Ludovic Denim
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Les premiers flux migratoires suisses vers l’Algérie remontent au milieu du XIXe siècle et suivent de peu l'occupation française. La France soutient activement l'immigration en provenance de Suisse et d'Allemagne, en partie pour contrebalancer les flux spontanés en provenance d'Italie, d'Espagne et de Malte.
«On peut parler de deux formes d'immigration suisse en Algérie», souligne l'historienne …Plus
Les premiers flux migratoires suisses vers l’Algérie remontent au milieu du XIXe siècle et suivent de peu l'occupation française. La France soutient activement l'immigration en provenance de Suisse et d'Allemagne, en partie pour contrebalancer les flux spontanés en provenance d'Italie, d'Espagne et de Malte.

«On peut parler de deux formes d'immigration suisse en Algérie», souligne l'historienne Marisa Fois, auteure d'une étude sur la présence suisse dans ce pays d'Afrique du Nord. D'un côté, il y a les personnes qui quittent leur pays pour échapper à la misère. C'est le cas de nombreux migrants et migrantes du Valais et du Tessin.

D'autre part, il y a des entrepreneurs suisses qui investissent des capitaux privés en Algérie. Le cas le plus connu est celui de la colonie de Sétif, 20’000 hectares de terres accordées par Napoléon III à une société genevoise dont Henry Dunant, le père de la Croix-Rouge, figure au registre des fondateurs.

La Confédération n’a pas de visées strictement coloniales. Cependant, le cas algérien montre à quel point la Suisse s'insère dans les structures coloniales (en l'occurrence françaises), soit par des initiatives entrepreneuriales, soit par la présence d'émigrés et d’émigrées suisses. Marisa Fois parle d’une «approche paracoloniale».

La fin de la Seconde Guerre mondiale correspond à la renaissance du mouvement d'indépendance algérien. La communauté suisse reste d’abord à l'écart du conflit. «Au début, on a l'impression qu'il s'agit d'une phase passagère, qui n'aura pas d'incidence sur la vie de la colonie», note Marisa Fois.

Cependant, à mesure que le conflit se poursuit, les tensions et les craintes augmentent. Les demandes de recouvrement de la nationalité suisse sont en hausse et les autorités suisses commencent à être confrontées au problème des rapatriements.

Mais Berne est aussi impliquée à d'autres niveaux dans la guerre d'Algérie. La diplomatie suisse joue un rôle de premier plan dans les négociations qui aboutissent à la signature en 1962 de l'accord d'Évian prévoyant un cessez-le-feu entre la France et le gouvernement provisoire algérien. C'est une étape décicisive sur la voie de l'indépendance de l'Algérie, proclamée le 3 juillet de la même année.

La Suisse est également un lieu de refuge pour de nombreuses personnes réfugiées d’Algérie. Il paraîtrait même que la décision de prendre les armes contre la puissance coloniale française a été prise par les dirigeants du Front de libération nationale (FLN) algérien en 1954 à Berne, pendant la Coupe du monde.

À partir de 1956, les départs d'Algérie dépassant les arrivées, la question du rapatriement des citoyens et citoyennes suisses devient prioritaire. En 1958, un fonds de solidarité pour les Suisses de l'étranger est créé avec le soutien de la Confédération.

La signature des accords d'Évian, les troubles qui suivent la proclamation de l'indépendance et la nationalisation des biens appartenant à des ressortissants étrangers en 1963 conduisent à l'exode définitif des Européens et Européennes du pays d'Afrique du Nord.

Reste que les tentatives répétées de la Confédération afin d’obtenir des réparations de la part de l'Algérie ou de la France sont vouées à l’échec. En 1989, le Conseil fédéral renonce finalement à ses prétentions à l'égard de l'Algérie. En 2000, le Congrès des Suisses de l'étranger classe également le dossier algérien.

Cette affaire reste emblématique de la difficulté pour les anciens colons à faire face au processus de décolonisation. En cela, les Suisses d'Algérie ne sont pas différents des personnes rapatriées dans les pays coloniaux. La différence est que la Suisse, comme le note Marisa Fois, vit une «décolonisation sans colonies».
swissinfo.ch

Comment un pays sans colonies a vécu la décolonisation

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