde contre la "ruine" de la foi catholique par l'œcuménisme ? Pourrait-il y avoir un lien direct entre l'apostasie de masse que nous observons dans l'Église aujourd'hui et le fait que presque tous les évêques, depuis plusieurs décennies, ont au moins tacitement accepté la vision de l'œcuménisme de Jean-Paul II ?
Si nous prenons au sérieux les paroles du pape Pie XI dans Mortalium Animos, nous devrions conclure qu'il existe en effet un lien direct entre l'apostasie de masse d'aujourd'hui et l'œcuménisme promu par Vatican II et Jean-Paul II :
"Pouvons-nous souffrir - ce serait le comble de l'iniquité - que soit mise en accommodements la vérité, et la vérité divinement révélée ? Car, en la circonstance, il s'agit de respecter la vérité révélée. Puisque c'est pour instruire de la foi évangélique tous les peuples que le Christ Jésus envoya ses Apôtres dans le monde entier et que, pour les garder de toute erreur, il voulut qu'ils fussent auparavant instruits de toute vérité par l'Esprit-Saint (Jn. XVI, 13), est-il vrai que, dans l'Église que Dieu lui-même assiste comme chef et gardien, cette doctrine des Apôtres a complètement disparu ou a été jamais falsifiée? Si notre Rédempteur a déclaré explicitement que son Évangile est destiné non seulement aux temps apostoliques, mais aussi aux âges futurs, l'objet de la foi a-t-il pu, avec le temps, devenir si obscur et si incertain qu'il faille aujourd'hui tolérer même les opinions contradictoires ? Si cela était vrai, il faudrait également dire que tant la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres que la présence perpétuelle de ce même Esprit dans l’Église et la prédication elle-même de Jésus-Christ ont perdu, depuis plusieurs siècles, toute leur efficacité et tout leur utilité: affirmation évidemment blasphématoire."
Lorsque Jean-Paul II déclare que nous ne devons plus parler de "frères séparés" ou d'excommunications pour ceux qui rejettent l'enseignement de l'Église catholique - et que nous devons plutôt rechercher l'unité de toutes les âmes baptisées - il dit indéniablement que nous devrions "tolérer des opinions qui sont même incompatibles les unes avec les autres". Le pape Pie XI a qualifié cette attitude de blasphème, qui sape et contrecarre l'action du Saint-Esprit dans l'Église.

Tout cela n'est qu'une question de bon sens. Pendant près de deux mille ans, on a dit aux catholiques qu'ils devaient suivre les enseignements difficiles de l'Église s'ils voulaient plaire à Dieu et sauver leur âme. Depuis la révolte de Martin Luther, les catholiques ont eu la possibilité de suivre certains enseignements catholiques et d'en rejeter d'autres s'ils souhaitaient devenir protestants ; en effet, s'ils ne trouvaient pas d'église protestante correspondant à leurs croyances, ils pouvaient simplement en créer une qui y correspondait. Pourtant, pendant tous ces siècles, les catholiques ont suivi les enseignements difficiles de l'Église catholique parce qu'ils considéraient l'Église comme le révélateur de la vérité que Dieu nous a donné et comme l'unique arche du salut. Que se passerait-il si l'institution qu'ils considéraient comme la seule arche de salut annonçait brusquement que toutes les religions chrétiennes étaient agréables à Dieu et capables de conduire les âmes au paradis ? Ceux qui auraient le courage et la capacité intellectuelle de réfléchir à un tel changement se demanderaient certainement s'il est vraiment nécessaire de suivre le difficile enseignement de l'Église catholique.

C'est en effet ce à quoi nous assistons depuis Vatican II. Relativement peu de protestants sont devenus catholiques après le Concile, mais il y a eu des départs nets massifs des bancs catholiques parce que la religion de Jean-Paul II est, de son propre aveu, un changement par rapport à ce que l'Église catholique a toujours enseigné. Mais si l'Église peut changer de cette manière, c'est qu'elle n'a jamais été un diseur de vérité et que le Saint-Esprit ne demeure pas en elle. Le mouvement œcuménique opère donc comme une anti-Pentecôte blasphématoire dans l'Église, semant la confusion sous couvert d'unité.

Le commentaire de Dom Guéranger sur la Pentecôte comprenait une image qui nous aide à visualiser ces grandes différences entre l'Église catholique, dans laquelle le Saint-Esprit demeure toujours, et l'Église synodale de François, qui est construite sur les fondations blasphématoires du faux œcuménisme :
"Depuis Babel, le langage humain est divisé, et la parole ne circule pas d’un peuple à l’autre. Comment donc la parole pourra-t elle être l’instrument de la conquête de tant de nations, et réunir en une seule famille tant de races qui s’ignorent ? Ne craignez pas : le tout-puissant Esprit y a pourvu. Dans l’ivresse sacrée qu’il inspire aux cent vingt disciples, il leur a conféré le don d’entendre toutes langues et de se faire entendre eux-mêmes en toute langue. À l’instant même, dans un transport sublime, ils s’essayent à parler tous les idiomes de la terre, et leur langue, comme leur oreille, se prête non seulement sans effort, mais avec délices, à cette plénitude de la parole qui va rétablir la communion des hommes entre eux. L’Esprit d’amour a fait cesser en un moment la séparation de Babel, et la fraternité première reparaît dans l’unité du langage." (p. 281)

La foi catholique inaltérée et immuable est le seul langage qui puisse unir tous les hommes de bonne volonté. Tragiquement, le faux œcuménisme qui a prospéré depuis Vatican II déforme la foi catholique en essayant de l'adapter aux appétits et aux idées fausses de chacun. Ce faisant, le fondement œcuménique de l'Église synodale cherche à remplacer le miracle de la Pentecôte par la confusion de Babel.

Tout catholique désireux de s'opposer à la désorientation diabolique qui émane de l'Église synodale de François doit répudier le faux œcuménisme sur lequel elle est bâtie. Sans cela, tout autre effort pour contrer les efforts destructeurs de François est non seulement voué à l'échec, mais renforcera en fait les fondations impies qui ont rendu possible son occupation de la papauté. Cœur Immaculé de Marie, priez pour nous !
Robert Morrison 22 mai 2024 The Remnant
AveMaria44
Le vrai Roc c'est le Christ, qui dit à Pierre : "tu es Pierre et sur cette pierre je bâtis mon Église."
Catholique et Français
Vatican II a été présenté comme "une nouvelle Pentecôte"... Voici le commentaire de 1993 de l'abbé de Nantes à propos d'un songe prophétique fait par saint Jean Bosco en 1873 : «C’était durant une nuit obscure; les gens n’arrivaient plus à distinguer le chemin à suivre pour rentrer chez eux. Lorsqu’apparut dans le ciel une splendide lumière qui éclairait les pas des voyageurs comme en plein …Plus
Vatican II a été présenté comme "une nouvelle Pentecôte"... Voici le commentaire de 1993 de l'abbé de Nantes à propos d'un songe prophétique fait par saint Jean Bosco en 1873 : «C’était durant une nuit obscure; les gens n’arrivaient plus à distinguer le chemin à suivre pour rentrer chez eux. Lorsqu’apparut dans le ciel une splendide lumière qui éclairait les pas des voyageurs comme en plein midi...» : "Cette lumière, explique l'abbé de Nantes, est «une fausse lumière d’une Pentecôte diabolique, fascinant dans l’univers tous ceux qui n’étaient pas fermement attachés au Roc de Pierre et fondés sur la foi. C’était le pire des prestiges de Satan… la suite dès lors est parfaitement compréhensible.» On pourra pas dire qu'on n'a pas été prévenus...