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La croix de l'ouvrier Sculpture jariku.fr/sculpture-design-1/a-galerie Hauts de France, Lens 2024 L'œuvre ici-même est réalisée avec des matériaux de chantier, soit laissé par des ouvriers lors de …Plus
La croix de l'ouvrier

Sculpture
jariku.fr/sculpture-design-1/a-galerie
Hauts de France, Lens
2024

L'œuvre ici-même est réalisée avec des matériaux de chantier, soit laissé par des ouvriers lors de différents chantiers, ou étant dans les stocks de l’atelier. Recyclage, arte povera, acte simple sur la matière, espoir de conversion sont aux creux de cette œuvre.

Nous observons une croix qui est peu stable, un peu comme un culbuto, une base en ciment blanc aide à l'érection d'une croix primitive. La tige est un tuyau de cuivre avec un morceau de canne de bâtisseur; le sommet est serti d'une pyrite d’or appelé aussi l’or des fous, le cœur est une rose des sables, une pierre du désert. Sur la base un escargot fossilisé avec des couleurs chatoyantes.

Derrière une œuvre qui peut paraître rustre, voire même froide,
se déniche un message subtil et puissant. Un message pour les compagnons, pour les fraternités de bâtisseurs et pour ceux dont la foi est faible voire balbutiante.

Au douzième siècle et l'essor de l'art gothique, les compagnons sont aussi bien vus comme une caste d'artisans et techniciens avec des savoir-faire remarquables, mais aussi comme une caste dont certains rites de passage sont vus comme étranges, voire ésotériques. Dans cette époque où le peuple à pour objectif essentiel la possibilité d’échapper à la mort, soit de développer la foi pour accéder au royaume des cieux et à la résurrection de la chair au retour du Christ. La plupart des chantiers tournent autour de l'édification des lieux religieux, les cathédrales en particulier.

Les architectures sont splendides, presque chaque pierre, mosaïque, fresque et dorure est une œuvre d’art à part entière. L'unité du peuple crée un message solaire, qui ouvre la possibilité de chantiers qui se legs de générations en génération dans une confiance véritable, jusqu'à l'émergence d’œuvres et d'architectures époustouflantes.

A cette époque les compagnons sont soumis aux évêques et aux prêtres pour une œuvre axée en direction du ciel; les sorcières, mages et alchimistes sont soumis aux saints et saintes qui cadrent les pratiques spirituelles lumineuses et chassent l'obscurité; la matière doit être soumise à l'Esprit-Saint pour que le divin qui est en l'homme de foi soit visible dans la création humaine. L'Harmonie substantielle de la civilisation est parfaite et crée un vrai bond en avant des arts, de la culture et de la démographie même en temps de guerre ou d'épidémie.

Les compagnons qui se réclament d'un héritage spirituel des bâtisseurs du temple de Salomon, comme plusieurs sectes, se retrouvent cadrés et rappelés à l'ordre via l'église.

Le XVIIe siècle voit l’Église réprouver et sanctionner les désordres, débauches, « pratiques impies, sacrilèges et superstitieuses » de plusieurs compagnonnages. Elle prononce une « Résolution » à la Sorbonne à leur encontre en 1655, à l'initiative d'Henry Buch, fondateur des Frères cordonniers et tailleurs.

Derrière l'apparente banalité du commun, se trouve le combat séculaire entre la cité du ciel, le paradis dit Jérusalem Céleste, et la cité de la Terre, la babylone des hommes orgueilleux, le chantier de l'enfer. Les Saints bâtisseurs contre les bâtisseurs d'iniquités!

Selon les Saintes Écritures chaque Humain est une pierre vivante. L'église œuvre à intégrer ces pierres à l'architecture de la Sainte église qui sera ressuscitée pour régner dans l'éternité; les sectes ésotériques cherchent à convaincre les hommes de se vendre comme une pierre de leur édifice infernal et éphémère en échange de "pouvoirs occultes", d'avantages terrestres ou de "richesses matériels".

Aujourd'hui encore, les compagnons initient aux pratiques magiques au sortir des formations scolaires, ouvrant la route de la damnation aux jeunes naïfs pleins de bonnes intentions, même le passage rituel d’acception comme compagnon est souvent truffé de symboles ésotériques. Le rejet de l’œuvre ecclésiastique et le fait que les chantiers ne soient presque plus à vocation sacrée à baissé les niveaux techniques des savoirs artisanaux, et repousser les compagnons loin de l'exquise grâce que pouvait leur offrir la pénitence de travailler sous l'autorité Papale, voire Royale.

La pyrite d'or, dit l'or des fous, est un moyen de rappeler que la recherche d'argent avant celle de la vie éternelle est comparable à une "folie" aux yeux de Dieu. La rose des sables vient rappeler à l'Homme qu'une vie sans le Christ Jésus est un désert spirituel asséché et aride. L'escargot fossilisé fait référence aux langages secrets des initiés "L'est-ce qu'argot?"; un langage particulier inspiré des dimensions invisibles, qui normalement est à l'usage des saints et doit être utilisé dans l'amour comme dit Saint-Paul lorsqu'il parle de la langue des anges, mais que les occultistes utilisent pour maudire ou parler en secret. Il consiste notamment à placer plusieurs sens dans une phrase, exemple: L'art est une force > L'arrêt tune force (l'arrêt de l'argent comme une force); exemple: La belle vie > L'Abel vie (selon les Saintes Écritures, Abel est le symbole des hommes qui sont agréés selon la volonté divine, et que son frère jaloux Caïn a assassiné); exemple: L'Europe est en marche > L'Heure Hope haïe temps marche (L'heure de l'espoir est hors du temps, elle vise l'éternité).

La croix de l'ouvrier est en même temps une critique, un espoir, un appel aux compagnons à rentrer à la vraie maison, sous l’égide de la sainte église, dans la vraie foi, pour recevoir la grâce, faire pénitence. Il s'agit d'être libéré de l’emprise de la matière pour à nouveau créer avec une dextérité sublimée dans une œuvre sainte, céleste. Nous rappelant aussi que même si la foi est bien un don divin, bâtir sa propre foi exige patience, persévérance et confiance dans l'action du Seigneur dans nos vies.