Maximilian Schmitt
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Une petite chronologie de l'affaire copte et sa portée face au Novus Ordo de la consécration épiscopale de Montini (Paul VI)

1704: Résolution de l’affaire abyssinienne

On prétend qu’en 1704, le Saint-Siège a décidé que les mots « Accipe Spiritum Sanctum », quand ils sont prononcés lors de l’imposition des mains, suffisent à conférer l’ordination sacerdotale. Certes, si elle était authentique, cette soi-disant décision de 1704 contredirait indubitablement le premier des deux arguments (et celui-là seul) par lequel Apostolicae Curae établit l’insuffisance de la forme anglicane ; mais le croire serait méconnaître la nature de ce qui est en jeu. En bref, les faits sont les suivants.

La Congrégation du Saint-Office porta l’affaire devant l’un de ses consulteurs, le Père Damasceno, qui déclara finalement dans l’une des clauses de sa résolution : « L’ordination d’un prêtre par l’imposition des mains et la récitation de la forme telle qu’elle est décrite dans le cas douteux [soulevé] est valide, mais l’ordination du diacre par la seule imposition de la crosse est absolument invalide ». Soumise à Clément XI, cette clause de la résolution du consulteur parut incertaine à Sa Sainteté, qui la rejeta en écrivant contre elle dans la marge Dilata ad mentem (« Suspendu pour la raison donnée [en privé]). »

Étant donné que Clément XI a rejeté la résolution du Père Damasceno, on ne peut déduire de celle-ci aucun argument favorable à la position anglicane ; mais par quelque mésaventure inexpliquée, cette résolution s’est retrouvée dans l’appendice du traité de la Théologie Morale d’Antoine SJ, où elle est présentée non pour ce qu’elle est réellement, c’est à dire la résolution rejetée d’un consulteur, mais la réponse authentique du Saint Siège lui-même. Et le mal ne s’est pas arrêté là.

Cette erreur manifeste du père Antoine s'est ensuite installée pendant près de 200 ans parmi les théologiens de morale qui, pendant cette période, ont enseigné autre chose que les dogmaticiens.

13 jan. 1882
 : le Saint-Office déclarait valide une des formes de baptêmes qui ressemble à celle des monophysites coptes (voir chez Zitelli) mais sans publier sa décision dans les ASS. (ego te baptizo in nomine Patris et in nomine Filii etc. ). En plus une censure contre les adhérents de la thèse du contraire que cette forme en question soit invalide, n’était pas publiée, vu qu’il y avait trop de noms de théologiens très réputés qui s’y opposaient.

Beaucoup de théologiens de théologie morale changent dans la suite leurs éditions nouvelle de leurs livres après cette date (Castello et Buceroni p. ex.). Les spécialistes de l’époque interprètent cette décision comme un très rare « dubium tenuissimum - la moindre des doutes » où on peut, mais on n’est pas obligé de re-conférer le baptême sous conditions.

1892 : Le Saint-Office publiait un rappel avec une longue liste concernant les décisions point vu des cas de baptêmes douteux (ASS25, Appendix IL, à partir de page 242). Dans cette liste de rappel, la décision du 13 jan. 1882 est absente, malgré le fait que la liste reprend des décisions à partir de 1460. On peut considérer ce rappel comme rétractation tacite de la décision de 1882.

1895 - 1899 : Le Saint Siège publie la traduction polyglotte des actes synodaux de la fondation d’un patriarcat copte-catholique comme une Eglise ‘sui iuris’. Dans ces actes synodaux les abus des monophysites au niveau du baptême sont énumérés en détails. Mention spéciale souligne cette forme en question dont on a parlé ci-dessus. Elle est qualifiée comme contraire à la tradition apostolique et absolument illicite. On fait aussi mention d’une autre manière des monophysites qui est absolument invalide (troncage des paroles « je te baptise »). On peut se poser la question pourquoi une forme de baptême classifiée comme contraire à la tradition apostolique pourrait être valide ?

1908
 : Démission du premier patriarch Kyrillos II Makarios. Le clergé copte catholique, comme avant, continue d’être, et de recevoir les ordres, dans le rite romain.

1931 : La cardinal Sincero approuve d’une façon provisoire le pontifical pour l’Église éthiopienne catholique. Il s’agit d’une traduction du pontifical romain jusqu’à l’ordre sacerdotal, sauf celle du rite de la consécration épiscopale en langue Ge’ez.

1941 : Apparition au Vatican d’une édition piratée (Dr. Heinzgerd Brakmann dans son article dans l’hoomage au père Robert Taft SJ, 1993) d’un pontifical en Ge’ez, laquelle à l’origine était éditée par le patriarcat copte monohysite pour ces éthiopiens qui dépendaient d’eux. L’Encyclopaedia Aethiopica nomme le père Arnaud van Lantschoot O. Præm., vice-directeur de la Bibliothèque du Vatican comme responsable, ainsi qu’Abouna Kidane Maryam Kassa, directeur de l’Institut Pontifical Ethiopien. Ce pontifical (Mäshafä Pappas) qui ne contient plus la consécration épiscopale, était immédiatement mis en pratique par l’Abouna Kidane Maryam Kassa selon l’Encyclopédie. Un exemplaire de ce pontifical se trouve dans la Bibliothèque de l’Université de Vienne.

1940 – 1944 : Révision complète des anciens manuscrits en araméen du pontifical jacobite par le père Vosté O.P., commandé par la Congrégation des Eglises orientales. Cette traduction devait remplacer les anciennes traductions de la collection Assemani telle quelle se trouve dans l’ouvrage de Denzinger, « Ritus Orientalium ». La nouvelle traduction critique et scientifique permettait d’éditer le pontifical de Charféh sous l’autorité du cardinal Tappouni. Pendant cette période, le cardinal Tisserant risquait un conflit avec les maronites, car il les soupçonnait d’avoir menti au Saint Siège depuis des siècles. Il se servait de sa créature Jean-Baptiste Chabot, jusqu’au moment où les maronites interdisaient à ce dernier l’accès à leurs archives. Tisserant était dès lors obligé de venir en personne pour ses recherches.

17 juillet 1946 : Pie XII a créé une commission liturgique en y nommant Annibale Bugnini.

1947 : Fin de la vacance du siège patriarcal d’Alexandrie. Pie XII nomme Markos II Khouzam comme patriarche.

1952 : Approbation du pontifical jacobite de Charféh sous le cardinal patriarche Tappouni qui remplace le pontifical du cardinal Rahmani. Ce nouveau pontifical contient une distinction claire au niveau des chapitres de la consécration épiscopale et de l’investiture du patriarche [une solennité juridictionnelle] et éliminait des multiples latinisations.

1952 – 1966 : série d’article du père Joseph Lécuyer sur la consécration épiscopale.

1957 : Promulgation du droit canon orientale (cleri sanctitati) par Pie XII [AAS49, page 443]. Ce qui est spécifique : Dans ses ressources (fontes) on trouve les soi-disant « canons apostoliques » qui sont annexés au VIIIe livre des Constitutions pseudo-apostoliques. À l’époque du Trullanum le Saint Siège refusait de les accepter pour s’incliner finalement devant l’empereur à Constantinople en acceptant seulement une version purgée de cinquante canons, mais refusait toujours d’affirmer son origine apostolique. Mais l’ordre numérique des « canones apostolorum » dans le nouveau droit canon de Pie XII pour les Eglises orientales dépasse largement les cinquante. Donc, il s’agit de toute la collection pseudo-apostolique du Trullanum ! Implicitement Pie XII (déjà très malade à l’époque !) acceptait ainsi la canonicité du Trullanum qui lui aussi et référencié comme source [Syn. Trullan., a. 691]. et « l’origine apostolique » de ces canons pseudo-apostoliques. Avant la réforme liturgique sous Montini qui acceptait la littérature pseudépigraphe comme source, la première faille arrivait ainsi sous Pie XII, lorsque des sources pseudo-apostoliques devinrent une inspiration pour son droit canon oriental. Si on accepte cela pour le droit canon, pourquoi avoir des réserves à l’idée de faire la même chose face à la liturgie ?

Des publications récentes selon lesquelles des papes ultérieurs comme Adrien Ier et Jean VIII auraient reconnu le Trullanum ne correspondent pas aux faits, comme le démontre Hefele dans son Histoire des Conciles. La situation est similaire à celle du concile de Bâle, puisque Martin V n'a également reconnu qu'une certaine sélection des textes conciliaires.

1958
 : Première consécration épiscopale pour l’Église éthiopienne catholique en Ge’ez (selon le Dr. Heinzgerd Brakmann), probablement inspiré par des coutumes d’Alexandrie. On ignore s’il avait une traduction du rite romain en Ge’ez ou non. Il manque la documentation, même pour les experts qui s’en plaignent !

10 sept. 1965 : Le Consilium dirigé par Annibale Bugnini, Dom Botte et le Père Joseph Lécuyer établit le schéma 102 dans le cadre de sa rédaction du Novus Ordo de la consécration épiscopale. Sur le dernier feuillet, on trouve la note suivante :

« Conclusion - Il est clair que dans une telle affaire, seul le jugement de l'Autorité suprême est compétent. Après avoir exposé les résultats de notre enquête, nous ne pouvons faire autrement que de demander au pape que l'Église romaine, en examinant la question de plus près, revienne à la tradition ancienne et universelle. Il en ressort mieux que l'ordination épiscopale n'est pas seulement le transfert d'une autorité de personne à personne, mais l'acte d'ajout d'un nouveau membre par le collège épiscopal. De cette manière, l'unité de l'Église apparaîtra encore mieux, la même tradition qui a été observée dès le début en Occident comme en Orient ».

On remarque de suite que ce que le Consilium visait faire pour la consécration épiscopale, la pratique copte-catholique observe cette l'idée du Schema 102 au niveau de l'ordination sacerdotale. Comment on en est arrivé là que cela restait inconnu ?

1967 : La fin définitive du rite romain parmi les coptes catholiques. Cette circonstance ressort clairement du fait que le nombre de co-consécrateurs passe de deux à trois, ce qui ne faisait pas partie de l'ancien rite romain. Chez eux depuis le Concile Vatican II, les ordres se font par des inspirations du moment. Il n’existe aujourd’hui aucun pontifical copte catholique approuvé, au moins invisible dans la pratique liturgique ! Les cérémonies de l’ordre se passent avec des feuillets et des cahiers sortis de boutiques de photocopieurs. L’invalidité sacramentelle est certaine de l’ordination sacerdotale où deux évêques se partagent le « travail » ; l’un est responsable pour l’imposition de mains, l’autre pour la prière d’ordination.

1968 : « Pontificalis Romani recogniti » déclare que ce Novus Ordo de la consécration épiscopale reproduit « magna ex parte » les rites des coptes et syriaques occidentaux. Où est ce pontifical copte catholique ou éthiopien catholique approuvé ?

1973
 : Déclaration commune de Paul VI et Chénouda III au Vatican. On déclare mutuellement que chaque Eglise à les sept sacrements valides, au moins il n’y a pas d’objection.

ETUDES, revue jésuite, oct. 1976, article "œcuménisme au proche orient", page 572 [gallica.fr]:

« Autre problème concret, très sensible en Égypte : la reconnaissance réciproque des sacrements, en particulier du baptême et du mariage. Depuis la fin du siècle dernier, les coptes catholiques avaient adopté la pratique de rebaptiser sous condition tous les coptes orthodoxes qui voulaient entrer dans l’Église catholique. Pratique humiliante pour les personnes concernées, car cette manière d’agir équivalait à les considérer comme n’étant même pas chrétiens. Pour l’Église copte orthodoxe elle-même, c’était comme une injure : cette Église, qui a maintenu sa foi et sa fidélité tout au long d’une histoire souvent très difficile, voyait pratiquement mis en doute le fondement même de son existence. Cette attitude des coptes catholiques a eu comme conséquence une réaction analogue de la part des orthodoxes. Ils ont mis en question la validité du baptême catholique et ont adopté, à une période assez récente, la pratique de rebaptiser tous les catholiques qui se joignent à leur Église, à l’occasion de mariages mixtes ou autrement. Un tel durcissement réciproque, dépourvu de tout fondement théologique sérieux, suscite évidemment des méfiances et des ressentiments qui ne se laissent pas surmonter du jour au lendemain. Au cours des dernières années, les catholiques ont adopté une attitude plus souple et plus éclairée, mais la réaction orthodoxe restait très vive, encore récemment, ... »