Je vous en prie.
Outre le fait que le fondement théologique – et a fortiori dogmatique – de la double nature corporelle du pape provienne de ce que chacun des enfants du Seigneur est un des membres de Son Corps mystique – soit l’Église catholique –, outre le fait que nous soyons nous-mêmes constitués (1) d’une personne physique et d’une autre, spirituelle, voici ce que j’ai encore modestement …Plus
Je vous en prie.
Outre le fait que le fondement théologique – et a fortiori dogmatique – de la double nature corporelle du pape provienne de ce que chacun des enfants du Seigneur est un des membres de Son Corps mystique – soit l’Église catholique –, outre le fait que nous soyons nous-mêmes constitués (1) d’une personne physique et d’une autre, spirituelle, voici ce que j’ai encore modestement retenu des principales étapes du raisonnement de l’Anonyme :
Le Roi est persona geminata : les deux personnes du Roi sont l’une ex natura, l’autre ex gratia. L’une, physique, réside dans le caractère propre de l’homme ; l’autre est métaphorique : elle se situe dans l’esprit et la vertu.
Dans la première – la personne physique –, le Fils de l’homme est naturellement individu ; dans la seconde, il est Christ par l’effet de la grâce, c’est-à-dire Dieu-homme. Le Roi est Dieu et Christ par l’effet de la grâce ; ce qu’il fait, il ne le fait « nullement en tant qu’homme ». L’opposition entre personne et fonction est poussée à l’extrême : l’auteur en arrive à affirmer que, dans son humanité, le Christ Lui-même est faible (2). En ce qui concerne les évêques, le point de vue de l’Anonyme est sans conteste anti-théocratique : le roi représente in officio les deux natures du Christ.
Après avoir parlé du roi, notre homme se tourne vers l’évêque, puis en arrive au pape. L’évêque est inférieur au Roi, car il représente le Christ dans sa seule dimension humaine.
Quant au pape, l’Anonyme propose une triple distinction : primo, le successeur de Pierre possède une multiplicité de personnes : le pape possède la personne de souverain pontife et d’homme, mais aussi celle de pécheur. En tant que personne, le souverain pontife, est comme les hommes ; en tant que personne de pécheur, il est au-dessous d’autres hommes – dont certains pèchent moins que lui. En tant que souverain pontife, il ne pèche pas, mais peut remettre les péchés. Comme tel, on doit le vénérer et l’honorer plus que tous les autres hommes et nul ne peut le juger.
Secundo : comme personne humaine, même s’il ne pèche pas, il ne peut remettre les péchés et, comme tel, il doit être vénéré et honoré, mais aussi jugé en tant qu’homme. Comme pécheur, il ne doit être ni vénéré ni honoré, mais jugé comme inférieur aux hommes qui commettraient moins de péchés que lui.
Tertio : il n’est pas juste de révérer et d’honorer de la même manière l’apôtre, l’homicide ou l’adultère ; il est mal de mettre sur le même pied l’ordre très saint du souverain pontife et le crime très scélérat de l’homicide ou de l’adultère.
En conclusion, l’Anonyme nous dit que « Ce n’est pas en tant qu’homme que nous devons lui obéir, parce que l’on ne peut devoir semblable obéissance à un homme. En cas contraire, on devrait cette obéissance à tout homme. » Si l’on doit obéissance au pape, c’est « en tant qu’apostolique, c’est-à-dire comme envoyé du Christ. »
Certes, si la théologie – notamment morale – a continué à évoluer en même temps que les personnes de bonne volonté ; la conception, de l’Anonyme, des personnes physique et supranaturelle du pape nous fait aussi nous rendre compte de l’étendue de l’erreur du présent locataire de la Chaire de Pierre, qui, comme nous le savons, a officiellement supprimé le titre de vicaire – soit d’envoyé, soit de serviteur – du Christ de l’Annuaire officiel du Vatican…
De mon point de vue de catholique ayant la foi intégrale, je considère que le statut de vicaire du Christ constitue le fondement même de tout pontificat qui se respecte. Sans ledit statut, la vie même du chef du Vatican est indigne d’accéder au Repas pascal de l’Agneau et d’être offerte à l’Eglise, dont nous sommes les membres…
Pour que « les âmes des saints trépassés ne trouvent pas pénible la mort qui les a séparées de leurs corps, parce que leur chair se repose dans l’espérance, quels que soient les outrages infligés à cette chair inanimée » (3), il convient d’abord que leur pèlerinage sur la Terre – tant physique que spirituel – ait consisté en la fervente préparation de la comparution de leur âme devant l’Assemblée céleste.
Espérant avoir pertinemment répondu à votre question, espérant ne pas m’être montré trop long, je vous partage, cher Arthur, la paix du Rois des rois.
Laurent
NB : au niveau des références, je puis encore vous citer : Agostino PARAVICINI BAGLIANI, Le corps du pape, trad. de l’italien par C. Dalarun Mitrovitsa, Paris, 1997.
(1) In extenso, le pape devrait être la personne humaine la plus susceptible de transcender ces deux aspects…
(2) Au sens paulinien du terme ; donc que l'homme, tout comme le Christ, se glorifie dans son dénuement ; voir II Corinthiens, XII, 10
(3) SAINT AUGUSTIN, Cité de Dieu, Livre XIII, 19