Don Reto Nay
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Jean-Yves Leborgne : «La condamnation discutable d’un cardinal»

07 avril 2019, 12h08

Dans une tribune au Parisien-Aujourd’hui en France, Jean-Yves Leborgne, avocat, ancien vice-bâtonnier du barreau de Paris avec Olivia Dufour, présidente du cercle des journalistes juridiques, revient sur le procès de l’archevêque de Lyon.

Jean-Yves Leborgne, avocat, ancien vice-bâtonnier du barreau de Paris et Olivia Dufour, présidente du cercle des journalistes juridiques

« En refusant la démission du cardinal Barbarin au nom de la présomption d’innocence, le pape a fait un choix à la fois éclairé et courageux. Eclairé parce qu’il a ainsi montré qu’il n’était pas dupe de l’instrumentalisation qui a été faite de cette affaire. Courageux parce qu’il faut l’être pour tenir tête à la pression des médias. Une pression qui a fabriqué un dossier injuste sur le fondement de faits réels et profondément regrettables, mais auxquels il était parfaitement étranger. C’est ainsi qu’est intervenue la condamnation discutable du cardinal. De l’aveu même de ceux qui sont à son origine, le but de cette action en justice n’était pas d’obtenir sa condamnation -ils en ont d’ailleurs été les premiers surpris -mais d’ouvrir un débat, d’exprimer une douleur.

Si l’on comprend la légitimité de cette revendication, il faut rappeler avec force qu’il n’entre pas dans la mission de la justice d’animer des débats ou d’orchestrer des forums de parole. Une telle instrumentalisation est grave car dans l’esprit du public, quiconque est traduit en justice est immédiatement enveloppé d’une lourde suspicion. Insensible à la pression médiatique, le procureur de Lyon, après enquête, a classé la plainte. Nous étions en 2016 et il était question de non-assistance à personne en danger et de non-dénonciation d’actes pédophiles pour des faits antérieurs à… 1991.

Le plaignant initial n’avait lui-même pas porté plainte lorsqu’il avait saisi le cardinal et demandait simplement qu’on écarte le prêtre concerné. Plusieurs mois après le classement, il a décidé avec d’autres victimes que l’affaire devait être envoyée en justice ; ensemble ils ont cité le cardinal et cinq personnes de son entourage devant le tribunal correctionnel. Ainsi s’est tenu en janvier dernier le procès médiatique qu’on désirait. Cette procédure aux fondements si fragiles aurait pu s’arrêter là comme le demandait le procureur de la République. Peut-être cette issue judiciaire eût-elle été choisie s’il n’y avait pas eu tant d’articles, de caméras et le film d’Ozon.

Mais l’opinion chauffée à blanc aurait-elle supporté une relaxe ? On ne peut exclure également que la justice ait saisi cette opportunité pour rappeler que la loi républicaine devait l’emporter sur l’autorité de toutes les Eglises. C’est ainsi que fut condamné le cardinal alors que, curieusement, les cinq autres personnes, qui détenaient les mêmes informations étaient mises hors de cause. Comment interpréter cette incohérence ? L’opinion pense souvent que dans certains cas, la loi doit être oubliée pour que l’équité l’emporte.

Mais, pour qui a lu attentivement le dossier, le cardinal Barbarin non seulement n’a pas couvert un pédophile pour éviter le scandale, mais, au contraire, il s’est tenu à la disposition des plaignants et les a même encouragés à agir pour trouver des victimes dont les dossiers ne seraient pas prescrits. Au point que celui qui a déclenché l’affaire lui écrivait en novembre 2015 : Mes enfants en juin et moi-même vous avions prévenu de notre démarche judiciaire et je sais que vous étiez supporteur de ma démarche (je vous en remercie)…

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