Funérailles conciliaires et catholiques en miroir

LES CARENCES DE LA NOUVELLE LITURGIE DES OBSÈQUES ET POURQUOI LES FIDÈLES SONT ATTACHÉS À LA FORME EXTRAORDINAIRE DE LA LITURGIE DES FUNÉRAILLES…
"Paix Liturgique"
Notre lettre 440 publiée le 20 mai 2014


Bien des fois nous avons évoqué l’affaiblissement de l’expression de la messe comme reproduction non sanglante du sacrifice de la Croix. Dans notre lettre 413 du 12 novembre 2013, nous remarquions que le baptême, dans la forme ordinaire du rite romain, résultait en une cérémonie plus « bavarde » et moins signifiante théologiquement que celui dans la forme extraordinaire. Notamment parce que l’aspect de combat contre le démon et d’enrôlement sous l’étendard du Christ du baptisé y est très fortement gommé (1).

De la même façon, on peut dire du rituel des funérailles en sa forme ordinaire, et plus encore de la pratique commune de ce rituel nouveau, qu’il affaiblit notablement la prédication de la lex orandi à propos des fins dernières. Comme si on craignait, dans cette pastorale des défunts, d’annoncer clairement les vérités dérangeantes du salut : le jugement particulier, le Purgatoire, le risque de damnation. Nous examinerons ici le rituel lui-même, et dans une prochaine lettre, nous parlerons de la pratique commune des funérailles aujourd’hui.

I – L’ABANDON DE LA PRÉDICATION DES FINS DERNIÈRES

Les pasteurs de l’après-Concile ont assurément manqué, au prétexte de « l’adaptation au monde moderne », une extraordinaire occasion d’évangélisation : au lieu de cultiver l’éblouissante différence de la liturgie chrétienne dans la société sécularisée, hédoniste et matérialiste d’une modernité épuisée, ils ont affadi le culte chrétien esthétiquement et théologiquement. Comme si le message du Christ, tel que transmis dans la prière traditionnelle de l’Église, était irrecevable pour les hommes d’aujourd’hui, à cause de ses saintes aspérités.

« Le rite des funérailles doit exprimer de la manière la plus évidente le caractère pascal de la mort chrétienne, et devra répondre mieux aux situations et aux traditions de chaque région, même en ce qui concerne la couleur liturgique », disait le n. 81 de la Constitution conciliaire sur la liturgie. De fait, les obsèques se situent dans le premier moment du « mystère pascal », la mort. Mais on préfère aujourd’hui ne porter l’accent que sur son terme, la résurrection, quitte à évacuer la juste crainte du jugement particulier et du jugement dernier. D’où cette tendance à donner un caractère « festif » à la célébration des funérailles.

Qui assiste aujourd’hui à des obsèques chrétiennes en retire généralement l’impression que c’est l’entrée au paradis du défunt que l’on fête, que l’on célèbre plus un « enciellement » qu’un enterrement (2) ! Certains hommes d’Église n’hésitent pas d’ailleurs à utiliser ce néologisme pour parler des funérailles religieuses puisque – comme le proclamait le mensuel du diocèse de Lyon en novembre 2009 – « nous allons tous ressusciter » ! Traditionnellement, pourtant, l’Église se garde bien de canoniser sans jugement préalable tous ceux dont on porte la dépouille en terre ; ce que traduit bien la liturgie des défunts dans sa forme extraordinaire. À une seule exception, toutefois, celle des petits enfants baptisés, pour lesquels la messe des funérailles est remplacée par une messe festive, par exemple celle des Anges.

Il faut cependant se garder de rendre les prêtres uniques responsables de cette dérive. En réalité, ils ne font souvent que répondre, ou céder, au désir voire aux exigences des familles des défunts. « Surtout, n’insistez pas trop sur la mort, d’accord ? » ou « Ne faites pas un sermon trop triste, hein ? » sont quelques-unes des requêtes faites par les parents, qu’ils soient pratiquants ou non. Si cette attitude n’est pas surprenante, compte tenu de la tendance lourde de la société contemporaine à bannir tout signe visible de deuil ou de souffrance, il est toutefois dommage qu’elle soit encouragée par la liturgie et son interprétation.

II – UN GOMMAGE DANS LE RITUEL ET LES TEXTES

L’abstention trop fréquente d’une solide prédication chrétienne sur la mort et les fins dernières n’est pas la seule raison de cette confusion entre funérailles et dernier hommage au défunt. En effet, quand on se penche sur le rituel des funérailles, on constate qu’il ouvre lui-même la porte à cette abstention, essentiellement par des gommages et des suppressions.

Ainsi, a été supprimée l’admirable séquence Dies irae, qui se place dans la liturgie traditionnelle après le Graduel et le Trait, et avant l’Évangile, puissant poème sur le Jugement dernier que les oreilles de nos contemporains ne sont apparemment plus en mesure de supporter :

« Jour de colère, que ce jour-là
Où le monde sera réduit en cendres,
[…] Lorsque le Juge siégera,
tous les secrets apparaîtront,
et rien ne restera impuni.
[…] Rappelle-toi, Jésus très bon,
que c’est pour moi que tu es venu,
ne me perds pas en ce jour-là.
À me chercher tu as peiné,
Par ta Passion tu m’as sauvé ».


Supprimé également le magnifique répons Libera me, chanté devant la dépouille à la fin de la messe de funérailles :

« Délivre-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour redoutable
où le ciel et la terre seront ébranlés, quand tu viendras éprouver le monde par le feu.
Voici que je tremble devant le jugement qui approche et la colère qui vient.
Ce jour-là, jour de colère, de calamité, de misère, jour mémorable et très amer.
Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière brille à jamais sur eux ».


La liturgie actuelle aime, on le sait, les monitions. Il se trouve que le Libera me traditionnel est précédé de celle-ci, elle aussi disparue :

« Seigneur, n’entrez pas en jugement avec votre serviteur, car nul ne peut être justifié devant vous, si vous-même ne lui accordez le pardon de tous ses péchés. Ne soumettez pas à une sentence de stricte justice celui que la vraie foi vous recommande par la prière. Mais qu’il puisse échapper par votre grâce à la condamnation, lui qui de son vivant a reçu l’empreinte de la Sainte Trinité ».

Soulignons toutefois que la demande de purification du défunt n’est pas totalement absente des oraisons nouvelles et notamment, mais pas seulement, de celles prévues pour les non-pratiquants :

« Accorde à notre ami le bonheur que tu réserves à tes fidèles ».

Il semble toutefois qu’il y a une sorte de respect humain, dans la nouvelle liturgie des funérailles, à trop évoquer l’indulgence, le repos, et a fortiori la « rosée » ou le « rafraîchissement » auxquels aspirent les âmes du Purgatoire au sein de leurs souffrances. Il n’est question, dans les textes nouveaux, que de l’« éloignement » de Dieu de ces âmes : autrement dit, on n’évoque que la peine du dam et on tait la peine du sens, fût-elle seulement spirituelle.

Plus étonnant encore : est écartée aussi, sauf en de rarissimes occurrences, la notion d’âme, que les hommes de notre temps ne sont sans doute plus capables d’entendre – et que les auteurs de l’édition typique du missel de 2002 ont eu la velléité de rétablir, tant cette omission est prodigieuse.

Le plus significatif est de considérer, au milieu de nombreuses prières au choix du Missel, les oraisons anciennes qui ont été, certes, conservées, mais substantiellement transformées.

La postcommunion de la messe traditionnelle de funérailles disait ainsi :

« Faites, Dieu tout puissant, que purifiée par ce sacrifice et délivrée de ses péchés, l’âme de votre serviteur (servante) N. qui a quitté ce monde aujourd’hui, obtienne à la fois son pardon et le repos éternel ».

Elle devient dans la liturgie nouvelle :

« Faites, Dieu tout puissant, que purifié par ce sacrifice et délivré de ses péchés, votre serviteur N. qui a quitté ce monde aujourd’hui, reçoive la joie éternelle de la résurrection ».

A été expurgée, bien qu’elle ne soit d’ailleurs pas absente de l’ensemble de l’oraison, la demande expresse d’« indulgence ».

Parmi les collectes au choix, la collecte traditionnelle retenue par la liturgie nouvelle disait :

« Ô Dieu, dont c’est le propre de toujours pardonner et de faire miséricorde, nous vous implorons pour l’âme de votre serviteur (servante) N., qu’aujourd’hui vous avez appelée à quitter ce monde : ne la livrez pas au pouvoir de l’ennemi et ne l’oubliez pas à jamais, mais ordonnez à vos saints Anges de la recevoir et de l’introduire dans la céleste patrie, afin qu’ayant cru et espéré en Vous, elle n’ait point à souffrir les poenas inferni, les peines de l’enfer, mais puisse entrer en possession des joies éternelles ».

Cette oraison est devenue :

« Ô Dieu, dont c’est le propre de toujours pardonner et de faire miséricorde, nous vous implorons pour votre serviteur N., aujourd’hui vous avez appelé à quitter ce monde : accordez-lui, parce qu’il a espéré et cru en vous, de parvenir à la vraie patrie et de jouir des joies éternelles ».

La prière rétroactive – tous les temps étant présents devant Dieu –, pleine de juste crainte de Dieu, demandant que la grâce n’ait pas abandonné l’âme lorsqu’elle quittait ce monde, n’a pas été retenue. Trop complexe théologiquement, sans doute.

Messe de Requiem à Saint-Eugène (Paris)
© Gonzague Bridault

III – LES INNOVATIONS DANS LE RITUEL

Il n’y a d’ailleurs pas que des gommages. Il y a aussi des rajouts liturgiques qu’on peut estimer malheureux.

Si, en soi, la crémation est tolérable, était-il besoin de prévoir expressément des textes liturgiques à utiliser au crématorium « avant que le corps ne descende dans le four, soit pendant qu’on le fait descendre, soit encore après » (Rituel des funérailles, n. 294) ?

Était-il besoin d’introduire une très imprudente messe « pour un enfant non encore baptisé » ?

À ce propos, on pense souvent que la doctrine des limbes des enfants morts sans baptême est aujourd’hui remisée. En réalité, la doctrine des limbes est une doctrine théologique très consolante, enseignée notamment par saint Thomas, qui cherche à préciser l’état (bonheur naturel) des âmes des enfants morts sans baptême. Elle peut être discutée, mais en revanche, l’Église, sans donner aucune précision sur leur « état » ou sur leur « lieu », enseigne clairement l’exclusion de la vision de Dieu pour ces enfants et elle enseigne tout aussi clairement la nécessité du baptême sacramentel ou du baptême de désir pour obtenir cette vision béatifique (cf. Innocent Ier, Clément IV, Benoît XII, Pie XII : « Dans l’ordre présent, il n’y a pas d’autre moyen [que le baptême] de communiquer cette vie à l’enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison. Et cependant, l’état de grâce, au moment de la mort, est absolument nécessaire au salut. Sans cela, il n’est pas possible d’arriver à la félicité surnaturelle, à la vision béatifique de Dieu », discours du 29 octobre 1951). Le document contemporain qui va en sens contraire n’est pas un enseignement pontifical, mais seulement une étude proposée à titre d’opinion par la Commission théologique internationale (« Du salut pour les enfants qui meurent sans baptême », 19 avril 2007).

Quoi qu’il en soit, la messe proposée par le nouveau Missel, certes manifestement destinée à consoler les parents, s’avance tout de même inconsidérément en laissant entendre que messes et prières peuvent influer sur le sort éternel de ces enfants : « Qu’ils [les parents] sachent le confier à ton amour ». En fait, jamais, dans aucune liturgie catholique traditionnelle, n’avait été prévue la sépulture chrétienne d’enfants morts sans baptême, lesquels ne sont nullement considérés comme des damnés mais qu’on ne peut pas ranger au nombre des chrétiens. Ni le Missel, ni le rituel des funérailles antérieur à Vatican II ne prévoient de cérémonie pour les non-baptisés, adultes ou enfants. En revanche, les enfants baptisés morts avant l’âge de raison sont enterrés selon des cérémonies où la certitude de la joie céleste que goûtent leurs âmes est exprimée (par exemple, comme on l’a dit plus haut, en célébrant la messe en l’honneur des anges : cf. Rituale Romanum, tit. 2, c. 6 et 7). Les corps de ces enfants étaient jadis placés de préférence dans un endroit spécial du cimetière, où l’on pouvait non prier pour eux, mais les invoquer comme de petits anges.

Mais l’adjonction la plus connue de la nouvelle liturgie dans le rituel des funérailles est celle de l’Alléluia dans les messes pour les défunts célébrés durant le temps pascal, et même, souvent, dans les autres temps, par exemple en utilisant ce refrain du psaume 26 ou du psaume 41 : « Ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur, Alléluia ». À tout prendre, il serait moins inadapté de chanter des alléluias le Vendredi Saint, et Jésus, au lieu de pleurer sur le tombeau de Lazare, aurait pu…

« Soyez miséricordieux, Seigneur, envers votre serviteur défunt. Qu’il n’ait pas à subir le châtiment que mériteraient ses actes, puisqu’il avait le désir de suivre votre volonté », dit la liturgie traditionnelle. La mort est par elle-même une grande prédication. Il se trouve que l’enterrement à l’église reste une des dernières occasions pour un nombre important de nos contemporains d’assister à une cérémonie catholique et d’entendre la prédication de l’Église. En l’espèce, le message qu’elle peut y recevoir devrait porter sur la vie humaine et son issue, sur « les appelés et les élus », sur le jugement de Dieu, sur la miséricorde qui découle du Sacrifice du Christ, sur le sort éternel des âmes qui quittent ce monde : « Venez les bénis de mon Père ; allez… ». C’est donc une exceptionnelle et comme dernière occasion de prédication et d’évangélisation qui reste offerte aujourd’hui.

Mais il y a, en outre, la pente de la pastorale nouvelle des obsèques – quand elles sont encore célébrées par un prêtre ; c’est un autre aspect qui se surajoute à l’affaiblissement que nous venons de constater et sur lequel nous reviendrons – qui conduit, hélas, très souvent à manquer cette occasion. Nous ne pensons pas exagérer en disant que, de fait, la tonalité dominante des funérailles aujourd’hui est : le paradis pour tous et tout de suite ! C’est un grand dommage pour les âmes et une bonne explication du désir de nombreux fidèles de revenir à la liturgie extraordinaire des défunts, pour eux-mêmes, leurs familles et leurs amis.

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(1) Dans le baptême ordinaire, les exorcismes et rites à valeur d’exorcisme ont disparu en quasi-totalité, ainsi que le très beau et très ancien geste du prêtre posant son étole sur l’enfant pour lui faire franchir le seuil de l’église.

(2) Voir Laurent Jestin, « Foi douteuse, espérance trop sûre d’elle-même. La dérive des funérailles chrétiennes », Catholica, automne 2007.

Source : fr.paix-liturgique.org/aff_lettre.asp

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LES FUNÉRAILLES : UNE OCCASION D’ÉVANGÉLISER À NE PAS PERDRE !

"Paix Liturgique"
Notre lettre 443 publiée le 10 juin 2014


Dans notre lettre 440, nous avons développé quelques réflexions à propos de la réforme du rite des funérailles et de ses conséquences sur l’abandon progressif de la prédication à propos des fins dernières de l’homme et, donc, sur la doctrine du salut. Cette semaine, nous appuyant sur les réactions de nos lecteurs, nous nous arrêtons sur certaines « choses vues et entendues », parmi les plus significatives, à l’occasion des enterrements dans nos paroisses. Prendre conscience du nombre d’occasions d’évangélisation qui se perdent lors des funérailles modernes – lorsqu’elles sont encore célébrées... –, c’est aussi rappeler que, grâce au Motu Proprio de Benoît XVI, les funérailles traditionnelles ont retrouvé droit de cité dans nos églises.

I – QUAND LE SACRÉ LE CÈDE AU PROFANE

« Dans les funérailles chrétiennes, nous ne nous réunissons pas pour rendre hommage aux défunts, mais pour louer Dieu et prier pour les défunts. La foi chrétienne, cependant, nous révèle le vrai sens de la mort et suscite l’espérance. » (L’Effort camerounais, journal de la Conférence épiscopale camerounaise).
Combien de fois entend-on, au contraire, que la messe des funérailles est célébrée « en l’honneur du défunt », ou au mieux « à la mémoire du défunt », telle la messe pour l’enterrement du général Jaruzelski, dernier dirigeant communiste polonais, dans la cathédrale de Varsovie, le 30 mai 2014, pour lequel les deux expressions ont été employées ? Faut-il vraiment aller jusqu’au Cameroun pour s’entendre rappeler le sens des funérailles chrétiennes ? Oui, si l’on en juge par ces quelques exemples, loin d’être exhaustifs, pris dans nos paroisses de France.

a) Santo subito ou le mort, ce héros
C’est le reflet le plus banal de la perte du sens des funérailles chrétiens. L’enterrement qui devient « enciellement », comme nous le relevions dans notre lettre 440. La vision surnaturelle du décès comme retour de l’âme du défunt auprès du Divin Juge disparaît au profit de la célébration de la vie terrestre du mort. Souvent, reconnaissons-le, ce sont les familles qui sont responsables de cette apologie du mort (1). Mais peu de prêtres ou de laïcs en charge des funérailles les freinent dans cette approche erronée, et certains même les encouragent. Du coup, non seulement on ne prie plus pour le repos de l’âme de l’être disparu mais on en arrive, parfois, à présenter le défunt – qui éventuellement ne mettait pas les pieds à l’église et vivait de la manière la plus païenne – comme exemple d’« amitié », d’« humanité », de « dévouement », de « joie de vivre », de « tolérance », etc., et de le prier pour les nécessités terrestres des vivants.

b) Sur les notes de « Highway to Hell »
En 2008 et 2009, des enquêtes des pompes funèbres anglaises et australiennes révélaient que la plupart des chants demandés lors des enterrements étaient profanes. Dans un cas comme dans l’autre le titre « Highway to Hell » – « Autoroute vers l’Enfer » ! – du groupe AC/DC figurait dans le « top 10 ». Certes, il ne s’agissait pas là, dans un cas comme dans l’autre, d’une étude menée exclusivement lors de funérailles catholiques mais, par contagion et par ignorance, de tels chants ont bel et bien contaminé les obsèques catholiques. De nombreux évêques, toutefois, ont pris conscience du problème et publié des décrets rappelant les normes liturgiques et interdisant expressément tout chant profane lors des célébrations. Reste qu’il est difficile de corriger les mauvaises habitudes, surtout quand le sens même des funérailles chrétiennes n’est pas rappelé aux familles et que certains responsables laïcs de la préparation des funérailles estiment qu’il est « normal de passer des chansons ou de la musique profane dans l’église, car il s’agit de montrer qu’on a de la compassion pour la famille et les amis du défunt ». (2)

c) On enterre bien les francs-maçons...
Ce qui est dit pour la musique vaut aussi pour les interventions orales qui viennent souvent s’insérer dans la liturgie au point, parfois, d’empiéter sur les lectures. Poésies, évocation de souvenirs intimes, histoires drôles, diffusion d’enregistrement de la voix du défunt, déballage de linge sale familial, etc. : tout y passe ! On ne prie pas pour le défunt mais on raconte sa vie. Cette « profanation » liturgique, au sens littéral du terme, atteint son paroxysme lorsque le geste est joint à la parole. Ainsi, des objets chers au défunt – son ballon de foot, sa guitare, etc. – sont parfois posés sur ou à côté du cercueil. Cette paganisation des funérailles chrétiennes vire au scandale public lorsque ces objets rappellent explicitement l’engagement du défunt contre l’Église et, en particulier, son appartenance à la franc-maçonnerie. Un exemple parmi d’autres : le 14 novembre 2013 ont été célébrées en la cathédrale de Perpignan les obsèques d’un élu local, franc-maçon notoire, dont le cercueil portait ostensiblement les signes de son obédience... (3)

d) … mais pas les inconnus !
« Votre grand-mère n’était pas paroissienne, je n’ai pas le temps de l’enterrer, voyez avec l’équipe funérailles. » Cette phrase, prononcée par un curé à l'un de nos lecteurs, résume bien tout le drame du rapport entre de nombreux curés d’aujourd’hui et le peuple catholique. Pyramide des âges oblige, le nombre de funérailles à célébrer demeure constant malgré la déchristianisation de la population, et ce alors même que le nombre des prêtres ne cesse de diminuer. De fait, la célébration des funérailles apparaît pour de nombreux prêtres comme une contrainte dont ils n’ont parfois aucun scrupule à se libérer. Le résultat est bien entendu de nourrir le désarroi et l’incompréhension des familles et, pour peu qu’elles soient déjà éloignées de l’Église, de les en séparer encore davantage. Il est vrai que dans certains ensembles pastoraux ruraux, où le prêtre dessert trente ou quarante paroisses, il lui est pratiquement impossible de célébrer tous les enterrements. Mais des solutions peuvent être trouvées, et ont d’ailleurs été expérimentées dans certains diocèses, par exemple celle de l’utilisation de prêtres traditionalistes auxquels on se refuse pour l’instant à donner un vrai service paroissial.

II – DES RESPONSABILITÉS PARTAGÉES

Comme on l’a dit, les responsabilités sont partagées. Les prêtres cèdent bien souvent à la « demande » des usagers de la liturgie, qu’ils soient chrétiens pratiquants ou non pratiquants, voire areligieux. Il y a en effet une tendance lourde de la société contemporaine à bannir tout signe de deuil. Ainsi les pompes funèbres ont-elles abandonné la couleur noire en France pour la remplacer par le gris, jugé moins traumatisant. Et le succès de la crémation des cadavres, plus qu’une pratique hostile au catholicisme qui jusque-là la réprouvait, tient au fait qu’il s’agit pour nos contemporains, au-delà d’une question d’argent, d’effacer au plus vite de leur esprit l’aspect dégradant de la mort et la pensée du sort que la nature réserve au cadavre.
La liturgie habituelle des paroisses s’adapte malheureusement à ce climat, en même temps qu’elle le favorise. Par exemple en adoptant le violet, mais aussi parfois le blanc (!), de préférence au noir ; ou bien en choisissant des chants à tonalité festive, que ce soit par leur musique ou par leurs paroles.
Couleur blanche des ornements, chant festif et lumignon posé sur le cercueil participent de la diffusion de la croyance fausse que la gloire du ciel est automatiquement acquise. Surtout si la prédication devient un discours minimal sur les fins dernières, pour ne pas dire une absence de discours. Partant du principe erroné que l’assemblée n’est pas disposée à entendre la catéchèse de l’Église sur ces questions – notamment parce qu’elle compterait de nombreux non pratiquants voire non croyants –, le contenu délivré par de nombreux prêtres durant la cérémonie, et manifesté par la cérémonie elle-même, est celui de l’annonce d’une joyeuse entrée au ciel du défunt si celui-ci était pratiquant, ou, s’il était éloigné de la pratique des sacrements, de considérations à tonalité humaniste ne risquant de choquer personne.
Quant à la notion de « scandale » que peut éventuellement avoir donné le défunt – s’il est mort dans une situation de péché public –, elle est désormais inconnue. On enterre en effet de manière aussi « festive », avec tous les honneurs de la liturgie, aussi bien un homme politique pourvoyeur de lois immorales, un mari indigne ou un artiste blasphémateur qu’un chrétien fidèle. Le scandale – au sens strict du terme : mauvais exemple moral – est alors dans le fait qu’un pécheur notoire, mort sans avoir manifesté de repentance, est considéré comme s’il s’était « endormi dans le Seigneur ».
Mais, comme en témoigne un prêtre diocésain : « Il est difficile de résister à la pression des familles qui, ne connaissant pas le sens des funérailles chrétiennes, prétendent introduire des éléments profanes, parfois même provocateurs, dans les cérémonies d’enterrement. Souvent, les proches du défunt s’étonnent de mon refus d’insérer dans la cérémonie des témoignages sans référence au catholicisme, donnés par des amis dépourvus de toute préoccupation surnaturelle. Le modèle "liturgique", entre guillemets, donné par la télévision, et notamment par les téléfilms américains, est dévastateur. Bien des gens confondent la "liturgie" syncrétiste hollywoodienne vue à la télé, avec la liturgie catholique... ».

III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Si, comme l’affirme le Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle de la Conférence des évêques de France, « la célébration des sépultures est devenue, du fait des circonstances, l’un des analyseurs privilégiés de la nécessité pour l’Église de respecter la volonté du concile Vatican II concernant la participation des baptisés aux actions liturgiques », alors il faudrait ajouter aux figures des fidèles ignorants et des prêtres désemparés, celles des laïcs membres des équipes funérailles, souvent chargés, si ce n’est de la cérémonie elle-même, au moins de l’accueil des familles. Et, à écouter le témoignage d’un de nos lecteurs, organiste, on peut s’interroger sur la qualité d’un certain nombre de préparations par les équipes de funérailles : « Régulièrement, j’entends les laïcs responsables des funérailles me dire de ne pas "exagérer" avec le grégorien pour justifier des choix musicaux vulgaires : "Vous comprenez, les gens n’ont pas le niveau", m’explique-t-on parfois. Pourtant je vous assure que très souvent les fidèles viennent me remercier à l’issue de la messe pour la beauté de l’accompagnement. Parce que "cela aurait plu au défunt", mais aussi parce que "ça aide à prier". Parfois, les laïcs en charge des funérailles me disent aussi que "ce n’est pas la peine de vous donner du mal car il n’y aura personne à la cérémonie"... Comme si c’était l’importance numérique ou sociale de l’assemblée qui devait décider de la qualité de la cérémonie ! »

2) Si la majorité des familles se méprend sur le sens des funérailles chrétiennes, il en reste toutefois de nombreuses, même éloignées de l’Église, qui cultivent encore le désir d’une cérémonie digne et belle. Comme en réponse aux jugements (qui pourraient apparaître comme trop hâtifs) rapportés au paragraphe précédent, un lecteur nous rappelle que « Faites quelques chose de priant, s’il vous plaît ! » est une requête souvent entendue dans les sacristies. Une requête qui, en réalité, n’est pas surprenante tant la perte d’un être proche peut raviver les souvenirs de catéchisme et la saine crainte du jugement de Dieu. C’est d’ailleurs parce que les funérailles, plus encore que le baptême, sont une occasion unique de réveiller le désir du retour vers Dieu, mû au fond du cœur de tous par la grâce qui ne manque jamais, qu’il est déplorable qu’elles soient de nos jours à ce point profanées (au sens, une fois encore, de rendues profanes).
Si, comme le répète le pape François, la nouvelle évangélisation passe certainement par le fait de « sortir » de nos églises et de nos habitudes, elle doit aussi profiter des rares moments où nos contemporains « du dehors » entrent dans les lieux de culte. Le soin apporté à la liturgie des funérailles et à la prédication qui l’accompagne, devrait redevenir un souci pastoral prioritaire des prêtres. À cet égard, la pratique de la liturgie traditionnelle représente à coup sûr un instrument providentiel pour aider ces prêtres à retrouver le vrai sens des funérailles chrétiennes.

3) « Quelle belle cérémonie ! Merci pour votre sermon M. l’abbé, merci à la chorale. » Cette réaction, entendue à la sortie d’un cimetière l’été dernier en Bourgogne, à la fin d’une cérémonie de funérailles traditionnelle, résume bien le sentiment éprouvé par les personnes amenées à l’enterrement d’un de leurs proches selon cette liturgie. Les témoignages en ce sens sont innombrables et unanimes. L’intéressant, en l’occurrence, est que ce jour-là, se substituant à un prêtre Ecclesia Dei empêché, c’était un prêtre diocésain qui officiait et qui a pu recevoir ces remerciements auxquels les prêtres traditionnels sont habitués.
Ceci illustre bien comment, ici aussi, le Motu Proprio Summorum Pontificum a changé la donne : alors que de nombreuses familles ont souffert de se voir refuser, des années 1970 jusqu’aux années 2000, une église pour y célébrer la messe d’enterrement d’un de leurs proches parce qu’elles – ou le défunt lui-même – avaient la volonté que cette messe soit célébrée dans le rite traditionnel, non seulement les funérailles traditionnelles ont droit de cité dans les églises diocésaines mais il est aussi possible de voir un prêtre diocésain les célébrer en personne, prêcher sur les fins dernières et le salut de nos âmes... et emporter l’adhésion de l’assemblée.

Lors d’une conférence de presse donnée le jour de la parution du Motu Proprio Summorum Pontificum, le 7 juillet 2007, à Paris, avenue de Breteuil, au siège de la CEF, le cardinal Ricard, alors président de la Conférence des Évêques, avait évoqué l’éventuel refus opposé à un demandeur du baptême, du mariage, ou de funérailles selon l’ancien rituel. Dans ce cas, disait-il, il faut que les demandeurs fassent recours à la Commission Ecclesia Dei. Mais le cardinal avait immédiatement apporté une nuance en remarquant que pour des funérailles, la famille n’a pas le temps suffisant pour un recours : il fallait donc que l’on soit particulièrement favorable à ces demandes.

N’est-ce pas là un très beau fruit de cet enrichissement mutuel des deux formes du rite romain ? Dans ce même sens, des réflexions ont été lancées pour élaborer une pastorale spécifique de funérailles traditionnelles : il s’agirait, par exemple, pour des groupes de chantres et grands clercs (ou pour des groupes de pénitents existants en certains lieux), de proposer, avec l’aide d’un prêtre, de célébrer des funérailles en chant grégorien et selon la forme extraordinaire aux familles qui en feraient la demande.

4) En tout cas, chers amis, prêtres, quelle que soit la forme liturgique que vous pratiquez, ne manquez pas de prendre les obsèques comme une occasion unique de rencontrer des âmes toutes disposées à s’interroger sur la voie du salut et, donc, comme un des temps les plus propices à leur conversion et à leur retour à la grâce.

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(1)
On pourrait objecter que les grandes oraisons funèbres (Bossuet, Massillon, etc.) usaient souvent de dithyrambe pour rendre hommage au défunt. Mais il faut noter que les fins dernières étaient toujours rappelées, parfois de manière si terrible qu’on ne la supporterait pas aujourd’hui, et qu’en outre, l’oraison funèbre n’était pas considérée comme une homélie, mais comme un discours sacré prononcé in nigris (en soutane, sans surplis) par l’orateur sacré, non pas après l’évangile, mais à la fin de la cérémonie, avant l’absoute.
(2) Propos d’une formatrice liturgique du diocèse d’Auch rapportés par l’association Pro Liturgia en 2011.
(3) Lorsqu’en 1865, Mgr Darboy, archevêque de Paris, crut bon de donner l’absoute, aux Invalides, pour l’enterrement du maréchal Magnan, Grand Maître du Grand Orient, le pape Pie IX déplora, par une lettre du 26 octobre 1865, cet acte religieux accompli alors « …que le défunt, pendant sa vie, avait eu le malheur de remplir la charge de cette secte proscrite, communément appelée du nom de Grand Orient ».

Source : fr.paix-liturgique.org/aff_lettre.asp

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Album ACTU
AveMaria44
Ce ne sont pas des carences, mais des mutilations voulues, par les soi-disant réformateurs. Et c'est pour cela que toute cette réforme est viciée par l'intention fondamentale qui est celle du faux-oecuménisme, d'un soi-disant retour au sources, ce qui a pour conséquence que ses rites sont invalides. De même que les ordres anglicans furent déclarés invalides par Léon XIII, à cause de l'intention …Plus
Ce ne sont pas des carences, mais des mutilations voulues, par les soi-disant réformateurs. Et c'est pour cela que toute cette réforme est viciée par l'intention fondamentale qui est celle du faux-oecuménisme, d'un soi-disant retour au sources, ce qui a pour conséquence que ses rites sont invalides. De même que les ordres anglicans furent déclarés invalides par Léon XIII, à cause de l'intention viciée qui avait présidé à l'élaboration des nouveaux rites.Non par l'intention du célébrant, mais par celle qui a présidé à la démolition.
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