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La Fontaine, Fables - Le Corbeau et le Renard (Explication linéaire) « Est-ce que le lecteur ne serait pas tenté d’imiter le Renard pour mieux tromper les Corbeaux de ce monde ? À l'étude de texte, …Plus
La Fontaine, Fables - Le Corbeau et le Renard (Explication linéaire)

« Est-ce que le lecteur ne serait pas tenté d’imiter le Renard pour mieux tromper les Corbeaux de ce monde ?
À l'étude de texte, il semblerait bien qu'au contraire, La Fontaine démonte les stratégies du flatteur pour les rendre inefficaces.
La Fable est finalement un outil de vérité et de lucidité, à l'opposé d'une entreprise de manipulation ! »
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Au XVIII° siècle, dans l’Émile, Rousseau déconseille les fables de La Fontaine pour les enfants, car il craint qu’ils ne prennent modèle sur le personnage le plus trompeur : Est-ce que le lecteur ne serait pas tenté d’imiter le Renard pour mieux tromper les Corbeaux de ce monde ? Est-ce qu’il ne donne pas le beau rôle au courtisan et à l’hypocrite ? Chez La Fontaine, le langage est double, …Plus
Au XVIII° siècle, dans l’Émile, Rousseau déconseille les fables de La Fontaine pour les enfants, car il craint qu’ils ne prennent modèle sur le personnage le plus trompeur : Est-ce que le lecteur ne serait pas tenté d’imiter le Renard pour mieux tromper les Corbeaux de ce monde ? Est-ce qu’il ne donne pas le beau rôle au courtisan et à l’hypocrite ? Chez La Fontaine, le langage est double, il est capable du meilleur comme du pire.

Mais vous allez voir que le travail d’écriture du fabuliste révèle les mécanismes de la flatterie pour mieux les dénoncer : l’orgueil qui aveugle le Corbeau n’est qu’un de ces ressorts.
Ainsi, la fable reste un outil de vérité, pas de tromperie.

Comment la mise en scène de ces deux animaux révèle-t-elle la duplicité du langage, faisant de la fable un outil de vérité, et non de manipulation ?

- Un détour par les animaux pour mieux parler des humains,
- Un art du récit qui emprunte ses effets au théâtre,
- Un regard satirique sur la société du XVII°,
- La dimension universelle de la fable,
- Une fable qui s’inscrit dans une série de réécritures,
- Une description minutieuse des ressorts de la flatterie,
- L’utilisation de l’humour pour corriger les mœurs,
- Et enfin, le pouvoir moralisateur de la fable.

Comment le flatteur parvient-il à toucher l’orgueil de son interlocuteur ?

D’abord, il le met au centre de son discours avec la deuxième personne du pluriel.
Ensuite, il lui attribue un titre de noblesse : « Monsieur du corbeau »...
La flatterie n’est pas le fait des animaux, mais bien des hommes.
La flatterie ne repose que sur l’excès d’orgueil du corbeau.

En montrant les ficelles de ce discours direct, La Fontaine joue de façon très subtile avec la double énonciation qui est normalement propre au théâtre : Ce qui est dit sur scène est aussi indirectement adressé au spectateur...

Le pronom défini « le » désigne seulement le corbeau : c’est sur lui que tombe le ridicule, le lecteur ne peut pas se sentir visé. Par contre, le pronom indéfini « on » désigne bien tous les flatteurs du monde : c’est une mise en garde universelle. Ainsi, la fable ne donne pas l’hypocrisie en modèle, comme pouvait le craindre Rousseau. Au contraire, elle l’empêche de nuire, en divulguant à chacun les ressorts cachés de la flatterie. La Fontaine démonte les méthodes des flatteurs pour les rendre inefficaces.

La Fontaine utilise des animaux pour représenter des types humains, et notamment des défauts qui sont universels. Mais c’est aussi pour lui l’occasion d’aborder des débats très vifs dans la société de son époque : la préciosité, l’hypocrisie.

En utilisant le genre de la Fable, et en introduisant des écarts avec les versions les plus anciennes, La Fontaine utilise toutes les ressources du récit. Souvent il s’approche de la comédie, et fait des clins d’œil au lecteur comme s’il était spectateur de la scène.
Comme Molière, La Fontaine utilise le rire pour mieux corriger les meurs.

Mais on peut s’interroger sur la valeur morale de la fable : Est-ce que le lecteur ne risque pas de prendre modèle sur le personnage le plus cynique ?

Au contraire, dans toute sa mise en œuvre, la fable représente bien une manière d’utiliser le langage qui, loin de valoriser la dissimulation, se trouve du côté de la lucidité et la vérité en donnant à voir les ficelles de l’art des hypocrites.
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Quelques procédés littéraires :

Parallélisme : Répétition d’une même construction syntaxique.
Enjambement : La phrase est prolongée d’un vers à l’autre.
Polyptote : Un même mot décliné sous des formes différentes.
Assonances : Retour de sons voyelles.
Gradation : Augmentation en intensité.
Héroï-comique : Style noble pour parler d’un sujet bas.
Antiphrase ironique : Une phrase qui laisse entendre l’inverse de ce qu’elle dit.
Apologue : Le récit n’est qu’un support pour faire passer un message moral ou philosophique.
Présent de vérité générale : Pour parler d’une action vraie en tout temps.
Discours indirect : Les paroles rapportés sont reformulés par le narrateur.
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Illustration de Grandville (1838-1840)