Sainte Thérèse de Lisieux habillée en Sainte Jeanne D'Arc

1749

Le destin de cette photographie >>> "Le 8 mai 1895, le journal La Croix, publie une lettre demandant aux lecteurs de prier la vénérable Jeanne d'Arc pour la conversion d'une certaine miss Diana Vaughan qui s'est fait mal voir de la secte luciférienne à laquelle elle appartient, en refusant de profaner une Hostie. Succès inespéré : le 13 juin, jour de la Fête-Dieu, Diana, terrassée par la grâce, se convertit et accède d'un bond à l'héroïsme, s'offrant en victime par l'intermédiaire de Jeanne d'Arc qui l'avait défendue contre une formidable attaque de quatre démons.
C'est le début d'une gigantesque tromperie qui va abuser la quasi-totalité des catholiques français, convaincus d'avoir affaire à une nouvelle Jeanne d'Arc capable de les délivrer de la franc-maçonnerie (...).
Le 21 juin 1896, un vent de Croisade souffle sur le carmel de Lisieux qui a suivi avec un vif intérêt l'itinéraire de cette jeune femme arrachée à Satan. Pour restaurer l'union des cœurs dans une communauté en proie au malaise d'une élection houleuse, depuis le 21 mars précédent, il faut donner un éclat exceptionnel à la fête de la prieure élue, mère Marie de Gonzague. Sur le ton du divertissement, la jeune maîtresse des novices rappelle par la saynète composée pour l'occasion, "Le triomphe de l'humilité", la gravité du combat spirituel entre l'Église et le Prince des ténèbres. Une vie pauvre, chaste et obéissante ne suffira pas à assurer aux carmélites la victoire sur Satan si elles négligent la seule “arme” vraiment “toute-puissante” : une humilité semblable à celle de la Vierge Marie. Avoir de l'amour-propre, “c'est fournir à l'orgueilleux Satan l'arme la plus sûre”. Le désordre qui a régné dans le couvent au moment des élections en est la preuve. L'orgueil, l'ambition et la jalousie peuvent mettre le Carmel par terre.
Pour stimuler l'ardeur de ses sœurs, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face, lectrice ingénue des “Mémoires” prétendus de Diana Vaughan, s'était inspirée de l'extraordinaire et dramatique conversion de cette «nouvelle Jeanne d'Arc». Qu'elle aille donc jusqu'au bout de son combat contre Lucifer, non plus en luttant par des armes démocratiques mais en se faisant carmélite à Lisieux, afin d'y apprendre la voie d'enfance et de remplir ainsi sa mission !
Au cours de l'été 1896, mère Agnès suggère à sa jeune sœur de composer quelques vers à l'adresse de Diana Vaughan. Rien de plus facile pour sainte Thérèse. Pourtant, pour la première fois et à son grand étonnement, celle-ci demeura impuissante à écrire le premier mot. Il fut donc décidé que l'on enverrait une photographie d'elle et de Céline, dans la scène de Jeanne d'Arc en prison, consolée par sainte Catherine. La prétendue “convertie” remercia par une lettre où elle jouait les persécutées, obligée de se cacher par prudence...
En automne, cependant, de bons esprits mettent en doute l'existence de Diana Vaughan. Une commission romaine est chargée de mener une enquête. Sainte Thérèse commencera à se méfier à partir de février 1897. Mais la photo et la lettre avaient déjà été envoyées l'été précédent ! La polémique s'envenime et miss Vaughan est sommée de se manifester en chair et en os. Amis et ennemis sont alors convoqués à une conférence de presse, dans la grande salle de la Société de Géographie à Paris, le 19 avril 1897. À l'ouverture de la séance, la salle est comble et la “lanterne magique , appareil à lumière oxhydrique, projette sur grand écran un “tableau” de la Vénérable Jeanne d'Arc enchaînée dans sa prison, qui n'est autre que la photo envoyée par sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face. On ne pouvait choisir symbole plus approprié en cette soirée où la “mission” de Diana Vaughan touchait à son terme !
Paraît alors sur la scène non pas Diana Vaughan, qui n'a jamais existé ! mais (...) Léo Taxil qui jette le masque ! L'imposteur révèle sa mystification, faisant étalage de sa perfidie, multipliant les insultes et les moqueries à l'adresse de l'Église et de tous les catholiques. La salle est soulevée d'indignation ! Ignoble spectacle. Horrible humiliation pour sainte Thérèse. Quand elle apprend l'affront, elle l'accepte, sans un mot de révolte ; elle déchire seulement la lettre reçue naguère de Diana Vaughan alias Léo Taxil, et la jette sur... le tas de fumier du jardin du Carmel.
Assise dans son noir cachot, celui de la nuit obscure où elle est plongée depuis un an, souillée par les outrages des impies, elle médite sur le sort de Jeanne d'Arc trahie par les siens, afin que la lumière de la Foi brille enfin pour les «pauvres incrédules».
Comme s'il n'avait pas suffi de la trahison de Compiègne et du bûcher de Rouen, voilà sainte Jeanne d'Arc victime d'une nouvelle félonie, puisque c'est sous ses traits que sainte Thérèse est bafouée. Celle-ci est donc doublement blessée par la profanation.
Sous l'outrage, elle connaît la même humiliation que son père. Mais c'est alors qu'elle remporte en secret le “triomphe de l'humilité”, pendant que l'épreuve de la Foi dévore son esprit, comme un feu sorti de l'enfer, et que les horreurs de la souffrance physique consument son corps.
Une nouvelle fois, nous découvrons en notre sainte la figure de l'Église en proie à l'infestation satanique, à l'heure des ténèbres modernistes et de la grande apostasie. Hier, la vénérable sœur Marie-Lucie du Cœur Immaculé, la voyante de Fatima, carmélite à Coïmbra, combattue dans sa mission, se trouve dans la même déréliction que Jeanne d'Arc dans sa prison. Méprisée, vilipendée, elle se heurte à la lâcheté, à la duplicité et à l'hypocrisie de la hiérarchie. Mais l'humiliation, par laquelle on parvient à l'humilité, est le propre des vocations véritablement prédestinées. Elle n'empêche pas l'œuvre de Dieu; au contraire, elle est comme le porche obligé de la fécondité de la vie apostolique, ouvrant sur la gloire céleste."